Un soir de printemps - Renouet, maison centrale - 02:25Foutues insomnies. Pas moyen de dormir, et ce quoi que soient les moyens employés: compter les lainergie, prendre des cachets de poudre dodo, et surtout, SURTOUT, ne jamais regarder l'heure.
Ce qu'elle venait de faire. Pour ce qui était certainement la dixième fois de cette minute. Sauf si son vokit était cassé. Ou si elle devenait folle. Ce qui était également une option.
Morphée refusant encore de l'accueillir en son royaume, l'adolescente de seize ans se contenta de se retourner dos à sa table de nuit où reposait l'engin, préférant scruter la fenêtre dont le ciel ne se décidait pas à s'éclaircir enfin.
Poussant un soupir de contrariété et d'impatience, elle se leva, s'habilla et s'assit devant son ordinateur, prenant garde à ne réveiller personne dans la maisonnée. . La fenêtre bleutée lui ouvrait un monde pixellisé qu'elle connaissait par cœur. Traînant au hasard sur forums et sites de vidéos, elle fronçait les sourcils les débats animant la toile.
"Pokémons: alliés ou esclaves?"
"Au service du roi!
Défendez les pokémons!"
"Terroristes ou résistants?
La team Plasma: enquête au cœur du réseau"
Les avis divergents sur les évènements des derniers mois envahissaient et envenimaient toutes les discussions comme une foule de plantes aux graines portées par le vent… Le monde qu'elle observait d'ici se déchirait, et lui donnait envie de hurler. La polémique enflait dans les villes, dans les émissions et sur la moindre adresse URL. La jeune fille se sentait perdue, n'ayant jamais vécu avec les pokémons, voyagé comme les dresseurs qui selon les uns entretenaient l'amitié humains/pokémons et selon d'autres torturaient inutilement des esclaves-nés au potentiel supérieur.
Elle éteignit son ordinateur, chopa sa veste et sortit, l'esprit en vrac. Postée devant la mer, elle inspira profondément et voulu écouter sa musique sur son vokit. Avant de s'apercevoir qu'elle l'avait oublié. Zut. Demi-tour. Elle se dépêcha, et eut la surprise de voir le professeur Keteleeria regagner son labo. Étudiait-elle des pokémons nocturnes? Les chovsourirs peut-être? Après tout, c'étaient les seuls avec les poichigeons à s'aventurer dans le village... L'enclavement du lieu aurait sa peau.
Mais ce qui la surprit d'autant plus, ce fut la lumière au rez-de-chaussée de sa propre maison.
"Maman…"La porte poussée, elle l'attendait, un paquet posé sur la table et un sourire aux lèvres.
-Cha… Déjà réveillée?
Seul le silence lui répondit. Certaines questions n'ont pas besoin de réponse n'est-ce pas? La jeune fille s'approcha et toucha le papier, guettant l'approbation de sa mère du coin de l'œil. Elle lui accorda d'un sourire. Son nom était écrit sur l'enveloppe. Il n'y avait pas besoin qu'elle le lise, elle savait déjà les mots qu'elle contenait, par cœur. Elle enleva délicatement le papier kraft, puis le couvercle de la petite boite en carton qu'elle entourait. La pokéball qui lui était destinée était là. On pouvait penser que ça manquait de cérémonial, mais cela faisait un an qu'elle l'attendait. Mais depuis plus une heure maintenant, la totalité des adolescents avaient plus de quinze ans, et l'attente du trio d'amis portait désormais ses fruits, sous forme de trois sphères légères comme un souffle, attendant d'être emplies de vie.
Elle serra sur sa poitrine la clé de sa découverte du monde, tandis que sa mère essuya doucement les larmes perlant à ses yeux.
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Renouet, labo du Pr. Keteleeria - 08:00- Mais… Je vois que vous les avez fait combattre!
Les trois adolescents hochèrent la tête d'un air gênés. La tentation de ne pas attendre le professeur avait été bien trop forte, et les monstres de poches affichaient une satisfaction et ne cessaient de se chamailler. Et il était facile pour le professeur de constater que les bestioles à peine sorties de leurs pokéballs n'était pas tout à fait aussi faibles qu'elle ne l'aurait calculé. Les adolescents appréhendaient légèrement les remontrances de la jeune femme leur faisant face…
- Merveilleux! Vous avez déjà tissé des liens avec eux!
… et se détendirent aussitôt. Hm. Jane Keteleeria n'était certes connue pour ses réactions excentriques, mais Tcheren avait une conscience aigüe des risques stupides qu'ils avaient encourus à effectuer un premier combat sans la présence d'un dresseur expérimenté. Le plus responsable du trio constituant la jeune génération du village glissa un œil vers ses amies. Bianca souriait gaiement, pensant sans doute à un futur qui ne pouvait, à son sens, n'être que radieux, tandis que Cha restait impassible, plongée dans ses pensées.
Que dire de plus?
Dehors, le ciel gris perlé contrastait avec la mer claire et l'horizon pur. L'attention de la jeune fille était vers cette ligne fine entre deux mondes. Délaissant les explications de la professeur toute excitée à l'idée de lancer ses premiers apprentis dresseurs, Cha pensait à ce trait fin. Là, les grands espaces se prolongeaient avec une beauté trouble. Penser que dans certains endroits peut-être, elle verrait l'horizon de tous côtés, lui faisait sentir un vertige. Ici, la vision se heurtaient aux arbres trop serrés, frontière végétale menaçante où erraient les légendes, se finissants en falaises abruptes vers les flots dont on ne ressortait pas.
Interrompant sa rêverie, elle comprit qu'on lui demandait une réponse. Elle accepta sans même savoir ce qu'on lui demandait. Elle aurait accepté de se crever les yeux si cela aurait été nécessaire à son départ de ce temple de l'ennui.
On lui remit un carnet rouge, une carte de sa mère, milles recommandations et, enfin, le départ se fit. Les trois amis posèrent le pied sur la route 1, avec émotion. On ne laissait pas approcher les enfants des hautes herbes, de peur qu'il ne se fassent attaquer, et là était leur première sortie.
-Rendez-vous à Arabelle, le dernier à un gage!
Soupir. Bianca ne grandirait jamais.