[Noir] Utopia - A Distorded World.

Ce jour-là, je ne me rendais pas compte de l'importance de cette idée qui m'était passée par la tête. Après tout, c'était stupide. Qui irait changer le monde ? Quels problèmes y avait-il ? Je n'en voyais aucun. Le monde était une parfaite utopie. Les Pokémon et les êtres humains cohabitaient dans une sereine harmonie, les domestiques étaient tous adorables, les sauvages n'étaient pas agressifs. Tout était parfait.
« Tu as raison. C'est stupide. »
Une pensée d'enfant, si pure, si naïve …




« Maman ? »
Elle ne me répondit pas, ce jour là. Ni aucun autre.
« Papa ? »
Je ne l'ai jamais vu revenir.
« Quelqu'un … ? »
Il y avait bien quelqu'un. Un petit renard noir aux mèches rouges, et aux yeux bleus si paisible, que mon cœur en a frémi.
Rapidement, nous sommes devenus inséparables.




Nous avons voyagé ensemble. Nous nous sommes battus ensemble. Nous étions comme une seule âme, en parfaite harmonie. Rien ne semblait pouvoir nous séparer. Nous avons rencontré deux autres amis. Et nous étions ce que les humains appellent « heureux ».




Puis ils sont venus. Enfin, il est venu. Nous étions quatre. Trois Pokémon, un enfant. Volendruil est resté en arrière pour le ralentir, pendant que nous fuyions. Plus jamais je n'ai revu mon fidèle Darumacho.




Cela n'a pas suffit. Ce fut au tour d'Irasir, mon adorable Chovsourire qui n'avait jamais cédé à la violence. Elle s'est battue. Je ne l'ai jamais revue.




Nous n'étions plus que deux. Moi, et mon ami de toujours. Il se battait, en un sens. Il multipliait les illusions pour fausser notre piste, mais il n'a pas lâché prise. Il semblait savoir à coup sûr qui était le véritable duo qui s'enfonçait toujours plus loin.




J'ai voulu le protéger. J'ai été me battre. Il a voulu me protéger. Il a été se battre. Je l'ai vu. Je l'ai regardé jusqu'à la fin. Jusqu'à ce qu'il finisse sa chute, dans ce ravin si profond que je l'ai perdu de vue alors qu'il tombait dans les ténèbres les plus obscures.




Je n'ai jamais su pourquoi j'étais toujours en vie, suite à cela. Mes souvenirs s'arrêtent à ce moment, au moment où une partie de mon âme chutait dans les ténèbres infinies. Ils ne reprennent que plusieurs années après, dans une chambre en compagnie de Vénus et Colombe.

Plic ploc, je pense que c'est le son que j'entends, à moins que ce ne soit clic clac ? Les rouages s'entremêlent dans une cacophonie satisfaisante, cherchant à me désorienter, tandis que je me tenais au nord-est de la table en ébène blanc, adjacente à la porte blanche, elle-même en face d'une armoire d'un rouge écarlate, peinte comme si on avait renversé un seau de peinture dessus, sans chercher plus loin, ce qui rappelait la verdure de la plante se tenant dans le coin supérieur droit de ces engrenages. Ainsi est fait le monde disent-ils, mais n'y a-t-il pas une chose d'étrange ? En un claquement de doigts, le monde se déforme, en un battement de cil, il change, en une pulsation, rien n'est plus pareil, et je suis de nouveau dans les bras de mon frère aîné qui me félicite pour une chose quelconque que je n'ai probablement pas fait, puisque chacune de mes actions n'est que l'action d'un autre, un autre constituant ce que les gens appellent le moi, et pourtant, pourtant, mes mouvements sont lents, désorientés, désynchronisés, comme si ces milliards d'autres se battaient pour chacun de mes mouvements.

Un battement de cil et la réalité a encore changée, mon frère est étalé au sol, sa gorge est tranchée, peignant sur sa chemise immaculée une triste évidence, ses membres sont étirés, déstructurés, brisés, sa bouche qui souriait est déformée dans un rictus de terreur sourde, ses cheveux blonds n'existent plus, laissant son crâne ouvert ses yeux verts sont réduits à l'état de mare de sang et pourtant, pourtant, il ne s'est passé qu'une seule seconde entre maintenant et avant. Une pulsation, et hop, la vision de l'enfer fait place à la normalité des plus banale, avec ce moi inadapté, mon frère éclatant, semblable à un rayon de soleil, et que je hais le soleil, malgré tout ! Ce soleil qui nous arrache la rétine, nous brûle de l'intérieur, nous peint de rouge, nous assassine à coups de maladies, tout est néfaste dans le soleil, il ne devrait pas exister, j'aimerai tant un monde plongé dans une nuit perpétuelle. Ma mère, avec ses beaux cheveux bruns, ses yeux bleus si doux, son sourire si protecteur, ses gestes si rassurants, n'est pas aussi agressive que mon frère, car tout en elle est doux, elle ne court pas, ou rarement, ne parle presque pas, ou pas en ma présence, elle me regarde d'un air doux, me parle doucement, plaisamment, contrairement à ce frère turbulent qui me force à m'offrir au cruel soleil, qui hurle en parlant, qui saute partout, ne tient pas en place, il me rappelle sa sœur. Elle est tout aussi blonde, aux cheveux courts, avec de beaux yeux verts, et tout aussi énergique, mais différemment, et c'est mieux je trouve. Elle est toute maladroite, bancale, comme si elle n'était pas à l'aise dans le monde qu'elle voyait, ou qu'elle était toujours ailleurs, elle est aussi tête en l'air, mais c'est reposant d'être avec elle, je trouve. Elle est proche d'un garçon aussi, un garçon aux cheveux noirs Corboss, avec un air toujours sérieux, et des yeux bleus d'acier. Une myriade de couleurs se succède alors et me voilà dans un présent distant, peut-être est-ce le véritable présent ?

Tcheren et Bianca me parlent, et devant moi, une boite bleue avec un ruban vert, ou noire avec un ruban jaune, peu importe, l'important est l'intérieur de la boite. Je ne comprends pas ce que disent ces autres braillards, je veux juste ouvrir cette boite, quelque chose, quelqu'un, m'appelle désespérément, il est là, il veut mon attention, je dois le rencontrer ! J'ouvre la boite, tout le monde retient son souffle, et les voilà. Les PokéBalls, le St-Graal, l'ultime rêve de tout humain, une chose très peu accessible, une lourde tâche, un avenir ou radieux ou empli de misère, mais surtout, l'avènement d'une nouvelle vie, une renaissance, un renouveau. Il est là, quelque part, dans ces PokéBalls, je le sais ! Je passe ma main au dessus de l'une, de l'autre, de la dernière, trouvé ! Il est dans celle à l'ouest, au nord ouest ! Je saisis la PokéBall, et me voilà face au Professeur Keteeleria qui nous annonce notre destin, tué ou être tué, mais pourquoi ? Pourquoi pourquoi pourquoi pourquoi pourquoi ? Je ne veux pas moi ! Mon frère n'a pas suffit ? Hein ? Que faut-il de plus pour que le pacte soit rompu ? Que le sceau se brise ? Que le tribu de sang soit complet ? Mon sang ? Le sang des autres ? Je ne comprends pas, comprends pas, comprends pas, ah, me revoilà dans cette pièce difforme et blanche, avec cet homme qui me parle sans que je le comprenne, ses gestes troubles, et est-ce vraiment un homme ? N'est-ce pas une femme ou un monstre ? Je ne vois pas, je n'entends pas, je ne parle pas, je ne comprends pas, aidez-moi, aidez-moi, ah ! Mais lui est là, totalement là, rien qu'avec moi, et lui m'aidera, et il ne me trahira pas, et il sera toujours là pour moi ! Mon nouvel ami, mon compagnon, ma moitié, mon âme, mon frère ! « Il s'appelle Kyenn ! » me dit ma voix, tout haut, pendant que je sens mon corps se déplacer verticalement, voyant Keteeleria sourire, m'ébouriffant ces cheveux blancs comme la Mort, cachant au passage mes yeux bleus-grisâtres, parcourus de striures dorées qui viennent entourer ma noire pupille et se fondre en le contour bleu foncé de ces mêmes yeux, si inexpressifs, si désintéressés, si semblable à l'état de mort passive. Même mon nouvel ami a les yeux bleus ! J'aime le bleu ! Le bleu sera ma couleur porte bonheur !

Ah, encore un tournis, une pulsation, et voilà que Keteeleria n'a plus rien d'humain, une sorte de difformité morbide, un sourire taillé par des agrafes sur ses joues, des yeux remplacés par des trous sanglants qui me fixent, ses cheveux sont mal découpés, comme arrachés. Bianca est au sol, mais n'a pas l'air si blessée, juste traumatisée, vomissant ce qu'elle pouvait, ses vêtements couverts du sang de Tcheren qui semble terriblement affaibli, couvrant la petite, ses cheveux sont ébouriffés, sa peau est arrachée à plusieurs endroits, pas qu'un peu en plus, un œil pleure du sang, l'autre semble s'affoler, me fixant comme si j'étais un monstre, une anomalie, surveillant le professeur aussi, sa bouche est ouverte sur un cri muet, un souffle haletant refusant de sortir, c'est la fin, et il le sait, mais voilà que le battement de cil m'emmène face à un visage connu, celui de mon gentil et tendre père, qui tente de raisonner l'horrible monstre que fut ma mère, avant sa mort, elle qui me battait, me tuait peu à peu, enfermait mon frère ailleurs pour pouvoir mieux m'achever, et chaque fois, elle échouait, je suis plus puissant, je n'ai pas peur, je n'ai plus peur ! A ton tour de mourir, tu ne me feras plus jamais de mal ! Je suis plus fort, plus rapide, plus intelligent, plus cruel, plus monstrueux, plus séduisant, plus tentateur, plus vil, plus féroce, plus machiavélique, plus que toi ! Le fort mange le faible, la proie se fait déchiqueter par les crocs impurs du prédateur camouflé, et tu ne peux rien faire aux prédateurs ! Il suffit de griffer, de mordre, d'étouffer, de lacérer le corps négligé de ce monstre, de cette abomination, et je le fais ! La chair se déchire sous mes griffes, rien ne me résiste, et en quelques minutes, elle est mise à nu ! Tous ses muscles, ses boyaux, ses tripes sont exposés à mes yeux ! Tu as payé, et jamais je ne te laisserai partir, ton âme, ton existence est mienne ! Un rire, un sourire me prend, et me voilà moi aussi dans la grande famille des démons, des êtres à part, plus rien ne peut me résister ! … Ah … Un crépitement … Du blanc … Quelque chose … A explosé … Quelque part … En moi … Profondément … En moi … A l'aide … Quelqu'un … A l'aide …

*     *     *

« Jugé innocent, pour aliénation mentale. »
« Est-ce qu'on peut le sauver ? »
« Je t'aime quand même. »
« Ne m'approche plus jamais ! »
« Monstre ! »
« Ne les écoute pas. »
« Je te hais ! »
« J'aimais beaucoup …, c'était une bonne personne. »

J'entends. Pleins de réalités se superposent, sans me laisser le temps de les saisir.
J'observe. Toutes ces images déformées, incertaines, que les humains appellent « souvenir » …
J'apprends. C'est bientôt l'heure de me réveiller …
J'agis. Maintenant que Kyenn est à mes côtés, je vais pouvoir m'en tirer seul.
Je refuse. Je ne prendrais plus leurs drogues et abrutissants.
Je suis. Et changer mon moi est futile, car il mourra une seconde après, et ainsi de suite …

Arabelle. Ce n'est qu'un petit village, bon pour débuter, mais c'est aussi un grand point stratégique. Si nous dissuadons les jeunes dresseurs de partir à l'aventure avec les Pokémon qu'ils considèrent comme leurs esclaves, nous aurons avantage certain.




Tip, tap, je sautille, j'adore ce son ! Je suis, heureux, heureux ! Il n'y a pas de soleil, et je suis avec mon ami, mon tout nouvel ami !
« Attention, tu vas trébucher sur un caillou … »
Et Bianca est toujours aussi gentille avec moi ! C'est une si belle journée !
« Bianca … C'est normal qu'il y ait autant de monde rassemblé sur la place ? »
« Je nE cRoaaaAaa ppppp … »
Les sons se distordent, ma réalité se déforme, paf, tout est gris … Non ! Non, tout n'est pas gris ! Couleur ! Il y a une couleur ! Là ! Caché ! Je dois rencontrer cette couleur !




J'eus l'impression de patienter des heures, perdu dans mes pensées, écoutant d'une oreille distraite mon père adoptif. Il fallait bien que je participe à leurs manifestations, ou je ne sais plus le mot qu'ils utilisent. Je m'en moque, en fait. Il est vrai que je veux sauver les Pokémon, mais dans ce cas, pourquoi ne pas simplement faire disparaître les humains ? Ce serait tout aussi bien. Les Pokémon seraient sans doute plus heureux, ainsi. Ils n'auraient plus à souffrir de nous. En sortant de mes pensées, je remarquais que la foule s'était dissipée. Et que devant moi se tenait une personne, immobile. A première vue, c'était un jeune homme, qui devait être moins âgé que moi. Bien moins âgé. Physiquement, il devait avoir dans la quinzaine. Ses grands yeux bleus me fixaient, sans se détacher de moi, comme s'il attendait quelque chose. Une légère brise faisait bouger ses cheveux noirs, coiffés par le vent sans doute, exposant davantage la pâleur presque maladive de sa peau, pour s'arrêter avant de toucher ses épaules. Ses fines lèvres s'étirèrent en une sorte de sourire, comme s'il était heureux que je m'intéresse à lui. Ses vêtements, eux, restaient des plus simples. Un pull noir sans capuche, et un jean bleu délavé. Je ne parlais pas, et lui non plus. Nous ne faisions que nous toiser, attendant quelque chose. Un sentiment de déjà-vu m'envahit. C'est comme ma rencontre avec la part de mon âme aujourd'hui disparue.

« Quel est ton nom ? »

Son sourire s'élargit à l'entente de ma voix. Ses lèvres bougèrent, sans qu'aucun son ne sorte, me donnant trois lettres. E-N-D. End ?

« Nim ! »

Une voix étrangère me fit tourner le regard. Un jeune garçon à lunettes se dirigeait vers nous, l'air assez inquiet, suivi de près par une jeune fille blonde. Arrivé à notre hauteur, cette dernière se jeta au cou de « End », ou de « Nim ». Le garçon, quant à lui, me regarda, l'air désolé.

« Mon camarade ne vous a pas ennuyé, j'espère ?
─ Pas le moins du monde. »

Au contraire.

« Vous êtes ?
─ Je me nomme Tcheren. La jeune fille, c'est Bianca, et lui, Nimrod. Nous sommes trois dresseurs débutants.
─ Des dresseurs ? Je me nomme N.
─ Oui, on vient de recevoir nos Pokémon. »

Tcheren souriait, mais je n'étais pas dupe. Ses yeux étaient emplis de questions. L'une d'elle devait être « N ? C'est quoi ce nom ? ». Une main tirant sur ma manche me détourna du garçon. Nimrod me regardait, un grand sourire sur le visage. Ses lèvres bougèrent de nouveau, formant un mot. A-M-I.
« Tu as eu un nouvel ami, c'est ça ? »

Il hocha la tête, les yeux brillants. De sa poche, il sortit une Pokéball et me la montra, comme un enfant qui venait de faire son premier dessin.

« … Dis, tu ne penses pas que tu fais souffrir ton ami, en l'enfermant là-dedans ? »




Paf. Changement. Tout est noir. Tcheren et Bianca sont entourés d'un nuage violet. Paf ! Je peux les entendre ! Ils n'aiment pas ! Ils n'aiment pas la parole de Couleur ! Attends, Couleur ! Je vais t'aider ! Ils vont t'aimer ! Ou pas. Ils sont dans ce monde. Du monde noir. Ils ont une vilaine couleur. Une couleur pourrie. Comme leur odeur. Mais pas Couleur. Il est plein de beau lui. Et ses yeux sont bleus ! Ses yeux sont bleus ! Bleus ! J'aime le bleu ! Souffrir ? Ah ! C'est ça ! C'est ce qu'il disait avant le changement ! Je fais souffrir mon ami ?
« Je le fais souffrir ? C'est trop petit comme maison ? »




Il me regardait, l'air perdu. Son visage a changé, il a les yeux écarquillés. Il parle à nouveau, sans aucun son. Il demande si il le fait souffrir ?

« Pas directement. Mais la Pokéball le fait peut-être souffrir, tu ne penses pas ? »

Il me regardait, comme triste. Puis, il eut un nouveau léger sourire, ses yeux se fermant à moitié. Il lança la Pokéball, libérant un Chacripan, puis posa la Pokéball par terre. Puis la brisa.

« Nim !
─ Mais qu'est-ce que tu fais ?! »

Tcheren et Bianca avaient beau s'agiter, aucun des deux ne pouvaient rompre notre échange de regard, ni le lien qui venait de se créer entre nous. Bien qu'il fut de nouveau sauvage, le Chacripan resta proche de son « Dresseur ». Ses lèvres bougèrent de nouveau, mais cette fois, j'entendis définitivement des mots.

« Mon nom est End. »




Le monde est rouge. Rien ne va. Tout est distordu, tout, tout. Sauf lui. N. Lui se démarque de tout. Il reste le même, peu importe la vision. Je peux lui faire confiance.

« Mon nom est End. »

Un lien s'est créé.
Paf !
Partir ! Partir ! Rouge ! Tout ! Tout est rouge ! Arrêtez. Arrêtez ! Non ! Je ne veux pas ! Je ne veux pas ! Je refuse de voir son corps tranché en deux ! Je refuse de voir son regard vide me fixer ! Je refuse ! Non ! Pourquoi ?! Pourquoi Bianca et Tcheren me regardent ?! Pourquoi ils me retiennent ?! J'ai assez payé ! Arrêtez ! Arrêtez ça ! Arrêtez …




Il a changé. De but en blanc, après notre échange, il est devenu affolé. Son corps s'est mit à trembler, ses yeux se sont écarquillés d'horreur, et rapidement, il s'est mit à hurler. Un véritable hurlement de peur, de douleur, de terreur. Tcheren et Bianca le soutirent rapidement, inquiet pour leur ami.

« N ! S'il vous plaît ! Allez chercher l'infirmière Joëlle ! »

Je leur obéis immédiatement. Je ne tiens pas à rester là sans rien faire. Ce cri me rappelle trop de choses.

« Infirmière !
─ Je-- Oui ?
─ C'est … C'est pour Nimrod … Il … »

Je n'arrivais même plus à parler correctement. Concentre-toi, concentre-toi, arrête de penser à lui ! Ce n'est pas toi qui hurle !

« J'arrive ! »




L'infirmière Joëlle arriva bientôt pour nous aider. A Arabelle, il était fréquent qu'elle s'occupe de Nim, à cause de ses troubles importants. Aussi, elle savait exactement quoi faire.

« Tcheren, Bianca, tenez-le bien. »

Bianca et moi hochâmes la tête. Joëlle alla doucement verser un peu de liquide ambré dans la bouche de Nim, qu'elle força ensuite à avaler. L'effet fut rapide, le pauvre s'endormit, sonné. C'est la seule façon de le calmer. L'endormir.

« Bien … Ça ne vous dérange pas de rester un ou deux jours de plus ici, pour m'aider à le gérer ? »

J'imagine que nous n'avons pas le choix …




« Ce n'est pas toi qui hurle … Ce n'est pas ton cri … Ce n'est pas de ma faute … Ce n'est pas …
─ Tu devrais te calmer.
─ La ferme ! Dégage de ma chambre ! Je t'ai déjà dit que je ne voulais pas de toi ici ! »




« Lord Ghetis …
─ Qu'y a-t-il, Azuro ?
─ C'est à propos de votre fils …
─ Il a encore fait une crise ?
─ C'est le cas …
─ Quel emmerdeur. S'il faisait pas emblème de roi de la Team Plasma, ça ferait longtemps que je l'aurai tué. En attendant, calmez-le, et donnez-lui double dose de tranquillisant. Peu importe la manière d'administration.
─ A vos ordres. »

« Dis, dis, Grand-Frère ! Je me demande ! Je me demande pourquoi les autres sont comme ça. Il n'y a que de la tristesse en eux. De la tristesse et de la colère. Pourquoi ça doit toujours être comme ça ? Et pourquoi Papa et Maman se disputent tout le temps... ?
─ Ne t'en fais pas. Cette tristesse est nécessaire pour nous faire vivre. Et puis, Papa et Maman se disputent parce qu'ils s'aiment, au fond. Les disputes sont nécessaires pour renfoncer les liens.
─ … Dis, Grand-Frère. Pourquoi le visage de Maman a commencé à fondre ?
─ … De quoi tu parles ? Allez, viens, on va jouer dehors. Tu ne m'auras jamais, Arcanin Légendaire !
─ Tu vas voir ! Yaaaaaah ! »

Paf. Un claquement de doigt, un frappement de mains, un entrechoc de deux parties du corps. Je rêvais encore. Je rêvais du passé qui me hante et qui me dévore, d'un passé lointain et terriblement incolore. A chaque fois, il se détériore, comme si on broyait ma tête à l'aide d'une claymore qui savait utiliser cette technique si efficace sur mon cerveau qu'on pourrait qualifier d'ultrasonore.

Krrrr ! C'est le petit cri que forme l'entité à mes côtés. On dirait qu'elle veut me parler, mais je ne peux même pas l'observer. Je suis plongé dans un noir d'une rare densité, où est passé toute la luminosité? Je ne fais rien, parce que j'aurais beau crier, rien ne me sortira de cet endroit oublié. Alors je vais marcher et je me mets à marmonner, à fredonner, à chanter, et ce chant augmente en intensité, jusqu'à ce qu'il atteigne enfin la surface tant espérée... !

Je ne connais pas ces lieux, alors je m'en vais enquêter, peut-être est-ce un endroit religieux ? Des statues d'un quelconque dieu sont érigées pour un but hasardeux, et dès à présent, je peux apercevoir deux êtres bien belliqueux. Ils cherchent à s'en prendre à un Pokémon piteux, qu'ont-ils à faire de ces trucs vicieux ? Je m'en vais les interrompre d'un langage peu harmonieux, et voilà qu'ils cherchent à se débarrasser du merdeux que je représente à leurs yeux.

Cependant, je ne suis pas seul bien qu'ils ne l'aient pas remarqués, quels beaux imbéciles ils sont pour être aussi dispersés ! Pendant que mon compagnon attaque le premier, je m'en vais visiter le second, et l'affaire fut bien vite réglée. Du sang s'écoulait un peu de leurs corps mutilés, mais je n'aurai pas la moindre pitié, vu qu'ils n'en auraient pas eu pour une pauvre vie terrorisée.

Quelque chose vient d'exploser, de se briser, et cela fait résonner un puissant écho d'un destin chronométré pour cet instant si désiré, quelqu'un, quelque chose est ici et cherche à me balayer ! Mais je résiste et bien vite, je trouve l'origine du son généré et en peu de temps, le voilà emprisonné dans une technologie avancée, un processus ayant commencé il y a bien des années. Si j'en crois ma base de données, il s'agirait d'un Pokémon d'une rareté plutôt élevée, bien ! Si c'est le cas, il devra se nommer « Eisuke » ! Il sera une recrue difficile à discipliner, se fera sans doute blesser voir estropier, mais il aura la force de tout surmonter !




Je marche. L'air est paisible ici. J'aime cet endroit de mon château. Il n'y a jamais personne ici, c'est bien calme et reposant. La lune semblerait presque me sourire, un doux sourire empli de tristesse. Pourquoi suis-je aussi triste ? Je ne m'en suis toujours pas remis, il semblerait. En même temps, comment pourrais-je le faire aussi rapidement ? Bien que ça va presque faire plus de onze ans, maintenant...

« Lord N ? »

J'aime cette voix. C'est la voix de Colombe, l'une de mes protectrices, elle se fond parfaitement dans cette atmosphère apaisante.

« Qu'y a-t-il ?
─ Vous m'avez semblé agité il y a peu, alors je vous ai fait chauffer du lait... Et j'ai rajouté un peu de miel, comme vous l'aimez. »

J'aime Colombe. Elle est aussi douce qu'une mère, ou qu'une sœur. Elle se soucie de moi. Elle n'est pas comme les autres. Elle n'est pas comme ceux qui me prennent pour leur souverain. Elle est comme Vénus ou Père. Elle m'aime, et sera attristée de ma disparition, si celle-ci devait arriver.

« Merci beaucoup, Colombe... »

Elle vient à mes côtés et me sourit en me donnant la tasse chaude. Je lui rends son sourire. Le sien est nettement plus beau. Il n'est pas empli de tristesse refoulée comme le mien. Il est nettement plus pur. Elle part, elle a sans doute d'autres choses à faire. Elle est si gentille...

« … Si seulement ces horribles autres humains étaient capables d'être aussi gentils avec les Pokémon. »




Je n'aime pas la façon de bouger de mon dresseur. Il est trop étrange. Il s'agite pour se stopper nettement, écarquiller les yeux, puis lâcher un petit cri, se tourner en souriant, rire sans raison... Dire qu'il a réussi à m'avoir. Dire que je me suis fais capturer. Par cet humain. Mais, je ne comprends pas. Je n'aime certes pas sa façon de bouger, ni ses cheveux noirs qui bougent dans tous les sens, mais ses yeux m'intriguent. Pourquoi ai-je l'impression de voir quelqu'un d'autre à travers eux ?




« Un nouveau challenger, tu dis ?
─ Ouais. Enfin, il y en a trois, mais seul un est venu. Il avait l'air perdu, alors j'ai été le voir. Il m'a prit la main, m'a tiré ailleurs et m'a sourit, avant de repartir en courant. Mais il n'avait pas le badge, donc il sera obligé de revenir ici.
─ Enfin, les choses commencent à bouger... Je commençais à m'ennuyer. Pas vrai Noa ?
─ Personnellement, j'aime bien cette quiétude. Au moins, rien de mal ne risque d'arriver, dedans. »




Je marche. Un pas, deux pas, cinq pas, dix pas. L'air est doux. Le ciel est dégagé. Le temps est clair. Je ferme les yeux. J'inspire. Je me sens revivre. Un autre pas. Je ne ressens même plus la faim qui m'étreignait il y a à peine quelques secondes. Je sens mon cœur battre régulièrement, je peux presque l'entendre, comme j'entends les fougères crisser à ma droite, l'herbe gémir sous mes pieds, ainsi que le vent souffler légèrement. J'aime être ainsi. Je me sens maître de moi-même, maître de mon corps, en harmonie avec la nature, et avec moi-même. J'ouvre les yeux. J'expire.
Il est bientôt temps d'agir.
Bientôt, le blanc sera séparé du noir. Bientôt, tout reviendra dans l'ordre. Je le promets.




Comment ? Comment un enfant a-t-il pu ? Il a réussir à me battre si aisément, moi, Noa... ! Je suis pourtant le plus fort de notre trio, avec Rachid et Armando, et pourtant, pourtant, il a réussi... Il saute, il sourit, il crie de victoire, on dirait un démon surexcité. Je n'en reviens pas. Je m'approche de lui et aussitôt, il se tourne vers moi, l'air ravi.

« Tu as réussi à me battre... Ainsi, en tant que Champion de la Ligue Pokémon, je me dois te remettre ce badge. Le Badge Trio est le premier à obtenir, et pense bien que les suivants risquent de ne pas être aussi simples. »

J'ouvre le coffret contenant le badge – enfin, l'un d'une nombreuse série – et lui remets. Aussitôt qu'il s'en empare, il frôle mes doigts. Je sens mon dos se raider, mes jambes se pétrifier, mon souffle se stopper et mes yeux s'écarquiller pendant que des milliers de Fermites viennent s'emparer de mon corps, lui courant dessus avec acharnement. Mais aussitôt qu'il retire sa main, tout disparaît, comme si rien ne s'était passé. Pourtant, je n'ai pas pu tout imaginer... N'est-ce pas ?




« C'est impensable ! »
« C'est outrant ! »
« Arrêtez-le ! »
« Pourchassez-le ! »
« Aberration ! »
« Monstre ! »
« Démon ! »

Taisez-vous. Je ne veux rien entendre de tout ça. Taisez-vous. Par pitié, taisez-vous...

« Je peux les faire taire pour toi, si tu le désires.
─ Va-t'en... »

Même ma voix est empli des pleurs que je refuse de laisser aller.

« Tu sais, c'est bon de pleurer parfois.
─ Pleurer, c'est accepter. »

Je relève mon regard aussi bleu que le ciel sur lui, ce regard si déterminé, ce regard que j'ai moi-même forgé. Lui ne fait que sourire, comme toujours. J'en suis venu à haïr son sourire, mais en même temps, le voir me rassure. Mais rien ne me fera changer d'avis.

« Et moi, je ne veux pas accepter. »

Pour ça, je n'ai qu'à retenir mes larmes, et à ne surtout pas pleurer. Bientôt, mon Idéal sera devenu une Réalité. J'en suis certain.

Un chapitre un peu court, je pense, mais j'écris à mon rythme, et je l'ai déjà rallongé. Rien n'est dit, vous passez à côté de l'action, et tout est voulu. Parce que... Parce que. Genre, darum. C'est un "parce que" avec aucune question autorisée ensuite.

Bref. Un jour, vous connaîtrez mon équipe. J'ai actuellement deux trois Pokémon sur moi, indice. Dont un mentionné dans le chapitre deux.
Ah, et j'aime vous perdre dans mes changements de PDV. ♥
(oui, ça aussi c'est voulu.)

Pour enlever le fun de la découverte et savoir de qui est le PDV :

Note sur le nom "Eisuke", à prononcer "Eysouké". Son origine ? Une grosse référence entre moi-même et mon âme soeur - qui ne passe jamais par ici mdr - parce que nous avons un RP avec un gars qui s'appelle Eisuke, et j'ai toujours aimé associer cet adorable garçon à ce Pokémon. Voilà, c'est tout. C'est dingue non ?

Pour le titre du chapitre, je voulais faire jouer le "Noir et Blanc" de N. Licht und Schatten signifie "Ombre et Lumière", ce qui va dans ce sens. Mais aussi pour tenter de montrer une partie de lumière, venant notamment de N, entachée par la partie "sombre" de Nimrod.

A la prochaine fois o/