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| [Bleu] Traces - Nuzlocke Pokémon Bleu Romancé | |
| Koukin
Écrivain
Nature : Prudent
Exp : 186
| Sujet: [Bleu] Traces - Nuzlocke Pokémon Bleu Romancé Sam 18 Jan 2014 - 23:50 | |
| Rappel du premier message :Bonjour à toutes et tous et merci de l'attention que vous accordez à ce sujet, cliquer ainsi est très courageux. Ce Nuzlocke romancé est basé sur la toute première génération, pokémon bleu pour être précis. Les règles sont : -Tout pokémon K.O est considéré comme mort -Seul le premier pokémon rencontré est capturable, exception faite si il est déjà capturé et enregistré sur le pokédex. -Interdiction de capturer des pokémons légendaires -Interdiction d'échanger ses pokémon de quelque manière que ce soit -Obligation de donner un surnom à ses pokémons - + quelques autres règles temporaires établies pour le fun et que je préciserai en fin de chapitre. Ce Nuzlocke romancé sera un peu sombre, il y aura quelques grossièretés et certaines scènes peuvent ne pas être adapté à tous les publics. Je préviendrai à l'avance en début de post si c'est le cas. Il n'est pas impossible que je décide de corriger quelques éléments un de ces jours. Résumé : Dans la vie, il y a ceux qui veulent briller, ceux qui ne peuvent pas et ceux qui sont contraints de rester dans l'ombre. Malheureusement pour Alfaro, son père disparu depuis des années semblait faire partie de la troisième catégorie. Commence alors un voyage pour retrouver ses origines, quel que soit le prix à payer. Du moins le pensait-il.Bonne lecture et merci d'avance pour vos retours ^^ - Chapitre 1:
Daily KantoExclusif : après plusieurs mois de débats, le parlement vient de voter la loi sur la limitation de capture de pokémons. Cette limite lancée à l'initiative des associations pour la vie sauvage impose désormais aux dresseurs de capturer un unique pokémon par zone, non renouvelable. Coup de massue supplémentaire, les dresseurs n'auront droit qu'à une seule chance de capture, celle du premier pokémon rencontré hors-amendements supplémentaires. Le principal défenseur de cette loi, monsieur Takeshi Nuzlocke, affirme : "Trop de dresseurs considèrent les pokémon comme des objets. Le nombre de décès liés aux matchs n'a cessé d'augmenter ces dernières années. Avec cette loi, nous espérons que les dresseurs réfléchiront d'avantage et cesseront d'envoyer les êtres vivants dont ils sont responsables se faire tuer uniquement par stratégie. Le Syndicat des Dresseurs de Kanto a appelé à manifester contre cette loi. Malgré les exceptions qui leurs sont consacrés, certains champions d'arènes encouragent le mouvement. Monsieur Gotzaburo Flint, champion en titre d'Argenta, témoigne : "Avec cette nouvelle règle, l'élevage deviendra quelque chose de codifié que seuls les meilleurs pourront transmettre. Plutôt que d'agir et d'étudier au cas par cas, le gouvernement prend la solution de la facilité. Oui, les dresseurs font des erreurs, mais ce sont elles qui font progresser et qui font que chaque relation entre les pokémons et leur maître est unique. J'appelle tous ceux qui sont contre cette loi élitiste à manifester pour son retrait" La loi entrera en vigueur dans les prochains mois. De nombreux mouvements sont d'ores et déjà prévus malgré la position ferme du gouvernement. *°*°*°*° 9 ans plus tard...Il pleuvait dru ce jour-là au Bourg Palette. Un orage assez conséquent pour la saison avait éclaté quelques minutes auparavant, déversant des gouttes de pluies qui frappaient dans un roulement continu contre les fenêtres. Le village, par sa taille modeste, avait pour avantage de faire se connaître tous ses habitants, aucun humain n'était donc dans les rues et seuls quelques pokémons sauvages couraient rejoindre leurs nids où ils seraient à l'abri. Le professeur Samuel Chen était dans son salon, à moitié allongé dans un des canapés et lisant un livre. Le mauvais temps l'avait obligé à faire rentrer tous les pokémon dont il avait la charge dans leurs pokéballs, exceptés quelques courageux mais résistants adeptes de l'eau qui profitaient de leur élément pour se ressourcer. Les orages le distrayaient à chaque fois et il jetait de fréquents coups d'œil à la la fenêtre, plongé dans ses méditations. -L'oiseau légendaire tonne au-dessus de nos têtes : écoutons ses plaintes. Comme pour confirmer le haïku, un éclair illumina la pièce un bref instant, bientôt suivi par le grondement du tonnerre. Chen se leva, posa son livre et attrapa une paire de pokéballs posées sur la table. Le vent soufflait désormais avec une telle force qu'il était hors de question de laisser un seul pokémon dehors. Le chercheur se dirigea droit vers la porte menant au parc de la propriété, ignorant le parapluie posé contre un mur. Avec ou sans protection, il serait de toute manière obligé de se sécher dans sa salle de bain. Le vent soufflait avec une force peu commune. Aussi, Chen ne perdit pas de temps et fît tinter la cloche accrochée à côté de la porte. Quelques secondes plus tard, un akwakwak accompagné d'un tétarte courraient vers lui. -La récréation est terminée les enfants, c'est trop dangereux, dit l'homme d'une voix suffisante pour couvrir le bruit des rafales. Les créatures ouvrirent la bouche comme pour répondre mais leurs cris restèrent silencieux.. Le chercheur, devant l'accord présumé, enclencha les deux pokéballs qui s'ouvrirent et aspirèrent le tétarte et l'akwakwak dans un rayon de lumière rouge. Il porta son regard en direction du lac : les pokémons qui s'y trouvaient se réfugieraient au fond, ils ne couraient donc aucun danger. Sa mission accomplie, il retourna au sec, direction la salle de bain et tant pis pour le carrelage. Une serviette trempée et un pull brun à col roulé plus tard, il redescendit et s'installa de nouveau dans son canapé, une veste blanche sèche posée sur la table de son bureau. Ses recherches pouvaient bien attendre le retour du beau temps. L'orage s'éloigna peu à peu mais la pluie et le vent ne diminuèrent pas. Chen somnolait désormais sur son canapé, bercé par les éléments. Le livre était tombé au sol sans un bruit et la main qui la tenait pendait maintenant dans le vide. Il n'était plus tout jeune. Deux fois grand-père, approchant de la soixantaine, il se consacrait avec plus d'ardeur que jamais à ses recherches. Parallèlement à ses activités scientifiques, il faisait partie du conseil des dresseurs vétérans de Kanto. Son rôle était d'évaluer la capacité des jeunes gens à savoir entraîner ou non un pokémon de manière responsable, ayant lui-même parcouru le pays dans sa prime jeunesse. Depuis le grand changement survenu 9 ans auparavant, les occasions de voir partir une jeune pousse de dresseur s'étaient faites moins courantes et plus rare encore étaient celles qui lui permettait de contempler leurs sourires à leur retour. Le monde avait bien changé. Peu après l'adoption de la loi Nuzlocke, de nombreuses autres règles avaient été votées. Parmi elle, l'interdiction indiscutable pour les aspirants de moins de 18 ans à devenir dresseurs. La détention de pokémons en tant qu'animaux de compagnie avait également subie plusieurs restrictions pour éviter que les tout jeunes enfants ne prennent trop confiance en eux. Bien que le tabou soit présent, tous pensaient la même chose : les liens entre humains et pokémons se démêlaient. Paradoxalement, les sentiments échangés se révélaient plus forts. Du fait de la limitation de la capture des pokémons sauvages, les dresseurs devaient s'occuper d'avantage de leurs compagnons de route. Et si cela créait des souvenirs irremplaçables, le vide que laissaient les créatures à leur mort avait donné lieu à de nombreux cas de dépressions et de suicides. Il était difficile pour Samuel Chen de plonger ses yeux dans ceux des dresseurs ayant eu le malheur de connaître une telle tragédie. Quand ce n'était pas de la tristesse, c'était une dureté qui n'avait rien de rassurant. Lui qui avait connu un âge d'or où dresseurs et pokémons avançaient continuellement, voir des destins brisés à cause d'une erreur lui retournait le cœur. Il n'y avait pas de seconde chance, c'était tout ou rien. Il avait donc prit son rôle d'évaluateur très au sérieux mais toujours avec pédagogie. Par chance, la plupart des dresseurs qui venaient le consulter venaient du Bourg Palette, ils avaient donc l'occasion de discuter longuement. De plus, il n'était pas rare pour lui d'organiser des ateliers dans les écoles de la région. Il profitait ainsi de sa renommée pour apporter le message suivant aux jeunes pousses : "élever des pokémons est plus que jamais une tâche lourde et difficile. Montrez-vous digne de cheminer à côté de ceux qui nous ont soutenus durant des millénaires". C'était ça ou se rebeller ouvertement contre le système et voir ses fonds pour la recherche disparaître. Chen se réveilla de son demi-sommeil, son humeur aigrie par ces dernières pensées. Il jeta un coup d'œil à la fenêtre : la pluie, bien que toujours régulière, avait diminuée et le ciel noir était devenu gris. Le mauvais temps ne cesserait sûrement pas avant le milieu de la nuit. Une tasse de thé plus tard, le chercheur s'installa à son bureau dans l'espoir de finir le classement de diverses données. Avec un temps pareil, il n'arriverait de toute façon pas à se motiver pour quoi que ce soit d'autre. Il en était au tout début quand on toqua à la porte. Croyant confondre avec autre chose, il laissa passer quelques secondes avant que le visiteur ne frappe de nouveau. -J'arrive, j'arrive, lança Chen en réponse à une troisième série de coups. Après avoir remis sa veste, le scientifique partit en direction de l'entrée, légèrement inquiet. Avec une pluie pareille, seule une urgence pouvait convaincre quelqu'un de gravir les marches menant à son laboratoire. Il actionna les verrous de la porte et l'ouvrit. Devant lui se trouvait un adolescent brun, de corpulence un peu maigre pour sa taille moyenne. Ses vêtements se limitaient à un jean bleu éraflé d'où pendait une chaîne en métal, d'un t-shirt noir et d'une veste à manche courtes de la même couleur tendue au-dessus de sa tête en guise de parapluie. Son visage était tânné par le soleil et sans l'absence de surprise sur son visage, on aurait pu douter que ce fût un vacancier de Carmin-sur-mer accidentellement téléporté à Bourg-Palette. Il portait également un gros sac à dos sans pour autant avoir une ceinture de dresseurs, ce qui trahissait ses intentions. Le professeur le regarda quelques secondes, cherchant son visage dans sa mémoire. Ce garçon n'était pas du village et il doutait l'avoir jamais rencontré. L'étranger prit alors la parole. -Vous êtes bien le Professeur Samuel Chen ? -Oui, mais ce n'est pas le meilleur endroit pour discuter. Entre. Il recula pour laisser passer son invité qui ne se fît pas prier pour entrer, ignorant les flaques d'eau et de boue qu'il laissait derrière lui. Chen grimaça mentalement : il allait avoir besoin d'une serpillière neuve pour pouvoir éponger tout ça. -Tu peux poser ton sac ici, dit-il en montrant un coin contre un mur. Si tu veux te sécher, la salle de bain est au premier étage, deuxième porte à droite. -Merci. Le garçon aux cheveux bruns monta tandis que Chen se dirigeait une nouvelle fois dans la cuisine préparer une deuxième tasse de thé. Pourvu qu'il n'ai pas à régler une énième affaire de fugue : avec tous les dangers de la vie de dresseur, il fallait obligatoirement fournir un document attestant que les proches de l'aspirant étaient au courant du nouveau choix de vie du concerné. Au travers d'un souci de prévention, c'était en réalité une autorisation parentale camouflée. Même en ayant l'âge minimal requis, certains parents refusaient de signer et leurs enfants partaient seuls sur les routes. Foutue paperasse... -De mon temps, on avait pas besoin de toutes ces conneries pour partir, bougonna le scientifique. Un compagnon de route, du courage, et ça nous suffisait. Il soupira puis revint dans le salon. Aucun bruit ne se faisait entendre à l'exception de la pluie qui continuait de battre contre les carreaux. Chen regarda sa montre : 18 heures 25. Qu'est-ce qui pouvait donc bien forcer quelqu'un à marcher par ce temps sans qu'il n'y ai urgence sur une vie ? L'adolescent descendit quelques minutes plus tard et le rejoignit, coupant court à ses réflexions. -Je t'en prie, tu peux t'asseoir. Tu t'appelles...? -Alfaro Straeno. Merci beaucoup pour votre accueil, répondit le garçon en s'asseyant sur le canapé en face. -Ce n'est rien. J'ai moi-même parcouru les routes étant plus jeune, alors entre dresseurs... -Je ne suis pas encore dresseur, professeur, le coupa Alfaro. Les prédictions de Chen s'avéraient donc juste. Il n'aimait pas trop se fier au jugement physique, mais celui qu'il avait en face avait tout de l'adolescent fugueur. Son regard s'arrêta un peu trop longtemps sur la chaîne accrochée à son jean. Selon son petit-fils, c'était la mode à Safrania, la abstraction de ce détail, il poussa plus en avant son investigation pour confirmer son sentiment. -Tu n'as pas l'air du coin. Je peux savoir d'où tu viens ? -De Safrania, monsieur. Chen passa un bras sur le dos du canapé. Look de petit bagarreur mais manière polies, ajouté à cela le fait qu'il soit spontanément venu voir l'autorité scientifique de la région. Le jeune restait silencieux, il allait donc falloir y aller par étape. -De Safrania...répéta Chen. Et tu veux devenir dresseur, hum ? Alfaro hocha la tête silencieusement, les yeux fuyant son interlocuteur. Il ne pensait pas être reçu aussi facilement et cela le mettait mal à l'aise. Chen en était au même point : comment en savoir plus sur ce garçon sans le troubler encore plus ? -Tu n'as tout de même pas fait tout ce chemin alors que tu pouvais faire ta demande à Safrania ? demanda-t-il, interloqué. -Il y a...autre chose... Alfaro leva la tête et regarda l'expert en pokémons. Ses yeux gris foncé brillaient, contrastant désormais avec son teint basané. -Selon ma mère, vous auriez eu des contacts avec mon père, Alberto Straeno, un scientifique. Chen croisa le regard de l'adolescent. Les sourcils de ce dernier s'étaient froncés à l'évocation de son père comme pour insister sur l'importance de la question. Changeant de position, le scientifique se caressa le menton et réfléchit un instant. -C'est possible...tous les chercheurs veulent plus ou moins s'entretenir avec moi, je ne peux donc pas retenir tous leurs noms. Mais je peux faire des recherches là-dessus. Pourquoi cette question ? Alfaro ne répondit pas et se contenta de boire une gorgée de thé. Chen insista. -Tes parents savent que tu es ici, au moins ? -Mon père n'a plus donné signe de vie depuis 11 ans et ma mère est morte il y a quelques jours, lâcha soudain l'adolescent. Un silence pesant s'installa tout d'un coup durant lequel Chen se maudit intérieurement. Orphelin de mère, père disparu sans laisser de traces, certainement aucune famille proche vu le nom d'immigrés et peut-être encore mineur. -E pourquoi est-ce que tu veux devenir dresseur ? -Bah pour retrouver mon père, lâcha Alfaro comme si c'était une évidence. -Ce n'est pas une raison invoquée et entendue par la loi, le contredit Chen. -Ok, je veux casser du champion d'arène, devenir le meilleur dresseur de tous les temps et d'autres conneries dans le genre. Il a ça dans ses fichiers, votre ordinateur ? Le scientifique sentit son visage se crisper imperceptiblement. De son avis personnel, ceux ayant des motifs prédéfinis ne faisaient généralement pas de bons dresseurs, même si ils partaient à la conquête des arènes. Malgré les nouvelles lois, certains humains continuaient de traiter les pokémons comme des outils et le gouvernement avait de plus en plus de mal à les traquer. Il craignait que le jeune homme en face de lui ne devienne l'un d'eux. -Devenir dresseur n'est pas donné à tout le monde. Il faut un minimum de connaissances en la matière. -Je me débrouillais plutôt bien à mon bahut. Allez-y, interrogez-moi sur c'que vous voulez, encouragea Alfaro avec un léger sourire en coin. Chen ne se fît pas prier et commença par faire décrire les avantages et les faiblesses des pokémons du type poison immédiatement après la mise au défi. Les réponses données par le brun furent parfaites. L'entretien ponctué par quelques anecdotes nostalgiques de l'examinateur dura le reste de la soirée. Malgré son caractère à la limite du supportable, le professeur Chen dut admettre que le gamin connaissait les bases du dressage : types, attaques, forces et faiblesses, notion d'évolution...seule l'utilisation des objets lui posa problème, ce que le vétéran-dresseur corrigea. Favorablement impressionné, il osa même demander comment son invité avait acquis de telles connaissances. -J'ai pris option Découverte du Dressage à mon bahut et j'ai un peu bouquiné là-dessus. Chen sourit : malgré les difficultés qu'ils rncontraient, rares étaient les aspirants qui prenaient la peine d'étudier sérieusement la théorie. Le gamin avait de la cervelle, c'était sur. Le cœur, en revanche... -Tu es conscient que les pokémons demandent beaucoup de soins, n'est-ce pas ? -Oui, oui. Je gardais les pokémons des voisins quand ils devaient s'absenter, mentit Alfaro. Il n'avait jamais vraiment approché de pokémons. A Safrania, seuls des miaouss sauvages et des ratatas étaient trouvables mais personne n'en voulait. Il n'avait jamais approché l'arène et s'était contenté de jeter un coup d'œil à la façade d'un centre pokémon. Une de ses connaissances l'avait forcé à venir au dojo et lui avait montré des pokémons humanoïdes gris et laids. Il se souvint la surprise qu'il avait eu lorsque l'un d'eux l'avait soulevé comme une plume sous les rires des karatékas alentours. Rouge de honte, Alfaro était parti le plus vite possible et avait développé une animosité envers les pokémons de type combat. Le professeur Chen ne suspecta pas le mensonge et termina l'entretien. -Hmm...tu sembles savoir ce que tu fais. Si ça ne tenait qu'à moi, tu pourrais partir, mais il y quelques empêchements... Alfaro baissa de nouveau les yeux. C'était l'une des raisons pour laquelle il avait demandé à un ami de convaincre son père de l'amener jusqu'à Jadielle : il était impossible de discuter avec les fonctionnaires de Safrania, quand ils ne vous demandaient pas quinze fois le même document. -Mais il se fait tard, je verrai tout ça demain. Tu n'as nul part où loger, n'est-ce pas ? Cette fois-ci, Alfaro tourna carrément la tête vers le mur. Si il s'était senti un peu plus détendu lors de la discussion qu'il avait eu précédemment, sa fierté l'empêchait de répondre. Chen se décida à parler. -Comme je te l'ai déjà dis, j'ai moi aussi été dresseur. Offrir l'hospitalité ne me pose donc aucun problème. -Juste pour cette nuit, alors. Je serais dresseur dès demain ? -Je ferais mon possible, mais rien n'est sûr. Si tu me sembles avoir les compétences pour parcourir les routes, ce n'est peut-être pas l'avis de la loi. Tu as l'âge requis, au moins ? -Dans quelques mois, grogna Alfaro. Encore une complication. Par tous les légendaires, il était chercheur, pas assistant social ! Chen garda cependant son calme et jeta un œil à sa montre. 21 heures 15. Il était inutile d'entreprendre quoi que ce soit pour le moment. -Je dois avoir quelque chose au frigo. Tu peux monter tes affaires, la chambre d'ami est juste en face de la salle de bain. Alfaro obéit et monta en silence. Une fois hors de vue, Chen s'autorisa un bref soupir. Quand il y avait fugue, il lui suffisait de discuter avec l'aspirant dresseur et d'appeler les parents. L'affaire était beaucoup plus compliquée cette fois-ci bien que, en un sens, rien n'empêchait le gamin de partir sur les routes. Il se promit cependant de faire quelques recherches. Si Alberto Straeno était bel et bien un scientifique, le retrouver ne serait pas difficile. Peut-être même était-il déjà au courant de la mort de sa femme. Bien évidemment, toute cette histoire ne reposait que sur les affirmations du jeune garçon. Partir de Safrania juste pour cette mascarade avait beau être un peu fort, il se devait de vérifier les dires d'Alfaro. Mais il se faisait tard et Chen avait tout le lendemain pour mettre son plan à exécution. Qui sait. Le garçon allait peut-être lui être utile... A l'étage, Alfaro se réfugia dans la chambre d'invités, inconscient des plans de son hôte. Une fois la porte fermée, il jeta son sac dans un coin et s'assit sur le lit, le regard baissé et les mains croisées sous son menton. La pénombre de la pièce l'aidait à réfléchir et à se remettre de ses émotions. C'était déjà un miracle en soi que d'être arrivé jusqu'ici. Convaincre le père de l'un de ses amis, employé par la Sylphe SARL, de l'emmener avec lui jusqu'à Jadielle n'avait pas été facile. Le mauvais temps l'avait fait plus d'une fois trébucher sur le chemin du Bourg-Palette, mais il était arrivé à son étape sain et sauf. -Si j'avais su que le célèbre professeur Chen n'était qu'un vieux sentimentaliste...murmura-t-il. Il s'autorisa un petit sourire, puis se força à reprendre un visage neutre avant de se lever et quitter la pièce. Tout se déroulait comme il l'avait prévu.
- Chapitre 2:
Le lendemain matin, Alfaro se réveilla de bonne heure, ce qui selon ses critères signifiait 9 heures et demi. Il ne se leva pas tout de suite et préféra songer à tout ce qu'il s'était passé depuis son départ de Safrania. Les choses se déroulaient plutôt bien pour le moment : il était arrivé sain et sauf à sa première destination et celui qui était considéré comme le meilleur scientifique de la région se révélait très conciliant, du moins en apparence. Il ne pouvait espérer meilleur commencement dans sa quête pour retrouver son géniteur.
Il tendit l'oreille pour percevoir des bruits aux alentours et entendit un raclement de chaise ainsi que des bruits de pas au rez-de-chaussée. Concluant que son hôte était déjà debout, Alfaro se leva, s'habilla rapidement et descendit. Il se dirigea en premier lieu vers le salon qu'il trouva vide, ce qui le força à faire plusieurs pas hésitants avant d'arriver au laboratoire.
Cette pièce était au moins trois fois plus grande que la précédente, ce qui était somme toute normal au vu des activités qui y avaient lieu. De grandes baies vitrées éclairaient des aquariums pour pokémon posés en dessous d'elles. Tout autour de la pièce, contre les murs, étaient disposés de lourds appareils électroniques que Alfaro aurait été bien incapable d'identifier. Le seul qu'il reconnaissait était un grand ordinateur posé sur le bureau de son propriétaire qui se trouvait juste à côté, visiblement très occupé.
-Bonjour mon garçon, le salua Chen en posant une pile de document sur son bureau. Assieds-toi, j'en ai pour une minute.
Alfaro obéit sans dire un mot et s'installa sur l'unique canapé, orange cette fois-ci, situé en face du mur aux aquariums. Il remarqua une assiette de tartines à moitié noircies ainsi qu'une tasse vide et une théière posés sur une petite table en face. N'attendant pas d'invitation, il se servit et mâchonna lentement son petit-déjeuner.
Prudent et calculateur de nature, il avait tenté de prévoir la suite des événements toute la nuit. L'entretien de la veille lui avait donné bon espoir et le vieil homme se montrait conciliant à son égard, ce dont il n'avait pas tellement l'habitude. Il avait participé à de nombreux mauvais coups a Safrania, si bien que sa réputation en dehors de son cercle de petits voyous des rues n'étais pas encourageante. Il se plaisait néanmoins à se considérer comme une tête pensante et non comme une masse de muscle, ce qui n'était pas toujours inutile.
Le professeur Chen pianota durant quelques minutes sur son ordinateur puis rejoignit Alfaro, une tasse vide dans une main et une chaise dans l'autre. Il s'assit en face de la petite table basse, se servit du thé et commença la discussion.
-J'ai retrouvé les lettres que ton père m'avait envoyé il y a plusieurs années. Je m'en souviens maintenant, il travaillait sur l'anatomie des pokémon, non ?
-'chais pas, dit Alfaro en levant les épaules. J'étais trop jeune et ma mère m'en a jamais parlé.
-Quoi qu'il en soit, j'ai essayé de retrouver sa trace mais aucun signe de lui. Il travaillait à Safrania, je crois...
Alfaro termina d'avaler une tartine puis répondit mollement :
-Ouais, mais il a quitté la maison et depuis, plus rien.
-Il y a 13 ans, c'est ça ?
-P'têt bien. Je m'en souviens plus trop.
Chen se retint de soupirer. Pour un garçon qui semblait vouloir retrouver son père, il n'avait pas fait beaucoup d'enquêtes préalables. Ou bien sa mère était restée discrète sur le sujet.
-A ce propos, toutes mes condoléances pour ta mère. Cela doit être très dur.
L'adolescent resta silencieux et fixa le sol. Le scientifique en imputa la cause à la fatigue avant de voir que les mains du jeune garçon s'étaient mises à trembler autour de sa tasse. Ne voulant voir craquer ni sa vaisselle ni Alfaro, il décida de changer de sujet.
-Je suis vraiment désolé, je n'ai pu trouver aucun piste mais j'ai néanmoins de très bonnes nouvelles à t'annoncer...
Le chercheur fut malheureusement coupé dans ses paroles par le claquement de la porte d'entrée. La personne qui les interrompait s'annonça immédiatement.
-Pépé ? C'est moi !
-William ? Qu'est-ce que...ah oui ! Je suis dans le laboratoire ! indiqua Chen au nouvel arrivant.
Quelques secondes plus tard, un jeune garçon un peu plus âgé que Alfaro les rejoignit. Il ignora le brun et s'adressa directement au plus vieux.
-Alors pépé, tu les as ? demanda-t-il, apparemment impatient.
-Oui oui, ne t'en fais pas pour ça. Au fait, je te présente Alfaro. Il va lui aussi devenir dresseur dès aujourd'hui.
Le concerné sourit légèrement, son visage toujours dirigé vers le carrelage de la pièce. Enfin ! Il allait enfin avoir la possibilité d'agir comme il le souhaitait ! Dans un sens, il comprenait l'excitation que ressentait le nouvel arrivant.
-Alfaro, voici mon petit-fils, William.
-B'jour, lâcha Alfaro en faisant un petit signe de la main.
Il le détailla du regard. La première chose qui sautait aux yeux chez William était sa coiffure. D'un châtain proche du roux, elle défiait littéralement les lois de la gravité de par ses nombreuses mèches qui pointaient dans tous les sens. Il était légèrement plus grand que Alfaro et son visage était plus rond, ce qui ne l'empêchait en rien d'afficher un air narquois. Ses yeux cuivrés s'attardèrent un instant sur le brun, toujours assis sur le canapé, puis revinrent à son grand-père.
-Ouais, ouais. Bon, y sont où mes pokémon ?
-"Tes" pokémon ? Tu connais la règle, William : un seul pokémon de départ. Les pokéballs sont juste à côté, suivez-moi.
Le petit groupe se dirigea vers le fond de la salle. Sur une table rectangulaire reposaient les trois outils de capture et de transport.
-Dans ces pokéballs se trouvent trois pokémon : feu, eau et plante. Alfaro, à toi de choisir.
-Mais c'est dégueulasse pépé ! Pourquoi c'est pas à moi de choisir en premier ? s'insurgea le petit-fils du chercheur d'un ton offusqué.
-Patience, William, tu en auras un toi aussi. A toi l'honneur, dit-il au brun
Alfaro s'avança vers la table d'un air dubitatif. Il n'avait aucune idée de ce à quoi pouvaient bien ressembler les pokémon qui étaient devant lui. Il regarda derrière son épaule en direction de William qui trépignait d'impatience.
-Dépêche, j'ai pas toute la journée, dit-il d'un ton pressant.
Si il avait su quels pokémon lui seraient proposés, Alfaro y aurait réfléchi plus longtemps. En désespoir de cause, il se basa sur les types annoncés par le professeur Chen : feu, eau ou plante. Un parfait cercle d'avantage et de faiblesse.
-T'as choisi quoi, toi ? demanda-t-il au natif de Bourg Palette.
-Pour que tu me le prennes ou que tu aie un avantage ? Crève !
-Allons ça suffit vous deux ! raisonna le scientifique, lassé de voir les deux plus jeunes se disputer. Alfaro, s'il te plaît...
L'adolescent lâcha un soupir et avança finalement sa main vers la troisième pokéball, celle qui contenait le pokémon de type plante. Après tout, s'occuper d'une espèce d'arbuste miniature ne devait pas poser trop de problèmes. De l'eau, du soleil et ça poussait très bien tout seul, rien de compliqué à ça.
-Bulbizarre, hein ? Parfait pour les débutants, remarqua Chen.
Le choix de William prit beaucoup moins de temps. A peine Alfaro eut-il soulevé la pokéball de son socle qu'il s'emparait de celle située à l'extrémité de la table.
-T'aurais pris cher si tu avais choisi mon salameche, dit-il en cachant tant bien que mal son grand sourire.
-J'ai dit ça suffit ! répéta Chen d'une voix autoritaire. Bien, maintenant que les choix sont faits, écoutez-moi attentivement. Les pokémon que vous avez désormais en votre possession sont encore jeunes, fragiles mais énergiques. Ils ont été élevés au contact des humains, vous devriez donc vous lier très vite avec eux. Je vous conseille de vous entraîner aux alentours. N'allez surtout pas plus loin que Jadielle, j'aimerai vous revoir dans l'après-midi. des questions ?
Face aux deux signes de tête négatifs, le scientifique conclut son discours.
-Bien, tu peux y aller William. Alfaro, je peux te parler un instant ?
Le châtain partit rapidement, visiblement très pressé d'entraîner son pokémon. De son côté, Alfaro se rassit sur le canapé sur l'invitation du professeur Chen. Il ressentait déjà une certaine antipathie pour le petit-fils du chercheur et son caractère de gosse pourri-gâté. Selon Alfaro, tous les gens qui avaient plus ou moins reçu un coup de piston étaient incapables de faire quoi que ce soit par eux-mêmes, voir l'autre échouer dans la semaine ne l'étonnerait donc guère.
-Bon. Ça, c'est fait.A ton tour maintenant. Comme je voulais te le dire tout à l'heure, je peux t'obtenir une carte de dresseur. Tu n'as certes pas encore 18 ans mais pour quelques mois...on peut faire abstraction. Je devrais te l'obtenir dès cet après-midi. En échange, j'aimerais que tu me rendes un petit service.
Alfaro regarda l'homme plus attentivement. Il n'y avait rien d'exceptionnel à un échange de bons procédés. C'était monnaie courante à Safrania : en échange d'un "petit service" pas tout à fait légal et du silence, on proposait quelques travaux manuels ou un autre arrangement à la limite de ce qui était permis. Pourvu qu'il ne lui demande pas de reclasser les livres de la bibliothèque, le jeune garçon n'était pas un amoureux des pavés scientifiques indéchiffrables.
-J'ai un colis qui m'attend à la boutique pokémon de Jadielle mais il semblerait que l'orage d'hier limite les communications. Le livreur m'a appelé ce matin pour me prévenir et je lui ai parlé de toi.
-Carte de dresseur contre colis à livrer ? Pas de problèmes, dit Alfaro.
-Prends ceci en cas de besoin, c'est une lettre disant que tu es à mon service, dit Chen en sortant une enveloppe de sa veste. J'y pense, que dirais-tu de donner un surnom à ton bulbizarre ?
Le brun haussa les sourcils. Il connaissait cette pratique à la mode chez les dresseurs mais n'en voyait pas l'utilité : faire des combats à mort ne nécessitait pas de s'attacher à ses bestioles. Pire encore, il savait les dangers qu'il encourait à y donner trop d'importance. Bien qu'il se considérait comme peu sentimental, il n'avait pas envie de voir son voyage à la recherche de son père entravé par de stupides dépressions au moindre pokémon mort. Son interlocuteur sembla deviner ses pensées et trouva une excuse.
-Je suis sûr que cela te sera utile, dit le chercheur en appuyant sur les syllabes de manière entendue. Tu n'as pas les connaissances de William et les pokémon aiment qu'on leur donne des sobriquets. Un pokémon avec qui l'on prend le temps de sympathiser donne toujours tout de lui-même pour son dresseur et se battra pour lui de la meilleure façon qui soit.
"Ah, si c'est utile, autant ne pas cracher dessus", pensa Alfaro.
Il regarda un instant la sphère blanche et rouge qu'il tenait entre ses mains. La créature était un bulbizarre, hein ?
-Sors-le, ça t'aidera à choisir, proposa le plus âgé.
Le natif de Safrani obéit. Il prit la pokéball de façon à ce que le bouton soit dirigé vers le sol, appuya dessus et son occupant en sortit dans un rayon de lumière rouge. Le pokémon était vert avec quelques tâches plus sombres disséminées sur son corps et sur sa tête ronde et plate qui dévoilait sous ses yeux rouges une large bouche dotée de deux canines. On aurait dit une petite tortue terrestre mais le bulbe fermé qui reposait sur son dos remplaçait la carapace tout en confirmant son appartenance au type plante.
-Bulbizaaarre ! salua la créature avant de se diriger vers la chaise du professeur Chen.
-Bonjour toi. C'est moi qui l'ai élevé, dit-il à l'intention d'Alfaro. Maintenant que tu es son maître, il devrait t'écouter un peu.
L'adolescent ne sut comment réagir. Avec les Miaouss de sa ville natale, il suffisait souvent de tendre la main et de faire un petit signe. Il essaya sans dire un mot avec l'espèce de tortue qui s'avança doucement vers lui et se laissa caresser la tête.
-Billy, ça te va ? proposa le jeune garçon.
-Zaaare ! Bulbi, bulbizaaarre ! répondit l'adepte des plantes, tout sourire.
-Une bonne chose de faite, dit l'ancien dresseur en souriant à son tour. Tu connais la route, il ne te reste plus qu'à y aller.
-Je serai de retour très vite, dit Alfaro en se levant, la chaîne de son jean produisant un léger cliquetis.
Il hésita à ramener le bulbizarre dans sa ball mais préféra faire bonne figure devant le chercheur et le laissa libre de ses mouvements. Les deux humains et le pokémon sortirent du laboratoire et tombèrent nez à nez avec William.
-William, tu n'es pas encore parti ? demanda Chen.
-J'ai eu une meilleure idée. Toi, là, ça te dirait un match ? demanda-t-il en fixant Alfaro.
Ce dernier hésita, ne voulant pas perdre de temps, mais il valait mieux se montrer conformiste jusqu'à ce qu'il ai obtenu sa carte de dresseur.
-Je te met quand tu veux, répondit son opposant en souriant d'un air moqueur.
Les deux rivaux se dirigèrent à l'arrière de la propriété, près du parc. Billy étant déjà hors de sa ball, il suffit d'un mot de son dresseur pour qu'il se mette en position. William se mit plusieurs mètres face à son adversaire et lança son unique pokéball.
-Montre-lui c'que tu sais faire.
Une fois la forme matérialisée par le rayon rouge, Alfaro put détailler l'adversaire de son bulbizarre. Une espèce de lézard bipède orange avec le poil plus clair sur le ventre lui faisait face. Un salamèche, comme l'avait cité William un peu auparavant. Il possédait une queue enflammée au bout ainsi que de courtes griffes et la forme de sa tête ressemblait beaucoup à celle du bulbizarre, en plus allongée et avec des iris bleus. William commença sans que Alfaro ne s'en rende compte.
-Aka, attaque griffe !
Le lézard, un sourire béant l'instant d'avant, bondit d'un coup en direction du quadrupède et lui porta un coup de griffe qui fit mouche. Énervée, la créature verte grogna et répliqua par un coup de tête qui fut sans effet. Au vu de la corpulence de son allié, une attaque profitant de son poids semblait la meilleure chose à faire et Alfaro répliqua :
-Charge-le !
Billy pris appui sur ses pattes et chargea de toutes ses forces son opposant qui tomba sur le dos. Il pédala un instant dans le vide de manière comique, puis se redressa. Maintenant que les forces étaient connues des deux côtés, la bataille allait être plus tendue.
-Aka, rugissement !
Alfaro ne connaissant pas les effets de cette attaque, il se tourna vers le professeur Chen.
-Rugissement baisse l'attaque de ton pokémon. Bulbizarre doit l'avoir aussi.
-Bon ben...Rugi...
-Griffe !
Alfaro se maudit de son incompétence pendant que Billy poussait un couinement, le lézard l'ayant atteint au sommet de sa tête. Il aurait dû se douter d'un coup vicieux de la part de son opposant et décida de répliquer par une attaque frontale.
Le reste du combat se déroula de la même manière. Quelques ordres d'esquives avaient été lancées mais les pokémon, encore trop jeunes et glissant dans la boue, avaient du mal à éviter les attaques. Plus le temps passait, plus les créatures s'épuisaient. Alfaro, sentant que la respiration de son bulbizarre devenait plus difficile, décida d'en finir vite.
-Aka, Rugissement encore une fois !
-Billy, charge !
Le salamèche fit entendre son cri une deuxième fois avant d'être frappé de plein fouet par le monstre vert. Le choc fut tellement violent que le lézard vola sur plusieurs mètres avant d'atterrir sur le sol boueux, bougeant avec beaucoup plus de difficultés..
-Le combat est terminé ! La victoire revient à Alfaro et à son Bulbizarre, déclara Chen, mettant ainsi fin au match.
Alfaro sourit légèrement. Il n'aurait pas cru que sa première expérience en tant que dresseur serait un tel succès. Mieux encore, il ressentait un sentiment de puissance face à la défaite de son adversaire. Si les choses étaient aussi faciles, il aurait retrouvé son père avant la fin du mois.
-Tss...j'aurais dû l'entraîner avant, dit William en rappelant son salamèche.
Il tourna le dos au gagnant, et leva sa main en guise d'au revoir.
-A c't'aprem.
-T'oublierais pas quelque chose, l'écureuil ?
- Quoi ?!
"L'écureuil" en question se retourna vivement, vexé par son nouveau surnom. Il contempla un instant la main tendue de son adversaire, puis décida de se conforter au règlement de mauvaise grâce.
-Tss. Pour un débutant, tu connais au moins certaines règles. C'est déjà pas mal, se moqua-t-il, rancunier de sa première défaite.
La loi obligeait en effet les perdants à verser de l'argent aux gagnants des matchs. Une poignée de billets plus tard, William partit de la propriété en bougonnant. Alfaro allait en faire de même avant d'être appelé par le professeur Chen.
-Excellent combat, le félicita-t-il. Ton bulbizarre semble te faire suffisamment confiance. Suis-moi, je vais le soigner.
De retour au laboratoire, Alfaro fit rentrer Billy dans sa ball et la confia au scientifique qui la posa sur une machine. Elle projeta une lumière jaune et vibra une dizaine de secondes, puis la pokéball fut remise à son propriétaire.
-La première chose que tu devrais faire une fois arrivé à Jadielle serait de visiter le centre Pokémon J'imagine que tu sais à quoi il ressemble ?
-Ouais, un bâtiment avec écrit dessus "Centre Pokémon".
-C'est un peu plus que ça, mais c'est le plus évident. Prends ça également, c'est une potion au cas où tu en aurais besoin. Elle soignera les blessures légères de ton bulbizarre, dit il en prenant un spray mauve sur son bureau.
-Merci beaucoup pour votre aide, professeur.
-Tu me remercieras plus tard. Pour le moment, va donc entraîner ton pokémon. N'oublie pas de revenir cet après-midi avec mon colis.
Alfaro hocha la tête puis partit du laboratoire. Le ciel était bien moins noir qu'hier mais le soleil peinait tout de même à faire descendre ses rayons, se contentant de timides et froides apparitions. La pluie de la veille avait formée une couche de boue sur tout le village et il y avait fort à parier que les routes étaient encore pires.
Ne perdant pas de temps, Alfaro descendit les marches, sa veste ouverte légèrement gonflée par l'arrivée d'air. La température était un peu fraîche en cette matinée de printemps mais il n'y faisait pas attention, toutes ses pensées étant tournées vers les événements futurs.
Il arriva à l'entrée du bourg en quelques minutes. Devant lui se dressait un petit chemin abîmé par la tempête de la veille. Ignorant les coulées de boue, Alfaro se mit en marche. Le plus tôt il se serait débarrassé de ce colis, le plus tôt il pourrait partir à la recherche de son père. Chapitre 3 et 4Chapitres 5 et 6Chapitre 7Chapitre 8Chapitre 9Chapitre 10chapitre 11chapitre 12Chapitre 13Chapitre 14Chapitre 15Chapitre 16Chapitre 17Chapitre 18Chapitre 19Chapitre 20 |
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Auteur | Message |
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Iloufilm
Dresseur
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Exp : 433
| Sujet: Re: [Bleu] Traces - Nuzlocke Pokémon Bleu Romancé Lun 1 Juin 2015 - 20:07 | |
| J'ai bien aimé chapitre le chapitre mais je suis pas du tout sûr de ce qui arrivé à Alfaro - Question donc...:
Alfaro et la mére d'osselait ont changé de corps ? Ou il ressent ce que la mére éprouve ?Je suis assez confus même après avoir l'avoir relu O.o
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| | | Koukin
Écrivain
Nature : Prudent
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| Sujet: Re: [Bleu] Traces - Nuzlocke Pokémon Bleu Romancé Mar 2 Juin 2015 - 0:23 | |
| - Spoiler:
Au départ, Alfaro ressent ce que l'ossatueur ressent, ce qui explique son attachement alors inexpliqué envers l'osselait. Ensuite, Alfaro et l'ossatueur partagent involontairement leurs souvenirs (scène de la torture puis mort d'ossatueur, scène de la serre d'Erika). Enfin, l'ossatueur prend possession du corps d'Alfaro. Mais jamais le corps de la mère d'ossatueur n'est là, excepté lors des souvenirs
En espérant avoir répondu à ta question. |
| | | Stannys The Mannys
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| | | | Koukin
Écrivain
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| Sujet: Re: [Bleu] Traces - Nuzlocke Pokémon Bleu Romancé Mer 23 Déc 2015 - 23:07 | |
| Boum, ouais. - Chapitre 18 : Réconciliation:
Hurlements silencieux.
Ces deux mots n'avaient aucun sens mis l'un à côté de l'autre, mais c'était bien là l'état dans lequel était Alfaro, seul dans la petite chambre du sanctuaire où l'avait accueilli Irie Fuji. Replié sur lui-même dans une position fœtale, le jeune dresseur n'avait plus aucune notion du temps depuis que l'esprit de l'ossatueur l'avait quitté. Crispé tant physiquement que mentalement, fuyant tout contact avec le monde extérieur, se nourrissant à peine, il se sentait prisonnier dans un tourbillon de pensées qui le poursuivaient jusque dans son sommeil anarchique.
Il avait beau s'isoler du mieux qu'il le pouvait, passer de longues heures à chasser toute pensée dans sa tête, il ne pouvait ignorer les yeux braqués sur lui, imprimant deux points glacés sur sa peau. Parfois, dans de brusques accès de dépit mêlé rage, il tirait les rideaux de la petite chambre et fixait la tour devant lui. Malgré la hauteur à laquelle se trouvait le temple, le cimetière de pierre le dominait de deux étages, comme pour offrir aux morts le meilleur point d'observation afin de juger les vivants.
Des pokémons morts jugeant des humains vivants.
Cela lui semblait impossible, alors pourquoi continuait-il d'y penser ?
-Je ne peux rien pour toi ! lançait Alfaro, certain que Cleopatre pouvait l'entendre. Tu perds ton temps, alors fous-moi la paix et dégage !
Cela ne servait à rien. Aucune réponse, aucune sensation, toujours ces deux points glacés sur sa peau. Alfaro se sentait observé comme un pokémon en cage mais n'osait pas en sortir, sa dernière confrontation avec le sabelette encore trop violente dans son esprit pour oser l'affronter de nouveau autrement que séparés par plusieurs murs.
Sa fierté bafouée, il se sentait couvert d'une mince mais solide couche de lâcheté. Il ne pouvait rien faire, vaincu par un mort qui, il en était certain, le poursuivrait de ses yeux glacés où qu'il aille. Alors à quoi bon sortir, si c'était pour ne jamais être libre ?
A quel moment avait-il chuté ?
Ce n'était pas lorsque le vieux prêtre l'avait secouru, Alfaro en était certain. Il était encore lui, à ce moment. Faible, mais toujours lui. Ce n'était pas non plus lors de sa lutte contre l'esprit de l'ossatueur, bien au contraire. Ces deux possibilités éliminées, il tenta de comprendre plus en avant, de réaliser ce qu'il s'était passé, de ramasser le puzzle brisé qu'il était afin de se reconstruire, en sachant pertinemment que ce n'étaient pas des morceaux de carton qu'il avait devant lui mais des éclats de verre tranchants, prêts à lui apprendre la douleur si jamais il trouvait le courage de les manipuler.
Un écho de douleur résonnait en lui chaque fois qu'il progressait vers ses souvenirs. Les derniers instants du pokémon qui s'était ouvert à lui pour mieux le posséder. Lui-même, il ne savait comment, face au goupix. Sauf qu'il était le goupix.
Alfaro fuyait de nouveau, incapable de se voir en face. Sa seule issue était ce fond de colère auquel il s'accrochait. Et le cercle vicieux recommençait.
Avait-il eu tort ?
Son voyage se déroulait pourtant admirablement bien, si l'on exceptait les deux cadavres ayant pavé son chemin. Ce n'était bien entendu pas une fin en soi, mais les résultats étaient là. Roi sur l'échiquier, lui et sa troupe avançaient, jusqu'à ce qu'un pion mort ne réapparaisse et lui fasse échec. Il y avait forcément un moyen d'éliminer ce traître fou qu'était devenu Cleopatre. Mais comment ?
La réponse lui vint comme une évidence. Il était dans un temple, là où résidaient des prêtres capables d'exorciser des esprits. Comment avait-il fait pour ne pas y penser plus tôt ?
Fort de cette certitude, Alfaro se leva et posa sa main sur la poignée de la porte. Il sentit le métal froid contre sa peau, première sensation tactile qu'il éprouvait depuis il ne savait combien de temps, mais il se sentait toujours comme dans un rêve, prisonnier comme jamais il ne l'avais été. Le monde autour de lui n'avait pas retrouvé sa solidité et ses couleurs. Les paroles du vieux Fuji lui revinrent alors en mémoire.
« J'ai temporairement apaisé l'esprit du pokémon qui te tourmentait »
Mais qu'y avait-il à apaiser ?!
Un accès de rage le déchira en deux. Il n'y avait aucune paix à souhaiter sans une volonté forte pour l'instaurer. La manière dont il menait ses gardes du corps en était le parfait exemple, jusqu'à ce que lui-même ne tombe sur plus fort que lui. De certitudes en certitudes, il en vint de nouveau à la conclusion que le sabelette l'avait vaincu.
Échec et mat.
*°*°*°*°*°
De l'autre côté de la porte, dans le monastère à peine moins silencieux, la vie suivait son cours comme si rien ne s'était passé. Les fantômes , apaisés par la disparition de l'ossatueur, avaient disparus, permettant aux visiteurs de la tour de revenir rendre hommage à leurs morts. Un accident dont les seules séquelles étaient les murmures incessants des conversations en ville et l'infirmerie du temple, plus remplie que d'ordinaire.
Toute l'équipe se trouvait dans un grand jardin à l'arrière, au flanc de la colline descendant en pente douce jusqu'au montagnes. L'endroit, bien que vaste et à l'air libre, portait l'empreinte des humains qui l'avaient aménagés afin d'améliorer le confort des pokémons. Ici reposait un abreuvoir, là une série de cabanes en bois, et là encore une petite aire de jeu très semblable à celles pour enfants. Les six pokémons d'Alfaro s'y trouvaient, ignorant la fine bruine que crachotaient les nuages.
-On s'ennuie ferme, ici, déclara Flavio de but en blanc. Qu'est-ce qu'il fiche, le Maître ?
-Toujours enfermé dans la grande maison humaine à broyer du noir, répondit Billy. Tu veux bien jeter un coup d'oeil, Trotwood ?
-Inutile. Flavio y est déjà allé hier, aucune chance pour que ça aie changé.
Le fatalisme du papillusion n’étonnait plus personne. D'ordinaire si joyeux, il avait brusquement perdu sa bonne humeur et son humour taquin lorsque Dolce avait pris la place de Joey. Personne dans l'équipe ne pouvait lui en vouloir, Mist moins que les autres.
-Non seulement cet humain nous enchaîne et nous brutalise, mais il ne se soucie même pas des liens que nous entretenons. Comment pouvez-vous…
-Ferme-là ! ordonna Flavio en claquant son bec. Comment oses-tu dire ça alors que tu l'as vu torturé par Cleopatre ?
-Le sabelette ? Bien fait pour lui. Ça fait quoi de voir que votre ancien copain est revenue pour faire la peau à ce salopard ?
C'en était trop. Flavio quitta son perchoir et fondit sur le goupix qui esquiva d'un bond et cracha des flammes alors qu'il remontait dans les airs, prêt à attaquer de nouveau.
-Ça suffit !
Une liane claqua entre les deux pokémons, les obligeant à mettre de la distance entre eux. Billy s'était dressé droit sur ses quatre pattes, le corps penché en avant, prêt à se joindre à la mêlée.
-Qu'est-ce que tu veux, la mauviette ? demanda Mist. Encore à défendre ton dresseur comme le soumis que tu es ? Allez, viens là ! Je peux m'occuper de vous deux en même t-
Tous furent surpris par ce qui suivit. Le goupix n'avait pas terminé sa phrase que Billy lui décocha un coup de fouet au visage suffisant pour le faire reculer de douleur. C'était la première fois que le pacifiste de l'équipe s'en prenait physiquement à l'un de ses compagnons de voyage.
-T'occuper de nous deux en même temps ? J'aimerais bien voir ça. Alors ?
Mist s'était tu et fixait l'herbizarre d'un œil noir, aussi immobile que le reste de l'équipe.
-Tel dresseur, tel pokémon. Moi qui te croyais contre la violence…
-Ne fais pas semblant de ne pas avoir aimé combattre avec lui, dans la tour. Tu sais très bien qu'on peut voir ce qu'il se passe dehors même lorsque l'on est dans nos sphères !
-Tu as donc bien vu que cette ordure a refusé de me soigner lorsque j'en avais besoin !
-Mais tu t'en est sorti, c'est tout ce qui compte ! Il sait où sont nos limites ! Si il ne t'a pas soigné, c'est qu'il savait que tu pouvais terminer ce fantominus sans son aide !
-Parce qu'il y a une différence ?
-Bien sûr qu'il y en a une, dit Trotwood d'un ton laconique. J'ignore si ça fonctionne vraiment, mais il pense que plus on affronte des situations dangereuses, plus on progresse.
Au-delà du fait que le papilusion aie prit la parole, ce fut l'explication donnée le plus naturellement du monde qui déconcerta l'assemblée. Tout le monde ne l'avait pas comprise, mais elle eut l'avantage de détourner l'attention vers autre chose que la violence.
-C'est peut-être pas faux quand on y pense, dit Flavio, mais quand est-ce que tu l'as deviné ?
-Beaucoup d'autres maîtres soignent leurs pokémons immédiatement après avoir vu qu'ils souffraient. Le Maître, lui, pense qu'avoir mal nous endurcit. C'est pour ça qu'il attends que la situation devienne vraiment critique.
-Ça veut dire que tu es d'accord avec lui ? Que tu es prêt à souffrir le martyre comme un brave petit esclave ?
-Pas du tout, soupira Trotwood. Je ne fais que t'expliquer ce qu'il pense, libre à toi de me croire ou non…
Trotwood s'envola paresseusement vers le toit du monastère, ignorant les harangues du goupix. Ce dernier tourna alors son ressentiment vers les autres.
-Vous savez comment cette ordure vous traite et vous ne bronchez même pas ?! Il pourrait vous abandonner aux portes de la mort comme il l'a fait avec ce sabelette ! C'est comme ça que vous voulez finir ?
-Quel sabelette ? demanda Imhotep, jusque-là silencieux.
-Celui qui est venu remettre cet humain à sa place. Ne nie pas, dit-il alors que Billy ouvrait la bouche, je ne suis pas sourd au point de ne pas pouvoir entendre vos messes basses.
-Le Maître a vraiment fait ça ? demanda Dolce.
-Ça et bien plus encore. J'aurais adoré voir cette ordure en face du fantôme du léviator qu'il a sacrifié en t'utilisant, Imho…
C'en était trop. Ivres de rage, Billy et Flavio s'étaient jetés comme un seul pokémon sur Mist, multipliant coups de becs, de serres et de lianes sans que le sablaireau ou l'aquali ne puissent les raisonner. Les hurlements arrivèrent jusqu'aux oreilles de deux prêtres qui, aidés de leurs pokémons, parvinrent à séparer les belligérants.
-Vous êtes des cinglés ! Tous des cinglés ! hurlait Mist.
-Emmène celui-là à l'intérieur, dit l'un des hommes en montrant le goupix. Les autres restent ici.
-On ferait mieux de les enfermer dans leurs pokéballs, même pour quelques heures. Ces trois-là sont presque hors de contrôle.
-Monsieur Fuji pense que ce ne serait pas bon. Tu sais à quel point ça le rend triste de voir des pokémons enfermés…
Avec un dernier regard pour le groupe, ils partirent vers l'intérieur du monastère, un Mist mal en point et tremblant autant de rage que de peur dans leurs bras. Imhotep s'avança timidement vers Billy.
-Dis, Billy...C'est vrai ce qu'il a dit, Mist ? Que le maître…
Il ne put terminer sa phrase, trop intimidé par le regard que lui lançait le pacifiste couvert de sueur. Ce n'était pas de la colère qui animait ses yeux mais une expression vide. Il semblait ne pas reconnaître le sablaireau, ou bien voir quelqu'un a sa place. Dolce se rapprocha également, ses pattes de velours faisant à peine bruisser l'herbe.
-Flavio…
L'oiseau détourna le regard, incapable de révéler la vérité aux deux pokémons les plus candides et innocents de l'équipe.
-Le Maître a accepté de me recueillir alors que j'étais mal en point et il m'a gardé. Je sais qu'il est capable du meilleur comme du pire mais j'ai décidé d'honorer la dette que j'ai envers lui. C'est tout.
Et il s'envola, son corps d'oiseau disparaissant entre les arbres du bosquet au pied des montagnes. Seuls restaient Imhotep, Dolce et Billy. L'adepte des plantes s'était calmé mais semblait toujours aussi vide et inquiet. De longues minutes passèrent sans qu'aucun mot ne fut échangé, puis le plus ancien pokémon de l'équipe soupira.
-Venez. Il y a quelques choses que vous devez savoir.
Alfaro regarda ses trois pokémons partir plus loin dans le parc, en direction du cours d'eau qu'il pouvait apercevoir. Jamais il n'aurait cru que ses pokémons puissent se comporter ainsi, même derrière son dos. En d'autres circonstances, il serait descendu afin de demander des explications mais il se entait trop effondré pour faire quoi que ce soit, sinon regarder la chute jusqu'au bout. Il se reconnaissait tellement en Flavio et Billy lorsqu'ils avaient attaqué Mist qu'il avait détourné les yeux, incapable de chasser de sa tête les images du point de vue du goupix.
Le martyriser était-il nécessaire ? Il n'en savait plus rien. Cela était-il bien ? Non. Il le savait déjà mais cette vérité était inscrite dans sa chair seulement depuis sa confrontation mentale avec l'ossatueur et voir une rixe aussi violente, surtout de la part de Billy, l'avait choqué plus qu'il ne voulait l'admettre. Deux contre un, sans aucun avertissement et tous savaient à quel point les serres de Flavio pouvaient être dangereuses lorsqu'il le voulait. Un véritable tabassage qui ne lui rappelait que trop bien celui qu'il avait commis dans l'ascenseur du repaire de la team Rocket quelques jours seulement. Où bien était-ce il y a des années ? Tellement de choses avaient changées qu'il lui semblait aussi impossible que cela se soit produit si peu de temps auparavant.
Plongé dans ses pensées, Alfaro n'avait pas remarqué la forme posée devant la fenêtre. De discrets tapotements le sortirent de ses songes et il recula, surpris par la vision de Trotwood. Ses grands yeux rouges étaient aussi indéchiffrables que d'ordinaire mais ses antennes baissées en disaient long sur son humeur. Alfaro ouvrit la fenêtre pou la première fois depuis qu'il était ici et sentit les deux points froids sur son corps avec plus d'intensité, lui arrachant une grimace.
-Piii ! Piii…
-Qu'est-ce que tu m'veux ? Tu peux pas aller jouer avec les autres ?
-Piii ! Piii piii !
-Écoute, je comprends rien à ce que tu veux dire alors...hé !
Trotwood était entré comme un bouchon de champagne dans la chambre, obligeant le jeune dresseur à s'écarter. Le papillusion vint alors se poser sur son épaule et frotter sa tête contre la joue du brun.
-Arrête, tu me chatouilles, dit Alfaro avec un sourire.
La tête dure et rugueuse de l'insecte n'en restait pas moins chaleureuse et il n'avait jamais remarqué à quel point ses ailes étaient douces. Un miaouss domestique n'aurait pas cherché autant de caresses.
-Toi aussi t'en a marre s'être là, c'est ça ? demanda-t-il, une pointe de mélancolie dans la voix.
-Piii ! Lusion ! approuva Trotwood.
-Si seulement c'était aussi simple…T'es un pokémon, tu peux pas comprendre...Aïe !
La tête de Trotwood était au moins aussi dure que la sienne pour qu'il lui fasse autant mal avec. Alfaro revint sur son jugement.
-Ça va, j'ai pigé ! Désolé !
Le papillusion se calma et changea de perchoir, préférant la tête de son dresseur à son épaule. Cela rappela au brun un certain oiseau désormais trop grand pour y tenir. Les yeux dans le vide, il continua.
-Les autres aussi en ont marre, hein ?
-Pii…Papi ?
-Repartir ? Je sais pas. Je sais qu'il faut que je fasse quelque chose, mais je sais pas quoi…
Alfaro repartit vers la fenêtre. Pour la première fois depuis l'arrivée du papilusion dans la chambre, il se rendit compte que les deux petits points glacés lui faisaient moins mal. Était-ce grâce à la présence du pokémon ou bien est-ce que Cleopatre commençait à se lasser ? Alfaro n'aurait su le dire. Une chose était cependant certaine, il se sentait un peu plus le courage d'ouvrir la porte et de sortir de cette chambre.
Soudain, un grand bruit se fit entendre à l'extérieur, faisant sursauter Alfaro et chassant Trotwood de sa tête. On aurait dit que quelqu'un était tombé contre la porte. Quelques secondes passèrent, puis ce fut un concert de cris et de tapotements qui se fit entendre. Les yeux d'Alfaro s'embuèrent. Ces imbéciles étaient vraiment trop fidèles.
-Vous êtes vraiment prêts à m'emmerder jusqu'au bout, hein ? demanda-t-il, parfaitement incapable d'accorder le ton de sa voix avec la violence de ses propos.
-Pi !
Après un énorme soupir, Alfaro se dirigea vers la porte et l'ouvrit avant de se retrouver propulsé à terre par la violence de l'assaut combiné d'une partie de son équipe. Billy, Imhotep et Dolce s'étaient jeté sur lui, l'étouffant dans un concert de cris et de supplications incompréhensibles. Alfaro parvenait néanmoins à distinguer plusieurs choses : l'inquiétude qu'ils avaient contenus tout au long de ces derniers jours, l'impatience qu'ils avaient de le revoir et de repartir sur les routes, mais surtout une gigantesque vague de bonté tellement forte qu'elle lui en faisait tourner la tête.
-Bande d'abrutis, dit-il en les prenant dans ses bras, deux larmes coulant sur ses joues sans qu'il ne puisse se retenir.
-Couuuuups !
Les plumes de Flavio, entré par la fenêtre, vinrent à leur tour caresser son visage, et Alfaro réalisa pleinement à quel point son équipe lui avait été fidèle et le suivrait où qu'il aille, quoi qu'il arrive, pour le meilleur comme pour le pire. Quelle raison y avait-il donc à provoquer les moins bonnes choses et les aggraver par caprice et déceptions ? Le comportement qu'avait eu Pizzo après la mort de Cleopatre, et il ne s'en rendait compte que maintenant, n'était que le symptôme de son irrespect envers les pokémons qui, bon gré mal gré, l'accompagnaient dans sa quête. Ses méthodes de dressage avaient certes montrées leurs preuves, elles avaient également des conséquences tenant plus d'une mer se retirant avant le raz-de-marée que de réelles avancées. Pizzo, puis Mist, puis Cleopatre...S'en débarrasser ne servait à rien si ces erreurs le poursuivaient dans son voyage, il était temps de repartir sur de nouvelles bases.
-Ouais, vous avez raison...Désolé.
L'étau dans la poitrine d'Alfaro n'en était pas moins contracté, mais il avait l'instinct que tout pouvait continuer pourvu qu'il se relève et affronte un dernier détail. Il ferma les yeux et, après une longue inspiration, les rouvrit et fixa avec un peu plus de résolution qu'auparavant l'endroit de la tour d'où provenaient ces deux petits points glacés.
-On y retourne.
*°*°*°*°*°
L'étage était exactement comme les autres, maintenant qu'il y venait en-dehors d'une invasion de spectres. La même pierre, le même plafond, les mêmes colonnes, toujours moins nombreuses au fur et à mesure qu'ils montaient. Plusieurs tâches à peine plus sombres que la pierre étaient visibles pour un œil attentif, ou bien un témoin de la scène morbide qui s'était déroulée quelques jours auparavant. En revanche, il semblait toujours aussi surréaliste à Alfaro qu'il ait pu arracher à mains nues une partie de la colonne devant laquelle il passait, possédé ou non.
L'air était aussi frais qu'en bas mais il n'était pas tranquille. Après un instant d'hésitation, il sortit tous ses pokémons, même Mist. Peut-être n'était-il pas le seul à vouloir en finir avec cette histoire. Avec une pointe de regret, il songea au cadavre de léviator mort par sa faute. De toutes les créatures qu'il possédait, c'était sans doute celui qui aurait le plus voulu revoir Cleopatre.
Un violet frisson s'empara de lui lorsqu'il posa le pied sur la première marche de l'escalier, suivi d'un froid à le paralyser. Les yeux du sabelette étaient devenus deux phares le gelant sur place. Alfaro sentit alors Billy lui tapoter l'épaule grâce à l'une de ses lianes.
-Zar ! dit-il d'un ton déterminé.
-C'est pas vraiment une visite de courtoisie, tu sais ? Je pourrais m'estimer heureux rien qu'en sortant de cet endroit conscient.
L'herbizarre se voulait rassurant, mais faire changer le natif de Safrania aussi facilement aurait tenu du miracle, aussi n'insista-t-il pas et prit l'initiative de grimper lui-même jusqu'au sommet.
-Eh, attends !
Son dresseur ainsi que le reste de l'équipe l'avait suivi et, avant qu'il ne s'en soit rendu compte, Alfaro se trouvait dans le dernier étage de la Tour Pokémon. Nulle colonne pour soutenir le toit brusquement réduit, aucun creux au mur, mais un sol tapissé d'urnes ancrées à même le sol dans une régularité presque morbide compte tenu de l'usage fait du bâtiment. Seul un couloir menant à un autel permettait de traverser la pièce, haie d'honneur formée par les cendres des morts. Tout au bout se tenait monsieur Fuji, les yeux posés sur une plaque en cuivre représentant trois pokémons oiseaux qu'Alfaro n'avait jamais vu.
-Enfin, te voilà. Ton sabelette s'impatientait. J'ai tenté de discuter avec lui, mais il ne m'a pas donné beaucoup de réponses. Son acharnement à vouloir ton retour est immense, tu as là un pokémon bien fidèle.
-Fidèle au point de vouloir me tuer ? demanda Alfaro.
Le vieux prêtre se tourna vers le jeune dresseur et lui sourit. Même dans la gravité du moment, son visage semblait luire doucement.
-Non, pas te tuer. Parfois, les émotions nous amènent à faire des horreurs dont nous ne soupçonnons même pas la portée. Et que sont donc les spectres, sinon des émotions trop fortes pour trouver le repos ? De même que nous autres vivants, lorsque notre esprit est trop accaparé pour dormir la nuit. Comprends-tu cela, jeune dresseur ?
-Plus ou moins…
-Plus que moins, à mon avis. Tes pokémons semblent te porter une confiance sans borne, dit-il en les regardant. Mais je devine qu'elle est due à tes compétences de combat et non à l'amour que tu leur portes.
-Vous avez été dresseur ? lui demanda brusquement Alfaro.
-En effet. Mais ma jeunesse est loin derrière moi et mes compagnons se reposent on ne peut plus tranquillement dans un meilleur endroit. Tu n'es cependant pas là pour entendre un vieillard radoter sur son passé, n'est-ce pas ?
Alfaro ne répondit pas. Il avait en effet d'autres préoccupations que la vie d'un autre. Savoir que le vieux Fuji avait été dresseur et était capable de porter un jugement, aussi utopiste soit-il, lui suffisait désormais pour juger de ses propres actes en tant qu'entraîneur. Inutile de creuser plus loin.
-Il semblerait que tu commences à comprendre, cela est bon. Peut-être n'as-tu pas encore tout ce qu'il faut pour réussir, mais je suis convaincu que tu ne serais pas venu ici si tu n'avais pas la volonté de devenir meilleur. Va, maintenant. Ton sabelette t'attend.
Irie Fuji traversa la pièce sans ajouter quoi que ce soit et disparut dans l'escalier. Ce ne fut que lorsque le bout de sa coiffe fut invisible aux yeux d'Alfaro qu'il se rendit compte qu'il tremblait légèrement, sans pouvoir se retenir. Il se retourna de nouveau vers l'autel et réprima à grand peine un sursaut. Cleopatre était apparue devant sans un bruit, son corps toujours à vif et ses yeux noirs tournés vers son dresseur.
-Vous êtes revenue ! dit-elle joyeusement. Je savais que vous reviendriez me chercher ! Alors, on part quand ?
Alfaro ne put rien dire, effaré tant par l'apparence du sabelette que par son aveuglement. Il semblait être redevenu totalement inoffensif et agissait comme si rien ne s'était passé, comme si il ne l'avait jamais torturé mentalement de par son harcèlement et ses violentes suppliques impossibles à réaliser. Un éclair de violence traversa le brun mais il le réprima. Ce n'était plus la solution.
-Écoute-moi Cleo, tu…
Les mots moururent dans sa bouche avant même d'en sortir. Révéler de nouveau la vérité aussi brusquement ne ferait qu'attirer les foudres du sabelette et il ne voyait pas comment lui dire sans la blesser davantage. En désespoir de cause, il se tourna vers ses autres pokémon mais ses derniers le fixaient sans avoir l'air de comprendre la situation.
-Ils ne peuvent pas me voir, confirma Cleopatre. En fait, c'est plutôt moi qui ne veut pas me montrer. Je ne veux pas leur faire peur.
-Peur ? demanda Alfaro. Tu ne veux pas leur faire peur et...Qu'est-ce qui te fait croire que tu leur fais peur ?
Alfaro aurait voulu dire «et moi, ça ne te pose aucun problème ? » mais s'était retenu à temps. Ses jambes commençaient à ne plus le soutenir et il n'avait qu'une seule envie : fuir le plus loin possible du monstre qu'il avait en face de lui. Une infime partie de lui-même restait convaincue que cela ne servirait à rien, qu'il ne pourrait jamais y échapper tant que l'esprit de son sabelette ne serait pas en paix. Encore fallait-il lui apporter.
-Je sais que je n'ai pas été soigné. Ça m'a fait très mal la première fois et ça continue de faire mal depuis que je me suis réveillé et que vous êtes parti. Mes écailles sont tombées, mes griffes sont bizarres, mais je sais que ça ira mieux lorsque vous m'aurez soigné.
Le cercle vicieux était de nouveau bouclé. Le sabelette s'obstinait à vouloir être soigné et refusait de voir sa mort en face tandis qu'Alfaro s'évertuait à tenter de trouver une solution au problème se présentant à lui. Toute la rationalité du monde ne faisait pas le poids face au spectre.
Les paroles du vieux Fuji lui revinrent alors en mémoire. « Tes pokémons semblent te porter une confiance sans borne. Mais je devine qu'elle est due à tes compétences de combat et non à l'amour que tu leur portes ». Était-ce là le moyen de franchir l'impasse devant laquelle il se trouvait ? Ne plus chercher froidement les solutions mais se laisser guider par ses sentiments alors même qu'il ignorait où ils le mèneraient ? Si il ne restait que cela…
Alfaro s'assit sur le sol, à la fois pour tenter de maîtriser ses tremblements et pour se mettre à la hauteur du sabelette. Incapable de voir en lui-même autre chose que de la peur et du dégoût, il avança sa main comme il le faisait avec les miaouss de Safrania. Cleopatre s'avança, faisant bondir un peu plus fort le cœur du brun à chacun de ses pas, mais le dresseur resta le plus stoïque possible. Le pokémon sol avança à son tour une patte tordue et, dans un instant de pure folie, Alfaro la saisit aussi doucement que sa panique le lui permettait.
Il s'attendait à une chair moite et froide, comme la dernière fois, mais la patte de Cleopatre était aussi chaude et sèche que de son vivant. Alfaro en fut surpris. Le sabelette était toujours en état de décrépitude, mais le toucher était comme toucher n'importe quel sabelette. Son sabelette. Cleopatre.
Un flot de souvenirs l'envahit alors. La surprise de se faire capturer, la joie d'avoir des compagnons de route et de découvrir de nouvelles choses, le goût des croquettes pour pokémon, la volonté de tout faire pour satisfaire celui qui lui avait permis de voyager aussi loin, la confiance qu'il portait en son maître, même aux portes de la mort, l'inquiétude, l'incompréhension, puis la panique qui s'était emparée de lui lors de leurs retrouvailles dans la tour, l'impatience avec laquelle il guettait son retour. Alfaro devinait qu'il manquait quelque chose et, uniquement guidé par son instinct, il sortit une pokéball vierge qu'il activa et rapprocha du sabelette. L'esprit ne pouvait être perçu par la pokéball, peut-être même ne pouvait-il être touché avec, aussi l'actionna-t-il dans le vide.
-C'est tout ce que je peux faire. Désolé.
-Ce n'est pas grave, Maître. J'avais juste peur que ce soit réellement le cas.
Le corps du sabelette commença alors à se dissoudre en de multiples orbes de lumières s'évaporant dans l'espace. Pieux mensonge ou acceptation, au moins semblait-il prêt à quitter définitivement le monde des vivants.
Cleopatre lâcha alors son dresseur et recula, un sourire empli de tristesse pointant sous ses yeux noirs. Ce n'était désormais plus une boule de chair aux griffes retournées mais un sabelette en pleine forme, les écailles radieuses et les yeux pétillant de vie. Toute l'équipe poussa alors un cri de stupéfaction. Dolce se réfugia derrière le dos d'Alfaro, intimidée par la brusque apparition, tandis que Billy, Flavio et Trotwood se précipitaient vers leur ancien compagnon, leurs cris résonnant dans le dernier étage de la tour. Mist et Imhotep étaient resté à leur place, les yeux ouverts comme des soucoupes. Il était normal que les quatre plus anciens membres de l'équipe aient tant à se dire, surtout maintenant que le temps du sabelette était compté, aussi Alfaro les laissa-t-il faire sans chercher à comprendre ce qu'ils se disaient. Il ne repris la parole qu'une fois les esprits calmés et les discussions terminées.
-Désolé de t'avoir abandonné. Si j'avais su, j'aurais au moins essayé de te sauver.
-Pourquoi dites-vous ça, Maître ? Vous ne m'avez pas abandonné. Vous êtes là. Tout le monde est là.
La simplicité et la naïveté du sabelette firent sourire Alfaro. Il ignorait si le pokémon comprenait la situation, mais il savait que, quelque part, il les accompagnerait bel et bien dans leurs souvenirs et, peut-être, dans leurs cœurs. Fichu sentimentalisme.
La silhouette du sabelette devint de plus en plus lumineuse, trouvant des reflets dans les yeux embués d'Alfaro, et le pokémon perdit de son opacité jusqu'à complètement disparaître derrière les boules de lumière. Ces dernières devinrent alors moins nombreuses, moins lumineuse, jusqu'à ne rien laisser derrière elle. Cleopatre était partie.
Alfaro se leva avec une légèreté déconcertante par rapport à ce qu'il venait de traverser. Il lui semblait regagner la terme ferme après avoir nagé un long moment. Un regard sur son équipe lui fit savoir que tous avaient compris que Cleopatre ne reviendrait pas. De plus amples explications seraient sans doute à fournir pour ceux qui ne l'avaient pas connu, mais il sembla au natif de Safrania que ce n'était pas le bon lieu pour cela.
Le visage grave, ils repartirent sans un mot et traversèrent le couloir. Alfaro s'arrêta au milieu et scruta la pièce à la recherche de quelque chose. Avec de multiples précautions, il enjamba soigneusement quelques urnes funéraires et, après en avoir trouvé une vide, y plaça la pokéball vide qu'il tenait toujours en main avant de la refermer.
Le dernier voyage jusqu'au temple se fit sereinement jusqu'à ce qu'Alfaro ne revienne dans la chambre où il était resté trop longtemps. Tout ceci lui semblait suffisamment lointain pour qu'il soit surpris d'à quel point la pièce lui paraissait petite mais également un peu trop récent, aussi se contenta-t-il d'empoigner son sac avant de vite fermer la porte. La sortie du temple était en vue lorsqu'une voix familière ne vienne le sortir de ses pensées.
-Je constate que tu es plus en paix, jeune dresseur. Ton compagnon est donc parti comme cela aurait dû être.
Alfaro se retourna et vit monsieur Fuji s'approcher vers lui. Il lui sembla tout à coup que quitter les lieux sans mot dire serait d'une impolitesse trop grande.
-Oui. Encore merci de m'avoir accueilli ici, même si je n'avais rien à y faire.
-On a tous quelque chose à faire en tout endroit. Le plus important est de savoir quoi et de respecter tout être vivant, qu'ils soient, fussent ou seront.
-Même les pires ? demanda Alfaro, sceptique.
-De même que ce qui est bon peut s'égarer, ceux qui ont perdu leur chemin trouvent toujours une lumière pour les guider. Peut-être ces lumières ne sont-elles pas toutes les mêmes, mais elles existent.
-Vous parlez un peu trop par énigmes, monsieur.
-Il est parfois bon d'expliquer, mais deviner juste a bien plus d'impact qu'une réponse toute faite. Le tout est de ne pas oublier. J'espère donc que ce petit cadeau t'y aidera.
Irie Fuji plongea la main dans l'ample poche de sa tunique et en ressortit une flûte en bois qu'il tendit au brun. Ce dernier la prit et l'examina, suspicieux.
-J'ignorais que vous aviez une boutique de souvenir.
-Cette flûte a été taillée dans un bois assez précieux. C'est un vieux secret de fabrication que l'on se transmet de génération en génération au temple. Elle possède des propriétés assez particulières, comme apaiser les esprits ou bien les éveiller. Tout dépend de l'utilisation que l'on en fait.
-Oh, euh...Merci, dit Alfaro, gêné par un tel cadeau.
-Inutile de me remercier, jeune dresseur, et reprends plutôt la route. Tes compagnons en meurent d'envie.
Obéissant au vieux prêtre, Alfaro s'inclina brièvement dans une courbette de politesse, empoigna son sac qu'il ajusta sur son dos en un mouvement de poignée et franchit la grande porte du temple. Le soleil brillait avec un éclat nouveau dans le ciel bleu, réchauffant agréablement sa peau, et il oublia tout l'espace d'un instant pour se concentrer sur l'horizon devant lui. Où que soit son père, il pouvait bien attendre un peu avant qu'Alfaro ne le retrouve, le temps qu'il n'aie plus à sacrifier un seul de ses compagnons.
Surprise, je ne suis pas mort ! J'ai simplement fait un détour de plusieurs textes et un semestre de DUT, de quoi éclipser ce nuzlocke pendant un an. J'ignore quand le prochain paraîtra, mais Traces revient au centre de mes préoccupations littéraires.
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| | | Iloufilm
Dresseur
Nature : Gentil
Niveau : 30
Exp : 433
| | | | Koukin
Écrivain
Nature : Prudent
Exp : 186
| Sujet: Re: [Bleu] Traces - Nuzlocke Pokémon Bleu Romancé Sam 20 Aoû 2016 - 16:09 | |
| - Chapitre 19 :
Une brise marine secoua les cheveux d'Alfaro lorsqu'il sortit du tunnel creusé à même la falaise au nord de Lavanville. Le paysage qui s'étendait devant lui n'avait plus rien de montagneux : de grands ponts parallèles à la côte, construits depuis plusieurs dizaines d'années afin de relier Lavanville à Carmin-sur-mer, s'étendaient à perte de vue.
-De l'eau, hein ? Ça pourrait être intéressant, murmura-t-il en prenant la ball de Dolce.
L'aquali se retrouva bientôt sur le pont, tournant la tête partout autour de lui d'un air curieux. Le brun s'attendait à ce qu'il saute immédiatement à l'eau, ce qui n'était clairement pas le cas ici.
-Ok Dolce, fais-moi voir ce que tu sais faire. Plonge !
Loin d'obéir, Dolce préféra se frotter contre les jambes de son maître. Ce dernier se montra inflexible.
-Non, pas de câlins maintenant, dit-il d'un ton ferme. Montre-moi d'abord si tu les mérites. Allez, saute !
Le quadrupède poussa une légère plainte qui se mua en un cri lorsqu'Alfaro le força à s'approcher du bord. Ses pattes se tendirent d'un coup et son visage rappela au natif de Safrania l'evoli terrorisé qu'il était lors de leur première rencontre.
-Tu as peur de l'eau ? demanda-t-il, incrédule.
Il eut sa réponse lorsque le pokémon se réfugia derrière ses jambes, tremblant de tout son corps. Cette crainte fit penser à Alfaro le comportement de Mist dans la tour. De même que frapper du pied rappelait au goupix de bien mauvais souvenirs, il était probable que Dolce aie été dressé par la team Rocket de manière à craindre l'eau. Voilà qui expliquait sans doute pourquoi il ne connaissait pas d'attaques de son type : la peur, loin de le rendre conciliant, provoquait en lui un blocage pur et simple.
-C'est pas vrai…Est-ce que je pourrais tomber sur un pokémon normal, pour une fois ?
Il était cependant décidé à ne pas changer ses plans d'entraînements et s'assit au bord du pont, les pieds remuants paresseusement dans le vide. Dolce le rejoignit, certain que l'humain ne le forcerait plus en quoi que que ce soit. Ils restèrent là, sans entendre rien d'autre que le vent soufflant depuis l'océan.
-Tu sais, dit Alfaro, il n'y a absolument aucune raison d'avoir peur de l'eau. Regarde-toi, t'es un aquali ! Les aqualis sauvages...vivent au bord de l'eau et sont invisibles dedans, dit-il après avoir consulté son pokédex. C'est ton élément !
Ces paroles, aussi censées soient-elle, ne semblèrent pas atteindre Dolce. Ses yeux restaient fixés sur l'étendue bleue en dessous d'eux et il restait muet. Alfaro soupira et fit de même. La distance entre le pont et la surface de l'eau était trop grande pour qu'il puisse plonger et remonter, même avec l'aide de ses pokémons. Il regarda autour de lui et vit ce qui semblait être une échelle un peu plus loin sur la route.
-Et si on plongeait tous les deux ? proposa-t-il en se relevant.
Sans attendre de réponse, Alfaro reprit son sac et partit à grands pas sur la route, Dolce trottinant derrière lui. Le printemps n'était pas suffisamment avancé pour une baignade et il savait qu'il allait regretter cette idée au moment de plonger un pied dans l'eau, mais être en possession d'un pokémon aquatique craignant son élément lui semblait bien pire.
Après avoir vérifié que personne ne les observait, il sortit un short de bain de son sac et se changea rapidement. Le métal froid de l'échelle lui donna un avant-goût de qu'il allait subir mais reculer maintenant n'aurait aucun sens. Les dents d'Alfaro claquèrent lorsqu'il posa le pied sur un barreau immergé et c'est avec prudence qu'il s'enfonça jusqu'au torse. Le froid se dissipa après quelques mouvements et il reporta son attention sur Dolce. La créature bleue penchée vers lui, mortifié par les fausses idées qu'il se faisait de la terrible souffrance que subissait son dresseur. Alfaro eut un sourire amusé.
-Elle est un peu fraîche mais ça ne te fera aucun mal. Allez hop, à ton tour !
Le natif de Safrania s'éloigna de l'échelle et écarta les bras du mieux qu'il put, invitant son pokémon à le rejoindre. La seule manière qu'il avait était de plonger, ses quatre pattes l'empêchant de passer par le même chemin que son dresseur. Le visage toujours aussi crispé, Dolce recula jusqu'à ce que le pont ne le cache aux yeux d'Alfaro. Un long moment passa sans qu'il ne reparaisse et c'est après un immense soupir de frustration que le natif de Safrania nagea vers l'échelle avec la ferme intention de pousser le pokémon à l'eau une bonne fois pour toute.
A peine avait-il saisi le deuxième barreau qu'un grand cri aigu attira son attention. Il leva les yeux et son coeur rata un bond : les quatre pattes de l'aquali lui étaient apparues dans un méli-mélo confus. C'était sans doute le plongeon le plus maladroit auquel le natif de Safrania eut l'occasion d'assister : au dernier moment, Dolce se crispa mais le bord glissant du pont rendit ses efforts vains. Emporté par son élan, il acheva sa course dans une glissade et tomba comme une pierre, son cri étouffé par l'eau trop trouble pour qu'Alfaro ne distingue autre chose qu'une masse noire sous sa surface.
Alfaro resta immobile. Il ignorait si son pokémon était capable de respirer en milieu marin, comme cela avait été le cas pour Pizzo. Quand bien même le pouvait-il, son premier réflexe dû être de remonter à la surface…
-Eh merde, jura-t-il entre ses dents.
Le brun s'approcha du point de chute, emplit ses poumons d'air et plongea. La froideur de l'eau lui paraissait comme mille aiguilles s'enfonçant dans son visage mais il se força à ouvrir les yeux. La forme floue de l'aquali fut visible quelques brassées plus au fond. Plongeant en-dessous de lui, il tenta de le prendre de force mais la panique de Dolce était si intense qu'il donna un coup derrière la tête de son dresseur sans s'en apercevoir. Alfaro eut l'impression que ses yeux étaient quelque peu sortis de leurs orbites mais continua de pousser l'aquali du bout des doigts, ses jambes remuant avec une frénésie grandissante d'autant plus qu'il manquait d'oxygène. Une fois certain qu'ils étaient proches de la surface, Alfaro écarta son pokémon pour avoir le champ libre et aspira à grandes goulées l'air frais qui se présentait à lui. Il entendit Dolce faire de même.
-Même pas foutu de remonter à la surface ! Ils sont où, tes instincts de pokémon aquatique ?
Dolce ne répondit pas, encore trop effrayé par la mésaventure qu'il venait de subir. Ses pattes s'agitaient toujours aussi maladroitement, comme il l'aurait fait sous sa forme d'évoli.
-Bouge ta queue, elle a l'air de pouvoir te servir.
A peine eut-il donné ce conseil que Dolce se propulsa plus loin avant de rester stable, sa crinière et son visage surpris dépassant de l'eau à la manière d'une bouée.
-Aqua...liii ?
-Tu vois bien que ce n'était pas si compliqué ! renchérit Alfaro. Essaie une attaque charge.
L'aquali était cependant incapable de nager à une vitesse suffisante pour infliger des dégâts. C'était à peine si il ne paniquait pas de nouveau dès qu'il rentrait la tête sous l'eau malgré l'exemple de son maître. Ce dernier, une fois sec et habillé, pensa brièvement à le mettre en situation de combat réel mais il se ravisa. Comment combattre efficacement si ni l'humain ni le pokémon ne savaient comment s'y prendre ? Le pokédex ne donnait que peu d'informations sur Dolce et cette espèce était si rare qu'Alfaro n'en avait jamais entendu parler auparavant. L'aide du professeur Chen lui semblait de nouveau indispensable.
Au moins Dolce semblait-il être moins effrayé par l'eau et pouvait nager sans trop de peine. Sa queue ne balayait certes pas la surface avec un régularité suffisante pour qu'il garde le cap mais il lui arrivait de dépasser Alfaro, si bien qu'une sorte de course fut instinctivement mise en place. Dès que Dolce prenait de la vitesse, Alfaro se mettait à courir jusqu'à ce que le quadrupède ralentisse. Il aurait été trop dangereux de ne pas garder un œil sur lui alors qu'il ne savait même pas encore nager correctement.
Avant qu'il ne s'en rende compte, la surveillance qu'il exerçait sur son pokémon s'était transformée en jeu. Dolce jetait sans cesse des coups d'œil vers lui avant d'accélérer, ce qui forçait son dresseur a courir pour pouvoir suivre son allure et à s'arrêter au bon moment lorsque l'aquatique ne parvenait plus à tenir le cap. Les séries devenaient chacune un peu plus longues, les sprints de plus en plus vicieux, et Alfaro était parfois obligé de retenir l'enthousiasme de son pokémon, lui-même contaminé par la bonne humeur et l'amusement. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait avec ses compagnons comme avec ses amis de Safrania, jusqu'à tout récemment encore. Ce jeu aurait pu continuer des heures durant si seulement un événement imprévu n'avait pas alerté le brun.
-Dolce, stop ! Reste à côté de moi et soit prudent !
Une énorme masse était visible quelques centaines de mètres plus loin sur le pont, pile au carrefour menant à Carmin-sur-mer. Cela ne ressemblait pas à un bâtiment mais plutôt à une colline qui aurait poussé aussi naturellement qu'une autre, si ce n'était qu'elle se trouvait en plein milieu d'une construction humaine. Alfaro s'aperçut qu'il s'agissait en réalité d'un pokémon lorsqu'un ronflement sonore se fit entendre. Seuls des pieds assez large pour écraser Billy sur toute sa longueur ainsi qu'un énorme ventre étaient visibles, aussi s'approcha-t-il avec une extrême prudence armé de son pokédex.
- »Erreur de scan, recommencez en prenant la totalité du pokémon » ? C'est quoi ce foutage de gueule ? Un truc aussi énorme et cette saleté de pokédex ne fonctionne pas ?!
Alfaro avait beau reculer et utiliser la machine sous tous les angles, elle se relevait incapable d'identifier de pokémon leur bloquant la route. Plusieurs moyens de le réveiller germèrent dans son esprit mais il aurait été trop dangereux de ne l'affronter qu'avec Dolce. Le brun fit donc sortir tous ses pokémons.
-Pause déjeuner et on s'occupe de l'énorme truc là-bas. Ne vous approchez ni de lui, ni du bord du pont, je ne plongerai pas vous repêcher si vous tombez et serai ravi de vous y laisser le temps de réfléchir à votre maladresse. Capito ?
Un concert de cris enjoués et une série de gamelles pleines soigneusement disposé plus tard, Alfaro retournait son sac à la recherche d'une bouteille de réveil capable de sortir l'énorme monstre de son sommeil. Ses doigts tâtèrent un instant la flûte que lui avait donné le vieux Fuji et il sourit d'un air amusé. Qui pouvait croire que souffler dans un instrument au son aussi doux et faible permettrait de réveiller qui que ce soit ? Cela aurait eu du sens avec une guitare électrique et une paire d'amplis, ou bien un saxophone avec vue sur une oreille, mais une flûte...Il écarta l'instrument, saisit une bouteille et allait l'extirper de son sac afin d'en vérifier le contenu lorsqu'un bâillement inhumain se fit entendre. Lorsqu'il leva les yeux, il vit avec une certaine appréhension que l'énorme pokémon tentait de se relever.
-Imho, prépare-toi à attaquer ! Flavio, en retrait ! Les autres, vous revenez !
Alfaro venait tout juste de remettre la pokéball de Dolce a sa ceinture que le pokémon inconnu s'était levé et poussait un nouveau bâillement. Maintenant qu'il était debout, Alfaro pouvait constater qu'il était à peine plus haut que large. Il aurait pu être effrayé si seulement la tête ronde du pokémon n'affichait pas un grand sourire satisfait. La pokéball d'Imhotep serrée dans sa main, Alfaro attendait que son adversaire fasse le premier mouvement. La défense physique du sablaireau n'était plus à prouver mais une chute dans l'eau pouvait s'avérer fatale d'autant plus que ce pont n'était pas le meilleur endroit pour combattre.
Le gros pokémon fut le premier à faire un mouvement, mais certainement aucun de ceux qu'Alfaro n'aurait imaginé. Il avança de quelques pas et s'assit sur les fesses avant de plonger la main dans la gamelle devant lui et de porter la nourriture à sa grande bouche toujours souriante. La décontenance du dresseur à la chaîne augmenta encore lorsque la créature avança la main et saisit un récipient plus éloigné avec toute la difficulté du monde.
Profitant de l'intérêt qu'avait le pokémon pour la nourriture, Alfaro le scanna et apprit qu'il avait en face de lui un ronflex, pokémon passant le plus clair de son temps à manger et à dormir, complètement inoffensif pour peu qu'on ne l'attaque pas. Il ne voyait cependant pas comment poursuivre son chemin sans combattre. Quand à le capturer...Un pokémon aussi béat ne l'intéressait guère. Le chasser hors du pont serait suffisant.
Alfaro allait prendre l'initiative lorsqu'un imprévu se présenta. Le ronflex allait mettre la main sur une nouvelle gamelle lorsque Flavio l'attaqua en piqué, peu enclin a voir sa nourriture avalée par quelqu'un d'autre que lui. L'humeur du ronflex passa alors de l'innocence incarnée à la fureur la plus noire possible. Il leva les bras en l'air et, avant que le volatil n'aie pu remonter, l'envoya voler plus loin grâce à un coup désordonné. Flavio allait répliquer lorsqu'Alfaro le rappela à l'ordre.
-Ça suffit, Flavio ! Éloigne-toi et distrait-le avec des jets de sable !
Les poignées de terre ramenées de la côte toute proche faisaient leur effet. Le Ronflex était toujours aussi furieux, mais ses poings étaient plus occupés par le sable dans ses yeux que par les attaques qu'il subissait.
-Imho, tranche et recule !
L'attaque du type sol fit gicler un peu de sang, mais sa graisse protégeait si bien le ronflex qu'il se releva comme si de rien n'était. Pire encore, il parvint à contrer la deuxième attaque et à envoyer Imhotep loin devant lui. Il était temps d'adopter une nouvelle tactique.
-T'es costaud, on a compris, dit Alfaro en replaçant Imhotep par Billy. Un gros tas qui préfère avoir des réflexes au lieu de bouger son cul. Billy, vampigraine !
Le ronflex ne chercha même pas à éviter les graines et ne broncha pas non plus lorsqu'elle bourgeonnèrent, piquetant sa fourrure noire et crème de petits points verts. Le nuage de spores toxiques, en revanche, le fit grimacer et tomber à plat ventre, haletant sous l'effet du poison inspiré.
-Changement de programme : tu viens avec moi ! dit Alfaro en lui lançant une ball.
Comme il le craignait, cette dernière vola en éclat peu après avoir absorbé le ronflex. Alfaro serra les dents : un pokémon sauvage pouvait facilement contre-attaquer dès le mécanisme d'enfermement forcé et il doutait que Billy puisse gérer une telle masse.
A sa grande surprise, leur adversaire tomba sur le dos et ne bougea plus autrement que par sa respiration. Un faible ronflement se fit entendre et Alfaro dut se rendre à l'évidence : le ronflex dormait à poings fermés, sans aucune autre défense que ses bourrelets.
-Profitons-en. Billy, fouet-liane ! Flavio, vol !
Étrangement, le pokémon sauvage ne bougea ni sous l'assaut combiné, ni lorsqu'il fut aspiré pour de bon par la deuxième pokéball. Une fois certain qu'elle était immobile, Alfaro s'avança pour la prendre avant qu'elle ne soit envoyée à Bourg-Palette.
-J'ai absolument rien compris, confia-t-il d'une voix sonore. M'enfin...Bienvenu dans l'équipe, Luno.
Le brun était tellement décontenancé qu'il ne cilla pas lorsque le flash bleu électrique emporta l'outil à travers le réseau informatique de la région. Maintenant que tout danger avaleur de nourriture était écarté, l'équipe pouvait pleinement profiter d'une pause bien méritée. Imhotep, en particulier, eut droit à quelques sprays curatifs accompagnés d'une bonne quantité de félicitations.
-T'as super bien réussi à gérer ce gros lard, Imho. Je suis fier de toi.
-Rrrooouu !
-Toi aussi, Flavio. Inutile d'être jaloux. Mais c'est la dernière fois que je te vois attaquer sans mon ordre, compris ?
-Il ne manquerait plus que ça, dit Trotwood. Vivement que ces deux-là se battent pour les beaux yeux du Maître.
-Mais ce serait dangereux, non ? demanda Dolce. Et puis, ils n'ont pas à s'affronter, puisque le Maître les aime pareil.
-Il blague, Dolce. Ne le prends pas au sérieux, indique Billy.
Un silence flotta entre les membres de l'équipe, mais le plus prompt à faire des reproches n'ajouta rien. Chose jamais vue auparavant, Mist dévorait sa part à grandes bouchées sous les yeux surpris du reste de l'équipe, lui qui d'habitude faisait la fine bouche et ne mangeait qu'à grands renforts de grimaces.
-Mist...T'es sûr que ça va ? T'es pas malade ? demanda Imhotep avec sa sincérité habituelle.
-Ouais. Pourquoi ?
-D'habitude, tu touches à peine à ta part.
-Il a enfin décidé d'arrêter de faire sa tête de racaillou ! s'exclama Flavio. T'as laissé tes grands airs de côté et tu vas enfin aider le Maître !
-Pas du tout, répondit Mist. J'y ai réfléchi et, au final, j'ai simplement décidé de mettre mes immenses talents au service d'un humain en échange de plus de nourriture, de confort et d'une certaine liberté de mouvement. Et encore, je pourrais lui en demander bien plus en étant toujours dans mon droit !
Billy, Flavio et Trotwood furent saisis d'un immense éclat de rire tant le goupix avait paru sérieux. Flavio, en particulier, fut saisi d'une longue quinte de toux lorsqu'un morceau de croquette vint se coincer dans sa gorge.
-Quoi ? demande Mist, furibond. Qu'est-ce qui vous fait rire ? La seule chose qui me donne envie de rester, c'est de voir cet ingrat d'humain s'agenouiller devant moi et enfin me remercier comme il se doit de tout ce que je fais pour lui !
-C'est ce que tu dis, Mist. C'est ce que tu dis.
Le pokémon feu allait répondre mais se ravisa, jugeant plus digne d'intérêt les croquettes au fond de son bol que les abrutis constituant la majorité de l'équipe, lui non-compris. Une fois leur déjeuner terminé, tout le monde était désormais prêt à repartir sous un beau ciel bleu.
C'est d'un pas léger qu'Alfaro repartit, la voie libre de tout pokémon violent et glouton. La journée était belle, Dolce avait vaincu sa peur de l'eau, une nouvelle recrue possiblement intéressante venait de les rejoindre et tous ses pokémons étaient encore en pleine forme et se reposait dans leurs pokéballs. Seul sur le pont, il se permit de siffloter un air en souriant, fermant les yeux pour mieux apprécier la chaleur du soleil sur sa peau. Qu'il était bon d'être un dresseur libre et talentueux.
L'euphorie qui lui montait à la tête le quitta lorsqu'il se rendit brusquement compte qu'il ne marchait plus sur du bois mais sur une bande de terre reliant le pont qu'il venait de traverser à un autre. Un peu plus loin se dressait un bâtiment propre, bien qu'isolé. Certainement une maison de vacances. Alfaro ne voyait pas qui pouvait habiter dans un lieu aussi isolé et proche de la mer. Elle semblait pourtant bel et bien habitée si l'on en jugeait les rideaux ouverts.
Il allait reporter son attention devant lui et continuer son chemin lorsqu'un bruit semblable à un coup de feu retentit près du cottage, suivi d'un cri de pokémon. Inquiet, il contourna la maison, se dirigea vers l'endroit d'où provenaient les bruits et porta immédiatement la main à sa ceinture.
Un électrode se trouvait au pied d'un mur, seul, des pétards disposés autour de lui claquant l'un après l'autre dans un rythme irrégulier. Il n'y aurait pas eu à s'inquiéter si seulement le pokémon électrique ne s'était pas mis à luire d'une lumière blanche bien différente de celle de l'évolution. Malgré la panique qui déformait les traits de plus en plus imperceptibles de l'électrode, il n'y avait pas un doute possible : Alfaro avait devant lui une tentative d'attentat orchestrée dont il subirait les conséquences si il n'agissait pas dans les quelques secondes le séparant de l'explosion.
Le beau ciel bleu au dessus de sa tête s'évanouit et le paysage autour de lui se confondit avec les boyaux de la grotte de Lavanville. Dans un réflexe aux accents de mauvais souvenirs, il arracha la ball de Flavio et l'en fit sortir. Même si il parvenait à courir, rien ne disait qu'il serait épargné par l'explosion ou les décombres qui pouvaient s'écrouler sur lui.
Sa propre voix lui paraissait inaudible lorsqu'il donna son ordre, mais il put compter chaque battement d'aile du pokémon lorsque ce dernier chargea l'électrique et le fit rouler, l'accompagnant jusqu'à ce qu'il chute de la petite bande de terre. Le roucoups battit frénétiquement des ailes, prêt à rejoindre son dresseur, mais à peine eut-il tourné le dos que l'explosion retentit. Le volatile se changea soudain en ombre avant de disparaître. Pas une seule plume ne fut visible lorsque la déflagration le recouvrit.
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| | | Koukin
Écrivain
Nature : Prudent
Exp : 186
| Sujet: Re: [Bleu] Traces - Nuzlocke Pokémon Bleu Romancé Sam 20 Aoû 2016 - 16:12 | |
| Attention, ce chapitre contient des évocations explicites de viols. Aucune scène sexuelle n''y est présente. Mon expérience dans le domaine étant (heureusement) inexistante, je me suis basé sur quelques livres et articles dont vous trouverez les sources ci-dessous. Le viol est une chose atroce aux conséquences trop profondes pour en faire un portrait complet dans cet unique chapitre. Mal expliquée, l'idée de ce crime est amoindrie. Ma préoccupation est ici de ne dire que des choses justes, et non toutes les choses par crainte de ne pas savoir les dire correctement. Il existe quantités d'articles et d'ouvrages rédigés par des victimes ainsi que des médecins, psychologues, psychiatres sociologues et chercheurs sur le sujet. Pour peu que votre source soit fiable, tendez l'oreille à ceux qui veulent être entendus. -CORMON Véronique, OCELOT Michel (préfacier). "Viol et renaissance". Paris, éditions Archipel, 2004. 153 pages. -AUTAIN Clémentine (sous la direction de). "Elles se manifestent – Viol, 100 femmes témoignent". Paris, éditions Don Quichotte, 2013. 184 pages. -GUINHUT Hélene. "Trois victimes de viol racontent leur bataille judiciaire". Elle [En ligne], 19 Novembre 2012 [Dernière consultation le 6 août 2016]. Disponible sur (trois w point) Elle (point) fr/Societe/Les-enquetes/Trois-victimes-de-viol-racontent-leur-bataille-judiciaire-2251236#] -VINCELOT, Sophie. "En France, le viol est trop souvent minimisé par la justice. Le Figaro Madame [En ligne], 20 août 2015 [Dernière consultation le 6 août 2016]. Disponible sur (trois w point) madame (point) lefigaro (point) fr/societe/la-correctionnalisation-du-viol-un-fleau-judiciaire-200815-97830 Bonne lecture. - Traces chapitre 20 (1/2) :
« Je veux pas me traîner une réputation d'assassin, c'est clair ? »
L'eau, dont la surface était à peine réchauffée par l'explosion, lui déboucha les tympans sans qu'il ne puisse se sortir ses propres paroles de la tête. Il les avait bel et bien prononcé dans la forêt de Jade, mais ce n'était que maintenant qu'il se sentait concerné. Cleopatre, puis Pizzo, et peut-être maintenant Flavio...Un assassin par lâcheté, voilà ce qu'il était.
Alfaro avait plongé tout habillé, pokéball en main, à la recherche de son roucoups. Le rayon n'avait d'effet qu'à la surface de l'eau et il craignait devoir plonger pour avoir une chance de sauver son pokémon. L'oiseau était derrière lui, près d'un pilier du pont, flottant silencieusement. Sans perdre de temps en s'approchant davantage, Alfaro appuya sur le mécanisme et le faisceau rouge fusa droit vers celui qu'il avait peut-être envoyé à la mort. Rien ne se produisit et Alfaro serra davantage l'outil dans sa main, comme si il voulait par ce simple geste envoyer un peu de sa vie à Flavio. Un bruit strident émana alors de la sphère, suivi d'une série de bips, et le rayon passa du rouge au noir avant d'envelopper le pokémon et d'enfin le transférer en sûreté. La couleur de la coque subit le même changement.
Flavio était sauvé pour un moment. Alfaro ne connaissait pas tous les détails, mais il savait que toute pokéball avait une fonction permettant de maintenir un pokémon dans une sorte d'hibernation artificielle. Cette procédure d'urgence avait pour seul inconvénient d'épuiser bien plus vite la batterie de la pokéball, automatiquement rechargée dès que son occupant se faisait soigner dans un centre. Il était également impossible de connaître la durée du sursis. Lorsqu'elle arrivait à court d'énergie, une alarme retentissait et le dresseur ne pouvait que la projeter au loin avant qu'elle n'explose, incapable de retenir son occupant. Rares étaient les survivants parmi ceux dont la vie dépendait du mécanisme d'urgence. La seule chose certaine était que le temps leur était compté.
Alfaro en était à se demander comment remonter sur la terre ferme lorsqu'il fut catapulté à la surface. Quelque chose venant des profondeurs l'avait percuté tellement fort qu'il fit un vol plané et atterrit au sol, le souffle coupé. Il n'eut pas le temps de reprendre ses esprits qu'il sentit un froid pénétrant s'emparer de ses jambes. Le visage tendu par la douleur, la panique et le manque d'air, il ne pouvait que subir le lent laser glace qu'un staross lui appliquait. Il allait se saisir de l'une de ses pokéballs lorsqu'un pied l'écrasa sans une once d'hésitation.
-Même pas foutu d'ordonner une destruction propre ! On a eu de la chance de tomber sur un incapable comme toi ! Et maintenant, tu vas répondre gentiment à nos questions avant que mon staross ne gèle ta sale face de rattata !
Cette voix colérique sembla vaguement familière à Alfaro. Tournant la tête comme il le put, il vit les courts cheveux roux flamboyants et le visage de la championne d'azuria.
-Toi ? dit-elle en le reconnaissant à son tour. Espèce de traître ! Quand je pense que même Erika avait confiance en toi !
-Ce n'est pas lui, Ondine, répliqua une autre voix féminine. Regarde la ball dans sa main : elle est noire et l'electrode est au fond de l'eau. Dépêche-toi de quadriller les alentours, le vrai coupable court encore.
Avec un regard d'incrédulité pour sa victime, Ondine ordonna à son staross de cesser le laser glace et ils plongèrent. Alfaro était trop occupé à reprendre son souffle pour se demander ce qu'il se passait. Sa main plus que jamais crispée sur la ball de Flavio, il tenta de se dégager de la glace mais ses efforts restèrent vains.
-Annulez-ça ! supplia-t-il d'une voix faible. Mon roucoups…
Une quinte de toux l'interrompit dans ses paroles. L'air était encore chargé de particules dues à l'explosion et le froid s'emparant de lui n'arrangeait en rien les choses. L'état de Flavio devait cependant être bien pire.
Une vague de culpabilité s'empara alors de lui et des larmes de rage embuèrent ses yeux. Vu de près, le cottage lui sembla tout d'un coup assez solide pour supporter une explosion. Peut-être qu'un simple jet de sable aurait suffisamment déconcentré l'electrode pour affaiblir son attaque. Peut-être aurait-il dû ordonner à son roucoups de s'envoler sitôt leur adversaire en route pour un plongeon. Toutes les éventualités lui apparaissaient en cascade et il n'avait pas su s'emparer de l'une d'elle au moment le plus crucial, lui qui s'était juré de ne plus utiliser ses pokémons comme des boucliers jetables à souhait mais comme des compagnons dont il avait la responsabilité.
-Ton roucoups ? Mon Dieu ! dit la femme d'une voix beaucoup moins maîtrisée. Oui, ton roucoups. C'est lui qui a poussé l'electrode...Mais que je suis bête ! Ne...ne bouges surtout pas !
Alfaro vit une paire de jambes le quitter, puis revenir et s'accroupir à ses côtés. Il sentit alors la glace retenant ses jambes se liquéfier avant de disparaître, ne laissant qu'une curieuse chaleur sur ses vêtements.
-De l'antigel, indiqua la jeune femme. Normalement, ce n'est pas pour les humains mais en faisant bien attention...Tu peux te relever ?
Alfaro dut s'y prendre à deux fois avant de pouvoir y arriver, prenant appui sur le bras qui lui était tendu. Il eut un mouvement de recul en croyant reconnaître Ondine, bien que cette dernière ne soit pas revenue. La femme en face de lui semblait plus âgée mais avait exactement les mêmes yeux que la championne, d'un bleu-vert très clair. Mais là où les cheveux roux détonaient se déployait une épaisse chevelure blond cendré, adoucissant ses traits. Le contraste avec la voix assurée et autoritaire qu'il avait entendue au début frappa le jeune dresseur.
-Ondine ne risque pas de revenir avant un moment et il m'est impossible de m'absenter d'ici, on va donc devoir faire avec les moyens de bord. Ce serait trop long à expliquer, mais je peux faire mieux que le système d'urgence de ta pokéball. Tu me fais confiance ?
-Mais vous êtes qui, en fait ?
-Oh, je ne me suis pas présentée ? Toutes mes excuses, je m'appelle Daisy, championne d'Azuria et sœur aînée d'Ondine. Cela fait quelques temps que je voulais te rencontrer, dit-elle avec un sourire.
-Championne d'Azuria ? L'autre demi-championne ?
-C'est compliqué. Pour faire simple, Ondine est ma suppléante, ou l'autre championne, appelle-ça comme tu veux. Certaines raisons m'obligent à rester ici pour une durée indéterminée. Mais pour le moment, la priorité est ton roucoups. Suis-moi.
Ils franchirent la porte de la maison et traversèrent un couloir sombre débouchant sur une unique mais vaste pièce. A droite, tout le long d'une cuisine, s'étendait une table en bois parallèle à une autre dans le côté gauche, plus semblable à un salon avec son canapé et ses fauteuils alignés. Une grande baie vitrée laissait voir une sorte de piscine naturelle coupée de l'océan par des murs de rocs. Une terrasse carrelée recouverte d'accessoires de plage était la seule manière de plonger sans risquer quoi que ce soit. Daisy écarta la surface de verre et s'en approcha
-Celles-là alors, pesta-t-elle en écartant une serviette abandonnée. Je leur avait pourtant bien dit de nettoyer quand elles quittaient la piscine...Donne-moi ta pokéball.
Alfaro obéit plus difficilement qu'il ne l'aurait cru. Une fois l'outil dans la main de la championne, il sentit la pression de ses doigts sur la sphère contredire le geste qu'il venait d'avoir, comme si il refusait de confier le sort de son roucoups à qui que ce soit d'autre qu'à un compétent en la matière. Il se décida finalement à accepter son impuissance.
Daisy repartit et revint avec un sac ainsi qu'une autre ball qu'elle actionna. Un grand pokémon comme Alfaro n'en avait jamais vu flottait maintenant dans la piscine. Une carapace couverte de bosses protégeait quatre nageoires tandis que s'étirait un long cou surmonté d'une tête au oreilles rondes.
-C'est un lokhlass. Ne t'en fais pas, il est très intelligent et ce n'est pas la première fois qu'il m'assiste dans ce genre de soins. Ils ne sont que temporaires, mais ça durera plus longtemps que ta ball. Tu sais identifier les différents types d'objets de soin, n'est-ce pas ? demanda-t-elle en ouvrant un sac rempli d'objets pour dresseurs.
-Euh...presque tous, avoua Alfaro.
-Ne t'en fais pas pour ça, je serai précise dans la description. Mais il faudra aller vite, d'accord ? Tu n'auras à t'occuper de rien d'autre que me passer les objets et éventuellement m'aider à maintenir ton roucoups, ou bien à le rassurer. Tu lui as donné un surnom ?
-Flavio. Vous êtes sûre que ça fonctionnera ?
-Si tout va bien, oui. Mais il faudra qu'Ondine revienne très vite...Prêt ?
-Prêt.
Daisy actionna la ball et fit courir ses doigts sur Flavio dès son corps matérialisé. Un flot de sang coulait d'une large entaille, mais Alfaro ne vit aucune autre blessure sur le plumage carbonisé de son compagnon. Il tenta d'ignorer les gémissement saccadés de l'oiseau et se prépara à intervenir.
-Ok, passe-moi les compresses et un bandage. Le plus long sera le mieux, on va commencer par recouvrir la plaie.
Les mains d'Alfaro s'agitèrent frénétiquement dans le sac à la recherche des objets demandés. Il déchira un emballage et tendit les compresses à Daisy. Le saignement ne s'interrompit cependant pas et il hésita à lui demander l'utilité d'une telle démarche lorsqu'elle déroula un long morceau de tissu blanc.
-Soulève-le pendant que je fixe le bandage. Attention aux compresses, elles ne doivent pas tomber.
Le corps de Flavio lui sembla plus léger que d'habitude, à moins que ce ne soit l'adrénaline et la panique qui l'empêchaient de bien juger de son poids. Soudain, Flavio émit un hurlement de douleur et remua avec force dans les bras de son dresseur.
-Ça suffit, Flavio ! T-tout va bien, reste tranquille ! On est en train de te soigner !
-Elea, berceuse ! Concentre-toi sur ce roucoups !
Les efforts combinés d'Alfaro et de Daisy pour maintenir le volatile furent rejoint par le doux chant aux accents aigus du lokhlass. Flavio continuait cependant de se débattre sans se laisser faire.
-Ça ne marchera pas, il faut qu'il se détende un peu. Essaie quelque chose, n'importe quoi ! Je ne peux rien faire si il n'est pas immobile !
Les cris de douleur de Flavio recouvrirent les paroles de la championne et le brun ne sut que faire. La mort sans doute imminente de son pokémon le paralysait plus qu'il ne l'aurait voulu. Il repensa aux deux autres corps reposant derrière lui et la facilité avec laquelle il les avait laissé alors qu'ils étaient encore vivants. Une lance transperça son cœur alors qu'il refusait net d'abandonner un troisième pokémon. D'autant plus qu'il lui semblait que Flavio l'appelait à travers ses cris désordonné.
-Tout va bien se passer, ne t'en fais pas, dit-il en caressant les plumes folles de sa tête. T'en as connu des pires, non ? La première fois qu'on s'est vu, t'as parcouru toute une route avec le crâne fendu rien que pour me retrouver. C'est pas une plaie comme ça qui va t'arrêter, hein ? Fais-moi confiance et dors, je te promets que tout ira mieux à ton réveil.
Il sentit que Flavio se détendait au fur et à mesure de ses paroles. Au bout de plusieurs autres paroles, l'oiseau se calma peu à peu et, les yeux mi-clos, lança un dernier regard à son dresseur. Alfaro y sentit toute l'inquiétude, toute la douleur mais également toute la confiance que sa première capture lui accordait. Il hocha la tête d'un air résolu, laissant partir le roucoups dans le sommeil artificiel offert par le chant du lokhlass. Une fois certain que seule sa poitrine bougeait sous le rythme de sa respiration, il prit son corps plus fermement qu'auparavant et fit signe à Daisy de continuer.
Un instant plus tard, la blessure de Flavio était étroitement bandée mais la tâche rouge continuait de s'élargir dangereusement. Alfaro douta de la technique utilisée mais l'aînée des deux sœurs continua.
-Et maintenant, la partie la plus délicate. Elea, laser glace sur la plaie. Commence par geler le sol à côté et ne dirige le rayon qu'une fois certain que tu pourras geler le bandage et la chair en-dessous, pas plus ! Prend ton temps.
Le lokhlass ouvrit la bouche et une sphère bleu clair en émana. Un rayon en surgit en un claquement de doigt et se dirigea sur l'eau à côté du pokémon. Le visage crispé par la concentration, il en régla l'intensité jusqu'à ce qu'il soit plus fin qu'un doigt. Il rapprocha alors son visage de Flavio, toujours tenu par Alfaro.
-Tes bras vont geler si tu restes ainsi, pose-le au sol.
-Ce sera plus facile pour ton lokhlass d'opérer si je lève mon roucoups à sa hauteur, non ? Je n'ai absolument pas l'intention de lâcher, alors qu'on en finisse et vite.
Daisy n'hésita pas plus longtemps, soucieuse de la difficulté qu'avait son pokémon a se concentrer sur le rayon. Un simple hochement de tête et le laser s'approcha du bandage. Lentement, les plumes de Flavio furent prisonnières d'une carapace de glace. L'hémorragie était à moitié contenue lorsque le rayon gagna soudain en épaisseur, manquant de blesser l'endormi. Dès qu'il vit le lokhlass perdre le contrôle, Alfaro pivota sur lui-même pour protéger son roucoups de l'attaque. Un cri aigu s'échappa de ses lèvres lorsqu'il sentit un froid mordant comparable à une barre de métal gelée traverser son avant-bras. Daisy fit un pas en avant mais il l'arrêta.
-Ça va, c'est rien. Occupe-toi plutôt de diriger ton lokhlass.
Alfaro tendit de nouveau Flavio à l'aquatique, contrôlant comme il le pouvait son bras pris de tremblements. Avant même qu'il ne s'en rende compte tant il luttait pour tenir sa position, le lokhlass ferma la bouche et fit signe à sa dresseuse qu'il avait terminé. Alfaro s'écroula par terre et posa l'oiseau au sol, le bras agité de convulsions.
-Fais-moi voir ça, ordonna Daisy en examinant son membre gelé. Encore heureux que aies été touché par un de mes pokémons, un autre t'aurais certainement gelé jusqu'à l'os en perdant le contrôle !
-Et Flavio ?
-Ça devrait aller. Il y a toujours un risque de nécrose dû à la mauvaise circulation du sang, mais ça durera bien plus longtemps qu'avec une simple pokéball. Et de toute façon, je suis incapable de faire des points de suture pour ça.
La poitrine d'Alfaro se fit un peu moins lourde à cette annonce. Son pokémon n'était certes pas tiré d'affaire, il avait au moins plus de temps devant lui. Quelque peu aveuglé par le soleil se reflétant dans la piscine, il vit Daisy aspirer Flavio dans sa ball avant de la sentir s'emparer de son bras valide. La championne l'entraîna jusque dans une salle de bain et s'affaira à rassembler de nouveaux flacons. Elle invita ensuite Alfaro à tendre le bras sous un pommeau de douche. Le jet tiède entraîna avec lui glace et sang du roucoups. Sans doute un peu de sien par la même occasion.
-Vous n'avez plus d'antigel ? demanda Alfaro. Ça avait bien marché tout à l'heure.
-La glace était trop épaisse, j'étais donc obligé de l'utiliser. Le problème est que les potions sont toxiques pour les humains. Directement appliquée sur ta peau, elles risqueraient de provoquer des cloques. Il va falloir utiliser des moyens plus traditionnels.
Alfaro ne répliqua pas et se laissa faire, encore secoué par tout ce que Flavio et lui venaient de traverser. Le fond d'inquiétude qui l'habitait encore persistait mais il se força à garder son calme. La ball du roucoups conservait des couleurs habituelles, preuve que les soins de Daisy faisaient leur effet. Restait encore à atteindre un centre.
-Il n'y a aucun moyen d'emmener Flavio dans un centre pokémon tout de suite ? se risqua-t-il à demander.
-Bien sur que si. Mon rapaspedic peut rejoindre Carmin-sur-Mer en un peu plus d'une heure, mais je ne peux pas m'absenter de cette maison tout de suite. Tout ce que nous pouvons faire, c'est attendre qu'Ondine revienne. Et de toute façon, ajouta-t-elle d'un ton catégorique, j'ai quelques questions à te poser et il vaudrait mieux que tu restes ici jusqu'à demain matin.
Alfaro sursauta mais ce n'était pas à cause des paroles de sa sauveuse. Il avait aperçu un œil les observer par l'entrebâillement de la porte avant de disparaître en un coup de vent. Daisy s'en aperçut elle aussi et jugea bon d'expliquer la situation.
-Nous sommes en fait quatre sœurs. Je suis l'aînée, Ondine est la cadette, tu viens de voir la troisième. Désolé si elle t'a surpris, Lily est de loin la plus discrète d'entre nous. Violette, en revanche...Je te conseille de faire attention quand tu leur parle, acheva-t-elle en entourant la main du dresseur d'un bandage étroit.
-Il y a une raison particulière ?
-Oui, mais je t'interdis de chercher à en savoir plus pour l'instant, ça ne te concerne pas. Est-ce bien clair ?
Il aurait été intéressant de compter combien de fois l'aînée des quatre sœurs passait d'un ton agréable a des paroles n'acceptant aucune revendication tant cela lui arrivait. Peut-être était-ce là une habitude qu'elle avait prise en tant qu'aînée ? Lui-même fils unique, Alfaro n'avait pas eu à se plaindre d'un autre proche que son père mais il était resté ignorant de la vie de famille nombreuse. Peut-être même de famille tout court. Il se souvint de sa mère, il y a longtemps, lui demandant ce que cela lui ferait d'avoir un petit frère ou une petite sœur. Au départ enthousiaste, cette idée lui avait semblé de plus en plus improbable tant Alberto Straeno restait absent, jusqu'à n'être plus qu'un souvenir d'une noire intensité.
La porte d'entrée du cottage claqua et une voix grincheuse se fit entendre.
-Ce salopard a réussi à m'échapper ! J'ai pu le pister vers le nord en suivant ses traces, puis rien ! Soit il s'est téléporté, soit il s'est envolé !
-Et l'electrode ?
-Toujours au fond de l'eau. De toute façon, il était tellement rachitique qu'il n'aurait pas pu faire sauter une brique.
-Tu veux qu'on refasse la scène ? demanda Alfaro. Tant qu'on y est, vérifions qui de votre cabane ou de mon roucoups est le plus résistant !
-Ce n'est pas ce que je voulais dire ! répliqua Ondine en se montrant. Soit l'attaque aurait échoué, soit le seul but était de nous intimider !
-Alors j'aurais mieux fait de ne pas intervenir ?
-Silence ! cria Daisy. Ce qui est fait est fait, inutile de se disputer ! Ondine, tu gardes la maison. Alfaro, tu restes ici. J'emmène ce roucoups à Carmin-sur-Mer, enverrai un rapport aux autres et rentrerai dans la soirée.
Puis elle sortit sans laisser aux deux autres le temps de protester. Alfaro entendit un cri aigu de l'autre côté du mur, signe que l'aînée avait sorti son rapasdepic et était prête à s'envoler. Le visage d'Ondine était à peine moins indigné que le sien.
-Elle est toujours aussi autoritaire ?
-Uniquement quand c'est nécessaire, ce qui arrive très souvent. Dommage, soupira-t-elle.
Puis elle se leva, invitant Alfaro a la suivre dans la cuisine.
-Besoin d'un thé ? Tu es tellement pâle que c'en est inquiétant.
Alfaro se regarda dans un miroir. En effet, son teint habituellement bronzé était devenu grisâtre. Une bonne tasse de café lui aurait permit de mieux réfléchir à ce qu'il venait de traverser, mais il lui semblait trop impoli de formuler sa requête. D'autant plus que les réponses à ses questions se trouvaient sans doute devant lui.
-Ça vous arrive souvent de trouver des explosifs sur votre palier ? demanda-t-il une fois les tasses remplies.
-A ton avis ? Non, bien sûr. C'est même la première fois qu'on reçoit ce genre d'avertissement.
La deuxième championne semblait plus blasée qu'effrayée, ce qui étonna Alfaro.
-Ça fait un choc, oui, mais j'ai eu le temps de m'y préparer. Quand on fait partie d'une organisation luttant secrètement contre un groupe criminel gangrenant la société, on s'attend forcément à ce que ce genre de choses arrive.
-La Tombe Creuse ?
-Non, les Papilusions du Bonheur, répondit-elle d'un ton acide. A moins qu'il n'existe vraiment un autre groupe voulant faire tomber ces pourris.
Elle dut se rendre compte de l'énervement d'Alfaro car elle s'excusa.
-Désolé, j'ai juste besoin d'évacuer tout ça.
-Je ne suis pas un punching-ball, répliqua le brun.
-Oui, je viens de m'en rendre compte, désolé. Au point où on en est, autant que je t'explique deux-trois trucs sur nos activités. Daisy voulait te mettre au courant, maintenant que tu es presque l'un des nôtres.
-Presque l'un des vôtres ? répéta Alfaro en appuyant sur le premier mot. Presque ? Donc non seulement, vous m'embarquez dans vos embrouilles mais en plus, vous continuez de me traiter comme un caninos ?
-Si tu veux mon avis, j'aurais préféré que les autres te laissent tranquille. Je n'aime pas l'idée de forcer qui que ce soit à nous rejoindre.
Un sentiment de gratitude émergea en Alfaro. Pour la première fois depuis qu'il se retrouvait mêlé à leurs histoires, une personne de cette fichue organisation semblait le comprendre. Mais quelque chose n'allait pas.
-Tu ne pouvais donc pas les convaincre de me laisser en dehors de tout ça ?
-Ne fais pas semblant d'être une victime. Je sais que tu as accepté une mission en échange d'informations, à Céladopole. Les autres sont convaincus que tu accepteras de nouveau.
Alfaro se sentit piégé. Les murs du cottage se confondirent avec ceux de la cabane où il s'était retrouvé face à Erika, quelques temps auparavant. C'était comme si quelqu'un agitait au-dessus de lui une liasse de papier alors qu'il était trop petit pour s'en emparer. Une fois de plus, sa fierté prenait le dessus et la tentation de quitter cet endroit se fit plus virulente encore.
-Des informations sur mon père, c'est ça ?
-Il semblerait.
-Et toi, alors ? Tu n'aurais pas pu me les donner la dernière qu'on s'est vu ? Peut-être aurais-tu pu simplement m'écouter et répondre à mes questions ? Ou alors tu n'avais pas l'intention de le faire, c'est ça ? demanda-t-il, l'agressivité menaçant d'éclater.
-Je n'en savais rien. Une des règles d'or au sein de la Tombe Creuse est que personne n'a connaissance de tout ce qui nous concerne, pas même nous-même. On s'arrange pour que certaines informations soient cachées aux autres membres, au cas où l'un d'entre-nous se ferait prendre.
-Oui, Erika m'a déjà mis au courant.
-Et donc, il m'était impossible de savoir quoi que ce soit au sujet de ton père. En fait, mon travail se limite surtout à celui d'enquêter sur le terrain, quelques missions par-ci par-là. C'est très semblable à ce que tu ferras.
-Si j'accepte.
-Si tu acceptes, oui.
Des bruits de pas se firent entendre dans l'escalier et la quatrième sœur apparut. Alfaro était certain que ce n'était pas celle qui les avait épié dans la salle de bain un peu plus tôt. Son regard avait quelque chose d'antipathique et les cheveux châtain clair bouclés encadrant son visage maigre n'arrangeaient pas cette impression. Son regard se fit plus sévère encore lorsqu'elle aperçut Alfaro.
-C'est lui qui a manqué de faire sauter la maison ?
-Au contraire, il nous a peut-être sauvé. Alfaro, je te présente Violette. Violette, Alfaro. Comment va Lily ?
-Encore sous le choc, mais elle s'est calmée. C'est à croire qu'elle est plus effrayée par ce type que par un electrode sur le point de s'autodétruire, dit-elle sans cesser de fixer Alfaro comme si il était la cause de tous leurs ennuis.
-Merci de garder tes réflexions sur les hommes pour toi, sauf si tu en de nouvelles. Tout le monde s'en lasse.
-Vous savez pourtant très bien que Lily refuse de mettre un pied hors de sa chambre tant qu'il y a un homme sous ce toit ! Si au moins vous l'aviez prévenu…
-On avait autant de chances de vous prévenir de l'arrivée d'Alfaro que celle de prévoir qu'un pokémon allait se faire sauter à notre porte ! coupa brutalement Ondine.
-Et qui vous dit que ce n'est pas lui qui…
-Parce que son propre roucoups a bien failli mourir, voilà pourquoi ! De plus, les empreintes montrent clairement qu'il y avait une deuxième personne ayant libéré l'electrode sur place.
-Alors il est complice !
-Erika s'est assurée de vérifier et Alfaro n'a rien a voir avec la Team Rocket. Tu n'es pas membre de la Tombe Creuse, alors évite de fourrer ton nez dans des affaires que tu ne comprendras sans doute jamais !
Outrée, Violette tourna les talons et repartit à l'étage. Ce ne fut que lorsque ses jambes disparurent pour de bon qu'Ondine se prit la tête entre les mains.
-Daisy t'a prévenu ? demanda-t-elle après un long silence.
-Elle m'a seulement dit de ne pas poser de questions, répondit Alfaro d'un ton glacial.
-Bon. Lily est effrayée par les hommes, excepté ceux de la Tombe Creuse et ceux en qui elle a confiance. Violette, en revanche, c'est tout l'inverse. Soupe au lait au point que c'en est insupportable pour tout le monde. Dans les deux cas, évite de leur parler.
-Ne leur parle pas, ne pose pas de questions, reste ici...Il y a d'autres choses ? demanda-t-il d'un ton ironique. N'hésites pas à dérouler la liste. Après tout, je reste jusqu'à demain et ne voudrait surtout pas vous contrarier.
-Éviter de me m'énerver. Tu t'en sens capable ?
-Je crois que c'est moi qui est le plus à plaindre ! éclata Alfaro. Je vous sauve d'une explosion, mon roucoups est entre la vie et la mort, tu m'emprisonnes dans de la glace, celle du pokémon de ta sœur m'écorche le bras et vous trouvez encore le moyen de me traiter comme un moins que rien ?
-Bien sûr ! Toi au moins, tu n'es pas coincé entre des devoirs de champion d'arène et par des missions au quatre coins de la région ! T'as pas à être constamment sur tes gardes et à cacher le fait que tu appartiennes aux ennemis de la Team Rocket malgré l'influence qu'ils ont sur le pays ! T'es pas coincée avec une sœur que tu ne vois que lorsqu'elle a besoin de toi, une autre hystérique, et une autre qui menace de se tailler les...
Ondine s'interrompit brutalement, son visage rivalisant avec ses cheveux tant il devenait écarlate. Sa main tremblait alors qu'elle se maîtrisait pour ne pas lancer sa tasse sur un Alfaro brusquement refroidi.
-Désolé, je...je ne savais pas.
-T'es vraiment qu'un pauvre con.
La championne se leva et marcha à grands pas vers la porte d'entrée, laissant Alfaro seul. Sa colère n'était pas entièrement dissipée mais elle semblait recouverte d'une épaisse couche de malaise suite à ces brusques révélations. Il n'avait pas été le seul être humain présent dans cette pièce et Ondine le lui avait bien rappelé, pour leur plus grand déplaisir.
Néanmoins, les contradictions que lui imposaient les membres de la Tombe Creuse lui paraissaient délirantes. Comment pouvait-il ne pas être blessant ou tout faire rater si il était constamment tenu dans l'ignorance ? Il n'était guère étonnant que la Team Rocket restait impunie si les seuls à leur tenir tête étaient une bande de dresseurs désorganisés, aussi forts soient-ils. Cela lui semblait tellement inutile qu'il était presque tenté de les former aux méthodes des rues de Safrania.
L'idée était dérisoire et n'aurait cependant rien changé dans l'immédiat. Autant tnter d'apprendre quelque chose à un ramoloss. L'idéal aurait été de rester à sa place, d'obéir gentiment en échange d'informations sur sa quête principale, mais il ne supportait guère d'être mêlé à une bataille sans avoir une vue sur tous les éléments. Ce qui le tracassait davantage était qu'il n'avait plus aucune raison d'aller contre la Team Rocket maintenant que sa vengeance envers l'assassin de sa mère était accomplie. Giovanni n'avait pas l'air de plaisanter en le menaçant lors de leur séparation au casino.
Ignorer sa fierté et courir de nouveaux risques ou bien rester prudent et mettre plus de temps à retrouver son père ? Mettant de côté cette question, il laissa sur la table sa tasse de thé à peine sirotée, sortit sur la terrasse de la piscine et fit sortir le reste de son équipe. Un pincement au cœur le saisit lorsqu'il remarqua qu'ils ne pouvaient être que cinq et il tenta de répondre comme il le pouvait aux regards emplis de questionnements devant lui.
-Flavio a été transporté d'urgence dans un centre pokémon. Il devrait s'en tirer, ne vous inquiétez pas.
Les regards curieux ne cessèrent pas. Alfaro aurait été tenté de leur intimer l'ordre de ne pas poser de questions, mais il sentait que sa responsabilité ne cesserait de lui peser si il le faisait.
-Une explosion aurait pu balayer cette maison. Il fallait éloigner le pokémon et Flavio l'a fait. Il s'est comporté en héros.
Le brun détourna les yeux, incapable d'affronter ses compagnons. Il n'avait sans doute pas besoin de leur dire qui avait ordonné au roucoups de prendre tous les risques.
-Si tout va bien, on repart demain. Vous pouvez faire ce que vous voulez du moment que ne vous ne cassez rien ici, ok ?
Des cris enthousiastes lui répondirent et Dolce se jeta immédiatement à l'eau, heureux et fier de pouvoir à nouveau montrer à son dresseur ses nouvelles habilités. Ce dernier ne lui accorda pas un regard et préféra retourner à l'intérieur du cottage. Les nuages s'amoncelaient au-dessus d'eux, rendant l'intérieur moins lumineux.
Alfaro vint se rasseoir sur la chaise qu'il avait quitté. Il pensait qu'expliquer la situation a ses pokémons et se montrer sincère avec eux atténuerait sa honte, mais elle s'en retrouvait décuplée. Il eut la brusque envie de changer ses plans, les enfermer dans leurs pokéballs et s'éloigner le plus possible de cette maisonnette, mais Flavio était bien trop important pour qu'il ne l'abandonne. La seule chose certaine semblait désormais l'agacement mêlé de culpabilité qu'il ressentait envers Ondine, Daisy et les règles absurdes de la Tombe Creuse.
Quelque chose de frotta maladroitement contre sa jambe avant de pousser un "zar ?" inquiet. Billy se tenait à ses pieds, les yeux levés vers son dresseur.
-T'es pas avec les autres ?
-Zar. Herbizarre ?
-Oui, il va s'en sortir. Des gens l'ont amené à un centre pokémon, je pense qu'il sera de retour demain.
-Herbi Herbizarre.
-Courageux de sa part ?
Alfaro ne savait pas quoi répondre. La question de son premier pokémon semblait innocente et Billy n'était pas du genre à tendre des pièges, mais il avait tout de même du mal à avouer toute la vérité. De sa main valide, il porta l'herbizarre sur ses genoux et caressa distraitement sa peau rugueuse. Maintenant que Billy avait évolué, leur position était plus inconfortable que depuis la dernière fois, devant une école de Jadielle. Aucun des deux ne s'en plaignit.
-Je lui ai ordonné de pousser l'electrode à l'eau, mais il n'a pas réussi à temps, avoua Alfaro.
L'herbizarre resta silencieux, ce qui n'étonna le brun qu'à moitié. Sans doute attendait-il qu'il continue, mais qu'y avait-il d'autre à dire ?
-Une vive-attaque n'aurait sans doute pas été suffisant, c'était déjà un miracle qu'il soit parvenu à le pousser jusque-là.
-Zarre...
-Non, il n'y avait rien d'autre à faire, murmura Alfaro plus pour lui-même que pour son pokémon. C'était ça ou bien voir la moitié de cette maison s'effondrer.
Il savait pourtant au fond de lui que rien ne pouvait le convaincre. Sa sensibilité encore nouvelle pour ses compagnons le tourmentait sans qu'il ne puisse y faire quoi que ce soit, sinon attendre. Il sentit alors une liane chatouiller son bras blessé.
-C'est rien. Juste une égratignure.
Billy n'insista plus et repartit avec les autres, laissant son dresseur contempler la tasse posée devant lui. Mais ce n'était pas le récipient qu'Alfaro voyait. Maintenant que la tempête était passée, il avait tout le loisir et le déplaisir de rembobiner les événements de la journée. Accepter qu'il aurait pu mieux faire ne suffisait pas, il ressentait le besoin de graver en lui son incompétence pour mieux s'en rappeler à l'avenir et éviter une telle situation.
La plaie ouverte par la Tour Pokémon de Lavanville n'était donc que le point de départ, songea-t-il. Jusqu'à quelle profondeur devait-il creuser pour enterrer définitivement ce qu'il voulait changer en lui ?
-Ton roucoups est à Carmin-sur-mer. Ils sont en train de l'opérer en ce moment-même et m'ont promis qu'ils feraient le maximum pour le remettre sur ses pattes.
Tout à ses pensées, Alfaro n'avait pas remarqué le retour de Daisy. Elle paraissait fatiguée de ses heures de vol mais également confiante en ses paroles, ce qui rassura le dresseur.
-Quand pourrais-je le voir ? demanda-t-il d'une voix éraillée par le silence.
-Demain matin. Je n'aurais qu'à refaire un aller-retour avant qu'Ondine ne reparte pour Azuria. Tu ne pourras certainement pas l'utiliser pour le combat avant un petit bout de temps et il faudra bien t'en occuper, mais ça devrait aller.
Alfaro retint un débordement imminent. Malgré la peur, la douleur, le soulagement et la longue épreuve de l'attente, s'obstiner à garder la face devant la championne lui semblait essentiel.
-Merci, se contenta-t-il de dire.
-Ce n'est rien. Il faut se serrer les coudes entre dresseurs…
L'aînée des quatre sœurs se débarrassa de son manteau et s'assit à la table de la cuisine. Elle regarda alors l'équipe jouant dehors et eut un sourire.
-Tu as l'air d'être bien entouré, dit-elle d'un ton admiratif. Avec quelques pokémons rares, en plus. Toutes mes félicitations.
-Merci, répéta-t-il.
-Tu pourrais m'en dire un peu plus sur eux ?
Alfaro regarda à son tour son équipe et allait commencer son récit lorsque la voix perçante d'Ondine retentit.
-L'enfoiré ! Comment il a fait pour avoir un aquali ? Eh, Lily, viens voir ça !
Des pas sonore retentirent à l'étage du dessus et Lily réapparut. Alfaro reconnut les yeux craintifs qu'il avait entre-aperçu mêlé à de la curiosité. Les cheveux d'un roux plus sombres que ceux d'Ondine, elle était également plus petite et moins svelte que ses trois autres sœurs. La benjamine du quatuor, quand à elle, semblait à la fois furieuse et impressionnée.
-Comment t'as fait ? répéta-t-elle. Aux dernière nouvelles, il y a moins d'une centaine d'évolis sauvages dispersés dans toute la région, voir une de leur évolution à l'état naturel ne se produit qu'une fois en une vie humaine, trois depuis Nuzlocke, et toi...Comment as-tu fais ?
-Du calme, Ondine. De toute façon, Alfaro allait nous raconter comment il les a tous eu. Ça t'intéresse, Lily ?
La concernée sursauta et regarda Alfaro plus attentivement qu'auparavant. Il était conscient que son look de petit voyou ne jouait pas en sa faveur, mais la jeune fille reporta son attention sur l'équipe et, sans doute saisie par la curiosité, alla s'asseoir à côté de Daisy. Ondine fit de même, permettant ainsi au brun de commencer son récit.
Il se sentait devenir plus léger au fur et à mesure qu'il évoquait les surprises, les bons et les moins bons moments. Sa première rencontre avec Billy, au laboratoire du professeur Chen. La morsure de Joey, laissé à Bourg-Palette, la capture toute simple de Trotwood, le caractère de Mist, la fuite du centre commercial de Céladopole avec Dolce...Il préféra ne pas évoquer les deux morts ayant pavé sa route et éclipsa quelques éléments de la capture d'Imhotep avant de terminer sur l'histoire de la capture de Flavio.
-Je ne te pensais pas du genre à prendre soin d'un pokémon blessé, admit Ondine.
-Le professeur Chen m'a un peu forcé la main. Et de toute façon, c'était officiellement ma première rencontre à Bourg-Palette. J'avais croisé quelques rattatas sur la route 1 mais n'y ai pas fait attention. La loi Nuzlocke...
-Oui, la loi Nuzlocke, répéta Daisy. Tous les pokémons peuvent ne pas être concernés, mais l'avis du tuteur de dressage peut servir à trancher sur les cas compliqués comme celui de ton roucoups. Rencontré après d'autres sur la route 1, puis capturé à Bourg-Palette…Il paraît que le professeur Chen a la main longue. Nous autres, champions, avons droit a des exceptions du fait de notre rôle dans la région, mais c'est une chose de plus que nous devons défendre...
-Et ils ont quoi, comme attaques ?
Alfaro se tourna vers Lily, de même que ses sœurs. C'était la première fois qu'elle parlait en la présence du jeune dresseur. Sa voix était faible et un peu rauque, mais elle restait compréhensible. Alfaro allait répondre lorsque Daisy l'interrompit.
-Ça tombe bien, il faut que je prépare le dîner. Tu peux lui faire une petite démonstration ? demanda-t-elle à Alfaro. Il y a un endroit pas très loin où tes pokémons seront à l'aise, Ondine te montrera.
Alfaro acquiesça et emboîta le pas à la rousse après avoir fait signe à son équipe de le suivre. Un vent frais commençait à souffler, donnant une nouvelle force au clapotis de l'eau. La petite troupe arriva bientôt sur un terrain suffisamment large pour que deux dresseurs puissent combattre, mais le natif de Safrania avait autre chose en tête.
-Ok les gars, il est temps de vous bouger un peu ! Un match en deux contre deux, sans que je ne donne d'indications. Essayez d'utiliser toutes vos technique mais faites attention à ne pas vous blesser, c'est compris Mist ?
Le goupix adressa un regard dédaigneux à son dresseur mais ce dernier ne réagit pas. Au moins ne semblait-il pas être vexé d'avoir été prit à part. Lui et Billy se mirent d'un côté, faisant ainsi d'Imhotep et de Trotwood leurs opposants. Dolce resta avec les humains.
-Si jamais je vois que vous y allez trop fort, j'arrêterai tout de suite le match. Je ne tiens pas à gâcher des potions inutilement à cause de votre enthousiasme. Prêts ? Allez-y !
Trotwood fit le premier mouvement. En un de ses fameux piqué, il fondit sur Mist et lâcha une poudre dodo facilement esquivée. L'adepte du feu répondit par une onde folie et l'insecte n'eut pas le temps de remonter. Son vol désordonné faisait désormais de lui une cible facile et le goupix en profita en lançant une vive-attaque interrompue par Imhotep. Ce dernier fit bouclier de son corps et riposta d'une griffe envoyant son adversaire au loin. Énervé, le quadrupède ouvrit la bouche et lança une flammèche peu efficace. Billy, quand à lui, prit le relais de son partenaire et lança un jet de feuilles acérées vers le papilusion.
Tout en surveillant attentivement le match, Alfaro détailla chacune des attaques de ses pokémons à Lily. Types, faiblesses, erreurs, beaux mouvements, tout y passait sans même qu'il ne s'en rende compte. La jeune femme écoutait, attentive à ce qu'elle voyait et attendait, et laissait parfois échapper des exclamations admiratives ou désolées suivant qu'un pokémon réussissait ou non à toucher sa cible. Ondine n'avait pas l'air particulièrement emballée par le match et préféra regarder son aînée, un sourire rassuré aux lèvres.
-Le problème avec Mist, c'est qu'il ne fait pas attention à tout ce qui se passe. C'est le plus têtu de mon équipe. D'un autre côté, Billy rechigne parfois à se battre. C'est pour ça qu'il préfère le couvrir. Imho a une solide défense, je ne m'inquiète donc pas pour lui. Quand à Trotwood…
Alfaro ne continua pas phrase. Il lui semblait désormais évident que le papilusion se faisait dépasser en compétences par les autres. Peut-être avait-il atteint sa limite ? Quelques jours auparavant, il n'aurait pas hésité à l'envoyer chez le vieux Chen mais cela aurait signifié continuer avec une équipe de cinq pokémons. Le ronflex qu'il venait de capturer semblait prometteur, mais il n'avait ni l'expérience, ni l'habitude du groupe.
Valait-il mieux garder un pokémon chevronné mais ne pouvant pas progresser davantage ou bien prendre le temps d'en dresser un autre possiblement plus efficace ? Il repensa à Joey le rattatac, renvoyé à Bourg-Palette. Ici, le choix avait été parfaitement justifié : Mist et Dolce constituaient des choix bien trop prometteurs et Imhotep possédait une force physique ainsi qu'une résistance bien plus grande. Joey ne le surpassait qu'en vitesse, mais c'était là un avantage devenu dérisoire.
Trotwood, en revanche, possédait nombre de compétences lui étant uniques au sein du groupe. Ses pouvoirs psychiques, celui d'endormir, de rendre confus, ainsi qu'une batterie de capacités utiles. Alfaro n'avait pas oublié la fois où il l'avait guidé dans la sombre grotte entre Azuria et Lavanville. Peut-être aurait-il de nouveau besoin de ceci à l'avenir. Sa place restait donc à leurs côtés, pourvu qu'il survive au voyage…
-Tes pokémons commencent à s'épuiser, fit remarquer Ondine. Ne les pousse pas trop à bout.
-Ok, ça suffit tout le monde ! Vous vous êtes très bien battus ! Ça t'as plu, Lily ?
L'interpellée sursauta, peu habituée au naturel dont faisait preuve Alfaro. Elle acquiesça d'un hochement de tête et regarda Dolce.
-C'est normal qu'il n'aie pas combattu ? demanda-t-elle. J'aurais aimé voir ce qu'il peut faire.
-Il ne maîtrise pas encore toutes ses attaques, ça pourrait donc être dangereux. En plus, j'ai passé la matinée à l'entraîner, il est plus épuisé que les autres. Mais si tu veux, je peux te le laisser un moment ? Vous n'aurez qu'à faire connaissance à l'intérieur.
La jeune femme regarda l'aquali avec de grands yeux ronds et un sourire ravi. Dolce semblait lui aussi partant pour tenir compagnie à Lily et vint se frotter contre ses jambes. Si personne ne lui avait expliqué, Alfaro l'aurait à coup sûr prise pour la benjamine des quatre sœurs. Les trois autres avaient en commun un fort tempérament la faisant passer pour complètement effacée. La curiosité s'empara de lui mais il se souvint de la promesse faite à Daisy et Ondine. Cependant, rien ne l'empêchait de lui demander ses projets pour l'avenir.
-Tu comptes devenir dresseur, plus tard ?
-Non. J'aimerais plutôt devenir éleveuse, ou étudier les pokémons eau. Je n'aime pas trop donner des ordres à mes pokémons et je suis très maladroite en combat.
-Et grâce à ton travail, fit remarquer Ondine, Azuria sera l'arène aquatique la plus forte du monde ! Dépêche-toi de devenir la meilleure, on mettra tes connaissances en pratique.
Lily rougit sans répondre et le regard de reproche qu'elle adressa à la rousse ne fit qu'accentuer le sourire de cette dernière. Alfaro fit semblant de ne pas avoir vu et se concentra sur ses pokémons. Une inspection sommaire lui fit remarquer qu'aucun de ses pokémons n'était blessé, à l'exception d'une aile de Trotwood roussie. Le coupable apparut presque en même temps que l'irritation du dresseur.
-Mist…
Le goupix interrompit sa toilette pour le regarder mais ne bougea pas de sa place. Un simple tapotement du pied ainsi qu'un doigt pointé vers le bas suffit à le faire venir, oreilles plaquées vers l'arrière.
-Garde ta méfiance pour toi, lui souffla très vite Alfaro. Tes flammes sont très efficaces contre les insectes et au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, Trotwood en est un. Je vous avais dit de vous battre sans vous blesser, pas vrai ?
Comme à son habitude, le goupix préféra regarder ailleurs. Alfaro se retint à grand peine de se montrer trop sévère. Donner une si mauvaise impression alors qu'il était en présence de deux autres personnes ne tournerait guère en sa faveur.
-Excuse-toi au moins envers Trotwood. Tu ne le sais peut-être pas, mais quand on est pas de type feu, une brûlure fait mal.
-Pix. Goupix.
-Pii !
Le papilusion ne semblait pas se formaliser de l'incident et voleta doucement autour d'eux. Alfaro ne pouvait comprendre une telle nonchalance. Passe encore qu'il agisse ainsi avec les autres membres du groupe, plus dociles, mais il se demandait jusqu'où le goupix pouvait aller dans l'usure de leur patience.
Une bonne odeur de cuisine comme Alfaro n'en avait pas senti depuis longtemps embaumait l'air de la maisonnette lorsqu'ils y entrèrent. Si l'ambiance était quelque peu détendue depuis son arrivée, le brun se sentit de nouveau étranger au moment de s'asseoir à table. La réunion des quatre sœurs n'y arrangeaient rien, pas plus que les regards courroucés que lui lançait parfois Violette.
-Puis-je savoir laquelle de vous trois a oublié de ranger la piscine aujourd'hui ? demanda Daisy. J'en ai un peu marre de devoir tout nettoyer derrière vous.
-Oups, dit Ondine. Désolée. J'avais tellement envie de faire du surf en mer avec mon poissoroy que je n'ai plus pensé à la piscine.
-N'oublie pas la prochaine fois. Tu sais que j'ai horreur de voir vos affaires y traîner.
Le repas se termina en silence, la moitié des personnes présentes fatiguée par une journée à rebondissements. Même l'équipe d'Alfaro semblait sur le point de s'endormir la tête dans leurs écuelles. Le jeune dresseur comptait profiter de la nuit tombante pour aller marcher seul lorsque Ondine le devança.
-Rentre tes pokémons dans leurs balls, prends-en un et rejoins-moi, dit-elle en prenant bien soin de ne se faire entendre par personne.
Bien que ses intentions soient indéchiffrables, Alfaro lui obéit et tous rentrèrent dans leur sphère, à l'exception de Mist déjà occupé à jouer avec une balle que lui lançait Lily. Le sol glissant de la piscine donnait parfois lieu à de spectaculaires acrobaties et ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne fasse un nouveau plongeon. Les rires partagés le rassurèrent pourtant sur le peu d'importance qu'une baignade imprévue pouvait avoir. Ondine l'attendait devant le cottage.
-Suis-moi, dit-elle. Je n'aimerais pas que les autres nous entendent.
-Ça concerne quoi ? demanda-t-il.
-Beaucoup de choses. Promis, c'est la dernière fois que je te fais poireauter ainsi.
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| | | Koukin
Écrivain
Nature : Prudent
Exp : 186
| Sujet: Re: [Bleu] Traces - Nuzlocke Pokémon Bleu Romancé Sam 20 Aoû 2016 - 16:13 | |
| - Traces chapitre 20 (2/2):
Ils avancèrent dans le crépuscule et quittèrent le pont pour un sentier de terre. La longue trace claire qu'ils suivaient prouvait qu'il avait été emprunté de nombreuses fois quand soudain, Ondine s'engouffra à travers un buisson. Alfaro mit quelques secondes à réaliser son brusque changement de direction et la suivit. La championne s'avançait avec une telle aisance qu'il avait du mal à la suivre. Ignorer les branches des buissons tout en n'apercevant qu'un pied pour le guider ne lui plaisait pas mais ils arrivèrent bientôt à un endroit différent de celui qu'ils venaient de quitter.
Un tapis de terre et de racines s'étendaient devant eux. Les arbres, rapprochés, formaient comme un large puits. Si les branches au-dessus d'eux faisait jouer la lumière en de multiples teintes vertes le jour, elles laissaient pour le moment filtrer d'ultimes flamboiements semblables aux courts cheveux roux de la dresseuse aquatique. Cette dernière se tourna vers Alfaro et sortit une cigarette de sa poche.
-Tais-toi et laisse-moi parler jusqu'au bout parce que je ne te le redirais pas une deuxième fois, annonça-t-elle d'un ton brusque. J'ai rarement vu un type aussi emmerdeur que toi, mais puisque tu te comportes bien avec Lily et qu'elle semble un peu à l'aise en ta présence, je pense qu'on peut se faire un peu plus confiance. Je suis prête à être franco avec toi si tu te décides à travailler avec nous. C'est donc très simple : soit tu dis oui à ma sœur demain lorsqu'elle te demandera de nous rejoindre et je te raconte ce que je peux sur la Tombe Creuse tout de suite, soit tu refuses et chacun part de son côté.
Le moment était donc venu d'enfiler un collier pour être nourri ou bien de le jeter et partir chasser seul. Cela lui rappelait ses débuts dans les rues de Safrania, excepté qu'il ne partait pas totalement de rien à l'époque. Ici, c'était accepter de rejoindre le rang par le bas avec peu d'espoirs de le diriger un jour, ce qu'il détestait cordialement. Il mit sa fierté de côté avec un énorme soupir.
-Tu peux me filer une clope, s'il-te-plaît ?
La soirée risquait d'être longue.
-Bienvenu dans la Tombe, dit la rousse en lui tendant le bâtonnet goudronné. Je commence par quoi ? Attention, ma sœur est plus douée que moi pour les explications.
La bouffée de nicotine qu'il tira l'aida à se calmer et à se concentrer..Des questions, il en avait des dizaines à poser. Certaines l'avaient tellement obsédé au cours de ces longues heures de marche à travers la région qu'elles fusèrent sans qu'il ne puisse les retenir.
-Qui fait partie de la Tombe Creuse ? Depuis quand avez-vous commencé ? Pourquoi vous êtes si lents à agir ?
-Doucement, je ne suis pas un alakazam. Pour commencer...Tout ce que je peux te dire est que notre fondateur est Auguste, le champion de Cramois'île. Tu le rencontreras forcément un jour ou l'autre, puisque tu sembles vouloir collecter tous les badges d'arène. C'est un peu lui qui nous a tous rassemblé. Il y a quelques champions, quelques dresseurs, des infiltrés un peu partout, mais j'ignore où ils se trouvent et même si c'était le cas, il vaudrait mieux que tout à leur propos reste secret. Ce serait dommage que leur couverture soit dévoilée. En particulier les infiltrés, ce sont un peu nos oreilles et ils sont les premiers à nous prévenir en cas d'infiltration de la Team Rocket.
-Par exemple ?
-On soupçonne certains membres du gouvernement d'être corrompus. De même, certaines grandes entreprises peuvent leur avoir fourni des technologies. C'est ce qui leur permet d'avoir leur propre réseau de stockage numérique de pokémons, parfaitement clandestin mais couvert par de puissantes personnes.
-Mais vous avez des preuves ! Vous pourriez les faire arrêter tout de suite !
-Rien qui soit présentable devant un tribunal. Tout ce qu'on a pour l'instant, c'est des témoignages, des soupçons et des preuves qui peuvent être détruites ou dissimulées par les autorités. Personne n'est aveugle devant une grosse liasse de billets, ajouta-t-elle avec un sourire jaune. Sans compter les chantages.
-Il vous faut donc quelque chose de plus gros.
-Exact. Et pour ça, on surveille en tentant de les prendre la main dans le sac. C'est pour cela qu'on aurait aimé que tu fasses un rapport à Erika : connaître l'état de l'ennemi est un avantage pour l'emporter sur lui.
-J'ai rencontré leur chef. Il avait l'air stressé.
Ondine le fixa, la bouche à moitié ouverte de surprise. De la cendre allait tomber de sa cigarette lorsqu'elle retrouva l'usage de la parole.
-Et tu ne l'as dit à personne ?! Je te jure que si demain, tu omets le moindre détail devant ma sœur, je te gèle la langue jusqu'à ce que ta cervelle travaille suffisamment pour la faire fondre ! Même un ramoloss aurait plus d'initiative !
La championne pesta un moment avant d'allumer une nouvelle cigarette sans en proposer à Alfaro, ce qui ne le gêna absolument pas. Rares étaient les moments où il ressentait l'envie de fumer.
-J'imagine donc que vous accélérerez vos plans, si l'ennemi est aux abois…
-Peut-être. Mais nous sommes nous aussi dans l'illégalité alors que eux sont couverts par des personnes influentes. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes si lents. On doit rester discret et ne surtout pas se faire remarquer. Notre poste de champion est précieux. S'il nous est retiré, les choses seront bien pires.
Alfaro se souvint de la scène à laquelle il avait assisté dans l'arène d'Argenta. La fermeté avec laquelle Pierre avait invoqué son autorité était encore gravée dans sa mémoire. Si plusieurs champions s'associaient, ils pouvaient très bien avoir une influence sur la moitié de la région.
-Combien de champions sont avec vous ? demanda-t-il.
-Quatre arènes sur les huit en poste. Celle d'Erika, de Pierre, d'Auguste et la notre, à Azuria. Bob se contente de nous filer quelques tuyaux. Quant aux autres...Je te passe les détails, mais ils n'en font pas partie pour des raisons dont je n'ai aucune idée.
Une hypothèse traversa l'esprit d'Alfaro. Bien qu'insultante, elle lui semblait très dangereuse si elle venait à se concrétiser.
-Et si l'un des quatre autres faisait partie de la Team Rocket ?
-Aucune chance, le coupa Ondine. Nos idéaux sont trop éloignés de ceux des Rocket. Tu as sans doute eu l'occasion de voir comment ils traitaient les pokémons : coups, blessures, abandon et parfois même mort. Nous n'avons rien à voir avec eux.
Le natif de Safrania pouvait sentir une certaine fierté dans la voix d'Ondine. Une opposition si brusque était naïve, mais il préféra ne pas débattre sur le comportement de Giovanni lors de leur match. Peut-être en parlerait-il demain à Daisy.
-Quand à la la fondation de la Tombe Creuse...Pierre t'as parlé de son père ?
-Oui. En prison pour un attentat qu'il n'aurait pas commit.
-Il ne l'a pas commit, dit-elle avec certitude. L'affaire a été vite bouclée. Tellement vite que quelques champions se sont doutés de quelque chose, surtout que Gotzaburo n'aurait jamais été jusqu'à ordonner à des pokémons de se tuer. Opposant au Nuzlocke ou non, il avait un très grand respect pour la vie. On a mené notre propre enquête, démontré que Gotza ne pouvait pas être coupable, découvert au passage les agissements de la Team Rocket et voilà où nous en sommes. Enfin, c'est surtout Auguste qui a enquêté. La plupart d'entre nous étions trop jeunes à l'époque.
-Mais Gotzaburo n'est pas encore libre.
-Eh non. Les preuves rassemblées par Auguste n'ont pas été reçues. C'est à ce moment-là qu'il s'est vraiment inquiété. Peu de temps après, le gouvernement a voulu nous retirer certains privilèges. Un énorme scandale, tant certaines de nos missions remontent à des centaines d'années et continuent d'être nécessaires.
-La surveillance de certaines zones, par exemple ?
-En gros, oui. On apporte notre expertise en cas de besoin, réglons les litiges entre dresseurs, allons là où la police ne le peut pas faute d'avoir des pokémons suffisamment entraînés...Beaucoup de choses qui couvrent nos actions pour la Tombe Creuse. Perdre ces privilèges serait entrer dans une clandestinité complète et risquer de rejoindre Gotza en prison, laissant le champ libre à la Team Rocket. Il a fallu batailler pendant des mois pour prouver que Pierre n'avait lui non plus aucun lien avec cet attentat et qu'il reprenne l'arène de son père.
Alfaro commençait à comprendre pourquoi les choses étaient si compliquées. Le bras de fer entre champions d'arène et Team Rocket, soutenue par une partie du gouvernement, lui semblait bien plus clair. D'autant que les enjeux avaient des conséquences sur la région toute entière. Il ne se sentait néanmoins pas concerné pour des choses aussi éloignées de lui que la politique ou l'économie. Excepté pour une chose, bien qu'indirecte, touchant directement à sa vie de dresseur.
-Vous croyez que la Team Rocket a quelque chose à voir avec la loi Nuzlocke ?
-C'est possible, mais on n'en sait rien pour l'instant. Ça profite à leur marché noir, mais de là à dire qu'ils sont allés aussi loin...Nous ne savons pas si la Team Rocket a été fondée avant, pendant ou après les débats sur le Nuzlocke. Ou plutôt, je n'en sais rien. Secret entre membres.
-C'est une règle un peu stupide, jugea Alfaro.
-Nous avons déjà été vendus par le passé. Si nous avions mis tous nos secrets dans un même panier, je ne serai sans doute pas là pour t'en parler.
-Même votre chef ne sais pas tout ?
-Auguste ? Nous n'avons pas de chef, ce n'est que le fondateur. C'est d'ailleurs lui qui a proposé ce système. Je ne l'ai pas souvent rencontré, mais ce type est tellement excentrique que ça ne m'étonne pas de lui. Si tu veux mon avis, les flics qui l'interrogeront finiront dans un asile.
Après un dernier regard pour son mégot de cigarette, Ondine le jeta et l'écrasa contre une grosse racine. Quelques questions restaient en suspens, mais Alfaro savait qu'elles touchaient plus de la vie privée que d'une lutte commune contre une organisation criminelle, bien que l'une d'entre elle fasse le lien entre les deux.
-Et toi, c'est quoi qui t'as poussé à rejoindre la Tombe Creuse ?
Ondine ne répondit pas immédiatement et préféra écraser son mégot bien plus que nécessaire. Elle leva finalement les yeux et Alfaro remarqua qu'à la colère caractéristique de la championne s'était ajoutée une résignation. Son visage était calme, mais ses traits semblaient une digue contenant une colère bien plus grande que les autres. L'obscurité grandissante ajoutait même quelque chose de sinistre.
-Un de ces salopards...s'en est pris à Violette et à Lily. Lui et l'autre ordure qui l'accompagnait ont été traînés devant un juge mais ils s'en sont sortis indemnes.
Alfaro ne comprenait pas, ce qui n'était pas non plus une surprise. Il savait que la réponse serait personnelle, qu'Ondine tournerait autour de pot sans forcément vouloir être plus clair.
-Ça nous a toutes un peu détruites, continua-t-elle. Non seulement, mes sœurs ont été considérées comme des menteuses et des traînées mais en plus de ça, deux espèces de grotadmorvs traînent en liberté à Céladopole.
Alfaro ne pouvait deviner si les yeux de la rousse étaient embués de rage ou de tristesse. Le ressentiment et le désir de vengeance étaient cependant aisément devinables. Ce tison ardent né de l'absence de son père et accentué par la mort de la mère lui était maintenant si familier qu'il imagina Ondine à sa place, dans l'ascenseur, en face d'un Rocket sans visage. L'étrange similitude dont il venait de prendre conscience le poussa tout naturellement à vouloir l'aider à atteindre son but comme lui-même était parvenu à imposer sa justice à l'assassin de sa mère passé à travers les mailles du filet.
Cette promesse avait l'avantage de le convaincre qu'il pouvait se passer de faire quoi que ce soit pour le moment. Quelqu'un d'autre que lui aurait peut-être fait ou dit quelque chose pour rassurer Ondine, mais il ne savait guère comment réagir. Elle n'était certes pas directement concernée par ce qui avait touché ses sœurs, elle avait eu tout le loisir de les voir souffrir. Le mot n'avait pas été prononcé, mais Alfaro devinait sans peine qu'elles avaient été victime de violences touchant à leur intimité. L'extrême réserve de Lily, le mépris de Violette envers les hommes, le cottage à l'écart du monde, l'impossibilité de Daisy de quitter ses sœurs...Tous les éléments se mirent brutalement en place pour former un tableau qui ne lui était pas inconnu.
Après tout, le viol ne lui avait pas été tout à fait étranger. Il se souvenait d'un soir, alors qu'il était sur le point d'aller se coucher. La sonnette de leur petit appartement avait sonné alors que ni lui, ni sa mère n'attendaient de visite. Alfaro avait immédiatement deviné que le visage au bord des larmes à qui il avait ouvert la porte ne pouvait attendre.
-M'man ! Y'a quelqu'un qui veut te voir !
Les murs de leur logement étaient si peu insonorisés qu'il n'avait pas eu besoin d'élever la voix. Un instant plus tard, sa mère apparaissant et invitait la nouvelle venue à entrer dans le salon pendant que lui-même allait préparer deux tasses de thé. La femme paraissait plus petite, à demi-recroquevillée sur l'un des deux canapés. Alfaro s'était empressé de les servir et de disparaître dans sa chambre. Il s'allongea dans son lit, ouvrit "Guide du dresseur débutant" et entreprit de se plonger dans sa lecture. Quitte à risquer de ne pas pouvoir dormir, autant mettre cette veillée à profit.
Il n'avait fallu que dix minutes aux pleurs pour éclater. Alfaro s'était immédiatement crispé. Il détestait assister à des moments aussi gênants et aurait été soulagé si sa mère pouvait voir ces gens en-dehors de leur maison, mais elle était connue comme l'arcanin blanc dans le quartier. Les choses auraient été différentes si Carla Straeno en était restée à son métier d'assistante sociale, mais les quelques associations pour qui elle consacrait de son temps libre l'avaient vite rendues célèbre dans les immeubles gris de ce soin de Safrania. Tout ce qu'il y avait à faire était d'attendre.
La tempête se calma au bout d'un long moment. Le brun n'avait pas bougé les yeux, incapable de concentrer son esprit sur autre chose que le salon. Sa mère devait s'être placée à côté de leur invitée, une main posée sur son épaule tandis que l'autre reposait sagement sur sa cuisse. D'ici une petite heure, toutes deux seraient en route pour la raccompagner chez elle ou bien ailleurs, si le besoin s'en faisait sentir. Alfaro espérait ne pas la retrouver sur un de leur canapé demain matin. Ce mélange de pitié et d'impuissance qu'il éprouvait en voyant ce genre de victimes de la société était l'une des pires choses au monde.
Le salon était redevenu silencieux mais il ne put se replonger dans sa lecture. Désormais, sa mère devait rassurer leur invitée, lui dire que tout ira bien, qu'elle et d'autres arrangeront son problème, qu'elle n'avait plus rien à craindre. Vingt minutes plus tard, la serrure de la portée d'entrée cliquetait. Les deux femmes étaient en route pour là où leur visiteuse serait en sécurité. Sans doute un parent, ou bien un centre d'accueil. Alfaro put enfin se remettre à sa lecture.
Carla Straeno était revenue plus tard dans la soirée. Comme à chaque fois que ce genre de choses arrivait, elle s'asseyait dans le salon et restait silencieuse. Cela pouvait durer jusque tard dans la nuit si elle ne se confiait pas à quelqu'un et son fils finissait inévitablement par la débarrasser d'une partie de ce fardeau. Si elle savait se montrait confiante dans le feu de l'action, les braises mettaient toujours longtemps avant de refroidir. Jamais elle ne disait le nom des personnes concernées, confier les faits était suffisant.
Elle s'était cette fois-ci confrontée à un viol conjugal. C'était la première fois qu'Alfaro entendait ce terme. Il savait ce qu'était un viol, mais l'idée qu'un membre du couple oblige l'autre à se soumettre ne lui était jamais venue à l'esprit.
-Mais ils sont mariés. C'est normal de faire ça quand on a envie.
Il connaissait la moue inquiète qu'avait affiché sa mère à ce moment-là. Elle apparaissait chaque que quelqu'un disait une absurdité devant elle. Ce jugement était à chaque fois accompagné d'une correction ou d'un autre point de vue.
Elle lui avait alors expliqué que non, il n'était pas normal pour un homme d'obliger sa femme à faire l'amour lorsqu'elle n'avait pas envie, pas plus qu'il ne le la frappe, et ce avec chaque femme. Que ce genre de choses pouvaient être stimulées, qu'inviter l'autre ne faisait pas de mal, mais également qu'un non se devait d'être respecté. Que chacun devait tenir compte des absences d'envie des autres et s'affirme suffisamment pour se faire entendre. Car ne pas dire non ne voulait pas forcément signifier un accord, seulement une passivité qu'elle n'estimait pas plus.
"Tu imagines si on t'obligeait à faire ça alors que tu n'en as pas envie ?", lui avait-elle dit.
Il lui avait fallu plusieurs semaines avant de pouvoir réaliser à quel point il ne voudrait pas être à la place de leur visiteuse nocturne. Sa mère était parvenue à lui inculquer le dégoût du viol et il avait continué de poser cette même question chaque fois que l'une de ses connaissances manifestait un peu trop de dédain.
"T'imagines si on te faisait pareil alors que t'en a pas envie ?"
Seuls ceux avec une bite en érection à la place du cerveau répondaient que cela ne les gênerait pas. Peut-être les agresseurs des deux sœurs en faisaient-ils partie, à moins qu'ils ne soient autre chose. Des pervers narcissiques, des dominateurs en puissance, des misogynes usant de leur arme comme on cracherait par terre...Toutes les bandes criminelles rassemblaient ces mentalités mais n'importe quel pokémon pouvait les dépasser en terme de dignité. Restait à comprendre pourquoi cette dernière était absente.
-Au moins, maintenant, tu sais, lui dit Ondine. J'espère simplement que tu ne changeras rien à ta façon d'agir elles, surtout Lily. La laisser avec ton aquali lui a fait très plaisir.
Alfaro ne répondit pas. Sur le moment, il avait deviné que la troisième des sœurs avait manifesté un intérêt tout particulier pour son pokémon et c'était tout naturellement qu'il avait engagé la conversation sur elle. Ce n'était sans doute pas un hasard si elle se réfugiait dans un endroit loin de tout mais il ignorait tout de la façon de guérir un tel traumatisme. Son imagination déborda sur ce qui pouvait être le moment où tout avait basculé et son estomac se tordit violemment. Mieux valait ne pas y penser, seulement rester naturel.
-Il se fait tard et je dois rentrer à Azuria demain matin. Tu n'as pas d'autres questions ?
A peine Alfaro avait-il répondu négativement que la rousse se permit un large bâillement. Tous deux se remirent alors en route vers la maison, plus lentement que la première fois. La seule lumière qu'ils virent à l'intérieur provenait de sous une porte du corridor. La nuit était définitivement tombée et la lune ne tarderait pas à venir éclairer le salon. Ondine se dirigeait vers le première étage lorsqu'Alfaro lui posa une dernière question.
-Pourquoi "La Tombe Creuse" ?
-Parce qu'on fait tout pour qu'elle reste vide, dit-elle avant de disparaître dans l'escalier.
Le canapé n'avait absolument rien de confortable pour ce qui était de dormir et Alfaro l'apprit à ses grands dépends. Il se réveilla au petit matin, moulé de courbatures. Le soleil ne s'était pas encore levé mais il savait qu'il ne pourrait pas se rendormir. Le sort de Flavio s'était sans doute joué cette nuit et l'attente n'en était que plus insupportable. Peut-être aurait-il dû demander à Daisy de le prendre avec elle et de le laisser à Carmin-sur-Mer.
Aucun bruit ne se faisait entendre à l'étage et il se doutait que même les pokémons étaient restés dans les bras de Morphée. Il resta seul dans la pièce peu à peu colorée par l'aube. Cette journée lui semblait déjà différente des autres. Sa décision de rejoindre pour de bon la Tombe Creuse n'y était pas étrangère. Ce n'était pas l'excitation qu'il avait ressenti le premier jour de son voyage mais quelque chose de plus perçant et ordonné. Les mille chemins qu'il s'imaginait ne faisaient désormais plus qu'un, perdu dans un horizon indiscernable, peut-être un mur. Si faire confiance à la Tombe Creuse ne lui permettait pas de retrouver Alberto Straeno...Il préféra ne pas y penser. C'était ça ou bien continuer avec ses maigres moyens.
La lumière du plafond s'alluma dans un clic sonore. Au pied de l'escalier se trouvaient Daisy et Ondine. La plus jeune des deux sœurs était habillée de pied en cape, prête à sortir.
-Bien dormi ? demanda-t-elle de manière purement formelle.
-J'ai connu mieux.
-Parle mieux de notre hospitalité ou je jette ton roucoups à la mer. Tu devrais déjà me remercier pour m'être levée aussi tôt, je vais encore me faire sonner les cloches pour être arrivée en retard à l'arène.
La rousse avala une tasse de café d'une traite et sortit après un bref "à tout à l'heure", laissant Alfaro et Daisy seuls au rez-de-chaussée. Si le dîner de la veille semblait familial, il devina très vite que les petits-déjeuners l'étaient beaucoup moins.
-Quand Ondine n'est pas là, lui expliqua l'aînée entre deux gorgées de thé, on a tendance à manger sur le pouce. Je ne vois jamais le temps passer dans mon bureau, Violette a une horloge biologique chaotique et Lily ne mange pas beaucoup. Cela dit, Lily est bien moins stressée qu'avant. Nous devrions toutes pouvoir rentrer à Azuria d'ici un mois ou deux.
Elle semblait s'adresser moins à Alfaro qu'à sa tasse de thé mais cela ne le gênait guère. Les visiteurs semblaient aussi rares que les personnes de confiance, la laisser parler semblait donc être la meilleure chose à faire. Peut-être même n'aurait-il pas trop besoin d'alimenter la conversation.
-D'habitude, continua Daisy, nous ne venons ici que pour de brefs séjours. Vacances, week-end...
Elle regarda à travers la baie vitrée comme si le jeune homme en face d'elle n'existait pas.
-Asile, planque, base d'opérations…murmura-t-elle.
La tristesse voila ses yeux pendant quelques secondes avant de les fermer étroitement. Alfaro allait dire quelque chose lorsqu'elle porta sa tasse à ses lèvres, but le fond et la posa brusquement sur la table. Toute trace de mélancolie avait disparue lorsqu'elle s'adressa au brun.
-J'imagine que tu veux repartir le plus vite possible, nous n'avons donc pas beaucoup de temps. Si cela ne te gênes pas, j'aurais besoin de te parler en privé.
Le natif de Safrania la suivit sans un mot jusqu'à la porte qu'il avait remarqué la veille, en rentrant avec Ondine. L'intérieur était bien plus formel que le reste de la maison. Au fond, un bureau tournait le dos à une fenêtre et un fauteuil à roulettes. Quelques chaises plus simples étaient disposées à l'autre bout, mais le plus impressionnant restait les piles de papiers plus ou moins ordonnées posées dessus. Daisy s'assit sur le fauteuil et invita Alfaro a s'asseoir.
-J'ai cru comprendre que tu avais un peu discuté avec Ondine, hier. La connaissant, tu as pris ta décision concernant la Tombe Creuse ?
-Oui, vous avez gagné, je vous rejoins, dit-il sans parvenir à dissimuler une lassitude dans sa voix. Comment ça se passe ?
-Premièrement, tu vas me faire un rapport sur ce qu'il s'est passé dans le casino de Céladopole.
Alfaro mit quelques secondes pour réagir. Il s'était attendu à un ordre de mission plus passionnant, pas à réciter une leçon devant l'un de ses professeurs.
-Un rapport ? Lire les journaux ne vous suffit pas ? Je croyais que vous étiez très bien informés.
-Nous le sommes car beaucoup de gens nous font des rapports. Tout ce que l'on sait, c'est que la Team Rocket est maintenant bien moins présente à Céladopole. Ce n'est certainement pas grâce aux journaux, la Team ne laisserait jamais des journalistes trop parler d'eux, dit Daisy d'un ton précipité comme si elle voulait abréger des explications inutiles. Le Casino a été fermé soi-disant pour rénovation, mais on se doute que les travaux concernent également la planque au sous-sol. Cependant, il nous est impossible de savoir si cette base sera réutilisée ou non. C'est là que tu nous aides à déterminer les plans de l'ennemi. Essaie d'être précis.
Daisy sortit un bloc de papier, et fixa Alfaro un stylo à la manière d'une élève attentive à un cours. Loin de se montrer exigeante, elle semblait plutôt s'attendre à ce qu'il coopère spontanément en tant que professionnel. Il soupira et commença son récit, de l'instant où il était entré dans le casino jusqu'aux derniers mots de Giovanni. Le mot de passe, l'escalier secret, la course à travers la planque, l'ascenseur, le rocket responsable de la mort de sa mère, sa confrontation avec le boss de la Team Rocket...Conscient que ce rapport sonnait son entrée dans la Tombe Creuse, il ne négligea aucun détail afin de faire la meilleure impression possible. Tout au plus minimisa-t-il sa vengeance envers le rocket dans l'ascenseur. Daisy semblait satisfaite et se contenta de demander quelques précisions.
-Voilà qui règle la question du Casino pour le moment, dit-elle. Nous attendons de toi que tu fournisses un rapport aussi complet par écrit la prochaine fois.
-Et quand sera cette prochaine fois ?
-Peut-être pour très bientôt.
L'aînée des sœurs d'Azuria relut ses notes en tapotant ses lèvres du bout de son stylo.
-Un rhinocorne...Voilà un pokémon bien rare…
Daisy fixa intensément Alfaro tout en jouant distraitement avec son crayon. Le jeune dresseur ignorait où l'on pouvait trouver de tels pokémons, mais il savait désormais qu'ils ne côtoyaient pas les rattatas à tous les chemins. Il ne voyait cependant pas en quoi le rhinocorne de Giovanni pouvait les aider dans leur objectif.
-On ne peut ignorer un don, un vol ou un échange entre dresseurs, finit-elle par dire plus pour elle-même que pour Alfaro, mais cela pourrait être une bonne piste...Ta prochaine destination est Parmanie, c'est ça ?
-Oui.
-Parfait ! dit-elle d'un ton enthousiaste. Ta première mission en tant que membre officiel de la Tombe Creuse ! Tu as déjà été au parc Safari ?
-Une seule fois, il y a quelques années.
-En simple visiteur, donc...Je vais faire simple : de ce que je sais, les rhinocornes ne se trouvent qu'au parc Safari. Le champion de Parmanie, Koga Kitamura, a lui aussi quelques problèmes avec la Team Rocket mais il refuse notre aide. Un excès de fierté, selon Auguste.
-Vous voudriez que j'y aille ?
-Exactement. Nous n'avons personne de disponible pour le moment, ce serait donc bien que tu y restes quelques jours afin de voir si il y a quelque chose de louche. Le parc Safari est la plus grande réserve de pokémons en voie d'extinction, la Team Rocket aurait donc tout intérêt à y faire sortir en secret des espèces pour les vendre à prix d'or. Peut-être même y en avait-il au casino de Céladopole…
-On ne m'avait proposé qu'un évoli, indiqua Alfaro.
-Il aurait été bon que tu examines d'autres espèces, mais il est impossible de revenir en arrière. Quoi qu'il en soit, il faudra que tu te balades quelques jours au parc Safari. Regarde si des personnes capturent des espèces, qu'elles soient rares ou non. Les Rockets n'agissent jamais seuls, tu auras donc plus de chances si tu te concentres sur les groupes. De plus, le parc Safari est lui aussi soumis au Nuzlocke.
-Et comment est-ce que je fais pour connaître leurs noms ? demanda-t-il avec scepticisme.
-Ce sera notre affaire. Il te suffira de confirmer si oui ou non des pokémons sont sortis illégalement. Si tu t'en sens capable, jette un coup d'oeil dans les parties interdites au public. Il est possible que des gardiens fassent affaire avec la Team, à moins que ce ne soient tout simplement des infiltrés. On peut compter sur toi ?
-Quelles infos aurai-je sur mon père si j'accepte ?
-Tu en auras, ne t'en fais pas. Je tenterai d'organiser une petite réunion à Céladopole, il faudra donc que tu t'y rendes pour faire ton rapport. Et présenter des excuses à Erika pour avoir fui sans lui avoir expliqué ton escapade au casino, ajouta-t-elle.
Il semblait à Alfaro que toutes les sœurs d'Azuria partageaient un goût certain pour le culot, excepté Lily. Être sous les ordres de gens pareils ne lui plaisait guère, mais il n'avait pas l'intention de revenir sur sa parole. Ce qui l'inquiétait le plus était la légèreté avec laquelle Daisy lui avait confiée cette mission.
-Vous n'en savez pas plus sur le parc Safari ? Comment je m'y infiltre, si vous avez un plan, tout ça…
-Non, malheureusement. Mais je pense que tu peux t'en sortir sans risque si jamais tu te fais prendre, pour peu que tu ne sois pas prit en flagrant délit. Tu seras comme n'importe quel dresseur espérant capturer un nouveau pokémon. La seule chose véritablement importante sera de te faire enregistrer pour un safari. A partir de là, tu n'auras qu'à te balader là où tu voudras et prétendre t'être perdu si jamais on t'aperçoit.
-Et si je rencontre le champion de Parmanie ?
-N'espère pas compter sur lui. De toute façon, tu auras l'occasion de le rencontrer puisque tu veux son badge. Koga n'est qu'un détail puisqu'il ne fait pas partie de la Tombe Creuse, nous n'avons pas à nous en soucier.
Ondine n'était pas revenue lorsqu'ils sortirent du bureau une fois leur entretien terminé. Il posa les yeux sur une horloge et devina que la benjamine devait être arrivée à Carmin-sur-Mer. L'inquiétude mêlée d'impatience l'empêchait de tenir longtemps en place et il ne cessait de se lever pour faire les cents pas, puis de se rasseoir, d'astiquer une ball, triturer sa tasse de thé et tout recommencer. Qu'il soit ici ou à l'intérieur du centre, au final, n'y aurait rien changé. Ce n'est qu'en fin de matinée que la rousse réapparut avec la pokéball de Flavio.
-Il n'est pas encore tout à fait remis, lui dit-elle. Par chance, ton roucoups a suffisamment esquivé pour qu'aucune de ses parties vitales n'aie été touchée. Tout ce que tu auras à faire, c'est changer ses bandages et désinfecter la blessure. Interdiction de combattre pendant une semaine, fais examiner la blessure dans un centre à ce moment-là.
-Parmanie est à trois jours de marche, indiqua Daisy. Le mieux serait d'attendre que ton roucoups puisse te porter si tu as besoin de fuir précipitamment. Attends qu'il guérisse avant d'aller enquêter au parc.
-Tu n'auras qu'à en profiter pour renforcer ton équipe ? Il y a toujours des dresseurs à affronter et des endroits où l'on ne peut accéder qu'avec l'aide de ses pokémons. Tu verras, ça vous permettra de progresser et de vous rapprocher. Surtout ton goupix. Erika nous a dit que tu avais du mal avec lui mais si j'en crois la manière dont tu t'es occupé de ton roucoups hier, il semblerait que tu aies décidé de changer. A moins que tu n'aies des préférences pour certains de tes pokémons ?
Alfaro préféra ne rien répondre. Il savait qu'il devait encore des excuses à Mist, mais il repoussait sans cesse ces aveux dans l'espoir que l'adepte du feu se contente d'oublier. Cette solution avait l'avantage de ne pas l'obliger à se mettre à genoux, mais le temps risquait d'être long avant que la confiance entre eux n'atteigne celle qu'il entretenait avec les autres. Une semaine en pleine nature pouvait-elle y changer quelque chose ?
-C'est à tenter, répondit-il. De toute façon, ce n'est pas comme si j'avais quelque chose de mieux à faire. Rentrer à Safrania pour repartir ne me plairait pas.
-Ça, c'est un vrai dresseur ! s'exclama Ondine. Toujours sur les routes et jamais content de rester sur place ! Tu as intérêt à vite reprendre l'arène, sœurette. Je commence à en avoir marre d'Azuria.
Ce compliment fit sourire Alfaro. Après tout, peut-être était-il vraiment fait pour être dresseur ? Ce qui n'était qu'un moyen d'arriver à ses objectifs devenait de plus en plus une une vocation, un moyen de rester libre, un but dans sa vie s'accordant avec sa personnalité. Être le meilleur dresseur…Pousser sa nouvelle vie aussi loin lui semblait encore inutile, mais l'appel de la route se faisait plus tentant que celui de son appartement à Safrania.
-Comme si les missions pour la Tombe ne te permettaient pas de sortir, renchérit Daisy a sa soeur. Mais c'est vrai qu'un tour de la région ne fait de mal à personne, débutants comme confirmés.
-C'est ce que je vais faire, dit Alfaro. Une semaine en nature, puis Parmanie. Je remonterai à Céladopole par l'ouest.
-On organisera une réunion, tu n'auras qu'à préparer un rapport. Je doute parvenir à réunir tout le monde, mais ce serait une bonne idée que tu voies à quoi ressemble une partie de notre travail. Et puis, il en va maintenant de ton devoir de membre de la Tombe Creuse.
-Inutile de me le rappeler. Je serai soit au centre pokémon de Céladopole, soit sur la route à l'est. Il y a un coin camping pas désagréable.
-Eh bien bonne route, lui souhaita Ondine. Moi, je rentre à Azuria. A la prochaine !
La rousse sortit, prenant au passage un petit sac à dos. De violents clapotements se firent entendre, signe qu'elle surfait à dos de pokémon. Alfaro se leva et rassembla lui aussi ses affaires. Il vérifia ses pokémons et se souvint que Dolce dormait au premier étage avec Lily. L'aînée des sœurs devina le problème et alla le récupérer. Elle et l'aquatique n'étaient pas seuls lorsqu'ils redescendirent.
-Tu reviendras ? demanda Lily, les yeux encore embués de sommeil.
-Peut-être, si je repasse dans le coin. Mais ce serait mieux qu'on se voit en ville, tu ne crois pas ? Je serai à Céladopole dans deux semaines.
Lily était soudain redevenue aussi craintive que lors de leur première rencontre. Il tenta de revenir sur ses paroles.
-Enfin, c'est comme tu veux. Je suis en plain voyage, donc c'est difficile de savoir où je serai et à quel moment.
-Peut-être. Je...je sais que je devrais sortir un peu plus, bredouilla-t-elle. Mais pas tout de suite.
-Prend ton temps, je ne vais pas t'obliger à venir. En attendant, j'apprendrai de nouvelles attaques à Dolce.
Un temps bien plus froid et nuageux l'accueillit lorsqu'ils sortirent tous les trois. La mer, balayée par un vent fort, était plus agitée que la veille. Alfaro craignait que la pluie ne se mette à tomber et espéra qu'elle ne soit pas trop forte jusqu'à ce qu'il trouve un abri décent.
-Eh bien, à la prochaine, dit-il avant de se remettre en route vers le sud.
Les deux femmes restèrent sur le seuil de la porte jusqu'à ce que la silhouette du natif de Safrania ne soit qu'une moitié d'ombre. Daisy regarda autour d'elle et, une fois certaine que personne ne les entendait, glissa ces quelques mots à sa petite sœur.
-Fais tes valises et dis à Violette de faire de même, nous partons.
-Mais…
-Nous ne sommes plus en sécurité ici. Je...Je suis désolée.
Évitant le regard de sa sœur, elle repartit dans son bureau et prit soin de refermer la porte derrière elle. Tout était prêt à être transporté lorsqu'elle en sortit.
Après tout, rien ne valait de bons murs insonorisés pour faire croire en une force et une vaillance inébranlables. Quand aux documents, il fallait bien plus que quelques tâches humides pour les abîmer.
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| | | Neowstix
Dresseur
Nature : Relax
Niveau : 26
Exp : 2192
| | | | Koukin
Écrivain
Nature : Prudent
Exp : 186
| Sujet: Re: [Bleu] Traces - Nuzlocke Pokémon Bleu Romancé Dim 25 Sep 2016 - 16:51 | |
| - Chapitre 21:
Miracle ! Un chapitre à peine trois mois après le précédent ! Les vacances d'été ont du bon, mais elles ne durent jamais. Comme d'habitude, j'ignore quand je pourrai poster le suivant, profitez-donc bien de celui-ci.
Trois règles à ce Nuzlocke ont été ajoutées. La première est spécifique à ce chapitre : ne pas utiliser Flavio de Lavanville jusqu'à Parmanie. La deuxième vaudra pour toute la durée du nuzlocke : interdiction d'utiliser des objets pendant le combat, sauf si l'adversaire en utilise. N'utiliser alors que les mêmes objets que lui en même quantité. La dernière sera elle aussi utilisé at nuzlockam aeternam : une fois engagé sur une route vers une destination nouvelle, interdiction de revenir en arrière pour soigner mes pokémons ou acheter des objets jusqu'à ce que la prochaine ville ou lieu spécifique soit atteint.
Mon expérience de nuzlockeur étant plutôt bonne, j'utilise la deuxième règle depuis quelques mois dans mes autres nuzlockes et me suis dit que l'intégrer à Traces serait une bonne idée. Croyez-moi, j'en ai senti les effets.
Bonne lecture *°*°*°*°*° Alfaro tendit bien malgré lui les quelques billets au dresseur adverse. Il n'aurait jamais cru que Flavio soit si indispensable à son équipe, à moins que l'autre n'ait simplement été plus fort. Il aurait été dangereux de continuer le match avec une équipe affaiblie ou bien désavantagée face à tant de pokémons de type vol. Se spécialiser pouvait avoir du bon, à condition de bien choisir ses adversaires.
-Merci et bonne route, lui dit l'autre.
-Ouais, à toi aussi.
Ce n'était pas la première fois qu'Alfaro était contraint d'accorder une victoire aujourd'hui. Lui qui avait l'habitude de remporter aisément ses combats, perdre autant de fois le rendait plus grincheux qu'il ne l'aurait cru et les quelques victoires ne suffisaient pas à compenser la perte d'argent. Plus il avançait vers le sud et plus les combats devenaient intenses. Il n'avait pas été le seul a avoir eu la bonne idée de s'entraîner dans le coin. Un raz-de-marée de dresseur pullulait et il aurait été dommage de refuser tous les matchs. Si la prudence était acquise depuis longtemps, l'humilité face a plus fort que soi était en revanche difficile à obtenir.
Sa mauvaise humeur persista tout le reste du jour. Fort heureusement, son équipe n'était pas la seule à être fatiguée et personne d'autre ne lui proposa un combat qu'il aurait de toute façon refusé refusé, trop las pour un match de plus.
Le pont de la route 12 était franchi depuis ce matin, de même qu'un bois contourné dans l'après-midi. Il ne s'était pas senti d'humeur à batailler contre des ronces et des branches d'arbre et avait préféré prendre un chemin plus long mais moins contraignant. Une semaine était plus que suffisante pour rallier Parmanie, aller trop vite n'aurait aucun sens.
Ils marchaient depuis une heure sur une plaine lorsqu'Alfaro remarqua le coucher du soleil. Les pensées qu'il ruminait à l'encontre des dresseurs l'ayant délesté de plusieurs centaines de pokédollars avaient chassé toute autre préoccupation. L'ennui qu'il ressentait avait définitivement achevé de le transformer en automate n'ayant d'autre souci que de marcher. Soudain, il jeta son sac au sol et planta sa tente comme il l'avait fait des dizaines de fois désormais. Simple routine.
C'est en baillant qu'il sortit toute son équipe, elle aussi fatiguée. Leur journée n'était cependant pas terminée et il leur restait quelques tâches à accomplir. L'une d'elle était de s'occuper de Flavio, aux petits soins de tous depuis ce matin. Seul Mist agissait comme d'habitude. Quant à Alfaro, il s'était contenté de veiller à ce qu'il mange correctement et à le laisser enfermé dans sa pokéball.
Le roucoups était en effet étrange à voir. Son ventre et son dos étaient recouverts d'un bandage ne laissant dépasser que les ailes, les pattes et la queue. Le gaze comportait plus de jaune et de marron que de rouge, ce qui ne rassurait pas le dresseur. Il n'avait jamais pratiqué ce genre de soins sur un pokémon, mais cela ne semblait pas différent d'un être humain.
-Désinfectant, crème, gazes, compresses, bandages, antibiotiques...Tout ça pendant une semaine. Tiens-toi tranquille ou je demande à Billy de m'aider.
L'herbizarre ne fut pas nécessaire pour obtenir la pleine coopération de Flavio. Il supportait pourtant très difficilement qu'on lui arrache les compresses imbibées de sang coagulée et le fit savoir à grands cris de douleur, ce que son dresseur ignora comme il le put. Mieux valait ne pas s'inquiéter de ces maigres conséquences de l'explosion.
-Tu survis a un crâne fendu, une une attaque destruction, des combats et tu geins pour un peu de sang coagulé ? demanda-t-il. Je vais te ramener au centre pokémon, ils se sont trompés et m'ont rendu un autre roucoups.
Un coup de bec sur le dos de la main le dissuada de blaguer davantage. Avec ou sans réprimandes, il n'aurait de tout manière pas eu le cœur à rire plus en voyant l'étendue des dégâts. Une bonne partie des plumes de son pokémon avaient été arrachées, découvrant une chair rouge parcourue d'un long point de suture noir. Maintenant qu'il y pensait, une explosion ne pouvait causer une entaille aussi localisée. L'electrode avait-il éclaté en morceau ou bien Flavio s'était-il égratigné sur le pont ? Le mystère resterait entier.
Les soins avaient duré plus longtemps qu'il ne l'aurait cru et le résultat final n'était pas aussi beau que celui d'un infirmier ou d'médecin, mais le bandage tenait. Il ne restait plus qu'à trouver du bois pour le feu et ils seraient enfin en paix.
-Autorisation de manger en avance, à condition de surveiller les alentours et que l'un de vous m'accompagne pour aller chercher du bois. Un volontaire ?
Imhotep fut le premier à s'avancer vers lui, très enthousiaste à l'idée d'une promenade avec son dresseur. Voir ses compagnons dîner avant lui n'atténua pas sa bonne humeur et c'est avec un "Sab !" enjoué qu'ils partirent vers les arbres solitaires se dressant plus loin. Quand bien même ils ne trouveraient pas de branches à terres, les griffes du sablaireau auraient vite fait de résoudre le problème.
Ils n'eurent cependant pas à marcher jusque-là pour trouver ce qu'ils cherchaient. Là, posé à même le sol, Alfaro pouvait distinguer un tas d'herbes sèches et odorantes sous lesquelles étaient visibles le bois recherché. On aurait dit un piège grossier pour capturer quiconque aurait eu le malheur d'y poser le pied, ce qui lui parut suspect. Le cercle ainsi formé était de la même taille qu'une table pour l'extérieur d'un café. Il crut même entendre des piaillement provenir de l'intérieur.
-Reste à côté de moi et prépare tes griffes, ordonna-t-il au sablaireau. Si quoi que ce soit surgit de ce trou, éloigne-le.
-Sab ! Alfaro avança prudemment vers le piège et écarta doucement les branches camouflées. Le piaillement se fit plus fort et perça ses oreilles. Une fois le trou dégagé, il vit quatre têtes d'oiseau le regarder avec des yeux ronds. Leurs cris se firent soudain plus longs et plus aigus, si bien qu'Alfaro faillit se boucher les oreilles plutôt que de sortir son pokedex.
-"Doduo pokémon Duoiseau. Cet oiseau vole très mal mais court très vite. Il laisse de gigantesques empreintes de pas". Vous êtes tombés dans ce trou ?
La question lui parut stupide dès qu'il eut fini de la poser. Premièrement, il n'y avait aucune chance pour qu'il comprenne quoi que ce soit dans ce vacarme issu de quatre gorges. Deuxièmement, recouvrir un piège sans faire sortir sa proie n'avait aucun sens, encore plus lorsqu'elle était vivante. L'énigme en face de lui était très intéressante, mais la cacophonie l'empêchait tellement de réfléchir qu'il ne savait que faire. Capturer l'un des deux prisonniers était tentant, mais il aurait été difficile de ramasser la pokéball tombée au fond du trou.
-Sablaireau !
Le brun suivit les griffes de son pokémon. Loin devant eux, une silhouette était visible dans la lumière orange du crépuscule. D'abord lointaine, elle se rapprochait de plus en plus vite, si bien qu'Alfaro recula instinctivement. Le boulet de canon, au fur et à mesure qu'il approchait, s'avéra posséder deux pattes et trois têtes d'apparence très agressives. Le combat était inévitable.
-Devant moi, Imhotep ! Sors tes griffes ! S'il attaque, éloigne-le d'une tranche !
La créature chargea d'une manière peu conventionnelle. A quelques mètres du trou, il bondit en l'air et se propulsa becs en avant vers le sablaireau. Contre-attaquer face à une telle violence était impossible.
-Recule ! Esquive !
Mais il était trop tard. La charge violente envoya rouler le pokémon sol plus loin. En un deuxième bond, le monstre le retint au sol et le mitrailla de coups de bec avec deux de ses têtes, la troisième hurlant sa rage vers Alfaro. Paniqué, il s'empara de la ball d'Imhotep, parvint à l'y ramener en sécurité et courut à toutes jambes vers leur lieu de campement. Le pokémon adverse ne le suivit pas mais continua à crier, ses multiples cous se tortillant comme des vers dans le but de l'intimider. La panique le fit courir à en perdre haleine, comme rarement dans sa vie. Il avait maintenant une idée de ce qu'était ce trou, mais cela attendrait qu'ils soient dans un lieu sur. L'image du pokémon le surprenant dans son sommeil lui donnait trop de sueurs froides pour qu'ils restent camper sur la plaine.
Ils entendirent un nouveau cri devant eux, mais cette nouvelle silhouette était bien plus rassurante que celle qu'ils venaient de semer. Leur fuite avait certainement été entendue dans toute la plaine si Dolce était venu les rejoindre. Alfaro ralentit l'allure et manqua de s'étendre sur le sol. La pression retombait mais ce n'était pas une raison pour rester imprudent.
-Li ?
-On bouge, dit-il en haletant. Trop de pokémons. Dangereux. On ne peut pas s'arrêter. A peine furent-ils arrivés au campement qu'Alfaro replia toutes ses affaires et les fourra dans son sac. La nuit s'avançait et ils avaient désormais le choix entre une plaine remplies de dangereux pokémons et une forêt possiblement remplie de dangereux pokémons.
Des deux maux, il devait choisir le moindre et la forêt lui semblait plus propice au repos que la plaine où ils étaient à découvert. Y pénétrer à la nuit tombée était folie mais trouver un abri, même inconfortable, leur permettrait au moins d'être en sécurité jusqu'au lever du jour. L'amertume pesait aussi lourd que son sac lorsqu'il rebroussa chemin en direction des arbres. Une fois à leur lisière, il sortit Trotwood. L'insecte allait de nouveau se révéler utile.
-Trouve-nous un bon coin pour camper, s'il te plaît. Évite au maximum les pokémons, combattre ici et maintenant est trop dangereux.
Le petit bosquet se transformait en une épaisse forêt maintenant que le soleil les avait quitté. Il n'y avais absolument aucune raison d'avoir peur, si ce n'était les grandes ombres derrière lesquelles pouvaient se tapir un pokémon belliqueux. Alfaro resserra sa prise sur sa lampe torche et porta toute son attention devant lui. Le papilusion l'aurait certainement mit en garde si quoi que ce soir venait à leur rencontre, mais ce n'était pas une raison pour lui laisser monter la garde seul. Il regarda nerveusement derrière lui, prêt à saisir la ball d'Imhotep. Et si le danger venait de derrière eux ?
Les prédateurs devaient être occupés à chasser sur la plaine car aucun d'entre eux ne se présenta. Trotwood fit un looping aérien et se posa sur la tête de son dresseur. La lampe torche éclairait désormais un grand cyprès aux lourdes branches tombantes. Les plus basses atteignaient presque le sol, cachant le tronc. Ce n'était pas un endroit confortable, mais il suffirait.
-Beau boulot, Trotwood. Et maintenant, au lit.
Une fois l'insecte rentré dans sa ball, Alfaro écarta une branche et se trouva sous un dôme d'obscurité encore plus sombre que le bois qu'ils venaient de traverser. Il fit le tour du tronc et trouva quelques fentes d'où il pouvait observer l'extérieur. Quitte à risquer de ne pas pouvoir dormir, autant monter la garde.
Il sortit son sac de couchage, s'y engouffra et posa le dos contre l'arbre. L'air frais de la nuit transformait son souffle en buée, ce qui lui changea les idées un moment. Se souvenant du pokémon agressif les ayant obligé à fuir plus tôt, il sortit son pokédex afin de l'identifier. Même s'il ne connaissait pas son nom, sa ressemblance avec ceux dans le trou supposait au moins une évolution.
-Un dodrio, murmura-t-il. C'était donc bien un nid.
Le pokédex ne donnait que des informations basiques mais il pouvait deviner pourquoi ce trou faisait un nid idéal. Si les jeunes doduos ne pouvaient marcher, les mettre à l'abri en les cachant sous des branches et des herbes odorantes était idéal pour masquer leur odeur auprès de prédateurs. Très utile lorsque leurs parents s'absentaient pour aller chercher de la nourriture.
L'énigme, maintenant résolue, ne pouvait plus le distraire des bruits inoffensifs alentours. Pas plus que de la solitude, de l'ennui et de l'inquiétude que lui prodiguaient ces lieux. Après un instant d'hésitation, il sortit Mist de sa pokéball. Le goupix lui adressa à peine un regard avant de se rendormir, ce qui n'étonna guère Alfaro. Rares étaient les jours en plein air où ils leur restaient à tous de l'énergie. Même en pleine nuit, le corps de Mist exhalait une chaleur diffuse. La distance entre eux n'était cependant pas suffisante pour qu'Alfaro en profite pleinement. Cela restait mieux que rien.
Le spectacle qu'offrait son pokémon, en revanche, lui offrit une bonne distraction. Jamais il n'aurait pensé que le goupix pouvait avoir un sommeil agité. Les manières si nonchalantes qu'elles en devenaient impolies laissaient place à des pattes secouées dans le vide et à des poses dignes d'un miaouss d'intérieur. Le brun aurait presque cru qu'il s'agissait là d'un autre pokémon que le revêche goupix ayant croisé sa route.
Finalement, le pokémon vint se coller contre le sac de couchage de son dresseur et ne bougea plus, partageant enfin sa chaleur. Pour la première fois depuis qu'il l'avait capturé, Alfaro caressa son pelage roux avec prudence. Abuser ainsi de son sommeil lui parut hypocrite tant il n'y avait aucune chance d'approcher ainsi l'adepte du feu lorsqu'il était éveillé. Le contact n'était pas désagréable, bien au contraire, mais il le rompit. La prochaine fois sera lorsque le goupix sera éveillé.
Le reste de la nuit passa dans un demi-sommeil inconfortable. La vigilance n'avait pas quitté son esprit mais ne l'empêchait pas de s'endormir ponctuellement. A peine ouvrait-il les yeux pour s'assurer de leur sécurité qu'il les refermait. Le temps avait perdu sa valeur dans l'obscurité de la forêt, si bien qu'il ne saurait dire s'il s'était endormi une heure ou une minute.
Un cri de pokémon oiseau le réveilla, suivi par un battement d'ailes. D'autres suivirent, annonçant le retour des chasseurs nocturnes et du soleil. Luttant pour ne pas se rendormir immédiatement, le brun se leva et réveilla tant bien que mal Mist.
-Il faut qu'on sorte de là. Reste à côté de moi et ne t'éloigne pas.
Il lui fallut répéter cet ordre plusieurs fois et secouer son pokémon afin de le dresser sur ses quatre pattes. Lui aussi avait quelque peu souffert de cette nuit à même le sol tant son poil était broussailleux. Une rapide toilette plus tard et il trottinait aux côtés d'Alfaro. Trotwood n'était pas là pour les guider mais ils eurent tôt fait de discerner un chemin qu'il n'avait pas remarqué dans l'obscurité. Pas une âme vivante n'avait été croisé lorsqu'ils furent de retour dans la plaine.
-C'est la dernière fois que je passe une nuit comme celle-ci, se jura Alfaro.
Après un petit-déjeuner chaud permis par des branches enflammées ne venant pas d'un nid, ils se mirent de nouveau en route. Alfaro, plus anxieux que d'ordinaire, était escorté d'Imhotep et de Dolce. Le pokémon aquatique avait beaucoup de mal à tenir en place et s'éloignait constamment pour renifler des fleurs sauvages ou se rouler dans l'herbe. Un tel comportement irritait le brun mais il se retint de lui en faire le reproche. Si vivre au grand air lui semblait mieux qu'être prisonnier de Safrania, il se rendait compte qu'il avait également besoin de ne jamais rester trop longtemps sur place.
La routine d'hier se répéta. Combats, victoires, défaites, poignées de mains, de billets, soins, et tout recommençait. Harassé par sa nuit à la belle étoile, Alfaro avait permit à tout le monde une sieste qui s'étendit sur la moitié de l'après-midi. Le regain d'énergie leur permit de continuer ainsi jusqu'au soir et ils campèrent sur une colline. En-dessous d'eux s'étendait un vallon aux herbes foisonnantes, plus propice à la vie sauvage que les sentiers qu'ils avaient suivis jusque-là. Plusieurs routes s'offraient à lui mais le brun sentit croître en lui un besoin de difficulté.
-On ira là-bas, indiqua-t-il à son équipe. Ça nous prendra sans doute deux jours en plus, mais on a tout notre temps. Je ne veux voir personne dormir debout demain, c'est comprit ?
Comme d'habitude, des cris enjoués lui répondirent. Le dodrio excepté, deux jours à ne croiser rien d'autre que des dresseurs semblaient eux aussi leur donner envie d'une confrontation avec la faune locale. Cet enthousiasme ne disparut pas le matin, sauf chez le contestataire habituel. Alfaro lui proposa un compromis.
-On commence tous les deux. Entraînement intensif, puis je te laisse tranquille pour le reste de la journée. Ça te va ?
Mist se plaça à ses côtés, prêt à le suivre, et ils descendirent la colline. A peine furent-ils en bas que le pokémon dressa la queue devant un roucool. Alfaro fut déçu.
-Inutile de le capturer. Flammèche et vive-attaque, go !
La stratégie ne fonctionna cependant pas jusqu'au bout. Le roucool se releva et, après un jet de sable bien senti, esquiva de nouveau les flammes du goupix avant de s'envoler au loin. Alfaro aurait préféré le voir au moins assommé ou hagard, mais il se contenta de hausser les épaules. Peut-être étaient-ils simplement tombés sur un roucool particulièrement coriace.
Au bout du sixième pokémon enfui, le dresseur ne pouvait plus se voiler la face. Mist était incapable d'achever le moindre pokémon. Pire encore, il s'épuisait bien plus vite que d'ordinaire. Ses flammes vacillèrent au même titre que ses pattes, le laissant à découvert contre un chetiflor. Profitant de l'occasion, le type plante étendit ses lianes et étrangla son adversaire.
-Dolce, charge ! Ne touche pas Mist !
Mais Dolce ne chargea pas. Son instinct semblait lui dicter qu'approcher le type plante risquait de le blesser. Il aspira et, au lieu d'un rayon gelé, fit sortir un jet d'eau suffisamment puissant pour écarter son adversaire. Alfaro aurait été impressionné de voir qu'il avait enfin maîtrisé une attaque de son élément si seulement son autre pokémon était en sûreté.
Dans un dernier geste de violence, le chetiflor souleva Mist de ses lianes et l'envoya trois mètres dans les airs avant de le libérer. Les yeux d'Alfaro s'écarquillèrent en voyant son pokémon jeté si haut et il se précipita pour le rattraper, sans succès. Mist atterrit violemment sur le sol sans pouvoir se relever. Pris de panique, Alfaro s'accroupit et posa une main sur le flanc de Mist.
-Ça va, tu m'entends ?
Maquiller le tremblement de sa voix n'aurait eu aucun intérêt maintenant. Après quelques secondes, le goupix ouvrit les yeux et aspira une grande goulée d'air. Après quelques caresses rassurantes, Alfaro le souleva délicatement sans qu'il ne proteste et le remit sur ses pattes. Rien ne semblait cassé.
-Tu m'as fait une belle peur ! s'exclama-t-il.
Seul un regard noir et pataud lui répondit. "A qui la faute ?", semblait dire Mist. Il fit quelques pas hésitants, puis s'assit au sol afin de reprendre ses esprits. Alfaro en profita pour l'asperger de potion.
-Plus de peur que de mal. On fait une pause et on continue, d'accord ?
-Pix ! Goupix pix pix ! Goupi goupix !
-Te laisser les pokémons que tu veux ?
Alfaro allait répondre par la négative mais se ravisa. Peut-être poussait-il en effet l'entraînement de Mist trop loin. Jamais ils ne pourraient traverser le val seuls et quand bien même ils le pourraient, leur stock de potion serait à sec bien avant qu'ils n'arrivent à Parmanie.
-Bon, très bien. Mais n'en profite pas pour laisser les autres faire tout le boulot ! dit-il d'une voix ferme. Quand je t'ordonne de combattre, tu combats !
Une grimace tordit la bouche du type feu mais Alfaro trouva le moyen de l'entraîner sans trop de risques. Accompagné de Dolce, Mist n'avait plus qu'à combattre des chetiflors et quelques roucools. Mais même là, il peinait à la tâche.
-Mais qu'est-ce qu'il t'arrive ? demanda Alfaro, excédé, alors que Dolce finissait son adversaire.
Ce combat n'avait pas été des plus brillants. Non seulement Mist s'était une nouvelle fois laissé aveugler par un roucool, mais il avait perdu du temps et de l'énergie à viser à l'aveuglette au lieu de suivre les consignes de son dresseur. Ses flammes étaient pourtant redevenues aussi puissantes qu'à l'ordinaire, alors pourquoi restait-il incapable de suffisamment blesser ses adversaires ? Était-ce une réelle différence de niveau ou bien s'était-il trompé sur le potentiel d'un pokémon pourtant si rare ? Trotwood n'était désormais plus le seul à l'inquiéter.
Et pourtant, même lui endurait mieux les combats que le goupix. Malgré sa faible puissance d'attaque, l'endurance mêlée à ses capacités d'entrave faisaient de lui un combattant plus efficace. L'insecte comptait beaucoup moins sur le soutient de Dolce sans que cela ne ravisse pour autant Alfaro. Quatre pokémons suffisamment puissants était trop peu.
Il récidiva le lendemain avec les mêmes résultats. Les progrès furent au rendez-vous, comme le prouva la nouvelle attaque de Mist. En un long aboiement, il provoquait chez l'adversaire une sensation de confusion comme ils l'avaient vus de nombreuses fois. L'onde folie ne durait cependant jamais assez longtemps pour lui permettre d'achever le combat. Ces mauvais résultats se ressentaient sur l'humeur de l'humain comme du pokémon. Mist s'acharnait et écoutait de mois en moins Alfaro, réduisant ainsi leurs chances de victoires. Tous deux n'en purent bientôt plus.
-Laisse-le, ça sert à rien, dit Alfaro en voyant Mist foncer sur un roucool. De toute façon, t'y arriveras jamais.
Ces paroles déclenchèrent une fureur sans nom chez son pokémon. A peine se fut-il retourné vers son dresseur qu'il se précipitait vers lui, toutes dents dehors, et le mordit à la cheville. Alfaro poussa un cri de douleur et, de son pied libre, lui donna un coup insuffisant pour lui faire lâcher prise. Le rayon de la pokéball eut raison du goupix enragé mais ce n'était pas suffisant. Alfaro le rematérialisa immédiatement et, sans lui laisser le temps de faire quoi que ce soit, le saisit au collet et le mit devant son visage. Une violente claque plus tard et il laissa à son tour exploser sa rage.
-Tu crois être le seul à être énervé ici ? Parce que c'est aussi mon cas ! Ça fait depuis hier que je suis énervé à cause de ta faiblesse mais est-ce que je me plains ? Non ! Je sais où sont tes limites ! Depuis ce matin, tu n'en fait qu'à ta tête et tu sais quoi ? Moi aussi je peux agir comme un sale petit égoïste ! Si je le voulais, je pourrais t'envoyer seul au combat et te laisser crever là ! Ou bien faire comme au bon vieux temps et t'envoyer dans les airs à coups de pieds au cul ! Et tu sais pourquoi je le fais pas ? Parce que ce n'est pas comme ça que tu arriveras à progresser ! Parce que je me contrôle ! Parce que j'ai décidé de devenir patient ! Alors soit tu m'écoutes et tu obéis, soit je te laisse ici et peu m'importe ce que tu deviendras !
La rage du goupix, dominée par celle d'Alfaro, cessa net. Ce n'était plus par snobisme qu'il évitait son regard mais par peur mêlée de honte. Les paroles du brun semblaient avoir fait leur effet car Mist ne bougea plus une fois au sol. Il poussa un gémissement qui, à son tour, calma l'humain.
-Refais-moi ça encore une seule fois et je te laisse dans le premier chenil qu'on croise, menaça-t-il en soignant sa morsure heureusement peu profonde.
Mist ne combattit plus de la journée et fut impossible à approcher ce soir-là. Tous les autres membres de l'équipe étaient parvenus à se défendre contre la faune locale, ce qui ne pouvait qu'ajouter de l'aigreur au type feu. Alfaro ne regrettait pas de lui avoir hurlé dessus. Sa patience conservait ses limites et il n'avait pas l'intention de devenir un saint. Néanmoins, rester en froid avec le goupix était une erreur tellement évidente qu'elle lui crevait les yeux. Des excuses étaient de circonstances, mais il ne savait comment les formuler.
Il resta là à contempler le feu en avalant distraitement une boîte de haricots. Sa fierté l'empêchait de s'excuser le premier, quand bien même c'était la dernière chose à faire. Après tout, il n'avait fait qu'énoncer une vérité objective en déclarant le goupix trop faible et agité pour faire quoi que ce soit. Au pokémon d'accepter sa condition et de lui faire confiance. Mais comment l'obtenir ?
Une idée germa dans l'esprit du dresseur. Une idée qui l'épargnerait de faire des excuses et attiserait suffisamment la curiosité du goupix pour qu'il accepte de lui obéir totalement, du moins l'espérait-il. Il fouilla dans son sac, sortit quelque chose et s'approcha de son pokémon.
-Désolé pour tout à l'heure, dit-il sans en penser un mot. T'as bien progressé, j'aurais dû savoir que tu ne tiendrais pas.
Purs mensonges, mais cela n'avait pas d'importance. Il n'aurait su dire si Mist le croyait ou non car il lui tournait résolument la tête. Ce n'est que lorsqu'Alfaro ouvrit la main qu'il le regarda. Comme il l'avait prévu, l'humain décela dans ses yeux une attirance hypnotique pour la pierre rouge qu'il tenait. Il le repoussa avant que le goupix ne la touche.
-C'est la Pierre Feu que j'ai acheté à Céladopole. Enfin, Dolce l'avait volée, je l'ai donc payée plus tard...Mais ce n'est pas le plus important. Viens.
Ils se rapprochèrent des autres membres de l'équipe et Alfaro leur intima de se rapprocher. Le petit cercle qu'ils formèrent devant le feu aurait été idéal pour se raconter des histoires d'horreur, mais l'heure n'était pas au divertissement.
-Billy, un herbizarre, de type plante et poison. Évolue au fil du temps et de l'entraînement. L'interpellé regarda son dresseur mais ce dernier portait son attention sur un autre membre de l'équipe.
-Flavio, un roucoups, de type vol. Il évolue comme Billy. Trotwood, un papilusion, de type insecte et vol. Etrangement, il possède plus d'affinités avec les attaques de types psy. Il évolue de la même manière. Tout comme Imhotep, un sablaireau de type sol. Trotwood n'évoluera pas une troisième fois puisqu'aucun pokémon ne peut évoluer plus de deux fois. Du moins, c'est ce que les humains ont découverts jusqu'à maintenant. Pour les autres, je ne sais pas. Peut-être oui, peut-être non.
Il savait que ses pokémons n'y comprenaient pas grand-chose. Pour eux, les affinités de types tenaient plus de l'instinct et de l'expérience de la vie et ils ne se posaient guère de questions liées à l'évolution. Tout cela, seuls les humains se donnaient tant de mal pour l'étudier.
-Dolce, en revanche, est différent. La première fois qu'on s'est vus, il était un évoli. Il a ensuite évolué en aquali dans l'arrière-boutique de cette bijouterie de Céladopole grâce à une pierre eau. Presque la même que celle-ci, dit-il en la montrant à nouveau. Vous comprenez ? Sans elle, il serait resté un évoli.
Quelques-uns murmurèrent et Dolce secoua la queue en poussant un cri ravi, apparemment enchanté des souvenirs que son dresseur évoquait.
-Dolce peut encore apprendre de nouvelles attaques, comme n'importe lequel d'entre-vous.. Hier encore, il a pu utiliser pistolet à o. Il n'est donc pas entièrement dépendant des capsules techniques. Les objets ronds et brillants qu'on utilise parfois dans les centres pokémons et qui vous donnent de nouvelles attaques, ajouta-t-il, conscient que le terme exact ne signifiait rien pour eux.
L'aquali, fier d'être évoqué, allait montrer sa nouvelle capacité mais Alfaro l'arrêta juste à temps. Il craignait que l'enthousiasme de son pokémon ne leur coûte un feu de camp et de la fatigue s'il visait mal, ce qui lui arrivait encore souvent.
-Le problème de Mist, et j'en suis certain, est qu'il n'apprendra pas de nouvelles attaques quand je l'aurai fait évoluer. Avant mon départ, j'ai un peu étudié tout ce que je pouvais sur les pokémons et j'ai non seulement su que les goupix étaient rares mais qu'en plus, ils n'évoluaient qu'au contact des pierres feu. Je suis donc très content d'avoir Mist dans l'équipe.
Il n'aurait pas été surpris de voir le pokémon en question rougir, mais le feu ne l'éclairait pas assez pour qu'il sache si oui ou non il avait été touché par son compliment. Malgré son caractère difficile à gérer, il se révélait en effet un atout pour l'équipe, bien qu'il ne soit pas encore temps de pouvoir pleinement l'utiliser.
-Lorsque vous avez évolué, vous êtes devenus plus forts. Mist le sera aussi, mais pas sur certains points. Ses flammes, par exemple, auront bien plus de mal à se développer. Ne me demandez pas pourquoi, je ne l'ai jamais compris et je ne fais que vous répéter ce que j'ai lu dans des bouquins. J'attends juste que Mist développe ses attaques de type feu pour les faire évoluer. Et là, on les fera tous rôtir, conclut-il avec un air carnassier.
Il n'était pas le seul enthousiasmé par la perspective d'enflammer les matchs. Désormais, les yeux de Mist brillaient avec la même intensité que la pierre aux reflets rougeoyants à la lueur du feu. Billy, tout naturellement, y semblait peu enclin. Quand aux autres, ils considéraient que le bonheur de leur dresseur faisait le leur.
-Bien sûr, je préférerai utiliser cette pierre au bon moment, mais si les choses deviennent trop difficiles...C'est pour ça que tu dois me faire confiance, dit-il au goupix. A deux, on pourra faire plus que des étincelles. On oublie tout ce qui s'est passé avant et on fait de toi le meilleur pokémon feu de tout Kanto, ok ?
Des relents d'hypocrisie lui restèrent en travers de la gorge. Alfaro était parfaitement conscient de deux choses. La première était qu'il ne s'excusait pas pour son comportement mais proposais uniquement d'effacer l'ardoise. La deuxième était que, grâce à ce petit discours entendu par tous, Mist était soumis à une légère pression de la part des autres membres de l'équipe. Ils avaient néanmoins tous à y gagner et le brun croisait les doigts pour que son pokémon se montre raisonnable.
Finalement, Mist s'approcha de lui et s'assit à quatre pattes. Alfaro approcha lentement sa main et caressa son pelage. Il le sentit frémir sans pour autant opposer de résistance. Ainsi donc, Mist lui accordait enfin sa confiance. L'esquisse d'un sourire apparut sur son visage. Les choses allaient enfin devenir plus faciles.
Jaloux de l'attention portée exclusivement à son camarade, Dolce s'approcha lui aussi de son dresseur, bientôt suivit de toute l'équipe dans une étreinte aussi commune qu'étouffante. Alfaro ne put contenir un éclat de rire lorsqu'Imhotep, pressé contre sa poitrine, le fit basculer en arrière tête dans l'herbe. Ils restèrent là de longues minutes, à jouer et se disputer gentiment les faveurs de leur dresseur jusque tard dans la nuit.
Leur bonne humeur subsista jusqu'au lendemain. Indifférents aux pokémons assommés ou boitant qu'ils laissaient derrière eux, ils apercevaient de nouvelles collines derrière lesquelles ils retrouveraient la principale route vers Parmanie. Le ciel était bleu, un vent frais et léger soufflait, et Alfaro ne regrettait pas ce détour. Il avait le sentiment que son équipe, en plus d'avoir progressé, était plus soudée maintenant que Mist lui faisait confiance. Le travail a accomplir restait cependant énorme, d'autant plus que le type feu avait de grandes difficultés à combattre avec quelqu'un à ses côtés.
Son escorte était pour l'heure constituée de Billy et d'Imhotep, plus occupés à bavarder qu'à être attentif aux alentours. Alfaro ne pouvait pas tout comprendre mais il lui semblait qu'ils parlaient de leurs évolutions. Lui-même ayant déjà dit presque tout ce qu'il savait, il ne voyait pas l'utilité de se joindre à leur débat.
Soudain, Alfaro s'arrêta et fit un signe de la main. Ses deux pokémons se turent et regardèrent autour d'eux. Absorbés par leur conversation, ils en avaient oublié d'être vigilants. Alfaro avait cru entendre un bruissement d'ailes différent de ce qu'ils croisaient d'habitude. Aucune herbe ne bougeait. Il regarda en l'air et eut tout juste le temps de crier.
-A terre !
Tous trois se précipitèrent vers le sol, à plat ventre. Un courant d'air les frôla, suivi de poussière et du claquement d'une voile de bateau. La chose qui venait de plonger sur eux n'était pas une embarcation mais bel et bien un pokémon. Plus grand que tous les oiseaux qu'il avait vu jusque-là, Alfaro avait eu le temps de voir deux immenses ailes, un cou décharné ainsi qu'un bec plus long qu'une perceuse. Ils se réfugièrent dans les premiers buissons à portée et Alfaro pria pour que le pokémon s'éloigne. Il n'avait pas envie de se frotter a un tel adversaire.
Le rapasdepic – ainsi l'avait identifié le pokédex – semblait déterminé à se mettre en travers de leur route. Il se posa au sol, ses longues ailes déployées pour le stabiliser, et poussa un cri. Parmi les rares bruits plus déplaisants, Alfaro aurait pu citer le crissement d'une craie sur un tableau et le hurlement d'une mère dodrio. Rester caché ne servait à rien, sinon à se faire repérer tôt ou tard.
-Billy, à mon signal, charge puis poudre toxic, chuchota Alfaro. Après ça, tu décampes et Imho l'attaque avec ses griffes. A trois. Un...Deux…
Il n'eut pas le temps de dire "trois" que le plus pitoyable des incidents se produisit. Prêts à sortir d'un bond, tous trois s'étaient tendus mais Alfaro perdit l'équilibre. Dans un juron sonore, sa main dérapa et il heurta le sol de son épaule. Le rapasdepic tourna les yeux vers eux bien avant que Billy ne le charge, lui permettant ainsi d'ouvrir son bec et de le saisir par le corps.
Dès qu'il vit son compagnon prisonnier, Imhotep bondit et porta un violent coup de griffe en-dessous de la gorge de l'oiseau. Surpris, il lâcha le type plante et envoya une bourrasque de sable, puis une autre, et encore une autre. Aveuglé, Alfaro ne pouvait ni donner d'ordres ni manipuler ses balls. Il pouvait en revanche entendre le cri de douleur de son premier pokémon.
-Billy !
Le bruit d'une chute retentit et il vit le quadrupède accourir vers lui, paniqué. Du sang s'écoulait d'une blessure sur son flanc mais la coupure semblait superficielle. A en croire l'odeur qu'il répandait de sa fleur dorsale, il venait tout juste de répandre ses spores empoisonnées.
-Et Imho ?
-Herbizarre ! Zarre...Herbi, herbizarre zarre zarre !
Le nuage de poussière retomba enfin sur un spectacle des plus intense. Dos à l'humain et à l'herbizarre, Imhotep luttait contre le rapasdepic, les griffes figées contre son bec. La poudre toxic avait également touché le sablaireau, l'amenant au même désavantage que son adversaire.
Alfaro n'osait pas donner le moindre ordre ni appeler un nouveau pokémon. Il était impossible de toucher l'oiseau sans contourner les combattants. Or, le risque que le rapasdepic ne brise la lutte pour s'intéresser à eux avant qu'ils n'aient pu faire quoi que ce soit était trop grand. Piégé, Alfaro s'en remettait à la volonté du sablaireau. Il empoigna lentement sa ball et celle de Dolce, attendant l'issue de la lutte. Si le sablaireau échouait, sa vie dépendrait peut-être de la rapidité de son dresseur.
Ce fut son deuxième échec.
Imhotep relâcha ses efforts et, dans une botte digne d'un escrimeur, le rapasdepic recula son bec pour lui porter un coup le clouant au sol. encouragé par sa victoire, il le recouvrit de ses longues ailes et lui assena une attaque furie aussi puissante que le poison coulant dans ses veines le lui permettait. En désespoir de cause, le rayon rouge de la ball fusa mais fut incapable de ramener le sablaireau. Attaquer de front était la dernière chose à faire, même si cela signifiait blesser son propre pokémon.
Contre toute attente, Billy sortit ses lianes et fouetta le rapasdepic. Ce dernier l'ignora totalement et mitrailla Imhotep avec plus d'ardeur, énervé par les coups de fouet. Les feuilles acérées qu'il invoqua, en revanche, accentuèrent la rage de son adversaire. Imhotep ne donnait plus aucun signe de vie et Alfaro sentit l'habituelle peur lui tordre les boyaux. Billy n'osait plus bouger, choqué de voir que ses efforts, loin d'aider son compagnon, n'avaient faits que le mettre dans un péril encore plus grand.
Alfaro allait appeler Dolce lorsque, à sa grande surprise, le pacifiste du groupe lança un long cri de guerre. Deux lianes sortirent à nouveau de son dos et, plutôt que de fouetter le rapasdepic, enserrèrent sa gorge et l'étranglèrent. Son attaque furie cessa et une nouvelle lutte s'engagea.
Ignorant le jet de sang s'échappant de sa blessure, Billy poussa un deuxième cri de colère et, du bout de sa queue jusqu'à celui de ses lianes, se mit à irradier d'une vive lumière blanche.
Le grognement de Billy gagnait en intensité au fur et à mesure qu'il prenait en hauteur et en largeur. Alfaro, rendu muet par l'impuissance, ne pouvait qu'assister à l'évolution inattendue de son premier pokémon. Une trentaine de secondes plus tard, l'herbizarre avait laissé la place a un colosse vert sur quatre pattes soutenant un arbre miniature. En un clin d'oeil, des lianes supplémentaires surgirent et vinrent enserrer le corps du rapasdepic. Totalement privé d'air, les yeux exorbités, l'écume au bec et le poison toujours en lui, il fut soulevé dans les airs comme un bouchon de champagne et fut écrasé au sol une fois, puis deux, puis trois, puis autant de fois que nécessaire pour l'empêcher définitivement de bouger.
Mais cela ne suffisait pas. Dans un hurlement de rage, Billy chargea vers l'oiseau et l'envoya voler en l'air. Le ridicule tas de plumes disloqué retomba comme un pantin, incapable de se défendre. Le quadrupède lui rendit alors ses attaques et lui assena des coups de lianes trop nombreux pour être comptés. Au bord des larmes, incapable de reconnaître son compagnon, Alfaro décida de mettre fin à ce cruel spectacle.
-Ça suffit, Billy ! Arrête ! Arrête ! répéta-t-il.
Les coups de lianes ralentirent, chacun d'eux résonnant dans le val, puis cessèrent. Billy se tourna alors vers son dresseur, son lourd corps bougeant au rythme de sa respiration. Si Alfaro retenait ses larmes, la créature laissait couler les siennes sur son gros visage. Ils s'approchèrent du sablaireau à moitié arqué sur lui-même. Contrairement à ce que son dresseur craignait, son corps ne portait pas beaucoup de blessures mais sa respiration saccadée lui fit craindre le pire. Alfaro s'empara de son sac, vaporisa de l'antidote sur son museau et attendit.
-Imho, tu m'entends ? Réveille-toi, allez…
Il tira la joue rugueuse du sablaireau et lui administra une nouvelle dose d'antidote. Billy, silencieux, retourna son compagnon sur le dos à l'aide de ses lianes. La poitrine du type sol se soulevait un peu plus régulièrement. Même s'il ne se réveillait pas, au moins n'était-il plus en danger. Simplement épuisé par les efforts qu'il venait de fournir.
Alfaro empoigna un nouveau spray de super potion et en vaporisa généreusement sur les blessures de son pokémon avant de l'envoyer en sûreté dans sa ball. Son cœur rata un battement au moment où il fut entièrement aspiré mais ses craintes furent infondées : la coque de l'outil resta rouge.
-Flori...zarre.
Billy chancela et tomba sur ses pattes. Le combat ainsi que son évolution l'avaient lui aussi épuisé. Si auparavant, Alfaro devait se mettre à genoux et se baisser pour le soigner, il n'avait plus qu'à se baisser légèrement pour répandre le reste de spray sur son flanc. Ses mains tremblaient alors qu'il se concentrait pour ne pas viser à côté.
-Merci, se contenta-t-il de dire.
La blessure aurait tôt fait de cicatriser par elle-même maintenant qu'elle était recouverte de spray. En remerciement, Billy frotta sa tête contre celle de son dresseur. L'arbre miniature dégagea un parfum entêtant masquant l'odeur de fer et de rouille.
-Ça suffit maintenant, va te reposer.
Contre toute prudence, Alfaro préféra rester seul. Assis par terre, les yeux rivés sur le cadavre du rapasdepic, il laissa s'envoler la tension encore présente. C'était presque une chance que cette hécatombe survienne si près de la route principale. Une fois le val franchi, ils pourraient camper et se permettre une journée de repos. Tous étaient épuisés, sauf peut-être Dolce. Le faire combattre seul était folie après tout ce qu'ils venaient de traverser, mais ils n'avaient pas le choix.
Les herbes bruissèrent et il se leva d'un bond, prêt à s'enfuir. Seul un rattata en sortit. Il ignora l'humain et préféra se rapprocher du cadavre de l'oiseau. En quelques coups de dents, il arracha la chair encore tiède et la grignota entre ses pattes. Elle semblait être à son goût puisqu'il poussa un cri clair en cet-après-midi ensoleillé. Quelques minutes plus tard, une dizaine de rattatas l'avaient rejoint et se délectaient du cadavre.
Alfaro savait que la viande de rapasdepic sauvage était un met de choix, rare et cher. Ses talents de cuisinier n'étaient cependant pas élevés et il aurait été incapable d'en tirer quoi que ce soit. Il parvenait à peine à concocter correctement des cuisses de roucool élevés en batterie accompagnées de pousses de mystherbes. Les faire griller au feu de bois était une idée mais la consommation de pokémon était strictement réglementée et les peines étaient devenues plus lourdes depuis la loi Nuzlocke. Se faire prendre pouvait mettre fin à sa carrière de dresseur.
Les rattatas n'étaient plus les seuls à s'intéresser à la carcasse. Autour d'eux se rassemblaient des piafabec, attendant patiemment que le premier groupe en ait terminé. Alfaro prit son sac, s'éloigna et, une fois seul, sortit Dolce. Mieux valait éviter les combats jusqu'à ce que son équipe soit remise sur pieds.
Une fois sortis du val, ils plantèrent leur tente sur la berge d'une rivière. L'endroit aurait pu être tranquille si la route située à côté n'était pas fréquentée par autant de dresseur. Cette présence humaine et régulière avait l'avantage d'éloigner la quasi-totalité des pokémons sauvages, tellement qu'Alfaro se serait cru arrivé à Parmanie.
Quelques dresseurs lui proposèrent un match qu'il déclina poliment, prétextant leurs aventures dans le val. Il n'avait pas été le seul à explorer l'endroit et eut droit à des félicitations de la part de certains.
-J'avais voulu passer par là il y a quelques mois mais je n'ai pas pu y rester une demi-journée sans que mes pokémons ne soient épuisés, lui raconta un jeune dresseur. Je réessaie demain, alors j'espère que tu n'as pas exterminé tout ce qu'il y avait là-bas. Toutes ces rencontres n'étaient pas si plaisantes. En début d'après-midi, un vrombissement sonore sortit Alfaro de sa sieste. S'approchant de la route, il vit trois motards s'avancer à toute vitesse. Ils roulaient sans casque, ce qui permit au brun de les dévisager brièvement. Le sommeil devait lui donner des visions car il cru reconnaître l'un d'eux. L'autre avait eu la même pensée en tête car il freina et recula à sa hauteur.
-Eh les mecs ! Regardez qui on vient de retrouver ! Al-Fuyard !
Les deux autres motards examinèrent plus attentivement le natif de Safrania et le reconnurent à leur tour. Si leurs visages lui étaient familiers, il ne parvenait pas à se souvenir du nom du premier motard, un grand blond aux cheveux courts et au allures de férosinge. Le sourire orgueilleux qu'il affichait avait bien plus d'effets sur ses nerfs que sur sa mémoire.
-Qu'est-ce que que tu fous là, Michael ?
-Mon nom est Bruno, tu devrais t'en souvenir après toute la misère que le gang t'as fait subir à Safrania.
-Désolé George, j'ai toujours eu du mal à me souvenir du nom des gens. Plus ils me font pitié, plus c'est difficile.
-Tu sais ce qui fait pitié ? Un pauvre lâche qui abandonne son groupe du jour au lendemain. Remarque, ça nous a permis de vous éradiquer définitivement de Safrania. A se demander si tu n'as pas fuis car tu savais que ça sentait la merde pour toi…
Les deux autres motards ricanèrent mais Alfaro les ignora.
-Si par "éradiquer définitivement", tu veux dire "voler le sac d'une de vos grands-mères sans défense", c'est que tu as autant de cervelle que de courage. A ton avis, ça fait combien zéro plus zéro ?
-Ça fait un Alfaro. Sans toi et tes tactiques de lâches, se débarrasser de votre groupe a été un jeu d'enfant ! Trois semaines pour que les rattatas que vous êtes rentrent dans leur trou, tremblant de tout leur corps. Safrania nous appartient, maintenant !
Alfaro se mordit l'intérieur des lèvres pour se calmer. Le gang des motards dont faisait partie Bruno était depuis quelques années comme une épine dans le pied de certains quartiers de Safrania. La police, toujours trop occupée pour protéger les banlieues, avait depuis longtemps renoncé à les mettre sous les verrous. Quelques arrestations, gardes à vues, faux remords, promesses de repentir non tenues et tout recommençait. Les rackets et escroqueries de la Team Rocket leur avaient donné des idées. S'ils se montraient autrefois simplement bruyants et irrespectueux, ils s'étaient très vite adonnés au vol et à la destruction.
Ce fut à ce moment qu'un petit groupe mena la vendetta. Crevaisons de pneus, sucre dans les réservoirs d'essence, tags, vol de matériel, tout était bon pour faire enrager le gang et détourner leur attention. Au départ recruté pour son naïf sens de la justice et la rage devant la passivité des forces de l'ordre, Alfaro s'était vite fait remarqué pour son inventivité et ses prouesses tactiques. "Le groupe des emmerdeurs", comme s'appelaient eux-même la trentaine de ses camarades, avait mené la vie dure au gang des motards.
Tout ceci avait prit fin pour Alfaro quelques jours seulement après l'enterrement de sa mère. Répondre a des déchets en compagnie d'amis aux intérêts communs lui avait fait oublier son père, mais ce dernier était vite devenu la priorité. Il aurait espéré que les autres se débrouillent sans lui, ce qui ne semblait pas avoir été le cas.
-Qu'est-ce que vous faites si loin de votre porcherie ? demanda-t-il. Vous êtes tellement bête que c'est déjà un miracle si vous ne vous perdez pas dans Safrania.
-On se fait un max de fric. Plus que toi, vu que tu n'es pas capable de te payer autre chose qu'un drap et quatre piquets.
Il s'avança vers Alfaro et fit signe aux deux autres de le suivre. Leur intention de saccager le campement était évidente mais le dresseur était confiant. Il n'avait aucune chance en trois contre un, excepté s'il était aidé d'un pokémon valide.
-Fini de dormir, Trotwood, dit-il en actionnant la ball.
Le papilusion, aussi ensommeillé que son dresseur ne l'était auparavant, se mit sur ses deux pattes et voleta paresseusement. Les trois motards cessèrent leur avancée, regardèrent le pokémon, puis éclatèrent de rire.
-C'est avec ça que tu comptes nous faire peur ? dit Bruno. T'es pas un lâche, t'es une tapette !
-Trot, para-spore. Juste un peu, il faut qu'ils puissent reculer d'eux-même.
Quelques battements d'ailes plus tard, la poudre jaune se répandait au-dessus du trio et l'effet fut immédiatement. Comme le brun l'avait prévu, ils se couvrirent la bouche et reculèrent.
-Si tu le prends comme ça...Sortez vos pokémons, on va lui faire sa fête !
Alfaro s'était attendu à tout sauf à des pokémons. Avant qu'il ne puisse le réaliser, deux tadmorv et un smogo s'avançaient vers Trotwood. Comment des férosinges comme le gang des motards avaient-ils pu entrer en possession de pokémons et de pokéballs ? Il n'y avait qu'une seule façon d'obtenir ces réponses.
-Trotwood, choc mental !
Comme il l'avait prévu, les pokémons de type poison n'osèrent plus s'avancer face à la douleur provoquée par leur faiblesse de type. Les trois motards leurs ordonnèrent d'attaquer à coup de charge et d'ecras'face mais la peur était plus grande, preuve que les macaques qui lui servaient d'adversaire n'y connaissaient que très peu en la matière.
-Avance, espèce de déchet ambulant ! cria Bruno à son smogo. Avance !
-Momentanément plus effrayé par les hurlements simiesques de son maître que par Trotwood, le smogo s'élança les yeux fermés vers l'insecte. Alfaro regarda la scène d'un air dédaigneux.
-Choc mental, encore une fois, dit-il d'une vois lasse.
Trotwood se concentra et visa son adversaire. Mais au lieu de l'habituelle perturbation dans l'air accompagnée du tremblement de la cible, un amas de cercles violets surgit de ses antennes et vint frapper de plein fouet le smogo. Il resta en l'air, traversé par l'attaque, avant de hurler de douleur. Sitôt l'attaque terminée, il tomba au sol et ne bougea plus, évanoui ou pire encore.
-Ça ira comme ça ou je continue ? demanda Alfaro. Vous pourriez sortir tous vos pokémons que vous n'auriez aucune chance.
-Qu'est-ce qu'on fait, Bru ? demanda l'un des motards.
-On se casse. Reprenez vos pokémons, on retourne au boulot.
-Pas si vite ! Trot, para-spore sur ces macaques. Pleine puissance, cette fois.
Dans l'un de ses fameux piqués, le papilusion lança son attaque et les trois motards se retrouvèrent paralysés. Alfaro s'avança vers eux, un léger sourire aux lèvres maintenant qu'il avait dominé trois personnes qu'il détestait.
-J'ai quelques questions à te poser avant que tu ne partes. Comment avez-vous eu ces pokémons ?
-Va...te faire...foutre, parvint à articuler Bruno.
-Ok, ok, je savais que ça allait se terminer comme ça. Alfaro sortit Flavio de sa ball. Même blessé, le volatile allait lui être très utile.
-Tu as de la chance, j'avais un rattatac mais l'ai remplacé. Tu as déjà senti un coup de bec de roucoups ? Bien calculés, les bleus restent pendant des semaines. Et ça, c'est si tu as de la chance. Leur bec peut très facilement arracher la chair.
Ce dernier point était un pur mensonge mais le motard en face de lui n'en savait rien. Pour rajouter de l'effet, Flavio poussa un cri d'intimidation efficace. Bruno s'empressa de parler.
-On nous les a prêté !
-Qui ça, "on" ?
-La...La Team Rocket ! Elle est à Safrania et nous a même aidé pour certains trucs.
-Comme vous débarrasser du groupe des emmerdeurs ? Pauvre lâche. Venir pleurnicher sous les jupes de la Team…
Alfaro se retint de lui cracher au visage.
-Qu'est-ce que vous foutez là avec des pokémons ?
-La Team nous a demandé d'en capturer. Ça paie bien et ils nous ont promit de s'occuper de tout si on se fait prendre. Ce serait con de passer à côté d'une opportunité pareille.
-Donc maintenant, vous êtes les caninos de la Team Rocket ? Quel honneur, quelle fierté, répondit Alfaro d'un ton ironique.
-Ça vaut mieux que d'être un pauvre fuyard seul sur les routes.
La patience d'Alfaro avait atteint ses limites. En quelques secondes, tous ses pokémons étaient sortis de leurs balls. Billy, maintenant plus haut qu'un humain. Imhotep, aiguisant ses longues griffes. Flavio, au regard courroucé. Si Mist, Trotwood et Dolce n'étaient guère intimidants, les trois premiers suffisaient à faire de l'effet.
-Je ne suis jamais seul, murmura Alfaro. Vous, en revanche, valez moins que la Team. Des rattatas confiants car ils sont en groupe et s'en prennent aux plus faibles.
Les tremblements des trois motards n'étaient plus seulement dus à la paralysie mais également à la peur. Le brun pouvait les voir pâlir à vue d’œil, impuissants devant ce qu'ils croyaient être des monstres prêts à sauter sur eux. Une telle chose était impensable mais le poing d'Alfaro le lançait désagréablement. Les réponses qu'il avait obtenu n'avaient fait qu'accroître sa rage et son mépris envers les motards devant lui.
Se contenant à grand-peine, il sortit un flacon d'anti-para et vaporisa le minimum possible sur le visage de ses adversaires, Bruno en dernier. Ils purent bouger avec des mouvements raides quelques dizaines de secondes plus tard.
-On se reverra, dit Bruno. Et cette fois…
Personne ne sut la fin de la phrase. Le poing d'Alfaro s'écrasa sur son nez avant qu'il n'ait pu mettre fin à ses menaces. Toujours paralysé, le motard n'avait rien pu faire pour se protéger et était tombé sur le dos, du sang sur son visage.
-Barrez-vous d'ici ou je vous jure que je vous réduis en charpie, ordonna Alfaro d'une voix inquiétante.
Le trio repartit sans insister, enfourchant leurs engins mécaniques en grimaçant de douleur et partirent. Quelques gouttes de sang étaient tombées au sol et le brun les contempla sans les voir. Si ce que les motards avaient révélés était vrai, la situation à Safrania était critique. Il eut un instant l'orgueil de s'imaginer qu'il aurait pu empêcher ces événements, mais il savait qu'il n'aurait pu que les retarder. Si la Team Rocket était derrière le gang des motards, elle aurait eue tôt ou tard la main-mise sur les rues de la ville.
Il regrettait à présent de ne pas lui avoir demandé plus de détails. Comment Bruno et les deux autres avaient-ils pu entrer en possession de pokémons sans se faire prendre par les autorités, même couverts pas la Team ? Les autres membres du groupe des emmerdeurs avaient-ils tous abandonnés ou bien continuaient-ils la lutte ?
L'inquiétude était si forte que, lorsqu'il en sortit, il s'aperçut qu'il avait déplié sa tente. Il termina de ranger ses affaires et hocha négativement la tête pour lui-même. Il n'avait pas l'intention de revenir sur sa promesse faite à Daisy d'enquêter au parc Safari, ni d'assister à la réunion de Céladopole. Cependant, lorsqu'il se mit en route, il vit ces deux obligations comme une entrave à sa liberté de mouvement. Le plus tôt il en serait débarrassé, le plus vite il pourrait rentrer à Safrania pour voir de ses propres yeux ce qu'il avait laissé derrière lui. *°*°*°*°*° -...Les gens du coin parlent d'un accident avec les fantômes et la police tente d'étouffer l'affaire, le grand prêtre lui-même serait derrière tout ça.
-Allons bon, comme si un spectre pouvait à lui seul provoquer quatre meurtres. Comment as-tu pu gober une histoire pareille ?
-Il y a autre chose, chef. On parle d'un cas de possession. Le spectre aurait possédé un dresseur pour pulvériser les gars.
-Pulvériser, vraiment ? demanda Giovanni d'un ton soupçonneux.
-C'était pas beau à voir, un vrai charnier. La police du coin n'avait jamais vu ça : des os rompus, les membres retournés, bouches fracassées...un de nos agents a même vu son crâne éclaté...Chef ? Vous êtes toujours là ?
Giovanni avait momentanément perdu la parole, trop abasourdi par la nouvelle. Quand bien même les décès étaient rares, chaque membre de son organisation perdu lui paraissait un affront direct envers lui. La violence avec laquelle ces quatre-là avaient été emportés ne rendait le crime que plus grave encore.
-Je veux le dossier complet de la police sur mon bureau avant ce soir. Dépositions, avis des enquêteurs, des exorcistes, témoins, liste des personnes ayant visité la tour 48 heures avant l'incident.
-Oui, chef.
-Une dernière question : que sait-on du possédé ?
-Pas grand-chose, le vieux Fuji l'a séquestre a l'intérieur du monastère et il a convaincu les flics de ne pas lui poser de questions.
-Ne me fais pas perdre mon temps ! Et ton enquête ?
-Les gens présents dans la tour le jour-même m'ont affirmé avoir vu deux dresseurs avec un drôle de comportement. Pas du genre à vouloir rendre hommage et il est rarissime qu'un spectre veuille rejoindre un dresseur.
-A quoi ressemblaient-ils ?
-L'un d'eux avait les cheveux roux en pétard, grand, mince. L'autre les cheveux bruns, courts, porte une chaîne à son jean. Le premier a décampé avec Fuji lors du massacre et personne ne l'a revu en compagnie du deuxième.
-William Chen ? s'exclama le boss de la team Rocket.
-Je l'ignore, la police fait tout pour ébruiter l'affaire.
-En ce cas, dépêche-toi de mettre la main sur ce dossier avant qu'ils ne le détruisent. Ce prêtre semble avoir le bras long et nous n'avons aucun pouvoir dans cette ville de vieux fossiles.
-Ce sera fait, chef.
-Ciao.
Giovanni raccrocha et réfugia son visage dans les paumes de ses main. La description concordait et il avait été témoin de la violence dont pouvait faire le jeune dresseur. C'était un miracle que la Tour Pokémon ne se soit pas effondrée si il avait été possédé. Un tel affront se devait d'être payé, mais les choses seraient bien plus compliquées si il s'agissait encore du petit-fils du célèbre professeur Chen. Ce dernier, bien que relativement isolé, n'en restait pas moins une grande figure du monde scientifique et un scandale éclaterait si quoi que ce soit venait le toucher, lui et sa famille.
William…Un Chen pouvait-il vraiment faire preuve d'autant de violence. ? L'avertissement qu'il lui avait donné la dernière fois au casino était pourtant clair et net. Possédé ou non, il s'était joué de lui une nouvelle fois. Il n'y aurait pas de troisième insulte.
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| | | Koukin
Écrivain
Nature : Prudent
Exp : 186
| Sujet: Re: [Bleu] Traces - Nuzlocke Pokémon Bleu Romancé Dim 13 Nov 2016 - 17:12 | |
| - Chapitre 22 : Au tournant du poison:
C'est avec un soulagement manifeste qu'Alfaro franchit les doubles-portes vitrées du centre pokémon de Parmanie, une heure après avoir traversé les limites de la ville. Il était encore tôt et le jeune dresseur n'avait guère croisé autre chose que des voitures et des passants ensommeillés en route pour leur lieu de travail. Lui-même se serait bien autorisé à une matinée de repos, mais il avait d'autres projets à peine moins fatigants en tête. Une fois ses pokémons confiés à la réception et ses affaires déposées dans une chambre, il sortit du centre et se dirigea vers l'endroit le plus animé de la ville, tout au nord.
Le Parc Safari constituait un lieu touristique immanquable pour les amateurs de pokémons rares et moins rares, en voie de disparition ou non. Écrasé entre un petit groupe de touristes et une famille, Alfaro patientait en consultant des brochures dans la navette qui les y menaient.
Le zoo n'avait pas beaucoup changé depuis la dernière fois où il était venu, des années auparavant lors d'une sortie scolaire. La curiosité dont il avait alors fait preuve embaumait l'air d'un parfum nostalgique. Il se souvenait parfaitement des gros rhinocornes dans leur grande cage de verre. Les pokémons n'avaient pas bougé et semblaient rester les mêmes, allongés paresseusement sur un terrain rocheux.
Le brun se souvint des pensées l'ayant agité à cette époque. S'il pensait qu'il était un peu dommage d'enfermer des pokémons, cette idée avait vite disparue lors d'un match organisé en guise de spectacle de clôture. Ce qu'il croyait être de paisibles et grosses peluches au caractère plus placide qu'un miaouss d'intérieur lui avait alors paru comme d'incroyables monstres capables de tous les exploits au monde. Maintenant qu'il s'était lancé sur les routes, il doutait que ces pokémons élevés en captivité soient si incroyables que dans ses souvenirs. Il devait y avoir une différence entre la vie en cage et celle en pleine air, combats ou non.
Il se demanda quelle aurait été la réaction de son équipe si ils avaient pu visiter ce zoo, dont l'accès était formellement interdite aux pokémons venant de l'extérieur. Sans doute auraient-ils trouvé triste de voir des camarades enfermés, même si ils étaient bien traités. Après quelques heures à déambuler entre les allées comme n'importe quel autre touriste, Alfaro jeta sa canette de Soda Cool dans une poubelle, admira une dernière fois un aquarium où nageaient deux otarias et se dirigea vers la sortie.
La deuxième partie du parc Safari l'intéressait davantage. Réservée aux dresseurs,elle était constituée de contrées à demi-sauvages où l'on pouvait espérer capturer une rareté. Une savane artificielle s'étendait sur plusieurs dizaines de kilomètres, entre terres arides et lacs d'eau douce entourés de verdure.
Alfaro n'avait pas l'intention d'y pénétrer aujourd'hui. Une simple reconnaissance de l'extérieur et une étude de l'intérieur du parc à l'aide de plans touristiques suffirait. Lui et toute son équipe étaient encore fatigués de leurs longues journées en pleine nature. Un jour de repos leur ferait le plus grand bien, d'autant plus que ce temps ne serait pas perdu à ne rien faire. L'apprenti fouineur avait bien l'intention de se préparer un minimum avant de commencer sa mission.
Les poches pleines de cartes et autres dépliants vantant les mérites du parc, il rentra au centre pokémon pour le déjeuner. Le check-up complet qu'il avait demandé quelques heures plus tôt devait être terminé et il lui tardait de connaître l'état de santé de Flavio. Il se dirigea droit vers le comptoir et tendit sa carte de dresseur à la personne à l'accueil. Un docteur, si l'on en croyait son visage plus vieux que la moyenne des infirmiers. A moins qu'il n'occupe le poste depuis un temps record.
-Alfaro Straeno, oui. Voici vos pokémons, dit-il en lui présentant les six pokéballs. Votre roucoups se porte à merveille, il ne lui restera qu'une cicatrice.
-Vous pourriez me dire où se situe l'arène de la ville, s'il vous plaît ? demanda Alfaro en accrochant ses balls à sa ceinture.
-Elle est à quelques rues d'ici seulement, vers l'ouest, à l'arrière du parc municipal. Mémorisez bien le chemin et munissez-vous d'antidotes, on ne compte plus les dresseurs venant faire soigner leurs pokémons gravement empoisonnés. Le champion, ajouta-t-il en voyant le froncement de sourcils d'Alfaro, est un spécialiste du type poison. Mais rassurez-vous, les morts sont rarissimes. Koga Kitamura peut paraître effrayant et un peu bizarre, mais c'est quelqu'un de très responsable avec des années d'expérience derrière lui. Un adversaire redoutable, mais pas cruel. Puis-je faire autre chose pour vous ?
-Non merci, ça ira. Bonne journée à vous.
Alfaro se détourna du comptoir sans laisser le temps à l'infirmier de lui rendre son salut. Son dernier combat d'arène avait été remporté si facilement qu'il aurait pu douter de la férocité de ce fameux Koga. C'était sans compter les difficultés qu'ils avaient eu à traverser le val et la peur que lui avait causé l'accident avec Flavio, un peu plus d'une semaine auparavant. Un brin d'entraînement supplémentaire aux alentours de la ville l'aurait rassuré, mais il se souvint soudainement qu'il n'avait plus aucune raison de combattre les champions d'arène. La Tombe Creuse était déjà une source d'information et Daisy n'avait-elle pas dit que Koga ne faisait pas partie de leur réseau ?
Cette indépendance heurta Alfaro avec la vivacité d'un orteil cogné contre un meuble. Koga pouvait très bien être en possession d'informations dont ne disposait pas la Tombe. Il ignorait trop de choses sur lui pour se permettre de prendre le risque et, avec un soupir de lassitude, se dirigea vers le réfectoire du centre pokémon. Il espérait que la machine a café ne soit pas en panne, son cerveau aurait besoin de cogiter sur deux problèmes à la fois : le parc et le champion.
La deuxième partie fut bien plus facile que la précédente. Attablé devant un bon burger-frites, Alfaro avait une vue sur l'ensemble de son équipe et du repas conséquent qu'il avait eu à leur commander. Si l'infirmier disait vrai, Imhotep et Trotwood allaient lui être fort utiles contre les pokémons poison du champion. Le seul inconvénient résidait en la faible résistance de l'insecte. Billy et Dolce étaient eux aussi suffisamment résistants, bien que totalement dénués d'avantages tactiques. Les scénarios se multipliaient dans la tête du dresseur tandis qu'il vidait une bouteille de ketchup dans son assiette. Même avec un entraînement solide, les inconnues étaient trop grandes pour qu'il entre dans l'arène avec la certitude d'en sortir victorieux.
Il resta l'après-midi entier dans sa chambre, les brochures à propos du parc étalées sur la petite table. Avec un sourire, il se remémora le jour ayant précédé son intrusion dans la planque de la Team Rocket, sous le casino de Céladopole. Sa mission actuelle lui semblait bien plus facile puisqu'il n'avait qu'à fouiner un peu et prétendre s'être perdu s'il se faisait prendre. Le seul problème était la superficie du parc.
A en croire un plan, le safari était divisé en plusieurs zones avec au sein de chacune d'elles des pokémons plus ou moins différents ainsi qu'une cabane de repos et de gardiennage. Il se doutait qu'une armée de caméra était mise en place, ce qui le gênait autant que les éventuels malfrats sévissant à l'intérieur. Le risque zéro n'existait cependant pas et il n'aurait qu'à ouvrir l’œil en espérant que les caméras ne soient pas trop discrètes.
Il était inutile de surveiller ce qui était déjà surveillé, sauf corruption des gardiens. Leur nombre devait être conséquent pour un parc d'une telle superficie, aussi Alfaro abandonna-t-il l'hypothèse d'un graissage de pattes. Plus il y avait de gens à corrompre, plus difficile était le secret à conserver. Ses expériences dans les rues de Safrania lui avaient au moins permises de penser comme un criminel.
Tout cela réduisait le champ d'action de la Team a des endroits précis. S'armant d'un stylo, Alfaro entoura les cabanes et traça un chemin entre elles. Si activités suspectes il y avait, commencer par examiner les alentours des postes de garde lui semblait une bonne idée. Il ne pouvait pas non plus ignorer l'enceinte du parc, gardée par de hautes rangées de fils barbelés. La moindre faille, le moindre mètre plus neuf que les autres pouvait être une preuve.
Alfaro examina son travail. Un tas de croix, de cercles et de notes parsemaient le plan mais il était conscient que ses efforts pouvaient ne mener à rien. Tout ce qui était en son pouvoir était d'effleurer la surface d'un problème qui n'existait peut-être pas et écouter aux portes. Au moins, la Tombe Creuse ne pourrai pas l'accuser de ne pas avoir cherché à remplir sa mission.
Tôt le lendemain matin, Alfaro constata sans surprise que quelques dresseurs s'étaient rassemblés avant que les portes du Safari ne s'ouvrent. Loin de prêter attention aux bavardages, il préféra lire le panneau d'affichage et plus particulièrement une affiche qui ne s'y trouvait pas la veille. -"Le trésor du Safari", lut-il dans un grognement endormi. "Cette semaine, tentez de gagner une capsule secrète en trouvant tous les tampons disséminés dans le parc".
Le jeune dresseur doutait de l'intensité du défi maintenant qu'il avait quadrillé la zone dans un tout autre but, mais cracher sur une récompense facile aurait été idiot. Les portes de la cabane d'accueil s'ouvrirent alors et la petite foule y pénétra puis se mit docilement à la queue devant un grand comptoir. Alfaro fut accueilli par un grand guide brun et souriant.
-Bienvenue au Parc Safari ! C'est pour une entrée dresseur ?
Alfaro se contenta de hocher la tête avec un "hhm" évasif insuffisant pour refroidir l'ardeur matinale de l'employé.
-Ça fera 4500 pokédollars, continua-t-il. Il me faudra ta carte dresseur, ta ceinture de balls et ton sac. On garde tout jusqu'à ce que tu reviennes. C'est ton premier safari ?
-Oui.
Question stupide. Depuis l'adoption de la loi Nuzlocke, le Safari avait vu sa fréquentation chuter en masse. Si autrefois les dresseurs pouvaient capturer autant d'espèces qu'ils le désiraient, c'était aujourd'hui un aller simple, peu importe le résultat.
-Une petite présentation des règles s'impose. Interdiction d'utiliser tes pokémons ou objets. On te confie un sac dans lequel tu trouveras des balls et des appâts. Utilise ces derniers pour retenir tes captures, vise bien et avec un peu de chance, tu pourras repartir avec un compagnon en plus. Ici, les pokémons préfèrent fuir qu'attaquer les humains. Comme partout ailleurs, tu ne peux tenter d'attraper que le premier pokémon que tu rencontres. Des questions ?
-Aucune.
-Je vais maintenant te demander de retourner tes poches. Absolument rien ne doit être introduit dans le parc.
Le brun s'était déjà préparé à cette éventualité et avait prit soin de laisser dans son sac tout signe de tricherie. Il jeta dans une corbeille quelques vieux papiers, retourna ses poches bien en évidence et regarda le guichetier.
-Parfait ! Bonne chance et profites bien de ta virée sauvage, conclut-il avec un grand sourire. Alfaro s'empressa de partir devant lui et de franchir le tourniquet séparant la cabane de la première zone. Droit devant lui s'étendait un sol brun, puis les rives d'un lac. Quelques silhouettes humaines étaient visibles, mais nul trace du moindre pokémon. Il fouilla dans son sac, en inspecta le contenu et s'empara d'une boussole ainsi que d'une carte neuve. La journée pouvait enfin commencer.
Alfaro s'éloigna comme n'importe quel dresseur pressé d'attraper un pokémon, puis contourna un arbre aux feuilles minces. Il jeta quelques coups d’œil autour de lui et, certain que personne ne l'observait, se baissa et sortit de sous son jean la carte qu'il avait annoté la veille. Il la compara avec celle qui s'était trouvée dans son sac à dos et eut un sourire. La deuxième comportait l'avantage d'être plus précise et d'offrir plus d'informations sur les espèces de pokémons de chaque zone. Les moins communes étaient situées tout au fond du parc, il n'y avait donc aucune chance que qui que ce soit ne puisse les atteindre tout en respectant la loi Nuzlocke.
Tant de spécimens rares et aucun dresseur pour mettre la main dessus...Si la Team Rocket avait fait du Parc Safari l'un de ses terrains de jeu, elle se trouvait tout au fond. Le sourire d'Alfaro devint plus espiègle encore. Il avait toute confiance en lui malgré l'absence de ses compagnons. Un plan soigneusement préparé, des dangers facilement esquivables, une capsule secrète en guise de récompense...Cette mission lui sembla soudain bien plus facile que prévu.
Ce n'était pourtant pas une raison pour ne pas suivre le plan qu'il avait soigneusement concocté. Une journée entière pour fouiner lui avait paru suffisant pour couvrir tout le parc, à condition qu'il se fasse discret et rapide.
Plusieurs heures et un bon nombre de kilomètres plus tard, Alfaro dut admettre que les choses n'étaient pas aussi réjouissantes qu'il l'aurait cru. Il avait parcouru les trois quarts du parc sans repérer quoi que ce soit d'anormal. Les dresseurs vagabondaient, les gardiens patrouillaient, les pokémons fuyaient et ce Safari lui semblait de plus en plus conçu comme une arnaque. Voilà qui expliquait sans doute un concours avec un lot aussi rare à gagner. Faute de pokémons à capturer, le safari se transformait en randonnée avec une carotte plus facile à atteindre au bout du chemin.
De toute manière, cette nidoran femelle aurait été condamnée à rester chez le vieux Chen.
Le dresseur jeta un énième coup d'oeil à sa carte et sortit la boussole de sa poche. Il était difficile de se perdre dans une zone aussi vaste et dépourvue d'éléments. Seuls les lacs et quelques amas de rochers artificiels obligeaient les visiteurs à faire des détours. Quand aux tampons, ils n'étaient guère difficiles à trouver. Deux par zone, tous à proximité d'un quelconque monument tels que la Cascade Minidraco (un filet d'eau suintant d'un mur en pierre) ou la Montagne Cornue (un gros caillou à peine pointu). Le Parc Safari devait être désespéré pour donner des capsules secrètes aussi facilement.
Alfaro avait tamponné la dernière case de son morceau de carton coloré avec un bâillement non-dissimulé. C'était le milieu de l'après-midi et il lui restait une dernière cabane à visiter. Uniquement motivé par la chambre réservée au centre pokémon, il se dirigea vers l'est.
Toutes les cabanes de gardiennage étaient bâties sur le même modèle : la plus petite partie du bâtiment était réservée aux dresseurs fourbus et leur permettait de se reposer. Quand au reste, il s'agissait de dépôts de nourriture, médicaments et d'un centre pokémon miniature. A l'arrière, des garages aux portes grandes ouvertes attendaient que l'une des camionnettes vertes parte à travers le parc. Enfin, quelques caméras disposées bien en évidence dissuadaient les plus observateurs de franchir les portes signalées comme étant "réservées au personnel".
L'endroit n'était donc pas si bien gardé qu'il ne l'aurait cru mais Alfaro craignait que l'excuse du dresseur perdu dans le bâtiment ne fonctionne qu'une seule fois. Il ne voulait pas utiliser son atout sans le moindre soupçon, aussi restait-il un moment à l'intérieur de l'aire de repos en faisant semblant de se reposer.
En plus d'une surveillance visuelle laissant à désirer, les oreilles traînantes trouvaient de bonnes raisons de rester attentives. Derrière les portes et les grilles, les employés du parc n'hésitaient pas à se lancer des instructions sans se soucier des visiteurs. Alfaro n'avait jusqu'alors surpris que des conversations professionnelles, des boutades entre employés du même rang et même un moment un peu trop intime entre deux gardiens. Chaque fois, il s'était éloigné discrètement vers l'entrée des garages pour espérer apercevoir quelque chose de louche et chaque fois, il en était ressorti déçu.
Dans une habitude maintenant monotone, il prit bien soin de contourner la cabane de loin afin de s'en rapprocher par le côté opposé à l'entrée. Alfaro pouvait ainsi fureter tout en faisant semblant de chercher son chemin. Il s'approchait d'un garage lorsque quelqu'un l'interpella.
-Eh, le marmot ! On peut savoir c'que tu fais là ?
Alfaro sursauta et répondit de manière automatique.
-Désolé, j'me suis perdu. Vous savez où est l'entrée ?
Il se retourna et son cœur rata un bond. Il ne faisait pas face à un gardien mais à deux touristes aux yeux cachés par des lunettes de soleil. Leurs cheveux devaient être courts car ils étaient invisibles sous une casquette à visière.
-L'entrée est de l'autre côté, reprit celui qui l'avait interpellé d'une voix agressive. Alfaro ne bougea pas, les yeux fixés sur les deux hommes. Si eux-mêmes n'étaient pas des gardiens, que faisaient-il ici ?
-Besoin d'un guide ? demanda l'autre poliment.
-Non, ça ira. Merci du renseignement.
-T'inquiètes, petit. Et bonne chasse !
Le deuxième homme lui adressa un signe d'adieu de la main accompagné d'un sourire et le brun s'éloigna. Une fois l'angle du dernier garage franchi, il s'y colla et attendit, les oreilles grandes ouvertes.
-Arrête d'être aussi nerveux, entendit-il. Combien de fois il faut que je te le dises ? Agis comme n'importe quel dresseur et tout ira bien !
-Ouais, c'est pas toi qui tremble de trouille. C'est la première fois que je fais ça, moi…
-Tout se passera bien, attend juste un peu. Aucune chance qu'on soit observé maintenant, alors tiens-toi tranquille.
Un sourire carnassier s'étala sur le visage du natif de Safrania. Enfin quelque chose !
-Et si ça rate ? demanda l'agressif.
-Alors on aura juste pas eu de chance. Même avec des somnifères, ces pokémons sont difficiles à attraper. La dernière fois, j'ai dû lancer 20 balls avant d'en attraper un.
-Ces balls-là ?
-Du safari ? Tu rigoles ou quoi ! Ces attrapes-nigauds ne valent pas mieux qu'une pokéball. Non, on y va à l'hyper.
-Elles se font attendre…
-Alors on attendra. L'autre ne doit pas attirer l'attention.
-Excusez-moi messieurs, mais cette zone est réservée au personnel, lança une troisième voix. Alfaro se retint de bondir. Le nouvel arrivant venait tout juste de sortir du garage à l'angle duquel il était caché. Il recula silencieusement mais l'autre se dirigeait droit vers les deux touristes. Aucune chance qu'il puisse le voir.
-On cherche la sortie. Tous ces kilomètres, ça use.
-Vous devez attendre la fin du safari pour les navettes. Allez à l'intérieur de la cabane.
-C'est dommage, je me suis toujours demandé ce que ça faisait d'être un gardien du parc, roulant dans sa jeep sur un paysage aussi sauvage. Un vieux rêve d'enfance.
Alfaro risqua un coup d'oeil vers le groupe. Le gardien avait rejoint le duo et leur serrait maintenant la main d'un air entendu, comme si ils se connaissaient. Sans doute la conversation avait-elle été prévue d'avance comme une série de mots de passe. L'employé repartit ensuite vers le garage et, dans un vrombissement sonore, en sortit au volant d'une camionnette. La fumée du pot d'échappement acheva de camoufler Alfaro.
-Montez, vite. On n'a plus beaucoup de temps, indiqua le gardien.
-La faute à qui ? On a poireauté là une demi-heure !
-Un nouveau fait du zèle, ça m'a pris plus de temps que d'habitude pour rassembler l'équipement.
Voilà qui achevait de rendre le trio suspect. Loin de se diriger vers la sortie, la camionnette se dirigea vers l'extrême-ouest du parc safari. Alfaro aurait pu en rester là, mais son insatiable curiosité l'entraîna à leur poursuite. Peut-être obtiendrait-il un bonus s'il pouvait grossir son rapport pour la Tombe Creuse. Il jeta un coup d’œil à sa montre. Il lui restait un peu moins de deux heures pour en savoir plus avant la fermeture du parc.
La camionnette avait prit beaucoup d'avance mais suivait un chemin bien visible formé au fil des ans par les marques de pneu. Il suivit la piste, ignorant le paysage autour de lui, et arriva enfin à un enclos traversé par la route. Une simple barrière en bois surmontée d'un panneau "Accès réservé au personnel" dissuadait les aventuriers amateurs d'aller plus loin. Cette zone n'apparaissait sur aucune des deux cartes et traversait les limites marquées du nord-ouest.
Alfaro franchit l'obstacle et courut se réfugier à l'ombre d'un grand rocher. Les cachettes comme celles-ci ne manquaient pas, comme si une petite montagne s'était effondrée sur elle-même et avait semé ses fragments sur le sol poussiéreux. Prudemment, il contourna les rochers jusqu'à arriver à portée d'oreille du trio.
Ils se tenaient à une vingtaine de mètres, derrière un rhinocorne assoupi. Ou plutôt inconscient, si l'on en jugeait son absence de réaction aux éclats de voix.
-Saleté ! Tu vas rentrer, oui ou non ?
Le pokémon fut aspiré par une ball mais en ressortit quelques secondes plus tard, toujours profondément endormi.
-T'es sûr que t'as mis la dose de somnifère ? demanda le plus calme des touristes au gardien.
-Oui, comme d'habitude. Un peu plus et il aurait été un cadavre en train de refroidir.
Nouvelle ball, nouvel échec. Les touristes grognèrent.
-A quoi ça sert de s'emmerder à pondre un plan si compliqué, hein ?
-Je te l'ai dit, on ne gagne pas à tous les coups mais un seul pokémon rare couvre les frais de quatre expéditions une fois revendu. La Team y gagne toujours.
-Alors prie pour que ça marche.
L'outil fit mouche, enferma le rhinocorne et remua plus longtemps que les autres. Un "clic" discret se fit entendre, preuve que la capture avait réussie.
-Pas trop tôt ! On à le temps de s'en faire un autre ? demanda l'heureux vainqueur.
-Trop risqué, et on a épuisé presque toutes nos balls. On rentre.
Le touriste, ou "Rocket" comme pouvait maintenant l'appeler Alfaro, s'avança vers la ball et tendit la main pour s'en emparer. Alfaro allait s'éloigner discrètement lorsqu'un sifflement se fit entendre à quelques pas de lui. L'instant d'après, le rocket poussa un cri de douleur. Le brun risqua un coup d’œil et le vit s'effondrer au sol sans avoir pu toucher à son butin. Les deux autres se retournèrent.
-Qu'est-ce que c'était ? Qui est là ? demanda le deuxième Rocket.
Aucune réponse. Le gardien s'avança vers la victime et l'examina. Paniqué, il ne put que crier.
-Merde ! C'est lui ! On y va, ne touche pas à la ball !
-Qui ça, "lui" ?
-Moi.
Surgissant de derrière un rocher, une silhouette habillée de vert sombre bondit avec souplesse à côté de la ball. D'un geste vif, il lança sans sommation deux lames en métal sur les criminels restant. Ils durent plier genou à terre sous la douleur sans que le nouvel arrivant ne trahisse la moindre expression de pitié, ses yeux froids cillant à peine.
-Pris la main dans le sac, gronda-t-il. Que fait un gardien de mon parc avec deux membres de la Team Rocket ?
-"Ton" parc, Koga ? Ne me fais pas rire, c'est toi qui appartient à la Team Rocket, répliqua le deuxième Rocket. Tu viens de commettre ta dernière erreur !
Le dénommé Koga ne répondit pas. Sans un bruit, il bâillonna et attacha les trois criminels. Le premier semblait s'être évanoui.
-Si c'est vraiment ma dernière erreur, autant vite rentrer à l'arène pour mener un combat. Ensuite, je m'occuperai de votre cas. Pouvoir reconnaître la valeur d'un dresseur avant de partir serait la moindre des choses pour un champion déjà condamné.
Il se tourna et darda Alfaro de ses yeux perçants. Le dresseur sut alors que ce regard lui était adressé. Il hocha la tête et Koga détourna les yeux. Il ramassa la ball, fourra les trois hommes ligotés dans la camionnette et en prit le volant. Il s'éloigna ensuite sans un regard vers le challenger.
Alfaro resta longtemps immobile, trop sonné par ce qu'il s'était passé sous ses yeux. Un ninja venait de mettre hors d'état de nuit trois criminels. Un ninja était le champion d'arène de Parmanie. Un. Ninja. Avec des armes de ninja. Même si les poignards étaient moins courants que les armes ressemblant à des étoiles, il avait suffisamment regardé la télévision pour savoir ce que faisait un ninja. Il se doutait que la réalité était toute autre. Après tout, Koga n'avait poussé aucun cri ridicule. Mais cela en disait assez long sur les tactiques que ses pokémons pouvaient utiliser.
Ses pieds le portèrent vers la première cabane qu'il vit et il attendit la navette menant les dresseurs trop éloignés vers la sortie. L'invitation au combat était sans équivoque : Koga voulait disputer un match immédiatement. Alfaro ignorait si les menaces du Rocket étaient sérieuses, mais le champion semblait lui accorder crédit. Si il voulait des informations, c'était maintenant ou jamais.
Il entra dans la première cabane qu'il aperçut et attendit la navette de retour vers l'entrée du parc, trépignant d'une impatience nerveuse. Les bribes de stratégie ayant flotté toute la journée dans son cerveau se transformèrent en plan de bataille. Avec maintenant quatre badges en poche, il se doutait que le reste des champions d'arènes deviendraient sérieux. Jusqu'à quel point Koga l'était-il ?
Alfaro resta concentré jusqu'à arriver au centre pokémon. Là, il pénétra dans l'habituelle salle où se trouvait le container servant à utiliser des capsules techniques. Il y enferma Dolce sans un mot, inséra le disque de Surf hâtivement reçu à sa sortie du parc et attendit. Quelles pouvaient être les raisons pour lesquelles Koga avait exigé un combat dès ce soir ? Il n'y avait qu'un seul moyen de répondre.
-T'arriveras à maîtriser ça ? Non, pas ici ! tempêta-t-il en voyant Dolce inspirer profondément. On verra à l'arène.
Une fois Dolce à l'abri dans sa ball, le brun quitta le centre pokémon et se mit à la recherche de l'arène. Comme le lui avait dit le médecin plus tôt dans la journée, il se dirigea vers le grand parc à proximité. Quelques personnes profitaient encore du calme des lieux et de la chlorophylle malgré la fraîcheur s'installant peu à peu. Une fois les grilles franchies, Alfaro n'eut qu'à suivre un chemin clairement indiqué par un panneau directionnel. Plus il s'éloignait de l'entrée et plus les clapotements d'un petit ruisseau se faisaient entendre.
L'arène se trouvait tout au fond. Si les bâtiments de Parmanie lui avaient semblé modernes, l'endroit où vivait le champion l'avait ramené plusieurs siècle en arrière. Une maison toute en largeur et au toit incliné très semblable au temple de Lavanville était visible derrière un petit muret. En guise de porte, des panneaux coulissants avaient été installés et l'on pouvait voir des estrades en bois tout le long de la bâtisse. Le ninja avait une demeure parfaitement accordée à son statut.
Derrière se dressait un grand entrepôt gris métallique, vers lequel pointait un autre panneau "arène". Nul doute que ce bâtiment-là était plus fonctionnel que le premier. Elle dominait la maison de sa silhouette morne et carrée, à peine colorée par l'inscription "Arène pokémon de Parmanie" fichée sur le mur, à coté des doubles-portes vitrées automatiques. Une arène moderne, mais froide. Alfaro y pénétra.
-Y'a quelqu'un ? héla-t-il en s'avançant vers un corridor.
L'accueil était désert, contrairement au stade. Ce dernier était délimité par quatre longues planches en bois au sein desquelles le béton avait été recouvert par du sable. Tout le reste était parfaitement gris, bien qu'arrosé du soleil couchant dont les rayons traversaient de larges fenêtres des deux côtés du toit. A l'autre bout, Koga l'attendait patiemment.
-J'apprécie que tu sois venu, dit-il d'une voix calme. Devoir abandonner mon poste sans un dernier combat aurait été décevant.
-Votre poste ? répéta Alfaro en écho. Pourquoi ?
-Je croyais que tu étais plus fin d'esprit. Tu sais que les trois du parc, cet après-midi, étaient des rockets. Sinon, pourquoi les aurais-tu suivi ?
-Quel rapport avec votre poste de champion d'arène ?
-Mon autorité n'est plus ce qu'elle était. Parmanie est peu à peu rongée par la Team Rocket, à commencer par le Parc Safari. Sais-tu quel effet cela fait-il de devoir abandonner des pokémons à d'ignobles trafiquants sans aucun respect pour leurs pokémons ? Depuis quelques mois, cette zone a été retirée de mes compétences et abandonnée à ces pourritures.
Alfaro ne s'était pas attendu à un tel discours. Koga restait calme, mais une colère contrôlée déformait les coins de sa bouche tandis que ses yeux lançaient des éclairs devant lui.
-J'en ai eu assez. Mon honneur est incompatible avec l'hypocrisie qu'est devenue ma charge de champion. Coincer ces trois ordures m'a apporté une paix que je n'avais pas ressenti depuis quelques temps et j'espère qu'il en sera de même pour ce combat. Permet donc à un futur fugitif de partir l'esprit tranquille, conclut-il en empoignant une ball.
-Avant ça, j'aurais besoin de quelque chose.
-J'écoute.
-Alberto Straeno, un scientifique. Ça vous dit quelque chose ?
-Rien du tout. Je ne sors guère de Parmanie et ce nom ne me dit rien. Toi et ton parent pouvez vous targuer d'avoir des noms peu communs. Si je l'avais croisé, je m'en serais souvenu.
Voilà qui rendait tout combat inutile. Cependant, sa fierté de dresseur interdisait à Alfaro de faire marche arrière. Le champion devait bouillir intérieurement malgré son visage restait de marbre et le natif de Safrania imagina sa réaction s'il refusait. Il doutait que Koga lui lance un poignard, mais il valait mieux ne pas le contrarier pour autant.
Alfaro ne put retenir un petit sourire amusé. Combien de fois dans l'Histoire un champion d'arène avait-il été prêt à se montrer reconnaissant envers un challenger d'engager un combat ? Pas assez pour que le jeune dresseur ne puisse rater l'occasion de s'en vanter plus tard.
Les deux adversaires dévoilèrent leur pokémon en même temps. Comme Alfaro l'avait prévu, Trotwood faisait face à un pokémon de type poison. Le smogo devant eux était bien plus agressif que celui de Bruno. Dans une tentative d'intimidation, il enfla et dégagea une fumée corrosive, respirable même de là où le brun se trouvait. Alfaro n'en était pourtant pas inquiété. Même s'il s'agissait là d'un pokémon entraîné par un professionnel, quelques coups suffiraient à le transformer en ballon de plage crevé.
-Rafale psy, maintenant !
L'enthousiasme maîtrisé du natif de Safrania fut transmit droit sur l'insecte. Sa tête penchée vers son adversaire, Trotwood brandit ses petites pattes et les cercles violets sortirent de ses antenne. Le smogo amorça un geste pour esquiver mais ne put sortit entièrement du jet psychique. Il dévia, grogna et se mit en position d'attaque, enflant et expirant plus nerveusement. Un deuxième coup et l'affaire serait pliée.
-Recommen-
-Détritus ! le coupa Koga.
Poussé par l'ordre aussi cinglant qu'un coup de fouet, le smogo inspira plus démesurément que jamais. Avant qu'Alfaro et Trotwood ne puissent faire quoi que ce soit, il éructa une masse noire semblable à un rocher recouvert de pétrole.
Le débris fusa et atteignit le papilusion en pleine tête. Un premier craquement retentit lors de l'impact. Alfaro suivit des yeux le tracé noir, ébahi par la puissance du choc. La course de la comète prit fin contre le mur dans un sinistre bruit d'os brisé et, dans un éclatement, le rouge sombre du sang ainsi qu'une substance grisâtre s'ajoutèrent au noir détritus.
-Non ! hurla Alfaro.
Dans un geste aussi désespéré que tardif, il se précipita à grandes enjambées vers son pokémon. Ce n'était pas possible, pas aussi tôt dans un match, il devait y avoir une erreur.
Il n'eut cependant pas besoin de s'approcher plus. La masse noire tomba au sol dans un bruit mat, immédiatement suivi du corps de Trotwood. Alfaro resta immobile, empêché dans son mouvement par l'horreur de la vision. La petite poupée de chiffon qu'était devenu son pokémon avait laissé sur le mur un large soleil rouge et gris pailleté d'écailles. Tombée face contre terre, elle aurait pu être comique sans cet impact, sans ce craquement sinistre, sans cette marque sur le mur.
Il devait y avoir une erreur. Le papilusion qui se tenait à ses pieds ne pouvait être le sien. L'image qu'il avait de Trotwood était celle d'un pokémon joyeux, espiègle, blagueur, plein d'entrain. Pas ce corps immobile au crâne broyé.
Alfaro recula d'un pas. Il se rendit soudain compte qu'il respirait, ce qui lui parut étrange. Comment était-il possible de le faire alors que Trotood n'en était plus capable ? Comment qui que ce soit pouvait-il être en vie lorsque son pokémon venait de brusquement mourir, sans même un mot d'adieu ?
-Au moins, il n'aura pas souffert, lança clairement Koga.
Alfaro se retourna. Le champion ne laissait passer aucune émotion à travers son visage. Les bras croisés, il attendait calmement que son adversaire sorte son prochain pokémon.
-Je n'ai pas beaucoup de temps. Tu abandonnes ? Si c'est le cas, il sera mort pour rien. Une rage aiguë s'empara d'Alfaro. La bouche tordue par la colère, les yeux immobiles, il soutint le regard de Koga. Le champion aurait dû se montrer compatissant, cesser le match, au moins paraître choqué, mais il n'en était rien.
-Vous...Comment...
-C'était un accident, soit certain que je n'ai pas ordonné ce meurtre. Est-ce que tu continues ? J'attends.
Le sang pulsait à sa carotide lorsqu'il sortit Imhotep. D'abord placide, la curiosité du type sol se dirigea vers le smogo sur le terrain, puis sur son dresseur. Un cri d'horreur sortit de la bouche du sablaireau lorsqu'il vit le triste état de Trotwood. Il reporta son regard vers son maître et Alfaro était certain que sa colère lui était transmise lorsqu'il brandit ses griffes.
-TUE-LE ! rugit Alfaro.
Sans attendre, Imhotep bondit vers le smogo et l'éventra en deux coups de griffes. La boule flottante tomba, puis répandit un nuage toxique tout en se vidant de son sang. Il n'eut pas la même chance que Trotwood et poussa un gargouillement de douleur, appelant son dresseur. Son agonie dura une longue minute avant de toucher à sa fin. Koga n'avait pas fait le moindre geste.
-J'élève mes pokémons afin qu'ils ne tuent pas sans mon autorisation, dit-il. Tout membre de mon clan se doit d'avoir un contrôle absolu de soi-même. Celui-là a échoué, je respecte donc ta vengeance.
Le ton employé était calme et ferme, comme un discours préparé longtemps à l'avance. Peut-être Koga s'était-il retrouvé dans des cas similaires. Si tel était le cas, cette froideur ne calma pas Alfaro.
-Allez vous faire foutre, cracha-t-il.
Pour la première fois, un sourire naquis sur le visage de Koga. Cruel, amusé, le sourire d'un nidorino devant un roucool ayant osé le voir en tant que proie alors qu'il se savait prédateur. La rage d'Alfaro avait atteint un tel paroxysme qu'il n'en fut pas le moins du monde effrayé.
-Je ne pouvais pas rêver mieux comme dernier combat en tant que vassal d'un système aussi corrompu, dit Koga. Lutter pour la vie de mes pokémons ! Cela fait des années que je n'en ai pas eu l'occasion !
Il prit une nouvelle ball de sa poche et en sortit une énorme masse mauve et coulante comme de la boue. La créature, dotée de deux bras, deux yeux et une bouche, s'approcha du cadavre sur le terrain et l'engloutit. Le grotadmorv se rapprocha ensuite de son dresseur et déposa le smogo mort à ses pieds avant de se tourner vers Imhotep. En un éclair, Alfaro remplaça le sablaireau par Dolce.
-Je t'interdis de te retenir ! lui cria-t-il. Tue-le si ça t'arrange, mais donne tout ce que tu as !
Dolce tourna la tête vers son dresseur, incapable de le reconnaître. Son corps frissonna lorsqu'il vit le cadavre de son compagnon mort au combat et il feula une fois, puis une deuxième fois, plus violemment, en se tournant vers son adversaire. Le dos hérissé, il cracha à l'adresse du grotadmorv et attendit les ordres.
-Laser glace !
-Gaz toxic, puis liliput.
Le rayon bleu fusa et atteignit sa cible avant que le nuage mauve ne s'avance trop loin, coupant la respiration du grotadmorv. Ce dernier se contracta et diminua sa masse, le rendant ainsi plus difficile à toucher. Guidé par la rage, Alfaro n'avait même plus besoin de réfléchir. Tout ce qui comptait était de faire payer le fou dangereux en face de lui ainsi que chacun de ses pokémons.
-Surf, maintenant !
Dolce inspira et, dans un nouveau feulement, matérialisa une vague d'eau envoyant son adversaire rouler plus loin. Elle fut aussitôt asséchée par le sol tandis que le visage du grotadmorv réapparaissait au sommet de son corps, telle une hydre empoisonnée. Koga ne se laissa pas faire.
-Détritus.
-Esquive !
Mais la dernière attaque avait coûtée trop de force à Dolce pour qu'il puisse faire le moindre mouvement. Le grotadmorv ouvrit une large bouche et cracha non quelque chose de solide, mais un jet flasque recouvrant l'aquali. Ce dernier poussa un couinement de douleur lorsque sa peau fuma, rongée par l'apparente acidité de l'attaque. Il chancela, sévèrement touché.
-Surf, encore une fois ! Pleine puissance !
Dolce s'ébroua, ouvrit les yeux et invoqua une deuxième vague. Le grotadmorv tenta une esquive par le côté mais échoua et fut balayé hors de l'arène. Alfaro aurait souhaité entendre de nouveau le craquement d'un crâne brisé mais il n'en fut rien. La flaque puante resta inerte, trop faible pour bouger.
Sans perdre un instant, Koga remplaça le grotadmorv par un nouveau smogo. Dolce était épuisé, haletant et tremblant toujours sous l'effet du détritus. Tout aussi rapidement que son adversaire, Alfaro renvoya Imhotep sur le terrain. Si il y avait un pokémon capable de résister jusqu'au bout, c'était bel et bien le sablaireau.
-Brouillard, ordonna Koga.
-T'en occupes pas et Tranche !
Les yeux de Koga s'écarquillèrent de surprise tandis qu'Imhotep se jetait droit vers le nuage âcre lancé par le smogo. Ce dernier en fut expulsé d'un violent coup de griffe et fut prit en chasse par le type sol.
-Plaque-le au sol et tranche-le, qu'il ne se relève pas !
-Détritus, allez !
La panique dans la voix de Koga fut comme un stimulant pour la colère d'Alfaro. Cette fois-ci, seul un petit jet informe sortit de la bouche du smogo lorsqu'Imhotep le plaqua violemment contre le sable. Les griffes vinrent entailler l'une de ses joues depuis la commissure de ses lèvres avant qu'il ne soit rappelé par son dresseur. Imhotep brandit alors sa patte rouge de sang vers Koga, dans une attitude de défi.
Alfaro crut à un coup bas du champion lorsque son prochain pokémon apparut. Il lui semblait que trois smogos lui faisaient face, ce qui n'était assurément pas le cas. Énorme, presque aussi grand que son dresseur et au moins trois fois plus large, le smogogo s'avançait vers Imhotep en crachant une fumée noire.
-Tu penses pouvoir te le faire ? demanda le brun à son pokémon.
-Saaaab ! cria Imhotep en aiguisant ses griffes.
-Ok, Tranche !
-Détritus, à bout portant ! lança Koga.
Le type sol bondit vers son adversaire, ses griffes pointues prêtes à crever la monstruosité en face de lui. Le coup allait porter lorsqu'un sifflement, puis voix crachotante résonnèrent depuis l'extérieure.
-Ici la police de Parmanie, ordre à tous ceux présents dans l'arène et le domaine de sortir les mains en l'air ! Un mandat d'arrêt vient d'être émis contre Koga Kitamura pour meurtre. Le bâtiment est cerné, ne tentez rien ou nous ouvrirons le feu !
Alfaro se tourna vers son adversaire, à la fois intrigué et apeuré. Il était difficile de dire si les deux pokémons avaient saisis l'étrangeté de la situation. Aucun des deux n'avait porté son attaque mais ils continuaient de se fixer, immobiles, ne bougeant que par le rythme de leur respiration.
-Vous avez vraiment tué quelqu'un ? demanda Alfaro. Ça vous suffisait pas de dégommer trois Rockets ?
-Ne soit pas impertinent, jeune homme, je me suis assuré qu'ils étaient en vie en les déposant dans le premier hôpital. J'ignore ce qu'il s'est passé, mais il est hors de question de rendre des comptes à qui que ce soit dans cette ville corrompue jusqu'à la moelle.
Il lança quelque chose à Alfaro qui le rattrapa au vol. Au creux de sa main brillait un badge en forme de coeur. Dehors, les policiers tambourinaient à la porte.
-Considère que tu as gagné malgré les pertes que tu as endurées, et adieu. Destruction !
Le smogogo inspira et resta un court instant la bouche fermée et les yeux clos. Alfaro, dans un mouvement rendu brusque par la panique, se saisit de la ball d'Imhotep et activa le rayon. Peu lui importait sa propre sécurité, peu lui importait que Koga bondisse en direction d'une fenêtre sur le toit, peu lui importait ce qu'il adviendrait des restes de Trotwood, car le sablaireau n'avait aucun moyen d'esquiver l'attaque. Il n'osait imaginer perdre un nouveau compagnon en si peu de temps car cela, plus encore que la mort du papillusion, était impossible.
Le bâtiment tout entier trembla dans une explosion digne de mille bombes. Alfaro ferma les yeux et se protégea le visage avant d'être projeté par un souffle ardent. Sa tête heurta violemment le sol mais il repoussa la douleur sans pour autant parvenir à se relever. La ball d'Imhotep était toujours dans sa main mais il ignorait si son pokémon était en sécurité. Aux grincement des poutres métalliques s'ajouta un bruit de verre brisé. Deux aboiements retentirent derrière lui.
-Police de Parmanie ! Koga Kitamura, présentez-vous les mains derrière la tête !
-Sullivan au rapport, on a un jeune homme assommé devant nous. Besoin d'un brancard, un feu se propage et le bâtiment risque de s'effondrer ! Appeler les pompiers et...oh, merde !
La vue d'Alfaro était trop brouillée par des flashs blancs pour qu'il puisse savoir ce qui avait fait jurer le deuxième agent de police. Il tenta de se relever mais sa tête se renversa. Incapable de bouger plus, il se laissa transporter par deux paires de bras jusqu'à l'extérieur. Une nouvelle explosion, moins audible, retentit quelques secondes plus tard.
Il pensa s'être brièvement évanoui, à moins que le choc n'ait absorbé toute notion du temps. Lorsqu'il reprit conscience de la situation, il sentait que quelqu'un lui prenait le pouls et lui écartait la paupière. Ses sens revinrent alors peu à peu. L'air frais de cette soirée de printemps, un sifflement aigu résonnant à ses oreilles, l'odeur de la fumée, le matelas fin sur lequel il était maintenant posé, la coque lisse de la ball qu'il tenait toujours en main...Il grogna et tenta de se relever.
-Restez tranquille, lui ordonna une voix bourrue. Vous n'êtes qu'en état de choc, mais inutile d'aggraver votre cas. Respirez à fond, tout va bien…
Non, tout n'allait pas bien. Autour de lui, les sirènes de voitures hurlaient tandis que l'arène menaçait de s'effondrer, en proie aux flammes. Dans un geste puéril, il laissa tomber la ball dans l'espoir qu'elle s'active. La silhouette du sablaireau n'apparut pas.
-Imho...souffla-t-il.
Le secouriste ne lui répondit pas et continua ses examens. Alfaro inspira plusieurs fois et, une fois reprit, saisit la ball au sol en ignorant les nouvelles remontrances de l'autre homme. Il l'activa. Personne n'en sortit.
Il resta parfaitement immobile, trop sonné pour penser à quoi que ce soit. Le monde entier n'existait plus. Ni le bruit, ni les flammes, ni même Trotwood.
La pokéball était vide et Imhotep avait subi la destruction de plein fouet.
La vision du sablaireau écorché à vif, comme l'avait été Cleopatre dans la Tour Pokémon, s'insinua dans son esprit. Luisant de sueur, il bascula la tête et fut pris de vomissements. Une fois la crise passée, le secouriste le prit par les épaules, le ramena doucement sur le lit mobile et lui tendit un mouchoir avec lequel il s'essuya les lèvres. Le dresseur s'agrippa au métal du lit pour contenir ses tremblements.
-Restez tranquille, répéta le secouriste avec plus de douceur dans la voix. On maîtrise la situation.
Mais y avait-il quoi que ce soit à maîtriser ? Trotwood était mort, Imhotep l'avait rejoint, et tout ce qu'il avait eu en échange était un stupide badge en forme de coeur. Il était cependant trop épuisé pour se mettre en colère, l'horreur et le chagrin se battant pour savoir qui dominerait ses sentiments.
-On peut lui parler ? demanda un agent de police en s'approchant.
-Il est en état de choc, vous n'en tirerez pas grand-chose. Revenez demain, on le garde en observation. Une destruction dans un lieu fermé, mais quel aspicot a piqué Koga ?!
-Ça, c'est notre boulot de le savoir et ce dresseur pourra peut-être nous y aider. On repassera.
Alfaro regarda l'homme en uniforme s'éloigner et grimaça en sentant la tête lui tourner. Il ressentait plus nettement une douleur à l'arrière du crâne et palpa la bosse imposante s'y était formée.
-Comment vous vous sentez ? lui demanda le secouriste.
-Bien, je crois. La tête qui tourne.
Si les paroles du secouristes avaient été plus ou moins nettes jusqu'alors, Alfaro eu du mal à distinguer ses paroles dans le brouhaha les entourant. Il porta son autre main à sa tête et regarda autour de lui d'un air confus. C'était comme si quelqu'un avait baissé le volume des bruits environnants.
-Je...Je crois que j'ai un truc dans l'oreille.
Sa propre voix lui paraissait faible. Il tenta de se lever mais fut incapable de trouver son équilibre. Le secouriste l'obligea à s'asseoir et examiner ses conduits auditifs.
-Hématomes aux tympans, dit-il en articulant davantage. Ça arrive souvent après une explosion. Rien de grave, mais votre audition sera moins bonne pendant quelques temps. On vous garde pour la soirée, rallongez-vous.
Alfaro refusa le conseil. Immobile, les images du combat défilèrent devant ses yeux trop de fois pour qu'il puisse les compter. Soudain, les larmes lui vinrent aux yeux et il se maîtrisa. Hors de question de pleurer devant quelqu'un, peu importe à quel point il sentait son cœur déchiré.
Les doigts blanchis tant il serrait le lit, il esquiva le regard du secouriste. Inutile de subir un regard triste ou compatissant, quand bien même il n'avait rien pu faire pour ses compagnons morts au combat. Un vide glacial s'engouffra alors en lui et il resta là, le regard vide, ignorant le chaos autour de lui.
Deux nouvelles tombes s'ajoutaient au cimetière de son voyage.
- Le commentaire d'après-chapitre:
Je savais que j'étais dans la mouise dès le premier combat d'arène, contre un jongleur avec un hypnomade de 6 niveau au-dessus de Dolce. La petite crise cardiaque en le voyant perdre quasiment toute sa barre de vie en une attaque annonçait d'emblée le cauchemar que fut l'arène de Parmanie. Bien sûr, j'aurais pu aller m'entraîner, mais je calque au plus possible le scénario sur mes actions de jeu et inversement. Donc, pas d'entraînement entre l'entrée en ville et le combat, Alfaro était trop pressé.
L'ironie dans tout ça est que j'espérais que Koga lance une destruction car j'avais ce pan de scénario en tête. J'aurais préféré qu'Imhotep survive. Trotwood aussi, prendre un coup critique dès le premier tour m'a choqué.
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| | | Iloufilm
Dresseur
Nature : Gentil
Niveau : 30
Exp : 433
| Sujet: Re: [Bleu] Traces - Nuzlocke Pokémon Bleu Romancé Dim 13 Nov 2016 - 17:31 | |
| Cette évolution de personnage. Nice OvO - Spoiler:
C'est un vrai cauchemar ce duo pervers Psy/Poison que sont ces 2 arénes de Parmanie et Safrania. Impossible de les passer sans perdre un seul Pokémon. D'ailleurs il me semble pas que tu ai passé l'aréne de Morgane...je crains le pire :c
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| | | Koukin
Écrivain
Nature : Prudent
Exp : 186
| | | | Mimoze
Designer
Nature : Modeste
Niveau : 30
Exp : 1860
| Sujet: Re: [Bleu] Traces - Nuzlocke Pokémon Bleu Romancé Mer 31 Juil 2019 - 19:05 | |
| Il va falloir que je reprenne du début pour me souvenir de tous les détails, mais je me souviens de mon coup de cœur pour ce Nuzlocke et son héros ... point très sympathique Bon retour en tout cas ! Question sans rapport : est-ce que tu comptes éventuellement publier sur ArchiveOfOurOwn ou tu resteras uniquement sur Fanfiction.net ? |
| | | Sébouss
Écrivain
Nature : Bizarre
Niveau : 25
Exp : 4535
| Sujet: Re: [Bleu] Traces - Nuzlocke Pokémon Bleu Romancé Mer 31 Juil 2019 - 19:23 | |
| J'avais lu les premiers chapitres avant de finir par oublier ce Nuzlocke. D'après mes souvenir, duu peu que j'en ai lu, c'est un excellent Nuzlocke ! Il faudrait que je (re)lise depuis le début, mais ça va prendre un peu beaucoup de temps. En tout cas, bon retour ! La vie est une maladie mortelle sexuellement transmissible. N'hésitez pas à suivre le compte Twitter officiel de Nuzlocke France juste là. Si vous souhaitez que vos Nuzlockes y soient publiés, faites votre demande ici. La liste de l'ensemble de mes Nuz se trouve juste ici ! |
| | | Koukin
Écrivain
Nature : Prudent
Exp : 186
| Sujet: Re: [Bleu] Traces - Nuzlocke Pokémon Bleu Romancé Lun 4 Nov 2019 - 17:15 | |
| Bwaaaaah, merci pour vos messages en encouragements, je les mérite trop pas tellement j'ai du mal avec le chapitre en cours (snif). Je dois écrire sur un truc que j'ai jamais connu, j'ai pas la foi, j'ai l'impression de faire que de la merde...Bref, c'est la grosse misère. Je vais peut-être mettre ce récit sur Archive et Wattpad, en plus de fanfiction. C'est des endroits qui bougent davantage, ça vaut le coup. |
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| | | | | [Bleu] Traces - Nuzlocke Pokémon Bleu Romancé | |
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