Quentin Gervasoni est titulaire d'un "Master Sciences de l’Education spécialité Sciences du Jeu" obtenu à Paris 13. Il a réalisé plusieurs travaux en lien avec la série Pokémon :
- « Transmission des savoirs et savoir faire du rom hacking : Le cas de la communauté de ROM hacking de ThePokécommunity », Mémoire réalisé sous la direction de Agnès Jeanjean, Université Côte d’Azur (2017)
- « Un voyage d’apprentissage », apprendre en jouant à Pokémon », Mémoire réalisé sous la direction de Mr. Vincent Berry, Université Paris 13. (2018)
- Il fait actuellement sa thèse sur « Les mécanismes affectifs de la captation des publics sur internet : production, diffusion et appropriation culturelle de Pokémon » sous la direction de Pascale Garnier (Paris-Sorbonne).
Gobou : Bonjour tnzn (alias Quentin Gervasoni), merci beaucoup d'avoir accepté cette interview pour Nuzlocke France. Tu es doctorant, spécialisé sur la série Pokémon et ses fans. Souhaites-tu te présenter en quelques mots ?tnzn : Alors, comme tu as dit, je suis doctorant et j'ai pas mal travaillé sur Pokémon. Je suis fan de Pokémon depuis la sortie des premiers jeux en France, et même si j'avais un peu mis la franchise de côté pendant le lycée, j'avais recommencé à y jouer en prépa sur émulateur et je suis rapidement "retombé dedans". Sinon, je ne sais pas trop quelles informations pourraient intéresser les gens !
Et par rapport à ton cursus ? Notamment ce que tu as fait après la prépa ?Ah oui, donc j'ai en effet fait une prépa de Physique Chimie parce que la prépa était présentée comme "le truc à faire pour ouvrir plein de portes", finalement après la prépa je n'avais pas envie de poursuivre en école d'ingé donc je suis parti en L3 de mathématiques parce que j'étais devenu plutôt bon en Maths en prépa. Seulement, je me suis rapidement laissé aller, je ne voyais pas particulièrement mon avenir comme prof de maths parce que ce que j'aimais c'était faire des maths, mais dans le même temps je ne me voyais pas être chercheur en mathématiques. Donc je n'allais même pas à la moitié des partiels. Du coup au bout de deux ans, comme je bossais pour des enquêtes pour mon Université et pas mal de mes collègues étaient en sciences sociales, ça m'a donné envie et j'ai réussi à bifurquer directement en L3 d'ethnologie/anthropologie, gros coup de chance. J'ai ensuite fait le master d'Anthropologie Cognitive qui allait à la suite, et j'ai fini par aller en M2 Sciences de l'éducation spé. sciences du jeu pour continuer à travailler sur Pokémon.
Tu as donc décidé de dédier tes travaux universitaires à Pokémon : pourquoi as-tu fait le choix d’étudier les jeux vidéo ? Et cette série en particulier ?La réponse courte et toute bête, c'est que j'aime beaucoup les jeux vidéo et Pokémon. Maintenant, pour une réponse un peu plus développée, c'est vrai que pas mal de facteurs sont entrés en jeu (haha). En L3, j'avais fait mon mémoire de fin de licence sur l'étude d'un bar de gaming (Meltdown à Nice), et j'avais fait un ou deux dossiers qui traitaient vaguement de thématiques liées au jeu vidéo. Après la fin de l'année, j'ai été à deux séminaires/colloques de recherche organisés par un sociologue à Nice, que ma mère connaît parce qu'elle travaille avec lui. C'est là que j'ai découvert un peu ce champ de recherche. Ca m'a d'autant plus motivé à travailler sur le jeu vidéo.
Du coup, l'été, j'ai commencé à réfléchir à un sujet de mémoire pour le M1, histoire de m'avancer. J'ai un peu échangé avec ce sociologue, Manuel Boutet, et je voulais au début faire un truc sur le theorycrafting et les plugins de mesure de DPS etc sur Final Fantasy XIV. Il m'a direct calmé en me disant que y avait déjà eu beaucoup (trop) de recherche sur les MMO et que si je voulais qu'il m'aide, il faudrait que j'ai lu à peu près toute la littérature académique sur les MMO. Du coup, j'ai cherché un autre truc, et je me souviens qu'en arrivant en début de L3 j'avais eu l'idée vague d'étudier les guides/soluces Pokémon (notamment parce que j'avais participé à un projet du genre), et de fil en aiguille j'ai fini par me dire que les ROM hacks Pokémon ça serait un sujet original (parce que justement j'avais joué à certains).
Effectivement les ROM hacks font l'objet de ton mémoire de M1 (nous l'aborderons plus en détail plus tard dans l'interview). Tes travaux s'intègrent donc dans un champ de recherche que l'on appelle les Games studies. Pour ceux qui ne sont pas familiarisés avec ce courant, peux-tu nous expliquer ce que c'est et comment ça a évolué au fil des décennies dans les sciences sociales ?Alors je vais essayer de présenter ça dans les grandes lignes mais sur certains points je peux me tromper, surtout que ce que je sais des Game Studies est dépendant des profs que j'ai eu qui m'ont accompagné.
En gros, les Game Studies, c'est un champ disciplinaire plutôt vaste et hétérogène qui ne recouvre même pas que des sciences humaines et sociales, et comme son nom ne l'indique pas, il traite uniquement des jeux vidéo et pas des jeux au sens large (jeux de société, jeux symboliques etc). On peut dire que ce champ est né dans les années 1990 et a été très prolifique du côté anglophone, mais que le développement plus large en études francophones a été un peu plus tardif même s'il a aussi commencé dans les années 90. Je dis aussi que ce n'est pas uniquement des SHS parce qu'une grande partie des travaux en Game Studies se rapproche plus des études littéraires et cinématographiques que des sciences sociales.
Pendant une bonne partie de l'existence des Game Studies, on a eu droit à une opposition un peu dichotomique entre deux approches, la "ludologie" et la "narratologie", c'est-à-dire l'étude des jeux vidéo comme systèmes de règles d'un côté, ou comme récits de l'autre. Il y avait très peu de travaux sur la pratique concrète des jeux vidéo, et même aujourd'hui, si la situation a évolué, ce n'est pas ce qu'on trouve le plus. Sinon, ce qui peut donner l'impression que les Game Studies sont un champ un peu marginal et anecdotique, c'est qu'il y a eu une sorte de "repli" de la discipline avec un dialogue limité avec les autres. En gros, on avait des études qui traitent du jeu vidéo avec une approche classique, par exemple l'économie du jeu vidéo, ou encore les nombreux travaux en psychologie, mais très peu en dialogue avec les Game Studies qui se créaient leur cadre propre ce qui fait qu'il y a énormément (trop même mais ça c'est vrai partout) de publications en Game Studies mais que ça fonctionne beaucoup en vase clos, même si ça change un peu récemment je crois.
Pour les personnes qui veulent aller plus loin je vous conseille ce super article :
https://www-cairn-info.ezproxy.univ-paris13.fr/revue-reseaux-2012-3-page-137.htm# Et sinon on peut ajouter que les "sciences du jeu" francophones ont pu avoir plus tendance à s'intéresser aux oppositions (puis à l'articulation) entre "game" et "play", entre les études "formelles" sur les dispositifs et les études des pratiques de jeu donc. Une dichotomie de plus qui a un peu structuré le champ mais qui devrait être un peu dépassée normalement. Et aussi que les "sciences du jeu" francophones traitent du jeu de manière plus générale et pas uniquement du jeu vidéo. Là aussi, celles et ceux que ça intéresse peuvent jeter un œil ici :
https://journals.openedition.org/sdj/Merci beaucoup pour les liens ! >o<
Tes travaux s'intègrent aussi dans ce qu'on appelle les fans studies, non ?Au départ un petit peu, oui, mais je m'en éloigne partiellement. En gros, les game studies comme les fan studies sont je crois issues de ce qu'on appelle les "cultural studies" qui traitent des cultures dites "populaires". Les fan studies ont la particularité de s'intéresser aux sous-cultures de fans, et d'avoir été traversées, surtout au début, par la volonté de légitimer ces cultures et ces pratiques, donc c'était une approche moitié militante, moitié scientifique (ce qui n'est pas un mal en soi même si ça peut parfois mener à quelques "dérives", mais de toute manière la science est à peu près toujours un peu politique surtout quand le sujet est politique). Les principaux résultats des fan studies ont été de montrer que les fans s'organisent pour participer collectivement à la vie des franchises et oeuvres culturelles dont ils sont fans et créent des espaces (principalement sur internet) propices à cette participation. Le problème des fans studies est qu'elles ont tendance à avoir un effet grossissant en faisant passer des pratiques assez marginales en termes de nombres pour une norme, et surtout à mettre en avant les "meilleures" productions de fans pour valoriser les fans. Par exemple, montrer des bonnes fanfics, parler des fanfics qui ont fini par servir de tremplin à une carrière littéraire. Bref, les success stories. On entend peu parler des fanfics médiocres voire très mauvaises d'un point de vue scolaire/légitime qui sont pourtant la majorité je crois.
Même moi dans mon mémoire sur le ROM hacking, je me rends compte que j'ai quand même assez peu parlé des ROM hacks les plus mauvais (en tout cas jugés comme tels), même pas du tout.
Est-ce qu'il existe d'autres études universitaires en lien avec la série Pokémon ? Que ce soit en France ou dans le reste du monde ? Ou tu es le seul pour l'instant ?Si tu m'avais demandé avant Pokémon GO, je t'aurais dit que je suis presque le seul. En gros, il y a eu un bouquin publié en 2004, "Pikachu's Global adventure : the rise and fall of Pokémon", par Joseph Tobin, qui est un ouvrage collectif et le seul livre universitaire à parler spécifiquement de pokémon à ma connaissance (peut-être qu'il en existe en japonais mais je ne crois pas, je devrais être au courant). Ce livre est vraiment daté, la plupart des informations sont désuètes, quelques réflexions restent intéressantes et peuvent être encore pertinentes aujourd'hui. D'ailleurs c'est amusant parce que le bouquin notait le déclin de Pokémon et que 15 ans plus tard c'est toujours pas si mal.
Sinon, il y a une belge, Fanny Barnabé, qui vient de finir sa thèse et a un peu bossé sur Pokémon. C'est très cool ce qu'elle a fait. Mais à part ça, il y a un article qui parle un peu de Pokémon qui date quand même de quelques années, quelques articles qui mentionnent un peu Pokémon mais pas plus de 2 ou 3 à ma connaissance. Et.... Des dizaines et des dizaines d'articles sur Pokémon GO en seulement 3 ans. En gros si tu cherches Pokémon sur google scholar, tu trouveras des articles sur le gène "Pokémon" qui code une protéine impliquée dans un cancer, et des dizaines de pages d'articles sur Pokémon GO qui sont pour la plupart un peu insipides je trouve, notamment parce que c'est toujours les mêmes questions : est-ce que c'est bon pour la santé (activité physique vs accidents), pourquoi les gens jouent (mais ça va jamais bien loin), et des questions d'économie et de droit...
Merci pour cette présentation du cadre général. Je te propose de parler plus en détail de tes travaux : tu as réalisé deux mémoires en Master. Le premier (que tu as évoqué plus haut) s’intitule « Transmission des savoirs et savoir faire du rom hacking : Le cas de la communauté de ROM hacking de ThePokécommunity », mémoire réalisé sous la direction d’Agnès Jeanjean (Université Côte d’Azur). En prenant l’exemple du forum ThePokécommunity, tu as étudié les formes que peuvent prendre la transmission des savoirs et des techniques dans le domaine, entre les hackeurs débutants et expérimentés, ainsi que les nombreux débats (et polémiques) autour du Rom Hacking. Pourquoi avoir choisi ce sujet ? Tu as parlé précédemment de son originalité, mais ce n'est probablement pas la seule raison ?Franchement je ne me souviens même plus exactement, c'était un peu "contingent" comme on dit, genre, Manuel Boutet m'a dit sans me le dire "ne travaille pas sur les MMO y a déjà trop de trucs", et j'ai repensé aux sites de soluces etc mais je me suis dit que c'était peut-être plus trop le truc à faire, et comme j'avais joué à quelques ROM hacks etc, j'ai repensé au ROM hacking. Après, l'avantage c'était que c'était un bon sujet pour un travail en anthropologie parce que la question de l'apprentissage apparaissait de manière évidente donc ça me donnait un angle d'approche. Pour le passage à la question par la transmission c'était surtout un recadrage théorique de la discipline proposé par Agnès Jeanjean.
Il faut savoir que très souvent, quand les gens justifient leurs choix de sujets et de problématiques ils reconstruisent le processus avec des justifications a posteriori, pas tant pour mentir que parce que ça fait apparaître des liens qui montrent que c'était pertinent au final, mais dans les faits y a souvent une bonne part de "hasard" des rencontres et des lectures et des événements. Et là comme on est pas à la fac je préfère rester transparent et honnête que faire des justifications à base de recoupements théoriques et conceptuels x)
Pourquoi avoir choisi de prendre ThePokécommunity, un forum anglophone, comme lieu d'étude pour le ROM hack ?Alors là c'est très con. Je me faisais chier parce que j'avais pas trouvé de job d'été pour la première fois depuis des années, et que les vacances avaient commencé en Avril. Du coup je voulais à tout prix commencer à bosser donc je me suis pas mal précipité. Donc j'ai pris le seul forum que je connaissais pour le ROM hacking, parce que j'étais tombé dessus auparavant. Il était très fréquenté (plusieurs dizaines voire centaines de visites simultanées à toute heure sur la partie ROM Hacking) donc je me suis dit que c'était cool. x)
Ah oui d'accord. X) Du coup comment as-tu étudié le sujet plus concrètement ? Comment sélectionnes-tu tes sources par exemple ?Quand tu dis "mes sources", tu parles des données de "terrain" ou des sources académiques ?
Plutôt tes données de terrain effectivement. Qu'est-ce qui est pertinent sur ce forum à étudier vis-à-vis de ton mémoire. Les messages, les roms etc...C'est toute la difficulté, c'est du bricolage constant, en fait. Comme je ne savais pas faire de ROM hack, j'étais un peu perdu face à la profusion de fils de conversation etc. Du coup, j'ai commencé par les threads "épinglés", les tutos de base, les discussions les plus récentes, et j'ai aussi envoyé un petit questionnaire préliminaire à quelques membres qui étaient d'accord pour me familiariser. Ensuite j'ai trainé sur Discord pour aussi me renseigner petit à petit en lisant les discussions, et discord est vite devenu une source de données importante. Et enfin j'ai essayé d'avoir un maximum de diversité, donc j'ai regardé un gros gros ROM hack (light platinum), un ROM hack plus modeste (celui de Crizzle, je ne me souviens plus du nom, celui qui était un peu plus "trash"), et un ROM hack qui était encore à ses débuts je crois. J'ai aussi regardé quelques ressources piochées plus ou moins au hasard mais pas tout à fait. J'ai aussi sélectionné en fonction de ce qui m'était dit pendant les entretiens surtout. Le but c'était que je délimite mon terrain en fonction de ce que les ROM hackers me racontaient qu'ils faisaient concrètement, pour m'assurer que ce que j'observais, c'était ce qu'au moins certains ROM hackers consultaient aussi, ce dont ils se servaient concrètement.
Pour le choix des entretiens c'est un peu pareil, j'ai essayé d'échanger avec des personnes dont les profils étaient variés en termes de statut dans la communauté et d'expérience et ancienneté.
Il est probablement très difficile de résumer presque une centaine de pages de mémoire en quelque mots. Mais peux-tu nous parler des conclusions que tu as tiré de cette étude ?Les conclusions que j'en ai tirées à l'époque ne sont pas tout à fait les mêmes que les conclusions que j'en tire aujourd'hui avec du recul. Mais d'un autre côté j'aurais du mal à dire avec précision les conclusions que j'en ai tirées à l'époque. Donc je vais plutôt parler des conclusions que j'en tire aujourd'hui avec du recul et un parcours plus varié.
Et je dirais que la conclusion que j'en tire, c'est que les communautés de ce type permettent des dynamiques et trajectoires d'apprentissages que l'école ne permet pas. Déjà, il y a une intégration très en profondeur d'une "culture populaire" dans le processus d'apprentissage, chose que l'école ne peut faire qu'à la marge, pour plein de raisons comme l’hétérogénéité des élèves mais aussi le fait que l'école a sa culture scolaire propre on va dire. Sur le forum de ROM hacking, les gens parlent avec du vocabulaire Pokémon, ont des avatars et pseudos Pokémon, et une partie de ce qui guide leurs productions ce sont leurs expériences vidéoludiques et surtout relatives à Pokémon (on le voit bien avec la manière dont les ROM hacks suivent quand même pas mal la structure narrative de Pokémon en général). Même les tutos en sont imprégnés. Ce genre de choses facilite un peu l'intégration de ce qu'on en sait.
En plus de ça, la structuration temporelle spatiale etc des apprentissages est très différente de l'école. Un point qui est commun à tout ce qui ressemble à ce qu'on appelle des "communautés de pratique" (concept que j'ai utilisé pendant le mémoire), c'est que les outils font partie intégrante de l'apprentissage ET de la pratique. A l'école, on doit faire des contrôles sans le cours, sans les calculatrices, etc, on sépare la phase d'apprentissage et la phase d' "application". Dans ce cas, ça n'existe pas. Les outils et les tutos sont toujours à disposition. Et les outils font partie de ce qui doit être appris (tu remarqueras qu'à l'école même des outils comme les compas et équerres etc finissent par disparaître, c'est vraiment de la "cognition" pure).
Enfin il y a le degré et les modalités des contraintes qui changent beaucoup. L'école impose un certain rythme, que ce soit un rythme d'activité mais aussi de progression, là où pour le ROM hacking c'est beaucoup moins rigide. On peut aussi décider de se lancer des projets qui prendront des années et ne seront pas forcément aboutis là où l'école demande à ce que ce qui est fait soit abouti. Les ROM hackers peuvent aussi assez vite décider de se spécialiser dans ce qui leur plait et ce à quoi ils sont doués, par exemple faire uniquement des "maps" ou uniquement des musiques qui serviront à d'autres ROM hackers, du moment que leurs productions ont une certaine utilité à la communauté elles sont reconnues, il n'y a pas un "curriculum" précis et général. Et enfin, les modalités d'évaluations sont beaucoup plus pluralistes. Comme j'en avais parlé, un ROM hack peut être considéré comme de mauvaise qualité par des hackers un peu élitistes et être pour autant appréciés du reste de la communauté des hackers et joueurs.
En somme ce genre de communautés offre quelque chose que l'école ne peut pas offrir
après je vais quand même nuancer un peu, même si je n'aime pas vraiment l'école le but n'est pas de taper dessus bêtement et de vouloir glorifier les communautés de fans. Ce qu'on voit le plus, ce sont les réussites, et certaines personnes abandonnent surement au bout de quelques jours ou semaines ou ne progressent pas faute d'un cadre adapté (peut-être aussi parce qu'on les a habitués à travailler dans un cadre rigide aussi ? je n'ai pas de réponse définitive à ça).
Tu l'as un peu évoqué plus haut en parlant des sources et de ta méthodologie : dans ce mémoire, ainsi que dans le reste de tes travaux, tu te bases beaucoup sur les entretiens (que tu réalises soit en présentiel, soit par écrit via Skype ou Discord généralement). Quels sont les intérêts et les limites de ces entretiens ?L'intérêt majeur des entretiens dans ce cas, c'était d'aller au delà d'une simple analyse de la structure du forum qui m'aurait uniquement permis de faire des suppositions potentiellement déconnectées de la réalité sur les trajectoires d'apprentissages. Quand on observe que le forum on peut se contenter de lire les gros tutos et les gros threads alors que le fait de faire des entretiens, ça m'a permis par exemple d'apprendre que le logiciel pour faire des maps qui était le plus utilisé était apparemment désuet, mais que par habitude c'était celui qui était toujours mis en avant, et que les hackers un peu plus experts préféraient une version open source présente ailleurs sur le forum. Ça permet aussi d'avoir des informations sur les parcours des hackers, comment ils en sont arrivés à faire du hacking (souvent d'ailleurs c'était la même chose, quelqu'un tombe sur une vidéo Pokémon avec un ROM hack un peu au hasard et s'intéresse un peu).
Les limites, c'est déjà celles qui vont avec tous les modes d'entretiens : on peut pas en faire des centaines, forcément on biaise ce qui est dit en orientant avec nos questions, et bien entendu même quand l'interlocuteur est de bonne foi, il peut reconstruire un peu son parcours, mettre des choses en avant plutôt que d'autre, comme quand je parlais de ce qui a mené à choisir mon sujet de recherche par exemple en fait. Enfin, le fait que c'était des entretiens à l'écrit, ça permettait un mode d'expression similaire à ce qu'ils font quand ils parlent de ROM hacking, mais ça donnait des entretiens parfois un peu plus directifs à base de "question-réponse" que la dynamique qu'on peut instaurer en face à face
Dans ton second mémoire sur l'apprentissage des jeux Pokémon (dont nous parlerons également plus tard dans cet entretien), tu as également réalisé des interviews. Tu as interrogé des personnes d’âges très différents (allant de pré-adolescents à de jeunes adultes) : est-ce que tu as remarqué un rapport différent à la série en fonction de l’âge de l’interviewé ?C'est un peu le cas mais c'est très difficile de tirer des conclusions strictes à ce sujet. Comme tu as dû le voir, je n'ai réalisé que peu d'entretiens, l'objectif était plus d'analyser en profondeur des trajectoires d'apprentissage que de caractériser des types de joueurs. Malgré tout, sans surprise, les plus jeunes étaient plutôt portés sur l'aventure, alors que les plus âgés avaient un certain goût pour la complexité, la stratégie, le PVP. Il y a aussi le fait que les plus âgés ont l'air de ne pas avoir le même rapport à la difficulté, ou plutôt qu'à la difficulté, à l'accompagnement par le jeu. Et pourtant, ce n'était pas des joueurs ultra "casu", ils passaient du temps à se renseigner sur internet eux aussi, et avaient un nombre impressionnant d'heures de jeu. On peut avoir tendance à se dire que les évolutions en termes de game design par l'industrie du jeu vidéo lors des 10 dernières années a quelque chose à voir avec ça, mais ça mériterait une enquête d'une bien plus grande ampleur pour explorer ça
Est-ce que Pokémon est une série qui est aujourd’hui majoritairement pratiquée par des vingtenaires ? Ou, au contraire, il s’agit d’un jeu touchant plusieurs générations avec un public qui se renouvelle ?Haha, la grande question. Je me souviens m'être "amusé" à débattre de ça avec quelqu'un, sur le groupe Pokémon Trash je crois (ceci n'est pas une pub :p). A l'heure actuelle c'est impossible je pense d'avoir une mesure fiable de l'âge des joueurs de Pokémon. Ne parlons même pas de l'anime. On peut voir des tendances, mais ces tendances ne nous apprennent rien d'inédit : la proportion des + de 15-18 ans augmente, oui, rien de bien étonnant. Mais dans les faits, les chiffres que les gens aiment bien avancer pour dire que Pokémon est devenu une franchise d'adultes (et que ThePokémonCompany devrait s'adapter et évoluer avec son public) se basent sur les inscriptions au club Nintendo ou encore sur l'âge moyen (perçu) de certaines communautés de fans (par exemple Pokémon Trash, ceux autour de Fildrong etc). Les biais méthodologiques (quand on peut parler de méthodologie) sont évidents en fait. Du coup, savoir s'il y a 15, 30, 50% de 15-18+ qui ont acheté les derniers Pokémon/qui continuent d'être fans de Pokémon et achèteraient des jeux "plus matures", ça me paraît compliqué. Après tout, pas mal de fans prédisaient un flop de Let's GO parce que "la switch c'est une console trop chère pour les enfants et Let's GO s'adresse aux gamins", pourtant les ventes ont été très bonnes pour la switch.
Je crois surtout qu'il y en a beaucoup en primaire, moins au collège, peu au lycée, et ensuite ça remonte après le lycée.
Est-ce qu'on aurait pas tendance aussi à surestimer la proportion d'adultes jouant à Pokémon en se basant sur la communauté présente en ligne ? En oubliant éventuellement les jeunes joueurs qui n'ont pas forcément l'âge de fréquenter les forums/sites etc...C'est ça que je pense oui, et même parmi celles et ceux qui fréquentent les forums et sites, on peut imaginer que les plus âgés ont plus tendance à s'exprimer publiquement que les plus jeunes, ou alors pas dans les mêmes espaces. Par exemple, dans le cadre de ma thèse, j'ai commencé à élargir mon corpus aux commentaires de chaines Youtube de taille "intermédiaire", et j'ai l'impression de voir beaucoup plus de jeunes (surtout jeunes collégiens plutôt) que sur la chaine officielle ou dans d'autres communautés.
Parlons plus directement de ton second mémoire, il s’intitule « Un voyage d’apprentissage », apprendre en jouant à Pokémon », réalisé sous la direction de Mr. Vincent Berry (Université Paris 13). En résumant très grossièrement, il s’agit d’étudier comment les joueurs apprennent à jouer à Pokémon. Qu’est-ce qui t’a motivé à travailler sur ce sujet ?Avant de parler plus directement de mon mémoire, je conseille aux gens de se renseigner sur Vincent Berry, c'est un chouette type et je vais faire un peu de pub pour son bouquin issu de sa thèse, "L'expérience virtuelle", une thèse sur WoW et Dark Age of Camelot haha.
Du coup, pour ce mémoire, comme je l'ai dit tout à l'heure, je l'ai fait après avoir changé de Master. Sans rentrer dans les détails, je voulais faire mon mémoire sur Showdown, et je voulais essayer de voir s'il y avait des transferts d'apprentissages, notamment de l'école et du reste de la vie vers les compétences en jeu. Au final rapidement dans l'année, mon directeur m'a conseillé d'élargir aux jeux vidéo Pokémon en général pour des questions stratégiques notamment dans l'optique de commencer à réfléchir à la poursuite en thèse. Parce que Showdown c'est quand même franchement de niche donc ça vend moins.
Ce qui m'a motivé à regarder précisément comment les joueurs apprennent à jouer, c'est le fait très peu de travaux ne l'ont vraiment fait de manière satisfaisante et en profondeur. On a énormément de travaux qui prétendent travailler sur le lien entre jeux vidéo et apprentissages, mais sans vraiment observer des gens qui jouent et sans vraiment se demander comment les gens ont appris en pratique, ils étudient plutôt le dispositif de jeu, la manière dont les concepteurs veulent que le jeu s'apprennent, comment ils pensent que les joueurs apprennent. Sur les centaines d'articles publiés dans les deux revues majeures de Game Studies ("Game Studies" et "Games & Culture"), je n'ai pas trouvé la moindre étude qui traite de trajectoires d'apprentissages de joueurs.
(d'ailleurs je pourrai éditer mon message sur le game studies plus haut pour ajouter 2 lignes sur le fait qu'une grosse partie des game studies traite de quelques jeux)
Du coup ton objet d'étude était beaucoup plus large qu'un simple forum. Comment as-tu travaillé cette fois-ci pour couvrir le sujet ?Un peu à l'arrache au départ je dois dire. En gros, ça demandait de mener des entretiens en direct, auprès d'un public hétérogène parce que je voulais des jeunes qui sont souvent absents des enquêtes de game studies je crois. Sauf que j'étais nouveau dans la région, donc je ne connaissais personne ou presque. J'ai commencé à chercher dans le collège où je travaillais, mais c'est un collège de banlieue où peu de jeunes jouaient encore à Pokémon, ou du moins où la plupart ne l'affichaient pas. En plus de ça, certains parents étaient réticents. Donc j'ai fait comme j'ai pu. J'ai eu quelques pistes peu fructueuses aussi. Sinon je suis aussi passé par des pages Facebook pour élargir, et par des connaissances.
Ce mémoire, je l'ai construit comme une étude pilote qui était censée servir de base à une enquête plus rigoureuse et plus vaste en thèse à l'origine donc je me suis permis un gros bricolage méthodologique. En plus, entre les cours et les 20h de boulot par semaine au collège + quelques pépins personnels ça a été une année compliquée pour faire plus
Là encore, c’est probablement très difficile mais peux-tu nous parler brièvement des tenants et des aboutissants de ce mémoire ?Je pense que ce qui est ressorti de plus intéressant, c'est que pour un jeu qui en apparences est éclaté et se joue plutôt de manière "isolée", quand on retrace les trajectoires d'apprentissages et les pratiques des joueurs, on se rend compte que ça s'inscrit dans un réseau, où on a d'un côté la famille (frères et sœurs, parents qui aident dans les premières années en particulier quand le joueur ne sait pas lire), les amis, mais aussi les autres fans sur internet, à travers des conversations dans des communautés, mais aussi de nombreuses ressources comme des wikis, des soluces, des vidéos etc. Ce que j'ai voulu montrer c'est qu'on ne peut pas chercher les raisons du succès des jeux vidéo comme "dispositifs d’apprentissage" où les joueurs apprennent à assimiler des mécaniques et informations complexes, en ne regardant que le dispositif sans prendre en compte le contexte social plus large de la pratique de jeu.
A propos de ces réseaux/communautés, dans ton mémoire (que j'ai eu la chance de lire), tu expliques que Pokémon est un "jeu solo massivement multijoueur" ?En gros comme je disais, c'était une expression un peu fun (on aime bien les jeux de mot un peu nuls à la fac surtout en SHS) qui s'appuyait comme tu te doutes sur "jeu en ligne massivement multijoueur", avec un côté un peu oxymorique là, pour montrer cette tension entre le fait que Pokémon est principalement un jeu solo malgré les fonctionnalités qui permettent de faire du multijoueur et aujourd'hui du "online", et le fait que comme je l'ai dit au dessus c'est un jeu qui se pratique et s'apprend en entrant en relation avec plein de monde, IRL et sur internet. Pas uniquement pour jouer, y a aussi toutes les conversations sur la franchise en général. Et ce que j'ai aussi voulu montrer à travers cette expression et dans le mémoire, c'est que j'ai l'impression que c'est dû à la rencontre de la propension des jeunes et des joueurs de jeux vidéo surtout à partager leurs loisirs, et le fait que Nintendo et ThePokémonCompany ont aussi essayé d'induire ces dynamiques. A travers le transmédia (le fait que les différents supports comme les jeux vidéo, les cartes, l'anime produisent des "narrations" qui dialoguent entre elles tout en étant partiellement indépendantes en gros), mais aussi à travers le game design (stats cachées, events, easter eggs...) qui poussent à explorer au delà d'une simple balade dans le jeu.
A propos justement du caractère transmédia de la série, tu insistes beaucoup dessus. Pourtant, si tu remarques des liens avec d’autres médias (notamment l’animé), ton objet d’étude reste principalement l’apprentissage du jeu vidéo. Pourquoi ce choix ?Alors pour ça, je suis tout à fait d'accord. Maintenant, y a deux choses. D'une part, la faisabilité. Si je voulais tout traiter, tout serait traité de manière de superficielle. Du coup, je préfère me focaliser sur le jeu vidéo, parce que c'est un univers avec lequel je suis plus familier et aussi parce que je pense que dans le cas de Pokémon, ça se justifie d'autant plus puisque le jeu vidéo est un peu au centre du "média mix" Pokémon. "Média mix" c'est pour faire simple un peu analogue au transmédia, c'est un concept qui est utilisé par l'industrie culturelle japonaise et par les chercheurs qui étudient cette industrie, pour parler de la stratégie qui consiste justement à décliner une marque sur plusieurs supports (c'est peut-être un peu plus large que transmédia, et plutôt appliqué au Japon). Pokémon est né avec le jeu vidéo, l'anime était surement prévu dès le départ, les cartes aussi, mais sont plutôt là en périphérie (même si c'est devenu relativement central). Les animes ne devaient probablement pas rapporter grand chose par exemple de ce que je sais du business model des animes surtout à l'époque, mais servaient à faire en sorte que Pokémon soit partout. Ça se vérifie un peu aujourd'hui quand on voit que Pokémon va aller jusqu'à investir la manière dont on gère notre sommeil (enfin, c'est en tout cas le projet de Nintendo avec Pokémon Sleep). Je précise quand même parce que cette phrase sonne un peu complotiste, que je vois juste ça comme une stratégie marketing un peu évidente, si Pokémon est partout dans notre environnement on est plus sensible à la marque, on s'y accroche plus etc.
Est-ce que ce caractère transmédia (ou "média mix") est-il spécifique à la franchise Pokémon ? Ou on peut citer d’autres jeux vidéo qui ont réussi à s’élargir à d’autres supports ?C'est super courant, historiquement ce qui est considéré comme le premier média mix japonais c'est atomic boy avec les stickers de chocolat de je ne sais plus quelle marque (voir le livre de Marc Steinberg à ce sujet, sur les Anime Media Mix), et celui qui a fait ça (Kadokawa) s'était inspiré de Walt Disney je crois à l'origine. Donc déjà rien que Disney avec ses films puis séries de dessins animés, jeux vidéo, BD, magazines, etc. Mais au Japon, même si Pokémon est l'exemple le plus frappant, c'est loin d'être le seul. Même si souvent, c'est plutôt l'anime qui est au coeur du media mix et pas le jeu vidéo. Mais bon, Final Fantasy dans une moindre mesure a sorti des films etc, sinon, y a tout ce qui est Blue Dragon, Yu Gi Oh, Digimon, et surement des centaines de jeux vidéo qu'on ne connaît pas en France.
Et du côté occidental, on a tout ce qui est autour de Marvel et DC par exemple, ou encore les Resident Evil, Matrix, Star Wars surtout.
A travers tes entretiens, as-tu remarqué des différences dans l’apprentissage du jeu en fonction de l’âge ? De la catégorie sociale ?Pfiou, comme je disais, j'ai pas tellement les données suffisamment larges pour donner une réponse très arrêtée, mais étonnamment, pas tant que ça j'ai trouvé. Les élèves que j'ai interrogés pendant mon M2 viennent vraiment des classes parmi les plus défavorisées qui soient, on parle d'un collège à Saint-Denis. Pourtant j'y ai trouvé des trajectoires d'apprentissages qui m'avaient l'air plutôt classiques. Cela dit, c'était des collégiens qui jouaient encore à Pokémon. Il est possible que si j'avais regardé parmi des élèves de primaire, ou des collégiens qui ne jouent plus, on aurait pu voir un peu plus de variations. Franchement c'est un sujet qui m'intéresse mais que je n'ai pas pu traiter de manière satisfaisante.
Par contre, mon directeur de recherches, Vincent Berry, en a un peu parlé dans son livre. Du fait que la pratique des jeux vidéo traverse les classes sociales, mais que ce qui fait aujourd'hui office de vecteur de différenciation sociale (on parle souvent de "distinction", dans le sens où nos goûts sont souvent un peu guidés par le fait de ne pas faire comme des classes qui sont "moins élevées" que nous dans l'échelle sociale), c'est plutôt d'une part, à quels jeux joue-t-on, et surtout comment on y joue effectivement. Vu que la "culture consacrée", tout ce qui est théâtre musées etc, a pas mal reculé, et qu'internet a brisé pas mal de barrières en théorie, la distinction se déplace dans la manière dont on consomme les produits culturels plus que sur la nature des produits qu'on consomme parfois. Et il y a certains jeux et certaines manières de jouer qui sont plus valorisées et valorisantes socialement que d'autres.
Par exemple c'est plus valorisant de jouer à un RPG à partir duquel tu vas parler de réflexions un peu "philosophiques", ou produire des fanarts de qualité, écrire des belles fanfics, produire des vidéos de qualité, que si tu joues à Call of Duty et que tu fais des vidéo avec la webcam de ton laptop en parlant avec un vocabulaire caractérisé comme "populaire" et que tu fais des montages un peu amateurs.
Au final, est-ce que tu penses que Pokémon est un jeu accessible pour les joueurs ? Je présume que cela dépend des mécaniques de jeu (capturer un Pokémon est plus facile à saisir que les EV/IV) ?Je pense que c'est un jeu qui quoi qu'on en dise offre pas mal de possibilités de jeu et de degrés d'investissement. C'est à la fois très accessible aux débutants, mais qui justement grâce à tout ce qui est EV/IV, combats compétitifs, shiny hunting, et après d'autres fonctionnalités pas forcément complexes mais variées et funs, il peut y en avoir pour pas mal de goûts. Maintenant, je suis d'accord avec ceux qui disent que les derniers jeux accompagnaient parfois trop et que ça donnait un effet un peu "tutoriel" sur les premières heures de jeu. Par contre, je pense que les gens ont oublié à quel point ils ont galéré sur certaines choses un peu bêtes quand ils étaient jeunes, et qui aujourd'hui leur paraîtraient super simples. Quand j'ai refait Pokémon Crystal récemment, j'ai fait la ligue avec des pokémons
* niveau 42-47, sans prendre le temps de grind quoi que ce soit. Ce qui faisait qu'on passait beaucoup de temps à XP, qu'on se perdait etc, c'est quand même très fortement lié au fait qu'on était... jeunes et débutants.
Pour donner deux exemples concrets, j'ai parlé plus haut de l'unique ouvrage collectif sur Pokémon. Un des chapitres, c'est un chercheur qui décrit les apprentissages de son fils qui découvre Pokémon. C'est un des meilleurs chapitres, encore un peu intéressant aujourd'hui. C'est un fils de chercheur, dont on parle, en plus, et il avait 5-6 ans, comme quand j'ai commencé. Et pourtant, il a eu énormément de difficultés, même en se renseignant avec les magazines etc. Une des principales difficultés reste la lecture pour les jeunes, mais pas que. Eh bien il se trouve que le fils de mon directeur de thèse a aussi fini par se perdre dans Pokémon Let's GO à un moment donné. Et que si vous lisez les récits sur internet de jeunes parents qui font découvrir Pokémon à leurs enfants, ça ressemble beaucoup à ce que j'ai pu lire à propos du fils de chercheur dans l'ouvrage académique.
Tu évoques l'effet "tutoriel" des derniers jeux : dans tes entretiens, comment est perçue la tendance de Soleil à Lune à prendre le joueur par la main ?Alors, le plus âgé s'en est pas mal plaint dans mes souvenirs. J'ai aussi pas mal d'amis qui m'ont dit qu'ils n'ont pas dépassé les premières 30min-1h du jeu à cause de ça, ça dépasse le cadre strict de mes entretiens mais c'est équivoque. Et d'un autre côté, parmi les plus jeunes, j'ai été surpris d'entendre l'un d'eux me dire que justement S/L/USUL étaient ses jeux préférés justement parce qu'on l'accompagnait bien donc il ne perdait pas son temps à se perdre. Pourtant lui aussi, ce qui lui plait dans le jeu c'est "aventurer" pour reprendre ses propres termes. Donc je crois que l'accompagnement qui pour nous est vécu comme un cadre trop rigide pour prendre du plaisir, trop contraignant, est pour ce joueur un cadre qui permet de s'épanouir. Je pourrais faire des suppositions sur le fait qu'il s'est habitué à jouer à des jeux plus cadrés et que son environnement familial avait aussi l'air de l'être (famille populaire avec 5 enfants je crois, avec une configuration qui donnait cette impression, + le fait que lui et son frère étaient plutôt sages à l'école), mais c'est un peu des justifications a posteriori, il faut prendre ça avec des pincettes.
En prolongement de tes précédents travaux, tu consacres ta thèse aux « mécanismes affectifs de la captation des publics sur internet : production, diffusion et appropriation culturelle de Pokémon ». Le titre pouvant faire un peu peur (comme n’importe quel intitulé de thèse :p), est-ce que tu peux nous expliquer de quoi il en retourne ? En sachant que tu entretiens un blog (dont je recommande la lecture) qui a pour but de parler de cette thèse. Le lien se trouve à la fin de cette interview.Ouais le titre fait peur, ma copine m'a embêté avec ça (T_T) en plus il est plus totalement d'actualité mais pour des considérations théoriques un peu chiantes, dans tous les cas, le titre final j'essaierai qu'il soit plus clair, avec un jeu de mot rigolo.
En quelques mots, la question que je me pose, c'est le rôle d'internet dans l'attachement à Pokémon. Mais si je m'intéresse à ça, ce n'est pas pour répondre à la question "qu'est-ce qui fait que les gens aiment Pokémon et achètent les jeux". Je me pose évidemment la question, mais c'est plus un moyen d'accéder à une autre réflexion que l'objectif réel de ma thèse. Dans les faits, ce qui m'intéresse vraiment, c'est de comprendre comment les industries culturelles et internet (pris d'un point de vue technique/technologique mais aussi comme un contexte social) influence la manière dont on façonne nos émotions (socialement parlant). Parce que même si on pourrait croire a priori que les émotions, c'est quelque chose "d'inné" et "naturel", ce n'est pas du tout le cas (d'ailleurs c'est pas pertinent de parler d'inné et de naturel scientifiquement parlant, ou en tout cas très imprécis).
Comment en es-tu venu à travailler là-dessus ?Pour l'argent (xD) Je voulais poursuivre sur le sujet de mon mémoire d'une manière plus ambitieuse, mais une situation "politique" interne au laboratoire où je voulais faire ma thèse a fait que je devais attendre un an pour avoir un financement (un salaire quoi). On m'a quand même proposé une solution secondaire, qui était de répondre à un appel pour faire financer ma thèse par le LabEx ICCA (
https://icca.univ-paris13.fr/ ), même si les profs croyaient pas vraiment que je l'aurais (trop concurrentiel et ils n'étaient pas certains de comment se passait la sélection en interne etc). Ça m'a poussé à réorienter mon projet de thèse pour qu'il colle aux attentes du LabEx pour optimiser mes chances d'avoir le financement. Après plus d'une centaine d'heures de travail avec mon directeur, on en est arrivés plus ou moins à ça, au gré des lectures etc.
C'était quoi les attentes du LabEX ?Il y en avait plusieurs, mais celle qui collait le plus à ce que je pouvais traiter au regard de mon expertise et du sujet, c'était au croisement de l'industrie du jeu vidéo, et des transformations des industries culturelles en lien avec le "web 2.0", en gros le web collaboratif, les wikis les forums les plateformes et autres réseaux sociaux. En tout cas, il faut intégrer une réflexion qui fait le lien avec le contexte des industries culturelles et/ou la création artistique, du coup travailler juste sur les apprentissages de joueurs de Pokémon, c'était un peu limité comme lien avec l'industrie
Utilises-tu une méthodologie similaire que pour les deux mémoires ?Pas tellement, comme c'est la thèse j'ai pu mettre en place des protocoles un peu plus ambitieux et expérimenter des choses. Je continue à m'appuyer sur des entretiens, et je m'intègre petit à petit (de manière très limitée) à quelques communautés de fans, mais ce qui m'intéresse, c'est pas juste quelques communautés de fans, donc je m'intéresse aussi pas mal à Twitter et surtout à Youtube et aux commentaires. Du coup, je récolte par exemple tous les commentaires de la chaine Youtube Pokémon officielle et quelques chaines de fans (d'ici la fin de la thèse ça sera plusieurs centaines de milliers de commentaires rien que sur Youtube), je les traite "à la main", et aussi avec des logiciels d'analyse textuelle. Et je met ça en lien avec ce qui se dit dans les communautés plus "figées", j'essaie de voir comment les discours circulent entre les communautés et les espaces plus "publiques", et inversement, et j'essaie d'examiner le rôle des communautés, des "influenceurs" (entre gros guillemets pour le coup), des sites de fans, dans l'évolution des goûts et de leur expression
Sur ton blog, on peut trouver un article intitulé "Mon rêve : devenir Prof Pokémon." (article qui parle de ta thèse). Tu y fais notamment la distinction entre les fans et le "public élargi". Comment faire la différence ?Je ne sais plus exactement ce que j'avais en tête à ce moment-là. On est à une époque où la distinction est particulièrement floue. Il y a des gens qui jouent très peu aux jeux, mais achètent parfois une figurine, décident de regarder sur netflix, ou autres. Ils ne passent peut-être pas toute l'année à jouer à Pokémon et à en parler sur des forums, mais ils connaissent bien l'univers et continuent à y être attachés. Comment on les appelle ?
Pour moi, comme beaucoup de termes, ce qui importe c'est moins de catégoriser les gens que de déterminer comment ils se catégorisent entre eux pour comprendre comment les étiquettes structurent les relations et les identifications individuelles et collectives.
En Game Studies on est confrontés a ça aussi quand on demande aux gens s'ils jouent aux jeux vidéos et qu'on nous répond non alors qu'ils jouent 20 heures par semaine sur smartphone.
Dans ce même article, en parlant de Pokémon GO « Ce jeu n’occupera pas forcément une place majeure dans ma thèse, mais a bien montré que l’engouement pour la franchise est toujours bien présent (et peut-être un peu clivant). » . En quoi cet engouement est-il « clivant » ?je crois que je faisais références aux nombreuses polémiques à la sortie de Pokémon GO, avec toutes les remarques déplacées de personnalités politiques sur le fait que des milliers de gens se mettent à jouer à un jeu d'enfants en public, tout le battage médiatique avec les articles et surtout les commentaires à charge sur les sites de grands médias. J'avais fait un mini dossier là-dessus en M2, c'était assez drôle
Aujourd’hui je pourrais ajouter que c'était clivant chez les fans aussi, lorsque j'ai étudié la réception des annonces de Let's GO, j'ai pu voir un nombre conséquent de critiques envers le jeu à cause de son lien à Pokémon GO, que ce soit par rapport à la mécanique de capture ou simplement parce que les liens faisaient dire à certains que ce jeu n'était qu'une "application compagnon", ce genre de choses. Pas mal de fans sont dans une posture de rejet de Pokémon GO et le simple fait que Let's GO y renvoie semblait suffire à ce qu'ils aient un a priori négatif sur le jeu.
D'où provient cet a priori négatif de certains fans vis-à-vis de Pokémon GO ?Oulaaaa, franchement je ne sais pas tout à fait. Peut-être le fait que après la hype des premières semaines, le jeu a vite montré ses limites, et que beaucoup de fans trouvent le système de combat etc trop simplistes et sont donc déçus. Mais je pense aussi qu'il y a derrière ça un rejet des jeux vidéo sur smartphone. Comme je l'ai dit plus haut, il y a une tendance je crois à ne pas considérer les jeux sur smartphone comme de "vrais jeux" et les joueurs de jeux vidéo sur smartphone comme de "vrais gamerz" (faute volontaire). Je pense que c'est un facteur.
Pour rester sur les sujets "polémiques" : que penser du rapport du public par rapport à Pokémon Sword/Shield qui sort bientôt ? Notamment avec la polémique #BringbackNationalDex ?réponse courte : ptdr
Réponse plus sérieuse : c'est encore un peu tôt pour tirer des conclusions, surtout en tant "qu'universitaire" même si j'aime pas trop me désigner comme ça parce que ça fait un peu orgueilleux et que ça me met mal à l'aise. Mais disons que ce que je vais dire là, encore plu que pour Let's GO, ce sont des analyses un peu à chaud, partielles, parce que je n'ai pas encore traité la plupart des données, et parce que j'ai encore "le nez dedans". Je pense que la polémique du #BringbackNationalDex est super intéressante d'un point de vue de ma recherche, notamment parce que j'avais un peu anticipé ce genre de réactions avec mes premières données donc je me dis que je suis pas trop à côté de la plaque (je t'enverrai une image amusante qui date d'avant cette polémique et qui a été produite par un dessinateur pour illustrer ma thèse, tu vas rire). D'un point de vue purement personnel, de fan, je serai un peu déçu s'il n'y a pas mon pokémon préféré, mais d'un autre côté, je ne finis jamais le Pokédex ni rien, donc je m'en fiche à moitié. Par contre je peux comprendre que les joueurs soient saoulés.
Maintenant si on creuse un peu, on a d'un côté des réactions excessives de fans qui ne comprennent pas forcément tous les tenants et aboutissants, bien sûr, mais il ne faut pas non plus prendre les fans pour des idiots. Beaucoup d'entre eux ont conscience que c'était un choix pour gagner du temps, mais ce qui les emmerde, c'est qu'ils préfèreraient un rythme de sorties moins effréné, mais des produits finaux plus complets et de meilleure qualité. Et là on se retrouve dans une confrontation stimulante d'un point de vue de chercheur mais très frustrante pour les fans, où on est dans un bras de fer entre les consommateurs et l'industrie.
Par contre, l'industrie compose avec des données qu'on n'a pas. On peut faire des hypothèses sur ce qui pousse Nintendo et ThePokémonCompany à prendre les décisions qu'ils prennent, mais personne n'est en mesure de vraiment le savoir. J'ai essayé de les contacter par divers moyens mais ils sont très fermés, pourtant ça m'intéresserait à mort d'avoir un point de vue interne sur ce qui justifie leurs choix stratégiques (les annonces officielles ça ne suffit pas, on appelle ça de la "littérature grise" en SHS, c'est du "public relations" plus qu'autre chose, donc c'est à analyser comme tel). Du coup, on a d'un côté des fans qui essaient de faire avancer la franchise dans un sens, phénomène déjà décrit depuis longtemps notamment par Hirschmann de "Voice, Exit, Loyalty" où il parle de la "prise de parole" (voice) comme un moyen pour des usagers de faire face à une baisse de qualité, et de l'autre, une industrie qui essaie de composer avec des intérêts d'actionnaires, des rythmes sociaux comme Noël etc, leur besoin ressenti de sortir de nouveaux jeux à un certain rythme pour maintenir l'intérêt et rester sur le devant de la scène, et aussi les attentes qu'ils projettent sur leur public. Peut-être que leur rythme répond au fait qu'ils ne veulent pas louper de génération de nouveaux joueurs ? Je ne sais pas trop
L’un des fils rouges de tes travaux est la manière dont le public s’approprie et créer une culture Pokémon. Est-ce que tu peux détailler ce point ?Alors là je ne sais pas exactement comment répondre à ça, disons que ThePokémonCompany fournit les bases avec sa franchise, ses différentes narrations et pratiques et représentations, et qu'ensuite, au fil des interactions en particulier sur internet, les gens vont intégrer des éléments de la franchise à leurs répertoires de langage et de pratiques. La culture pokémon, ça va intégrer le fait de chanter (parfois à l'écrit) le générique, ça va être le fait de remplacer dieu par Arceus dans des expressions "pour le fun", de faire des références et analogies variées avec Pokémon dans plein de contextes. Ca va aussi être tout ce qui est un peu "meta" et va émerger des pratiques de fans, les mèmes (comme le mème Pikachu), le fait que des fanfics et fanarts et des conversations autour de shiping etc vont donner une identité à des personnages qui dépasse ce que ThePokémonCompany en a fait, parfois en s'appuyant dessus. Après, le terme "culture Pokémon" est peut-être un peu flou et mériterait d'être précisé c'est clair, mais c'est un ensemble de références, de pratiques, de discours communs qui permettent aux fans de stabiliser un certain sens. Quand je parle de Noadkoko d'Alola, ou du Grotadmorv de Chen, on comprendra que j'essaie certainement d'installer un ressort comique. Quelqu'un qui n'a pas "acquis" la """culture Pokémon""", même s'il a vu les pokémons, ne risque pas de saisir ça
Perso comme j'ai un peu décroché pendant la 4G (et même la 5G mais j'ai repris après), quand je suis revenu j'avais pas trop saisi l'engouement pour la 4G et certaines références, je les comprenais parce que je faisais le lien avec ce que je savais déjà et qu'en réfléchissant et en faisant un peu des liens avec les "tropes" habituels de la culture vidéoludique on comprend, mais ça allait pas de soi et ça me touche assez peu.
Si possible, peux-tu nous dévoiler les premières conclusions que tu tires de tes recherches ?Mh, les premières conclusions. En gros, l'industrie du jeu vidéo et en partie ThePokémonCompany investit partiellement notre vécu émotionnel en imposant des rythmes de "hype" qui s'appuient sur les rythmes habituels de l'industrie vidéoludique ET sur leur histoire propre (Pokémon direct le 27 juillet en référence à l'histoire de la franchise par exemple). A ça s'ajoute le fait que les communautés de fans sur internet et plus généralement les internautes voient leurs émotions et surtout leur expression cadrée par les possibilités techniques dune part (emoji, majuscules, ...) et aussi par le contexte socioculturel, avec les mèmes, certaines expressions et certaines manières d'écrire qui peuvent faire transparaître certains tons. Seulement tout ça, ça s'apprend, et du coup ça donne parfois des situations de conflit. Il y a des manières plus légitimes que d'autres d'exprimer sa hype, des manières plus "sophistiquées" que d'autres, et ça fait partie des choses que je veux creuser.
Et donc cette hype, elle est aussi négociée par les communautés de fans qui cherchent à imposer ou du moins faire valoir des standards de ce qui doit ou non mener à de la hype, ce qui est aussi source de conflit, avec régulièrement des qualifications de "pigeons" versus "rageux", en fonction du degré d'exigence. Je pense que ça a beaucoup à voir avec le fait que certains attendent juste "du Pokémon" alors que d'autres veulent "un bon jeu vidéo" avant tout, mais ça aussi c'est une hypothèse temporaire. Et donc, la hype, c'est une émotion qui ne sert pas uniquement à exprimer le fait qu'on veut jouer, mais ça sert à se positionner parmi les fans, à dire quel genre de fan on est, en fonction de ce qui nous hype ou pas. Et ça sert aussi à caractériser les autres en fonction de ce qu'on suppose des raisons de cette hype ou non, parfois dans une optique de "distinction", de différentiation sociale (je ne dis pas ça pour être cynique et dire que les goûts se résument à vouloir se différencier des autres, c'est juste une des dynamiques qui m'a l'air d'entrer en jeu).
Je vois aussi un gros effort de "rationnaliser" son attachement et son engouement (ou absence d'engouement), parfois même si on parle de hype qui est censé être un registre émotionnel, les justifications sont très techniques (graphismes, mécaniques, etc), surtout dans le cas d'une absence de hype je crois. De toute façon c'est déjà quelque chose qui fait partie de l'émotion, le fait de chercher une explication à des comportements et des réactions chez soi et chez autrui
Enfin, en ce moment, je commence à essayer d'analyser le rôle que jouent les "médiateurs" dans la construction sociale des goûts liés à Pokémon. Notamment les vidéastes Youtube et les sites de fans.
Ah et aussi, j'essaie de voir comment modéliser un peu mieux la "circulation" des registres de langage notamment émotionnels, entre les différentes communautés. J'ai vraiment l'impression que diverses communautés ont des registres émotionnels et langagiers qui leur sont (en partie) propres et peuvent ensuite circuler notamment par des espaces où les communautés se rencontrent comme Youtube, ou peut-être simplement parce que des personnes font partie de plusieurs communautés à la fois.
Eh bien du coup cette interview arrivant à son terme, je te remercie (mais vraiment, c'était super cool) de nous avoir fait l'honneur d'accepter cet entretien et d'avoir accordé autant de ton temps à répondre à toutes ces questions sur tes travaux. C'était super intéressant et on te souhaite évidemment bonne continuation mais aussi bon courage pour mener la thèse à son terme.
As-tu un mot pour la fin ? =)C'est moi qui suis ravi d'avoir eu une bonne excuse pour procrastiner aujourd'hui. C'était intéressant pour moi de trouver une manière pas trop jargonneuse et pompeuse (même si parfois ça a pu être le cas, je m'en excuse) de parler de mes travaux. Et j'espère que ça intéressera quelques personnes, en tout cas je suis ouvert à toute critique même négative et à tout débat, ça serait intéressant pour moi justement.
Et le dernier mot de la fin, même si forcément vous serez un peu biaisés si vous avez lu ça, n'hésitez pas à me contacter si vous voulez me parler de VOTRE attachement à Pokémon et de vos pratiques liées à Pokémon sur internet, j'ai encore un peu plus de 2 ans pour finir ma thèse, alors j'ai de la place pour des entretiens !
Bref, merci beaucoup
Propos recueillis par Gobou, jeudi 22 août 2019, via un entretien Discord.
* : Même si Game Freak écrit systématiquement "Pokémon" avec une majuscule et le considère comme invariable, Quentin Gervasoni emploie "Pokémon" pour parler de la marque, et "les pokémons" pour parler des créatures.