[Y] SN : nouvelle version

Azaëlle Lustig.
Trafiquante spécialisée dans la capture des Pokémon à l’état sauvage.
C’est bien plus simple, pour nous autres, clients. Pas de problème de vol, pas de problème d’appartenance, pas de problème d’autorité. Un simple échange, une somme assez conséquente à payer, et tout est réglé. Le Pokémon recherché est nôtre, et personne ne peut le contester car finalement, tout est légal. Ou presque.

Azaëlle Lustig. Elle est l’une de ces spécialistes.
J’ai rendez-vous avec elle aujourd’hui. Pour parler affaires. J’aurais besoin de ses services et de ses talents. Je sais parfaitement ce qu’elle est capable de faire, je l’ai déjà rencontrée voilà déjà près de trois ans. Elle avait effectué un contrat pour l’un de mes amis. C’est à cette période que je l’ai connue, bien que nous ne nous sommes qu’à peine croisés. J’ai des souvenirs assez flous de sa personne, mais l’image d’une jeune femme particulièrement séduisante me revient en mémoire. Et particulièrement douée. En trois jours, le contrat fut bouclé. Elle est repartie directement après et n’est finalement restée qu’une semaine dans la région. Elle sait se faire discrète lorsque la situation l’exige. Bien que je connaissais son visage, j’ai appris son nom tardivement, des semaines après notre première rencontre. Et j’ai mis longtemps avant de pouvoir la contacter, afin d’organiser le rendez-vous d’aujourd’hui.

Elle a rapidement posé ses conditions. Une rencontre non-officielle, dans un lieu tranquille, de jour. Nous nous sommes immédiatement mis d’accord sur un café du centre de la ville, que je fréquente souvent, où ma présence est par conséquent peu remarquée, et dans lequel elle n’a jamais posé les pieds. Je l’y attends maintenant depuis une vingtaine de minutes. Elle n’est pas en retard, loin de là. Je suis toujours en avance, au contraire.

Je l’attends donc dans ce café que je ne connais que trop bien. Il est presque plein en ce jour, et je pense avoir eu de la chance d’avoir trouvé une table postée au fond de la large salle, à l’écart des autres clients et du bar. Etant un habitué, je n’ai pas eu besoin d’aller voir l’un des serveurs pour qu’on m’amène une tasse de café fort, noir et sans sucre, qui fume désormais devant moi, déjà à moitié vidée. J’en bois d’ailleurs une nouvelle gorgée.

Une jeune femme rentre enfin, en franchissant discrètement la porte principale. Elle regarde vaguement autour d’elle, avant de rehausser sur son épaule droite son sac en bandoulière.
Indéfinissable. C’est ainsi que je la qualifierais. J’ignore si sa chevelure est blonde ou rousse. J’ignore si ses yeux sont bruns ou verts. Elle est à la fois unique et un subtil mélange de tout ce qui peut l’entourer. Elle se fond parfaitement dans la foule, sa petite taille et sa minceur accentuant encore cette impression que j’ai d’elle. Son regard légèrement maquillé se pose sur moi. Une petite étincelle s’y allume : elle m’a reconnu. C’est elle.
Azaëlle Lustig.
Elle se dirige vers moi, évitant avec élégance les quelques personnes se trouvant sur son passage, sans en effleurer ne serait-ce qu’une seule. Elle interpelle rapidement la serveuse, puis lui lance un sourire charmeur en pointant ma table. Elle ne cesse de la suivre du regard que lorsque la barmaid se trouve à nouveau derrière le comptoir. Puis elle continue son chemin avant de s’arrêter devant moi en me fixant de ses yeux vairons.

Je me lève pour aller à sa rencontre. Elle me tend sa main. Je la lui serre tout en évitant soigneusement de ne pas trop y mettre de force, comme je pourrais le faire face à des collègues masculins. Mais elle m’offre une poignée de main étrangement ferme et délicate.

« Monsieur Alcmène. »

Elle me salue d’une voix douce, posée, calme. Comme elle. Elle ne me paraît pas paniquée, elle semble parfaitement savoir quoi faire. Le timbre est rond, ni trop aigu, ni trop grave. Ses dires sont clairs, distincts, sonores. Ils sonnent dans la salle comme si nous y étions seuls. En deux mots seulement, je réussis à distinguer dans sa voix le léger accent chantant des régions du Sud. Peut-être Hoenn ou les Îles Sevii. Je l’ignore.
Elle me fixe, un sourire déterminé flottant sur ses lèvres. Sa main se serre légèrement tandis que je vois ses yeux tressaillir. Je finis tout de même par lui répondre.

« Mademoiselle Lustig. »

Sa main se retire soudainement de la mienne. Elle s’assois tranquillement sur la chaise en face de moi, croise les jambes, pose son coude sur la table puis sa joue dans sa paume. Je l’accompagne dans ce geste, reprenant place devant ma tasse de café. Elle se tient parfaitement droite, le dos à peine courbé en arrière comme pour mettre en valeur sa poitrine. Quelques cheveux retombent devant ses yeux, mais elle les balaie rapidement d’un vif geste de la main. Et elle me fixe toujours. Elle attend patiemment que je lui donne les raisons de ma demande, de ce rendez-vous d’affaire. Derrière ce visage d’ange se cache une patience et une détermination à toute épreuve. Jamais elle ne posera les questions en première. C’est à moi de le faire. D’être clair, précis.  Et seulement, elle décidera si elle accepte ou non mon offre.

*****

Extrait de l’interrogatoire d’Azaëlle Lustig.
15 Juin 2013.

Connaissiez-vous M. Alcmène ?

Qui ne connaissait pas Lysandre, sérieusement ? Lysandre Alcmène, l’entrepreneur le plus célèbre de Kalos ! Je l’ai connu bien avant que lui me connaisse. C’est une question stupide.

Quand avez-vous connu M. Alcmène ?

Il y environ trois ans. J’effectuais un contrat à Illumis lorsque nous nous sommes croisés, quand je sortais de chez mon client. Je l’ai reconnu immédiatement, bien que son entreprise n’était pas encore aussi florissante qu’aujourd’hui. Sinon, nous nous sommes revus il y a un peu moins d’un mois, dans un café du centre de la capitale, pour parler affaires. Nous nous étions mis d’accord sur ce lieu, car il le fréquentait, et y organisait souvent des rendez-vous professionnels. Etant donné sa notoriété, je ne souhaitais pas que sa présence soit remarquée. S’il n’avait jamais mis les pieds dans le lieu du rendez-vous, nous n’aurions pas pu y être tranquilles. Dans tous les cas, avec un tel client, je me doutais que nous ne serions tranquilles nulle part.

Quelle était la nature de votre contrat ? Ses termes exacts ?

Lysandre voulait que je récupère Yveltal, l’un des légendaires de votre région, et que je trouve comment le réveiller.
J’ignorais encore pourquoi à ce moment-là…

*****

Elle me fixe. Ses yeux vairons se plissent imperceptiblement alors que son visage reste dans une expression des plus neutres. Elle n’a pas l’air particulièrement emballée par mon offre. Même si elle tente de ne pas me le montrer, je le vois parfaitement. Je crains qu’elle ne refuse, et que je me retrouve sans aide. Je ne connais qu’elle qui soit capable de réaliser ce que je lui demande. Je veux que ce soit elle.
Elle finit tout de même par parler.

« Je ne cours plus après les chimères, M. Alcmène. »

Je note ce point, tique sur la phrase, l’analyse.

« Ce qui signifie que vous le faisiez. Avant. »

Son sourire s’accentue légèrement, ses mains se rejoignent devant elle. Ses yeux, eux, restent toujours aussi froids. Elle n’aime pas être contredite, peu lui importe par qui. J’ai beau être un personnage important de la région, je resterai un client comme un autre à ses yeux, et je n’aurai le droit à aucune faveur de sa part.
La serveuse revient vers notre table, pose une large tasse fumante devant elle, me sourit quelques instants, puis repart tout aussi rapidement qu’elle est arrivée. Aucun mot n’est décroché durant ce court laps de temps. Azaëlle continue de me fixer, un large sourire charmeur fendant son visage en deux. Puis elle se détend soudainement. Elle lance un rire sonore, qui résonne à travers la salle, avant de saisir sa tasse pour la porter à ses lèvres.

« Effectivement. Mais j’ai arrêté ces entreprises… Elles sont bien trop dangereuses, voyez-vous ? Et rien ne me garantit son existence. Je ne souhaite pas chercher un fantôme, M. Alcmène. »

*****

Extrait de l’interrogatoire d’Azaëlle Lustig.
15 Juin 2013.

Pourquoi avez-vous fini par accepter son offre ?

Ses équipes avaient déjà localisé Yveltal. Il était caché au fond de la caverne Gelée mais n’était pas capturable. Du moins, pas dans son état actuel, sous sa forme de cocon. Lysandre voulait en priorité que je trouve un moyen de le réveiller. Puis, pour être sûr de l’avoir, il souhaitait que je le lui capture. Par la suite, la procédure aurait été la même que pour mes autres clients. Je lui aurais échangé le légendaire contre un Rattata ou un Keunotor, afin que le Pokémon lui appartienne vraiment. Non sans une certaine compensation de sa part, bien évidemment.
Il m’a assurée être capable de pousser le prix bien plus loin que ce que je pouvais lui demander, ce dont je ne doutais pas le moins du monde. Après tout, il était riche. Mais la dangerosité de la mission n’aurait pas pu être compensée grâce à de l’argent.

Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

Lysandre savait convaincre.

*****

« Vous refusez ? Je peux faire grimper la somme, si vous le souhaitez. »

Mes craintes viennent de se réaliser. Elle refuse mon offre.

« Désolée, M. Alcmène, mais l’argent n’y changera rien. »

Je pointe la photographie du cocon que j’ai placé sous ses yeux quelques instants plus tôt. La preuve prise par mes équipes qu’elle ne poursuivra pas une chimère. Même si je sais parfaitement qu’elle ne se laissera pas convaincre si facilement, mais je me dois au moins d’essayer. Seule elle peut réussir à faire ce que je lui demande.

« Vous avez pourtant sous les yeux la preuve qu’Yvetal existe. Je sais que vous avez beaucoup voyagé, Mlle. Lustig. Que vous exercez votre activité depuis longtemps maintenant. Si vous avez autrefois accepté ce genre de travail, pourquoi le refuser aujourd’hui ? »

Elle me lance un sourire, comme si sa raison était pourtant évidente.

« Je n’ai effectué qu’une seule fois ce genre de contrat, M. Alcmène. Les Pokémon uniques sont bien trop dangereux, imprévisibles, difficiles à contrôler. J’ai failli y laisser la vie en essayant, ainsi que celle de mon compagnon. J’ai finalement dû briser mon contrat pour m’en sortir. Je ne souhaite pas réitérer cette erreur. »

Ses yeux me fixent. Elle aborde un sourire triomphant sur son visage tandis que ses mains, toujours emmêlées devant elle, se mettent à trembler légèrement d’excitation. J’entends sa respiration s’accélérer discrètement et je vois ses oreilles rosirent. Son rythme cardiaque augmente également. Ses souvenirs ne semblent pas la laisser indifférente, mais pourtant, ce n’est pas de la peur qu’elle ressent. Mais plutôt de l’ivresse.

« Vous avez apprécié, n’est-ce pas ? »

Cette fois-ci, c’est un regard interrogateur qu’elle me lance. Son visage rond se penche légèrement sur la gauche tandis que je peux voir ses pupilles se rétrécir, me permettant d’apprécier les nombreuses petites taches brunes qui floconnent dans ses yeux verts. Elle fronce discrètement les sourcils et laisse finalement disparaitre le sourire qu’elle abordait depuis le début de notre rencontre. Malgré tout, sa voix reste forte, déterminée.

« De ? »

Ma réflexion est juste, j’en suis persuadée. Je me sens sourire.

« De le vaincre ? »

*****

Extrait de l’interrogatoire d’Azaëlle Lustig.
15 Juin 2013.

Comment s’est conclue cette rencontre ?

Malgré le fait que j’ai laissé Lysandre dans le doute, je savais déjà, en sortant du café, que j’allais finir par accepter son offre.

*****

« Bien… Je vais réfléchir à votre offre, M. Alcmène. »

Elle finit en vitesse son thé, puis se lève. Elle me salue une dernière fois en sortant de l’argent de son sac. Elle le pose sur notre table, me tourne le dos afin de sortir dans la rue, puis très sûrement de disparaître dans la nature. Je suis sûr de ne pas l’avoir convaincue. Je pense d’ailleurs que je n’aurais plus jamais de nouvelles de sa personne. En passant non-loin de la barmaid, elle lui sourit poliment une dernière fois, avant de sortir du bar en rehaussant son sac sur son épaule.
Dépité par mon échec, je baisse les yeux vers la table. Je remarque confusément le nombre de billets qui y sont posés, puis les compte. Elle a payé pour deux.

Extrait de l’interrogatoire d’Azaëlle Lustig.
15 Juin 2013.

D’après nos sources, vous êtes arrivée à Roche-sur-Gliffe vers la fin de l’après-midi.

C’est exact.
J’ai aperçu Roche-sur-Gliffe assez tôt, peu après être sortie de la Cave Connecterre. Ma balade dans la grotte a été le dernier moment de détente. Rien de bien dangereux, il faut dire. À peine labyrinthique, un chemin en pente douce, quelques Pokémon faiblards… Le Couafarel a même trouvé amusant de me ramener un Nosferapti en cadeau. Chassé par ses soins, il semblerait. Mais bon, j’étais loin d’être sereine, je savais ce qui m’attendait de l’autre côté de la grotte.
Roche-sur-Gliffe était finalement plus loin que je le croyais parce que j’y suis arrivée vers dix-sept heures trente, environ. Presque trois heures de route tout de même, entre la ville et la Cave. Alors soit la ville était particulièrement excentrée, soit j’étais particulièrement lente, mais je parierais sur la deuxième option.

Pourquoi ?

Les falaises. J’ai toujours eu horreur du vide. Autant dire que j’étais plus prudente qu’à l’accoutumé. La prudence est mère de sûreté, comme on dit. Mais pas pour moi, apparemment.

*****

« Deux. »

Un regard noir, un visage fatigué. Voilà comment je pourrai la décrire en cette fin de soirée. Malgré ce qu’elle m’avait dit à propos de son vertige, je ne pensais pas que le chemin depuis Fort-Vanitas se passerait si mal que ce qu’elle m’a raconté. Apparemment, la hauteur ne lui réussit pas.

« Deux. »

Elle me répète cette phrase depuis maintenant quelques temps. La nuit tombe seulement, Azaëlle est arrivée à Roche-sur-Gliffe quelques heures plus tôt, en fin d’après-midi, m’a-t-elle dit. Le temps qu’elle prenne ses marques et ses repères, voilà seulement qu’elle m’appelle. Elle m’a indiqué avoir pris une chambre à l’hôtel de la ville, avec, pour son plus grand plaisir, vue sur les falaises. Je ne pense pas qu’elle ait eu le courage de protester après ce qui s’est passé sur la route. Elle a dû juste prendre sa chambre en silence, puis y rester en évitant soigneusement la fenêtre.

« Deux. Est-ce que vous vous rendez compte ? »

Pas vraiment. C’est assez difficile pour moi de me faire à cette idée, je n’ai jamais vécu situation semblable. Et pour Azaëlle, ce doit être une première également, ayant toujours vécu avec son seul Libégon. Je ne sais pas trop ce qu’elle peut actuellement ressentir, mais vu son expression, je dirais principalement de la fatigue, et de la colère. Contre qui ou quoi, je l’ignore. Dans tous les cas, j’évite soigneusement de répondre, de peur qu’elle ne retourne tout contre moi.

Elle soupire.

« Deux morts. Je ne pensais pas que ce serait aussi… Dur. Non pas que je m’étais attachée à eux, mais c’est tout de même ennuyeux. »

Elle semble enfin se calmer, relativiser. Mais elle reste tout de même très fatiguée, comme si la route de falaise avait épuisé toute son énergie. Je ne l’avais jamais vu dans un tel état. Il faut dire que je ne l’ai vue que peu de fois, quand on y pense. Une fois en coup de vent, il y a trois ans. Puis plus régulièrement maintenant que je l’ai embauchée pour ce travail. Pourtant, je pourrais parier n’importe quoi sur le fait qu’elle est rarement aussi fatiguée. Et expressive. Elle qui a normalement l’habitude de tout cacher, c’est bien la première fois que j’arrive à lire en elle comme dans un livre ouvert.

« Lesquels étaient-ce ? »

Elle se pince les lèvres avant de passer une main rapide dans ses cheveux détachés. C’est également la première fois que je la vois avec les cheveux détachés. En journée, ils sont constamment liés en queue ou en chignon dont dépassent quelques mèches folles.

« C’était la Cradopaud que vous avez vu ce midi. Et un autre que j’ai capturé sur la route, quelques minutes avant l’accident. »

*****

Extrait de l’interrogatoire d’Azaëlle Lustig.
15 Juin 2013.

Que s’est-il passé sur cette route ?

J’étais bien trop concentrée par le vide, et par essayer de rester calme. Je n’ai pas vraiment fait attention à ce qui pouvait bien se passer autour de moi. Mais j’avais tout de même réussi à capturer une Séviper, en sortant de la grotte, que j’ai appelée Taïpan. Un surnom pas très recherché, j’en conviens. De toute façon, elle n’a pas fait long-feu, un peu comme la Cradopaud. Mais bon. Voir les deux y rester, presqu’en même temps, m’a tout de même mis un coup. J’ai plus été ennuyée que triste, à vrai dire. Je ne m’y étais pas forcément attachée, loin de là. C’est juste que je commençais à peine à me construire une petite équipe que deux de mes compagnons étaient déjà partis.

Comment sont-ils morts ?

Une double attaque et un manque d’attention de ma part, tout simplement.
C’était un Spoink et un Absol, il me semble. Ces évènements commencent à dater, vous savez… Je me souviens particulièrement bien de l’Absol, parce que je m’étais dit qu’il était plus dangereux que l’autre Pokémon. Du coup, je n’ai pas fait gaffe au Spoink qui en a profité pour attaquer la Cradopaud, d’une simple Vague-Psy. Morte sur le coup, elle n’y a pas résisté. Pourtant, elle avait déjà fait face à d’autres Pokémon de cette espèce, mais il faut croire que celui-ci était trop rapide pour elle.
J’étais complètement perdue, d’un coup. Le vide, un mort, les deux Pokémon sauvages… Je n’ai pas vraiment réfléchi, et j’ai rappelé la Séviper dans sa pokéball, par peur d’une autre catastrophe. Poursuite. Et c’en était fini pour elle aussi.
Sulfure les a éliminés à lui tout seul, et nous avons continué notre route.

*****

« Comment allez-vous, du coup ? »

Elle hausse les épaules.

« Je suis fatiguée, la route n’a pas été de tout repos, comme vous l’aurez sûrement compris. J’espère bien me reposer ce soir, et pouvoir continuer mon investigation au laboratoire demain. »

Le laboratoire. C’est vrai que Roche-sur-Gliffe possède un laboratoire d’étude de fossiles, assez prestigieux dans ce domaine. D’autant plus qu’à côté de la ville, se situe une caverne où de nombreux ossements ont été retrouvés. Ce n’est donc pas si étonnant que le laboratoire se soit installé dans cette ville. Azaëlle avait voulu y aller pour leur technologie récemment mise au point, qui permettrait de réveiller des fossiles. Elle souhaitait voir si elle était fonctionnelle, et comment elle marchait, le cas échéant. Selon elle, on pourrait devoir utiliser un système similaire pour réveiller Yveltal de son cocon. Je lui fais confiance sur ce point, elle en a vu bien plus que moi dans sa vie.

« Vous vous y êtes déjà rendue ? »

Elle se baisse pour aller fouiner dans son sac duquel elle sort, en plus de quelques pokéballs, un calepin, qu’elle pose sur ses genoux et qu’elle ouvre. Visiblement oui, elle s’y est déjà rendue, et a même pris quelques notes pour pouvoir mieux opérer demain.

« Oui, mais je n’ai pas pu y rester longtemps, ils étaient tous sur le point de partir. D’un autre côté, je suis arrivée plus tard que je ne l’aurais cru, donc la journée touchait à sa fin. Bref. Je me suis faite passer pour une journaliste qui écrivait un article par rapport à leurs recherches, du coup, j’ai été autorisée à prendre des notes, ce qui est plutôt arrangeant au final. »

Je ne suis pas vraiment étonné, la connaissant. Elle trouve toujours un moyen d’obtenir ce qu’elle veut, et a réussi une fois de plus, apparemment.

« Pour faire court, ils sont bel et bien capables de réveiller un fossile à partir d’un ossement. Reste à voir comment ils font. J’ai vu quelques spécimens se balader dans le laboratoire, alors qu’ils sont censés être disparus, donc je n’ai pas vraiment de mal à croire ce qu’ils disent. Ils m’ont dit qu’ils me feraient une démonstration demain, et qu’ils m’expliqueraient succinctement le fonctionnement par la même occasion. »

*****

Extrait de l’interrogatoire d’Azaëlle Lustig.
15 Juin 2013.

Ainsi, vous aviez déjà posé les bases.

Exact. La petite visite au laboratoire, le soir de mon arrivée, servait plus à voir si j’étais venue ici pour rien ou pas. Il s’est avéré que ce n’était pas le cas, ce qui était plutôt une bonne nouvelle.
Lysandre voulait que je trouve un moyen de réveiller Yveltal, mais… Je n’avais pensé qu’à cette idée. Je n’en avais pas d’autre. Si jamais tout ceci ne menait à rien, j’aurais été bloquée et j’aurais sûrement brisé mon contrat. Après tout ce que Lysandre m’avait demandé, et tout ce qu’il avait fait pour que je puisse faire ce travail, j’aurais été ennuyée.

Comment avez-vous été accueillie dans ce laboratoire ?

Plutôt bien, étonnement. Pour ces personnes, avoir la possibilité de voir leurs travaux être ouverts aux grand public et non plus être uniquement cantonnés aux spécialistes les a réjouis. Bon, ils sont tombés sur la mauvaise personne, ce n’était évidemment pas mon but premier. Mais ce désir m’a bien aidé à les faire s’intéresser à ma présence et à mes questions.

Et les Pokémon ?

Les Pokémon fossiles ? Les scientifiques n’avaient que deux espèces, mais je suppose que c’est déjà beaucoup. La famille des Ptyranidur et celle des Amagara. Tous extrêmement rares, étant donné qu’ils étaient censés avoir disparu. J’avais déjà entendu parler de ces espèces, bien évidemment. Les Pokémon dits fossiles sont rares mais célèbres en un sens. Je n’ai donc eu aucun mal à les reconnaitre, malgré les écailles qui étaient différentes de ce que les artistes travaillant pour les scientifiques avaient pu imaginer, et de ce que j’avais pu voir dans les livres.

C’est pour cette raison que vous avez volé le Ptyranidur ?

Non.

*****

« Je veux les voir. »

Elle soulève un sourcil, apparemment étonnée de ma soudaine demande. Moi-même, je ne sais pas vraiment ce qui m’a pris de demander une telle chose. Peut-être mon scepticisme constant, je l’ignore. En tout cas, je la vois réfléchir à toute vitesse, cherchant un moyen d’accéder à ma demande, ou de refuser. Elle semble également perplexe face à ce qu’ont pu lui dire ces scientifiques. Elle fut pourtant bien obligée de les croire, ayant vu de ses propres yeux des Pokémon disparus. Mais ce n’est pas mon cas. Je crains que ces savants ne s’aventurent sur des terres trop hostiles, et que leurs expériences n’aient pas la puissance escomptée. Je ne souhaiterais pas avoir affaire à des Pokémon trop faiblards, eux qui étaient décrit comme étant particulièrement puissants.

« Je crains de ne pas pouvoir accéder à votre demande, M. Alcmène. »

Sa phrase tranche violemment l’air. Un refus de sa part. Je n’en suis plus vraiment étonné. Elle se protège avant tout, c’est bien normal. Je n’imagine pas le nombre de contrats avantageux qu’elle a sûrement dû rompre dans cet unique but : sa propre sécurité.

« C’est malheureusement trop dangereux, je risque de me faire facilement repérer. Et je ne vole pas, voyez-vous ? Je chasse, c’est tout. »

Azaëlle Lustig. La trafiquante réputée pour ne jamais voler ses proies. Tout comme Anderson l’était avant elle. Or, contrairement à elle, ce dernier a l’air d’avoir changé d’état d’esprit. Peut-être est-ce dû à son séjour en prison, mais pour voler un Ronflex à un village entier, son code si strict a sûrement évolué dans son esprit. A moins qu’il ne l’ait pas vraiment volé.

« J’ai bien peur de devoir insister, Mlle. Lustig. Je serais ennuyé que ces scientifiques aient mis au point une méthode qui ne marche qu’à moitié. C’est pourquoi je voudrais voir l’un de ses Pokémon. En pleine forme. Et en vrai. »

Je ne sais pas ce qui m’a pris de rajouter cette dernière phrase. Ce n’est franchement pas nécessaire, mais je peux tout de même faire un déplacement jusqu’à Cromlac’h.
Je regarde à nouveau Azaëlle, qui ne m’a pas l’air d’avoir apprécié ma décision. Ses yeux sont froids, son visage fermé, son sourire inexistant. Elle qui en laisse toujours flotter un sur son visage, elle a apparemment décidé de m’exprimer tous ses reproches silencieusement. Je vois son envie de répliquer qui se fait de plus en plus forte, je décide donc de couper cette conversation au plus court, afin d’éviter une possible altercation avec elle.

« Je vous attendrai à Cromlac’h dans deux jours, Mlle. Lustig. »

Elle plisse les paupières, puis me lance un dernier regard noir, avant de soupirer. Je sens la colère émaner d’elle, même à travers l’Holokit. Les prochains appels risquent d’être joyeux.

« Bien, M. Alcmène. »

Elle raccroche précipitamment, en me laissant seul chez moi, en compagnie de mon Némélios qui dort à mes pieds, et de mon ordinateur où sont notées les recherches que j’avais demandé la veille à mon secrétaire. Les recherches sur Anderson, et ce qu’il a fait ces cinq dernières années.
C’est apparemment un homme occupé. Cinquante-six ans à ce jour, il en avait cinquante-et-un lorsqu’il fut arrêté à Parmanie. Plus de trente années de carrière dans la pègre à son actif, il s’est distingué par de nombreux méfaits, dans différents coins du globe. Sa période la plus active fut lorsqu’il a formé la jeune Azaëlle Lustig, alors qu’elle avait à peine dix-huit ans, et qu’elle avait disparue de la circulation deux ans auparavant. Leur collaboration s’est arrêtée à Parmanie, lorsqu’elle a réussi à s’enfuir en laissant son mentor aux mains de la Police Internationnale.
C’est à partir de ce moment que les choses deviennent intéressantes. Malgré ses cinq années derrière les barreaux, Anderson a tout de même réussi à réduire sa peine en aidant la police à rechercher ses anciens collègues, ou coéquipiers. Azaëlle comprise donc. Puis plus rien, et les interrogations commencent. Est-il toujours de mèche avec la police ou est-il réellement libre ? Difficile à dire, c’est un homme qui se cache particulièrement bien depuis qu’il est sorti de prison. Durant sa détention, il était plutôt aisé d’avoir des informations à son sujet, mais une fois dehors, ce fut le néant total.

Je soupire en fermant mon ordinateur et en passant ma main dans la crinière légèrement chaude de mon Némélios. Je ne sais quoi penser de cet homme. Il me semble dangereux, mais peut-être pas pour les raisons auxquelles je songe. Et je vois bien qu’Azaëlle a les mêmes idées en tête.

« Sachez que je vous hais. »

La nuit tombe lentement derrière elle. Elle se trouve apparemment en extérieur, je peux voir quelques cabanettes de plage derrière elle. Roche-sur-Gliffe semble bien loin, maintenant. Les lueurs de la ville où elle se trouve sont lointaines. Si elle a vraiment fait ce que je lui ai demandé hier soir, je peux aisément comprendre qu’elle n’ait pas envie d’y entrer.

« Déjà, le doublon de falaise n’était franchement pas nécessaire. Et un vol… Vous n’imaginez pas à quel point les prix vont monter pour ça. »

Je ne peux pas vraiment m’empêcher de sourire. Je voulais déjà la payer plus cher que ce qu’elle m’avait demandé à la base pour être sûr qu’elle accepte mon offre, alors ce n’est pas maintenant qu’une hausse des prix risque de me déranger. Et finalement, elle l’a capturé, ce Pokémon. Je ne sais pas vraiment ce qui a bien pu se passer, mais d’après sa réaction, il serait étonnant qu’elle ne l’ait pas avec elle en ce moment-même.

En revanche, mon sourire s’efface de lui-même lorsque j’aperçois le regard qu’elle me lance. Je ne pensais pas que quelqu’un d’aussi petit pourrait faire aussi peur, surtout à travers un appareil. Je la vois fouiller dans son sac en bandoulière et en sortir une pokéball qu’elle jette avec rage devant elle. On se défoule comme on peut, apparemment.

« Le voilà, votre spécimen. »

*****

Extrait de l’interrogatoire d’Azaëlle Lustig
15 Juin 2013

Pourquoi avoir volé uniquement le Ptyranidur ?

Pour plusieurs raisons. Déjà, Lysandre ne m’en demandait qu’un seul, je n’allais donc pas prendre le risque d’en voler deux. En voler un fut déjà bien assez dangereux, même si j’ai eu le temps de m’enfuir avant que ce ne soit remarqué. Et ensuite, le choix est tombé sur Ptyranidur par pur hasard. C’est le premier qui m’est passé sous les yeux, tout simplement. En vérité, je ne pensais vraiment pas le garder, d’autant plus qu’il était issu d’un vol, si je puis dire.

Alors pourquoi l’avoir gardé ?

Parce que j’ai dû me le trainer jusqu’à Cromlac’h, en premier lieu. Et ensuite, parce que le relâcher dans la nature, comme je souhaitais le faire au départ, m’aurait coûté un bon Pokémon dans l’équipe tout de même. Ce qui aurait été dommage, surtout dans ma situation.

Votre situation ?

Après la mort de la Cradopaud et de la Séviper, l’équipe n’était pas forcément au meilleur de sa forme, et ce ne fut pas l’évolution de Sulf’ qui changea la donne, malheureusement.

*****

« L’évolution de Sulfure ? »

Elle hausse les épaules, bien décidée à me montrer qu’elle est toujours énervée. J’en viendrais presqu’à me demander si elle n’est pas énervée en permanence ou s’il lui arrive de se calmer…

« Oui, il a évolué sur le chemin de la Grotte Etincelante, là où les scientifiques piochent leurs échantillons. Il était temps, d’un autre côté… Enfin… Quand j’ai commencé à voyager avec Tyl, il a mis plus de temps à évoluer, donc au final... »

Elle soupire. Apparemment, son Libégon commence à lui manquer un peu trop. Je suppose aisément que lorsqu’elle le retrouvera, elle ne le quittera plus, qu’importent les conséquences et même si son Pokémon est toujours recherché. Je crains ne pas pouvoir la convaincre de s’en séparer à nouveau pendant quelques temps.

« Les recherches commencent doucement à se calmer par ici, si je peux vous rassurer. »

Ce n’est pas totalement vrai, même si le nombre d’avis de recherche diminue. J’imagine que la Police Internationale a décidé d’étendre les recherches vers les villes autour d’Illumis, ce qui me paraitrait logique, en un sens. Logique à une seule condition : ils savent qu’Azaëlle est restée dans la région. Sinon, ils seraient déjà allés voir ailleurs. Mais ce n’est pas le cas. Je commence à me sentir un peu trop à l’étroit dans la capitale, également. Si jamais la police remonte à elle, il y a de fortes chances qu’elle remonte à moi. L’embaucher n’est déjà pas légal mais la collectionnite aiguë ne l’est pas non plus. Je déglutis difficilement.

« Tant mieux, alors. »

*****

Extrait de l’interrogatoire d’Azaëlle Lustig
15 Juin 2013

La collectionnite aiguë ?

Je pense sérieusement qu’il disait ça pour se rassurer. A vrai dire, je ne sais même pas s’il avait conscience que ce n’était pas pour le collectionner qu’il voulait que je lui ramène Yveltal.

*****

« Sinon, la route jusqu’à cette fichue grotte a été difficile, également. Moins que celle d’hier, mais ce n’était pas la joie non plus. Encore des falaises, mais à dos de Rhinocorne, cette fois. Une merveilleuse idée… »

Il est vrai que la région de Roche-sur-Gliffe est connue pour ses grottes et ses falaises, si bien que les moyens de transport ont dû s’adapter. Même lorsque j’ai fait le tour de la région, les Rhinocorne étaient déjà prisés pour les déplacements autours de ce village. C’était plus simple pour les habitants du coin, il faut croire, et ces Pokémon ne sont pas rares dans cette zone.

« Mais j’ai quand même pu capturer un Pokémon. C’est d’ailleurs face à lui que Sulfure a évolué. Regardez comme il est mignon ! Je l’ai appelé Lux. »

Je suis étonné. C’est bien la première fois que j’entends une telle expression venant d’elle. La voilà d’ailleurs en train de sourire à pleines dents en me montrant ce qu’il ressemble fort à un Galvaran. Elle a l’air d’en être particulièrement fière.

« J’ai failli l’écraser avec mon Rhinocorne, c’était tout juste. »

J’imagine bien que ce si petit Pokémon n’aurait pas tenu longtemps sous les pattes d’un Rhinocorne… Mais je me demande tout de même pourquoi elle s’échine à capturer des Pokémon qui paraissent aussi faibles. Quoi qu’avec un peu d’entrainement, tout devrait aller mieux. Elle continue d’ailleurs de m’expliquer que la plupart des Pokémon qu’elle a capturé se font peu à peu à son étrange manière de communiquer. Sauf le Couafarel qui est, selon elle, un peu limité. C’est vrai qu’en voyant sa tête, c’est compliqué de penser l’inverse.

« Et la grotte Etincelante ? »

Elle rigole.

« Elle porte mal son nom. Sombre et humide. J’imagine que les cristaux fluorescents lui ont donné son nom, mais ils ont été dilapidés par des pilleurs. Il n’en reste plus beaucoup en somme. On en a vu un, et encore. Du coup, on a dû s’éclairer grâce à Sulfure. »

Je n’étais pas au courant de ce fait. C’est dommage… Je me souviens avoir beaucoup apprécié cette grotte étant plus jeune.

« Mais cette balade a au moins été l’occasion de revigorer un peu mon équipe. Un Osselait. Enfin, une, il semblerait. »

Elle me la montre. Encore une petite chose à l’air faiblard, qui tient difficilement son os dans ses mains. Et c’est avec ces Pokémon qu’elle compte se constituer une équipe ? Etrange. Si tel est le cas, je suis également pressé de voir son Libégon revenir.

*****

Extrait de l’interrogatoire d’Azaëlle Lustig
15 Juin 2013

Votre équipe n’était pas au plus mal à ce moment-là.

Oui et non. Je commençais à avoir une bonne équipe, assez complémentaire mais… Ils étaient tous faibles, autant ne pas vous mentir. D’ailleurs, de ceux-là, combien en avez-vous retrouvé en ma compagnie ? Un seul. J’espère d’ailleurs que vous vous en occupez bien. Et des autres également.

Donc, à Relifac-le-Haut, votre équipe était constitué de… ?

Sulfure, un Reptincel.
William, un Couafarel.
Lux, un Galvaran.
Syénite, une Osselait.
Et le Ptyranidur que Lysandre m’avait demandé de voler et qui n’avait pas encore de nom à ce moment-là.

*****

« Et sinon, comment ces chercheurs peuvent-ils ramener des Pokémon à la vie ? »

Elle inspire profondément en écarquillant ses yeux verts.

« J’ai rien compris à ce qu’ils faisaient. »

Ce n’est pas si étonnant, au final. Elle a beau être intelligente, ce n’est pas une scientifique, loin de là. Et j’imagine qu’un niveau aussi poussé peut lui paraître totalement incompréhensible, ainsi qu’à moi. Je ne suis pas biologiste non plus, il faut dire. Je la vois tout de même sortir son carnet de feuilles qu’elle avait déjà commencé à remplir hier.

« Le mieux, pour réveiller Yveltal, serait clairement d’avoir l’un de ces chercheurs de notre côté, ce serait le plus à même de faire ce travail. Mais de ce que j’ai réussi à comprendre, il leur faut, en plus de leur machine, une très grande quantité d’énergie. Pour le laboratoire, ils la piochent grâce à la marée, autant dire qu’ils ne font pas leurs petites expériences tous les jours. Et plus le Pokémon est gros ou grand, plus il faut d’énergie. C’est pour cette raison qu’ils ne travaillent que sur les petits, et qu’ils les font évoluer plus tard. »

Ainsi, ils arrivent tout de même à faire évoluer leurs expériences. C’est une excellente chose. Ces Pokémon ne doivent donc pas être des ratés, comme je le craignais.

« Et le Pokémon sort sauvage, également. Il faut donc se tenir prêt pour pouvoir l’attraper. Ce Ptyranidur a mis tout le laboratoire sens dessus-dessous, autant dire que ce me fut utile pour m’enfuir. »

Il est vrai que les scientifiques lui avaient promis une démonstration, non pas de partir avec le fossile réveillé. Ils ont dû être en panique lorsqu’Azaëlle a retourné sa veste et qu’ils ont compris qu’elle n’était pas la journaliste qu’elle prétendait être.

« Ils vous ont donné du mal lorsque vous êtes partie ? »

Immédiatement après ma question, un large sourire amusé apparait sur son visage. Apparemment, la réponse est négative.

« Pas vraiment. Je les ai rapidement mis hors d’état de nuire avant de les enfermer dans un débarras au fond de leur laboratoire. Je leur ai laissé une clé pour leur réveil, quand même, mais le temps qu’ils arrivent à l’atteindre… Ils ont dû sortir depuis le temps, mais j’ai finalement pu m’enfuir de Roche-sur-Gliffe sans de réel problème. J’ai tout de même évité de faire du tourisme, voyez-vous, et je suis directement partie pour Relifac-le-Haut. »

C’est donc cette ville que je vois derrière elle depuis tout à l’heure.

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Extrait de l’interrogatoire d’Azaëlle Lustig
15 Juin 2013

Pourtant, il n’y a aucune mention de vous à Relifac-le-Haut.

Ah bon ? Pourtant, j’ai dû y faire un sacré grabuge, à cause de Lino. Mais effectivement, je n’y suis pas réellement passée, bien évidemment. Je suis restée à l’écart de la ville, sur la plage, afin de ne pas être repérée. Comme je l’ai dit, les scientifiques que j’avais enfermés à Roche-sur-Gliffe avaient dû se libérer depuis le temps, et ils avaient très probablement prévenus la police locale. La nouvelle s’était peut-être déjà étendue jusqu’à Relifac, je ne savais pas vraiment. Dans le doute, j’ai préféré évité de prendre des risques.

Mais il y a eu Lino.

Ah oui… Lino… Le champion local, c’est bien ça ? Il a tenté de faire quelque chose pour m’arrêter, effectivement. Dommage qu’il ait été aussi faible. D’ailleurs, j’espère que son amour-propre arrive à s’en remettre.

J’ai toujours apprécié Cromlac’h.
C’est un petit village tranquille, avec une atmosphère légèrement saline et un passé qui ne demande qu’à être redécouvert. Et c’est surtout l’endroit de la carte le plus éloigné d’Auffrac-lès-Congères. J’attends Azaëlle depuis maintenant une bonne demi-heure, attablé sur la terrasse de l’hôtel Neige Marine. Encore un établissement qui a l’habitude de voir ma personne, je peux donc y siroter tranquillement mon café, sans être ennuyé. La fraîcheur de la fin d’après-midi tombe lentement sur mes épaules tandis que je jette un rapide regard à ma montre. Il est à peine plus de six heures du soir, les loupiottes censées éclairer l’extérieur de l’hôtel s’allument lentement.
Elle est en retard. Elle m’avait dit qu’elle était censée arriver vers cinq heures et demie. Même les hommes que j’ai envoyé depuis Cromlac’h pour l’escorter ne donnent aucune nouvelle. Je tapote la table de mes doigts, légèrement agacé. Mon Némélios le sent et vient se frotter à mes jambes. Je me détends légèrement mais je reste malgré tout sur le qui-vive. Je me lève d’ailleurs immédiatement lorsque j’aperçois un petit point orangé arriver à l’entrée du village.
Je me dirige vers la chevelure plus rousse que la normale d’Azaëlle Lustig. Sûrement le soleil de ces derniers jours… D’ailleurs, elle a légèrement bronzé, chose que je n’avais pas remarqué à travers l’Holokit. Je n’aime pas vraiment. Je préfère quand sa peau est claire. Très claire. Je lui tends la main en la regardant tant bien que mal dans ses yeux vert-brun. Mon regard a la furieuse envie de dériver sur sa poitrine ou ses bras, où j’ai déjà pu entrevoir des marques de bronzage.

« Mlle. Lustig. Je ne vous attendais plus. »

Elle me lance un petit sourire entendu, en me serrant la main avec une certaine fermeté. J’ignore difficilement les quelques frissons qui courent le long de mon bras pour me concentrer sur sa réponse.

« J’ai eu quelques empêchements à Relifac-le-Haut. Mais tout s’est réglé rapidement. »

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Extrait de l’interrogatoire d’Azaëlle Lustig.
15 Juin 2013.

Des empêchements à Relifac ? C’était Lino, n’est-ce pas ?

Exactement. Lino avait été l’un des premiers avertis du vol du Ptyranidur à Roche-sur-Gliffe. Il n’a pas vraiment été obligé de faire un effort intellectuel intense pour relier ce vol à ma présence dans la région. Tous les champions avaient été prévenus de ma visite à Kalos, non ? Lino aussi dans ce cas.
Bref, il a vite compris que je risquais de venir vers chez lui afin de m’éloigner de Roche-sur-Gliffe et de ne pas retourner vers Illumis. Il n’y avait pas trente-six chemins possibles. Il m’a donc docilement attendue à la sortie de Relifac en espérant me cueillir de cette manière.

Mais son intervention n’a pas eu l’effet qu’il escomptait.

Pas vraiment, effectivement. Je ne pense pas qu’il s’attendait à perdre face à moi. A croire qu’il ne savait pas à qui il avait affaire… Bref, son égo était particulièrement surdéveloppé, je suis fière d’avoir eu l’occasion de le remettre à sa place, il faut dire.

*****

« Ainsi, Lino vous a posé des problèmes… »

Je l’observe, de nouveau assis à la terrasse de l’hôtel. Elle a refusé de commander un thé, prétextant le peu de temps qu’elle compte rester dehors. Elle a rapidement exprimé le souhait de rentrer au plus vite à l’intérieur de l’hôtel, afin de se reposer et de s’y cacher une nuit de plus. Mais elle s’est tout de même assise en ma compagnie, une fois que j’eus renvoyé mes hommes.

« Effectivement. Mais Syénite a rapidement contrôlé la situation. »

Syénite… Impossible de voir de qui il peut bien s’agir.

« C’est mon Osselait. Enfin, mon Ossatueur, désormais. Elle a évolué face à Lino, bien plus rapidement que je n’aurais cru. »

Ah oui, c’est vrai. Sa petite Osselait qui n’arrivait même pas à tenir son os entre ses mains. Elle a évolué très rapidement, décidément. Même pas un jour après sa capture, c’est impressionnant. Azaëlle sort sa pokéball pour me la montrer. Le Pokémon semble beaucoup moins craintif que la veille, comme si son évolution lui avait fait pousser des ailes. C’est avec des yeux déterminés qu’elle observe son entourage avant qu’elle ne finisse par me fixer. Endurcie. C’est bien le terme que j’emploierai pour la désigner désormais.

« Aussi rapidement, c’est impressionnant, effectivement. »

Je lâche l’Ossatueur des yeux pour revenir sur Azaëlle. Je la vois regarder son Pokémon avec ce qui semblerait être un soupçon de fierté. Il est vrai qu’une telle progression ne peut amener qu’admiration. Azaëlle rappelle son Pokémon dans sa pokéball sans un mot, avant de fixer ma tasse de café avec envie. Je me demande si elle n’aurait pas mieux fait de prendre quelque chose à boire finalement.

« Que s’est-il passé face à Lino ? »

Elle soupire en lâchant enfin ma tasse des yeux.

« Apparemment, Lino était en lien avec les laboratoires de Roche-sur-Gliffe. C’était le parfait candidat pour entrainer ces Pokémon fossiles, il faut croire. Champion de la ville proche, passionné des types Roche et de paléontologie.  Il avait un Amagara et un Ptyranidur, justement.
Aucun des deux n’a réellement fait long-feu… Syénite est devenue particulièrement forte. Des Mass d’os et Osmerang à répétition, une vraie furie. En plus d’être très douée, elle est très intelligente. Elle n’a aucun problème pour me comprendre. Ce fut bien utile pour déstabiliser ce pauvre Lino, qui ne savait plus vraiment où donner de la tête. Il était incapable d’anticiper quoi que ce soit. »

*****

Extrait de l’interrogatoire d’Azaëlle Lustig.
15 Juin 2013.

Expliquez-nous-en quoi consiste votre technique de combat.

Elle m’a été transmise par Ivan Anderson. Mais je suppose que vous le saviez déjà. Elle consiste à communiquer avec ses Pokémon par de simples bruits. Sifflements, claquements de langue, bruits de bouche, et cetera. Chaque son est associé à une attaque ou à un mouvement précis. Le but est de déstabiliser l’adversaire qui se voit incapable de prédire nos attaques ou notre stratégie.
J’ai entraîné mes Pokémon de la sorte lorsque je suis arrivée à Kalos. Il n’y a qu’avec Tyl qu’il m’arrive encore de communiquer par la parole. Enfin, qu’il m’arrivait...

Comment s’est passé le combat face à Lino ?

Il fut très facile.
Il m’a tout d’abord envoyé son Ptyranidur, comme pour faire une bonne blague. Pour ma part, j’ai décidé de faire directement confiance à Syénite. De toute façon, mon meilleur Pokémon à cet instant, Sulf’, ne pouvait rien faire face à l’équipe de Lino. J’ai donc choisi la meilleure option : l’Osselait. Elle était… Craintive, au début. Elle n’avait jamais vraiment combattu, mais j’avais déjà pu remarquer qu’elle s’était rapidement faite à mes sifflements. Je n’avais donc aucune crainte ou aucun doute la concernant. Malgré tout, elle a eu un peu de mal à se mettre dans le bain. Comme je l’ai dit, c’était son premier véritable combat. Elle s’est prise quelques coups, rien de bien méchant. Elle n’était pas bien rapide mais particulièrement résistante. Je crois que ce Ptyranidur a fini par l’agacer vu la manière dont elle lui a jeté son os… Une attaque Osmerang parfaite, à croire qu’elle l’avait utilisée toute sa vie. Le Ptyranidur n’y a pas résisté.
Lorsqu’elle a récupéré son os, elle était devenue un Ossatueur bien plus fière et plus assurée qu’elle ne l’était cinq minutes plus tôt. J’étais fière d’elle… Déjà quand je l’avais capturée, je me doutais qu’elle allait être incroyable. Même si, en tant qu’Osselait, elle n’était pas bien forte, c’était bien son intelligence qui la distinguait du reste de mon équipe. Je savais d’avance que, une fois évoluée, elle serait redoutable. Je n’ai pas eu tort. Les types Sol ne m’ont jamais déçue.
L’Amagara qu’a envoyé Lino par la suite n’a pas tenu longtemps non plus. Syénite s’est jetée dessus avant de le marteler de coups. Une vraie furie, je vous ai dit. Elle s’est ensuite occupée de Lino à ma demande. Elle l’a assommé d’une attaque Osmerang à l’arrière du crâne, en espérant que ce soit suffisant pour lui causer quelques problèmes de mémoire à court terme. Si en prime, il ne se souvenait plus de moi ou de notre combat… C’est à ce moment que les hommes de Lysandre sont arrivés. Ils m’ont aidé à le planquer dans un buisson jusqu’à son réveil et on est parti le plus rapidement possible.

*****

« Lino n’a pas été un véritable problème, somme toute. »

Elle hoche la tête, le regard perdu, fixant un point aléatoire de la table. Elle semble fatiguée, comme si elle n’avait pas réussi à dormir correctement la nuit dernière. J’imagine que c’est ce qui a dû se passer. Elle est sûrement restée sur ses gardes jusqu’au petit matin. Je me demande même si elle a fermé l’œil à un moment de la nuit.

« Pas vraiment non. Heureusement que vos hommes sont arrivés, d’ailleurs. Je ne sais pas si j’aurais été capable de le traîner jusqu’au buisson seule. Même si Lino n’est pas bien imposant, il fait quand même une bonne tête et demie de plus que moi. Une vraie asperge, en fait. »

Je lui souris. Je n’ai jamais vu les champions de mes propres yeux. La plupart sont très jeunes, il faut dire. Quand je faisais le tour de la région, certains n’avaient pas plus de cinq ou six ans. Lino fait partie de ces jeunes qui ont progressé de manière impressionnante, au point d’avoir une arène sous sa coupe alors qu’il avait à peine plus de vingt ans. Mais apparemment, ce n’est pas suffisant pour défaire Azaëlle Lustig.

« Et à quoi ressemble le Ptyranidur, finalement ? »

Elle relève les yeux vers moi, en fronçant les sourcils. Elle semble réfléchir quelques secondes avant de finalement secouer la tête.

« Pas ici. Plutôt à l’intérieur. Même si le village est petit et pas très animé, on ne sait jamais. »

Elle n’a pas tort. Je devrais sans doute me montrer plus prudent, ne serait-ce que pour ma propre sécurité, ou même la sienne. Je serais ennuyé d’être le contrat qui a mis fin à sa carrière.

*****

Extrait de l’interrogatoire d’Azaëlle Lustig.
15 Juin 2013.

M. Alcmène paraissait…

Impulsif. Il ne réfléchissait qu’après coup, généralement. Il n’était pas rare qu’il prenne une décision sur un coup de tête, comme pour le Ptyranidur. Il a insisté pour le voir en personne, sans se rendre compte de ce que pouvait représenter une telle rencontre dans de telles circonstances. Le vol de ce Pokémon n’allait bien évidemment pas rester inaperçu. Même si j’avais accepté de me mettre en danger pour son contrat, j’ai tout de même pour habitude de protéger mes clients. La décision qu’il a prise, ce jour-là, l’a exposé à la vue de tous, en ma compagnie. Alors certes, mon visage était encore inconnu à l’époque, mais… Ce n’était pas raisonnable, tout simplement. Ainsi, lorsqu’il m’a demandée de voir le Ptyranidur dehors, j’ai préféré couper court à sa demande immédiatement. Bien évidemment, il a insisté mais je pense qu’il avait tout de même fini par comprendre que je voulais plus de discrétion de sa part.

Comment décririez-vous son comportement ?

J’avais parfois l’impression qu’il n’avait pas vraiment conscience de ce qu’il faisait, mais qu’il s’en rendait compte plus tard. Des moments où il était déconnecté de ce qui se passait autour de lui. Il m’a expliqué avoir quelques troubles de la mémoire, des problèmes de somnambulisme. Il lui arrivait de se retrouver quelque part sans en avoir le moindre souvenir. Mais il le cachait bien. Très bien. Pendant tout le temps du contrat, je n’avais rien remarqué. J’ai compris bien trop tard.

*****

« Rentrons dans ce cas. »

Je finis mon café en vitesse avant de me lever de ma chaise et de l’inviter à me suivre. Elle me lance un regard fatigué puis soupire légèrement. Mais elle finit tout de même par se lever pour me suivre à l’intérieur de l’hôtel. Je laisse Azaëlle quelques pas derrière moi et en profite pour demander au réceptionniste de nous mener dans une pièce privée que j’ai l’habitude d’utiliser pour les quelques réunions organisées à Cromlac’h.
Une fois la salle ouverte par le réceptionniste, je laisse Azaëlle y entrer en première en me décalant de quelques pas sur le côté. Je souris légèrement lorsqu’elle passe sous mes yeux, sa chevelure rousse flottant derrière elle. Elle est vraiment toute petite. Elle s’arrête au milieu de la pièce puis se retourne vers moi en penchant la tête sur le côté, se demandant sûrement pourquoi je reste planté à l’extérieur plutôt que de la rejoindre. Mon Némélios trottine jusqu’à elle en passant docilement sous mes doigts, me forçant ainsi à avancer avec lui. Je m’arrête quelques mètres devant elle, et attends tranquillement d’entendre la porte se fermer.

« Alors ? Ce Ptyranidur ? »

Elle me regarde avec lassitude avant de sortir une pokéball de son sac et de la lancer devant elle.

« Vous avez la tête dure. »

Ah bon ?
Une petite créature sort de la pokéball. Elle arrive tout juste à la taille de sa dresseuse, possède une mâchoire à l’apparence puissante et des yeux fuyants. Le Ptyranidur regarde partout autour de lui, grogne un peu de temps à autre. Il ne semble pas être perturbé par ce qui se passe autour de lui. Une certaine férocité se dégage de lui. Je souris largement. Enfin un Pokémon qui ne semble pas faible. Il paraît même puissant… Il est parfait.

« Rappelez-moi ce dont les scientifiques ont eu besoin pour le faire revenir. »

Elle croise ses bras sur sa poitrine en tapotant le bas de son épaule de ses doigts. Elle réfléchit quelques secondes avant de me répondre.

« De l’énergie et de quoi capturer le Pokémon. Il se réveille sauvage. »

Je hoche la tête sans piper mot. Azaëlle rappelle son Pokémon dans sa pokéball avant de m’indiquer qu’elle compte se retirer dans sa chambre. Je la laisse partir, toujours sans un mot, bien trop concentré sur ce que je viens de voir. Ce Ptyranidur était parfait. Même plus. Si Yveltal se réveille dans le même état… Tout ira pour le mieux. Mon sourire s’élargit encore plus, je me mords l’intérieur de la joue. Parfait… Parfait…
Je décroche mon Holokit, les mains légèrement tremblantes.

« Ancolie. Brasénie. J’ai du travail pour vous. »