[Saphir] Heroes: Saphir

PROLOGUE (vous êtes ici!)
CHAPITRE 1 : Bienvenue à Hoenn
CHAPITRE 2 : Le cas de Arcko
CHAPITRE 3 : Rubis Seko
CHAPITRE 4 : L'implant
CHAPITRE 5: Premiers Pokémon
CHAPITRE 6: Norman
CHAPITRE 7: Direction Mérouville!
CHAPITRE 8: VS Roxanne
CHAPITRE 9: La Devon SARL

Plusieurs années plus tôt...


– Tu es sûr qu’il est parti par-là ?
– Oui, je l’ai vu aller dans cette direction ! Allez, dépêche-toi !

La petite fille soupira mais continua de suivre son ami, qui avait déjà beaucoup d’avance sur elle. Il marchait d’un pas rapide et assuré, ses yeux sombres scrutant tous les buissons autour d’eux. S’il y avait du mouvement, elle pouvait être certaine qu’il irait inspecter.
Elle leva les yeux vers le ciel pour regarder la pluie d’étoiles filantes à travers les branches d’arbres ; c’était un évènement si rare que tous les habitants de l’île s’étaient réunis sur la plage pour la regarder. Beaucoup de légendes entouraient cette nuit qui n’arrivait que tous les millénaires ; l’une en particulier parlait d’un Pokémon que le petit garçon était certain d’avoir repéré au loin, alors qu’eux aussi regardaient la pluie d’étoiles filantes avec leurs familles. Ils étaient ensuite parvenus à échapper à la surveillance de leurs parents pour grimper sur les collines de l’île, à la recherche de cette créature. Pour l’instant, ils n’avaient rien trouvé, mais son ami ne semblait pas vouloir abandonner. Quant à elle, même si elle savait l’incroyable chance que tous deux auraient si jamais ils rencontraient ce Pokémon légendaire, elle doutait de plus en plus qu’il ne se trouve sur l’île. Entre elle et son meilleur ami, c’était elle la voix de la raison, alors que lui préférait foncer tête baissée quand une opportunité se présentait.

– Écoute, je crois que tu as juste imaginé quelque chose, lui dit-elle, le souffle saccadé à force de grimper. Retournons sur la plage, nos parents doivent être inquiets pour nous !

Le garçon se retourna finalement vers elle, les sourcils froncés.

– Pas question ! lui dit-il avec énervement. Je sais ce que j’ai vu, et je suis sûr que c’était lui ! J’ai jamais vu un autre Pokémon qui ressemblait à ça !
– De toute façon, même si c’est bien lui, qu’est-ce que tu compte en faire si jamais on le trouve ? lui demanda la fille sur le même ton.
– Tu verras bien ! il lui répondit.

Mais alors qu’il allait reprendre ses recherches, ils entendirent un bruit étrange, comme une voix légère et douce, tout près d’eux. Les deux enfants se regardèrent avec surprise avant d’avancer dans la même direction, là d’où était provenu ce son. Ils écartèrent prudemment le feuillage des buissons pour pouvoir voir ce qui se trouvait là. Ils ne furent pas du tout déçus.

– C’est lui ! le petit garçon chuchota, des étoiles pleins les yeux.

Impossible de se tromper ; ce Pokémon ne ressemblait à nul autre qui puisse exister sur la surface de la Terre. Il avait les yeux tournés vers le ciel et n’avait pas encore remarqué la présence des deux jeunes humains qui admiraient sa peau luisante à la lumière des étoiles. Il émit un autre son doux, comme une sorte d’exclamation émerveillée, quand une autre étoile filante traversa le ciel.

– Je t’avais dit que je ne l’avais pas imaginé, chuchota le petit garçon à son amie avec un sourire triomphant.
– D’accord, d’accord, lui répondit-elle en roulant des yeux. Tu avais raison. Et maintenant quoi ?

Mais au lieu de recevoir une réponse, son ami s’avança tout à coup en direction du Pokémon. Surprise par son geste, elle se mit immédiatement à l’appeler pour qu’il revienne vers elle, mais en vain. Il était entièrement focalisé sur le Pokémon.
Ce dernier tourna d’ailleurs la tête en entendant le bruit des feuilles. Ses yeux rencontrèrent alors une autre paire, aussi étonnée que la sienne, et le petit humain qui avait fait quelques pas dans sa direction s’arrêta. Le Pokémon se recula ; ce n’était pas la première fois qu’un humain l’approchait d’aussi près, mais beaucoup de choses pouvaient changer en un millénaire, notamment le comportement des hommes. Il resta donc méfiant, mais tout de même curieux, alors que le petit garçon s’agenouilla lentement.

– Ne t’inquiète pas, je vais pas te faire de mal, le rassura-t-il d’une voix douce.

Le Pokémon avait un certain don pour reconnaître les âmes pures ; aussi sonda-t-il immédiatement celle de l’humain. Il fut rassuré en constatant qu’il n’y avait pas une once de méchanceté en lui et que ses paroles s’en trouvaient donc vraies. Il poussa un petit cri amical, ce qui fit sourire l’enfant. Son amie regardait toujours la scène de sa cachette, les yeux grands ouverts.

– T’es vraiment adorable ! le petit garçon dit en tendant une main. Dis-voir, tu veux devenir mon ami ? On fera plein de trucs chouettes ensemble et je t’emmènerais même sur le bateau de Papa !

La créature regarda sa main un instant, comme si elle évaluait le pour et le contre. L’enfant attendit sa réponse patiemment, même si son cœur battait à la chamade. C’était un moment intense et exceptionnel qui resterait gravé au fond de ses souvenirs. Même si le Pokémon lui donnait une réponse négative, au moins il vivrait en sachant qu’il avait approché un Pokémon légendaire de si près.
Puis, après plusieurs secondes qui lui parurent une éternité, le Pokémon lui sourit et posa sa main dans la sienne. Il sentit aussitôt une énergie étrange mais bienveillante envahir tout son corps, et une voix claire et légère comme celle d’un très jeune enfant fit écho dans sa tête :

« D’accord ! Soyons amis ! »

Le petit garçon sourit à pleines dents, heureux de cette réponse.

– Super ! il s’écria. Ravi de te rencontrer, je m’appelle Arthur !

La jeune fille arracha ensuite la feuille de papier encrée de noir de son carnet, la plia en deux et la mis dans sa sacoche, accrochée à sa ceinture. Elle ne savait pas depuis combien de temps le camion roulait, mais elle commençait à se sentir lasse de ce voyage. Le plancher métallique commençait à lui faire mal aux jambes et les secousses n’arrangeaient rien. En plus, il commençait à faire sacrément chaud...
Puis tout à coup, le véhicule ralentit d’allure pour finalement s’arrêter quelques secondes plus tard. Saphir attendit de voir ce qui allait se produire. C’est alors que le camion s’ouvrit, laissant pénétrer la lumière aveuglante du soleil.

– On est arrivé, mad’moiselle, dit le camionneur qui lui avait ouvert.

Enfin ! Saphir se leva en grimaçant, courbaturée de partout, et sortit du véhicule. La première chose qu’elle découvrit une fois à l’extérieur, ce fut la maison. Rectification, sa maison. D’une forme simple avec un étage, elle n’avait pas de jardin délimité et partageait à la place l’immense terrain de verdure qu’était Bourg-en-Vol avec les autres habitations aux alentours, notamment la maison voisine qui avait exactement la même forme. Saphir fut aussi très intriguée par le calme du lieu. Sa mère lui avait bien dit que ce ne serait pas aussi mouvementé qu’à Bourg-Palette, mais la différence restait surprenante.
En parlant de sa mère, d’ailleurs, cette dernière était sortie de la maison et parlait au camionneur, vérifiant certainement avec lui que les dernières affaires étaient bien arrivées avec sa fille. Quand elle tourna la tête vers Saphir, elle afficha un grand sourire.

– Ma petite chérie ! elle la salua en venant la prendre dans ses bras. Comment s’est passé le voyage ? pas trop secouée, j’espère ?
– Bof, je survivrai, lui dit la jeune fille en retournant légèrement le câlin.

Elle avait douze ans et les gestes affectifs qu’elle appréciait étant petite l’embarrassaient désormais davantage. C’était comme si sa mère la considérait encore comme un bébé – et elle lui répétait souvent qu’elle le serait toujours à ses yeux. Elle s’écarta finalement sa fille après quelques secondes.
Elle avait beau être entrée dans sa quarantaine, Blue restait une femme sublime. Ses cheveux cendrés lui arrivaient jusqu’au milieu du dos, à l’exception de certaines mèches sur les côtés. Ses yeux bleus reflétaient l’âme de l’aventurière qui sommeillait en elle, mais qu’elle avait tue lorsque son aînée était arrivée au monde. Élever un enfant demandait beaucoup de responsabilité après tout, et malheureusement cela avait dû mettre fin à sa carrière de dresseuse de Pokémon. Mais elle ne regrettait aucun de ses choix.
Blue leva les yeux au ciel et inspira un bon coup l’air frais du matin.

– Alors, qu’est-ce que tu dis de Bourg-en-Vol ? lui demanda-t-elle, tandis que Saphir scrutait les quelques maisons au loin. C’est vraiment paisible, tu ne trouves pas ?

Il y avait effectivement une tranquillité qui différenciait le village de Bourg-Palette. A part elles, les Machopeurs qui remplissaient la maison de cartons lourds et le camionneur, il n’y avait personne d’autre dehors. A croire que le lieu était complètement mort. Saphir soupira.

– Ouais, c’est très calme...

Puis elle rajouta, sur un ton un peu plus accusateur :

– Le coin parfait pour toi et ton « Roman ».

C’était lui, la raison pour laquelle elle et sa famille avait déménagé dans cette région. Sa mère l’avait rencontré il y a plusieurs mois lors d’un diner que tenait tante Daisy et qui réunissait plusieurs figures du monde de la recherche sur les Pokémon. Saphir n’avait pas assisté à l’évènement, préférant regarder un film à la télévision avec son petit frère que de rester à un dîner qui ne l’aurait pas tant intéressé que ça. Enfin, c’est ce qu’elle pensait à ce moment-là, mais si elle avait accepté d’accompagner sa mère, sans doute aurait-elle rencontré son nouveau petit ami. A priori, il accompagnait un professeur de la région de Hoenn. Tous deux restèrent quelques temps à Kanto avant de repartir, mais depuis cette rencontre, Blue n’arrêtait plus de parler de ce nouveau gars. Elle et lui avaient longtemps correspondu ensemble jusqu’à ce qu’il les invite à vivre à Hoenn avec lui. Et bien sûr, sa mère avait tout de suite accepté, sans même demander à ses enfants ce qu’ils pensaient de cette situation.
Blue quitta le ciel du regard et posa ses yeux de la même couleur sur elle, visiblement agacée par ses paroles.

– C’est « Norman », et tu le sais ! la gronda-t-elle, puis elle soupira. Écoute, je comprends que la situation actuelle ne te plait pas, mais tu verras, tu trouveras facilement de nouveaux repères. Et Norman est quelqu’un de bien ; c’est un Champion d’Arène très respecté par ses pairs.
– Je sais, je sais, Saphir grogna entre les dents. Tu me l’as dit plein de fois. Tu me le dis presque tous les jours.

Elle aurait voulu pouvoir dire à sa mère le fond de sa pensée ; à quel point elle aurait voulu rester à Kanto, quitte à vivre avec tante Daisy, plutôt que de partir dans un lieu totalement inconnu pour vivre avec un type qu’elle ne connaissait même pas. Il y avait beaucoup de choses qui n’allaient pas pour elle. Mais elle préféra ne rien dire et passer à un autre sujet.

– Sinon, où est Émeraude ? demanda-t-elle, n’ayant pas vu son petit frère en arrivant.

Tout à coup, elle sentit quelque chose lui foncer dessus par derrière en poussant un grand « BOOH ! ». Elle sursauta, surprise, tandis que deux petits bras l’entourèrent comme ils purent. Elle leva ses yeux bleu foncé vers le petit garçon qui la câlinait dans le dos en rigolant. A son tour, Saphir sourit.

– Ah ! te voilà, petit canaille ! s’exclama-t-elle en se retournant complètement.

Émeraude se détacha d’elle sans effacer son grand sourire. Il la suivit de son regard vert tandis qu’elle s’agenouillait pour être à sa hauteur.

– T’as vu ça ? lui dit-il avec fierté. Tu m’as même pas entendu arriver !
– Oh, mais est-ce que mon petit frère serait en train de devenir un ninja ? demanda-t-elle en lui frictionnant ses cheveux blonds vénitiens, geste auquel il répondit en rigolant. Nah, t’es bien trop mignon pour ça.




Elle se releva et croisa le regard de sa mère qui arborait un sourire tendre sur son visage. Saphir et Émeraude avaient toujours été très proches ; son aînée avait souvent tendance à mettre les intérêts de son petit frère avant les siens, voir même à le gâter. Ça ne voulait pas dire qu’elle ne savait pas lui dire « non », mais le bonheur d’Émeraude lui était primordial.
Sans doute parce que lui seul parvenait à la faire sourire en retour, depuis...
Saphir secoua la tête, refusant d’y repenser. Son sourire s’évanouit et elle se détourna de sa famille.

– Bon, je vais faire un tour, annonça-t-elle à sa mère qui la regarda avec surprise.
– Et tes affaires ? demanda-t-elle. Les Machopeurs ne vont pas faire tout le boulot, et puis Norman t’a acheté une horloge en cadeau de bienvenue.

Ça lui donnait encore moins l’envie de rester dans les parages. Tout à Bourg-en-Vol reflétait l’ennui et elle avait encore du mal à se confronter à la réalité; une page de sa vie s’était tournée. Elle haussa les épaules.

– Je m’en occuperai en revenant, dit-elle. J’ai juste besoin de me délier les jambes après ce voyage en camion.

Ce qui n’était pas non plus tout à fait faux. Tout son corps la faisait encore souffrir et elle soupçonnait même d’avoir quelques bleus ici et là. Et puis, une balade lui changerait sans doute les idées. Sa mère céda finalement.

– Très bien, mais rentre avant midi, et ne t’aventure pas trop loin !
– T’inquiète pas, je serais vite de retour.

Sous le regard de sa famille, elle s’en alla finalement entre les arbres, loin du camion de déménagement et de ce patelin dans lequel elle se trouvait désormais coincée pour bien des années.

•••

Plongée dans ses pensées, Saphir ne regarda pas où ses pas la menaient. Il y avait trop à penser pour vraiment faire attention à la végétation luxuriante qui l’entourait. Elle ne faisait pas non plus attention aux Pokémon insectes qui s’enfuirent à son passage, ni aux Pokémon vols, perchés sur les branches des arbres, qui la considéraient curieusement.
Elle ne comprenait pas la décision de sa mère. Ça ne faisait que quelques mois qu’elle avait entamé sa relation avec ce Norman, pourtant elle se voyait déjà un avenir avec lui. Alors évidemment que Saphir ne voyait pas ce déménagement d’un très bon œil ; l’avoir arrachée à sa région natale juste pour un homme que sa mère aurait très bien pu continuer de contacter par messages ou téléphone lui laissait un goût amer dans la bouche.
Ses pensées furent tout à coup interrompues par un hurlement au loin. Tout son être se mis en état d’alerte lorsqu’elle distingua un appel au secours dans la voix et elle se mit à courir en direction du cri de détresse.

– Tenez-bon ! elle cria de tous ses poumons. J’arrive !

Elle écarta le plus vite possible les feuillages qui lui barraient la route et étouffa un cri en découvrant la scène.
Un homme habillé d’une grande blouse blanche se trouvait à la merci d’un Pokémon qu’elle ne connaissait pas, mais qui avait une forme canine. Le bras droit de l’inconnu était ensanglanté et le pauvre gars, le dos collé à un tronc d’arbre, tentait tant bien que mal d’arracher un sac en cuir de la gueule du canidé qui n’en démordait pas.

– Lâche-ça ! ordonna l’homme, en vain. Ce sont des recherches scientifiques avancées ! Si tu me laisse partir avec, je te promets de ne plus venir t’embêter, d’accord ?

Rien à faire, le Pokémon continua de tirer vers lui, les yeux plus menaçants que jamais. C’est alors que l’inconnu croisa le regard bleu de Saphir, toujours en train d’observer la scène sans trop savoir quoi faire. Il afficha une expression soulagée, mais elle ne dura que quelques secondes avant qu’un coup sec du Pokémon le ramène au moment présent.

– T-toi là ! bredouilla-t-il sous l’effort, son bras devant lui faire horriblement mal. Viens m’aider s’il te plaît !
– Comment ? Je ne suis pas dresseuse ! répondit Saphir, et sa voix attira l’attention du Pokémon sauvage qui lâcha le sac et tourna son regard mauvais vers elle.

L’homme récupéra vite son sac et pointa un endroit au loin :

– Regarde là-bas ! Ma PokéBall est tombée dans ce coin quand je me suis fait agresser par ce Pokémon ! Dépêche-toi de la prendre !

Elle hocha de la tête et fonça à l’emplacement indiqué. Bien entendu, le canidé, comprenant ce qu’elle comptait faire, poussa un grognement féroce et la poursuivit. Lorsqu’elle vit la PokéBall entre les touffes d’herbe, elle se jeta dessus et se retourna, le dos par terre. Elle poussa un cri apeuré quand elle vit le Pokémon sauvage se jeter sur elle et protégea son visage avec ses mains par réflexe.
Elle sentie tout à coup la PokéBall vibrer, puis entendit un bruit étrange suivit d’un « PAF ! » et d’un couinement. Elle écarta prudemment les mains de son visage pour voir ce qui venait de se produire.
Un Pokémon ressemblant à un gecko se tenait sur le Pokémon sauvage, le maintenant fermement au sol en appuyant ses deux mains sur sa tête. Saphir n’avait jamais vu ce genre de Pokémon non plus, mais son allure et ses yeux perçants lui coupèrent le souffle. Il avait la classe.
Malheureusement, le drôle de lézard ne put rester dans cette position bien longtemps ; au moment où Saphir se releva, le Pokémon sauvage, dans un élan enragé, se redressa subitement avec toute la force qu’il avait et frappa le museau arrondi du drôle de lézard avec sa tête. Une sorte d’attaque Charge qui envoya rouler le Pokémon dressé aux pieds de la jeune fille. Sonné, il se remit tout de même sur ses deux jambes et toisa l’autre bestiole de son regard perçant. Mais il ne bougea plus de sa position. En fait, il semblait même attendre, et ce malgré la posture menaçante du canidé qui était prêt à bondir à nouveau sur lui ou Saphir. Cette dernière comprit qu’elle devait donner un ordre. Puisant dans les attaques de faibles niveaux qu’elle avait apprise par cœur auprès de son père, elle pointa un doigt en direction du Pokémon sauvage :

– Utilise Écras’Face !

Ni une, ni deux, le gecko pris son élan en direction de son adversaire, bondit à quelques pas de lui et, dans un tourbillon si rapide que Saphir eut du mal à suivre, assena un coup de queue si violent contre le museau du Pokémon sauvage que celui-ci poussa un couinement de douleur. Il roula quelques mètres plus loin mais se releva bien vite pour s’enfuir la queue entre les jambes. Apparemment, cette démonstration de force l’avait si bien effrayé qu’il avait préféré abandonner le combat. La tension dans la clairière s’amenuisa petit à petit jusqu’à ce que Saphir relâche un souffle qu’elle n’avait même pas remarqué avoir retenu jusqu’alors. Elle n’aurait jamais pensé que son premier combat Pokémon se déroulerait ainsi, et il lui avait déjà bien paru intense.
Le gecko poussa un doux roulement à ses pieds ; elle le regarda s’approcher de l’homme – qu’elle avait un peu oublié dans l’action, d’ailleurs – avec un air inquiet. Il posa prudemment ses petites mains à trois doigts sur son bras droit, celui qui saignait.

– Ne t’inquiète pas, le rassura son – à priori – Dresseur, ce n’est pas aussi grave que ça en à l’air. Un bandage et ça ira beaucoup mieux !

A son tour, Saphir s’approcha.

– Qu’avez-vous fait pour l’énerver comme ça ? demanda-t-elle en l’aidant à se relever.
– Oh ça, répondit-il en grimaçant un peu à cause de la douleur, c’est parce que je me suis approché un peu trop près de son territoire. Les Medhyèna sont très territoriaux, surtout quand ils sont de mauvais poils, et j’ai malheureusement été imprudent aujourd’hui. Bah, ce n’est pas la première fois que ça m’arrive et ce ne sera sans doute pas la dernière !
– Ah, parce que vous faites ça souvent en plus ?
– Bien sûr ! Je suis le Professeur Pokémon de la région de Hoenn après tout, le Prof. Seko ! Aller étudier les Pokémon directement sur le terrain, c’est ce que je sais faire le mieux ! dit-il avec fierté, mais aussi surprise, comme si Saphir aurait dû automatiquement connaître son identité. Tu n’as jamais entendu parler de moi ?

Elle lui répondit par un secouement négatif de la tête.

– Mais il est vrai que je n’ai jamais vu ta tête non plus auparavant... murmura le Professeur. Dis-voir, comment t’appelles-tu ?
– Euh... Saphir Chen, répondit la jeune fille. Je viens d’emménager à Bourg-en-vol.

A ces mots, le visage du Prof. Seko s’éclaira d’un grand sourire.

– Saphir Chen ! Bien sûr ! L’arrière-petite-fille du célèbre Samuel Chen ! Ah, ce bon vieux professeur, tu sais que c’est lui qui m’a inspiré pour devenir Professeur Pokémon à mon tour ? Quel homme brillant il était ! Norman m’avait dit que ta famille arriverait aujourd’hui à Bourg-en-Vol, et au départ je ne l’avais pas cru quand il me disait qu’il sortait avec-
– Attendez, attendez ! le coupa Saphir. Vous connaissez Norman ? Le nouveau petit ami de ma mère ?
– Bien sûr ! Lui et moi sommes de très bons amis !

Il y eut tout à coup un bruissement entre les buissons qui ramena le silence entre eux. Le gecko, debout aux pieds du Professeur, fixa les feuilles sombres, tous ses sens aux aguets.

– Hum... toussota le Prof. Seko. Si on allait à mon laboratoire ? Ce sera peut-être mieux pour parler, et je crois que notre Medhyèna de toute à l’heure va revenir avec sa meute pour une revanche. Et je dois aussi soigner ça, ajouta-il en indiquant son bras sanglant.

Saphir hocha de la tête, préférant effectivement retourner dans un endroit plus sécurisé après les récents évènements. Le Professeur rappela le gecko dans sa Pokéball et les deux humains prirent la route de Bourg-en-Vol.

– Je comprends que la situation actuelle soit plutôt frustrante pour toi, mais tu verras, Norman est un type b- AÏE ! Armin, enfin, allez-y plus doucement sur le bandage ! gronda le Prof. Seko que la douleur avait interrompu dans son discours.
– Désolé Monsieur, grommela l’assistant, mais avec tout le respect que je vous dois, c’est la troisième fois cette semaine que je dois vous retaper après une de vos petites expéditions ! Je n’ai pas été engagé pour ça, moi !

Saphir regarda les deux hommes tandis qu’ils se disputaient, les bras croisés. A peine furent-ils arrivés au laboratoire du Prof. Seko avec ce dernier que son assistant, en voyant les traces de griffures ensanglantées sur sa blouse, s’était jeté sur le kit de premier secours en criant qu’il finirait par se tuer un jour. Le Professeur Pokémon s’était ensuite assis pour le laisser bander la blessure, tout en discutant avec Saphir sur sa famille et ce fameux Norman qui ferait partie de sa vie.
Quand il eut fini de remettre son patron à neuf, Armin retourna à son travail, non sans prévenir le Professeur que sa femme risquerait de piquer une crise si elle le voyait dans cet état. Le Prof. Seko haussa les épaules.

– Elle a l’habitude, répondit-il simplement avant de revenir à son premier sujet de conversation. Comme je te le disais, tu n’as rien à craindre de Norman. Lui et moi sommes de vieux amis ; c’est lui d’ailleurs qui m’a accompagné à Kanto il y a plusieurs mois. Hé, qui sais, je t’ai peut-être croisée sans m’en rendre compte !
– Impossible, je n’y étais pas, répondit platement Saphir, détournant un instant les yeux pour regarder le Pokémon qui mangeait sur la table métallique derrière elle.

Il s’agissait de celui qui les avait défendus un peu plus tôt contre le Medhyèna ; un Arcko, à priori, un Pokémon type plante qui servait généralement de starter aux Dresseurs débutants qui passaient par un Professeur Pokémon pour commencer leur voyage initiatique. Saphir avait été impressionnée par sa vitesse et son agilité durant le combat, et son apparence lui plaisait aussi beaucoup. Le gecko savourait tranquillement sa nourriture sans trop faire attention aux humains autour de lui ; il semblait très bien éduqué.

– Ah, c’est bien dommage, dit le Prof. Seko en enfilant une nouvelle blouse, l’autre étant bonne pour la poubelle aux vues des dégâts. Enfin bref ! Saphir, j’ai une dette envers toi. Tu m’as sauvé la vie tout à l’heure et je tiens à t’offrir une récompense pour ton acte héroïque !

L’intéressée retourna son regard vers le Professeur, intriguée.

– Une récompense ? répéta-t-elle.
– En effet ! Peu de personnes auraient réagi de la même manière que toi. Tu as gardé ton sang-froid jusqu’au bout et tu as su mener un Pokémon au combat alors que tu n’es même pas Dresseuse. Comme quoi, tu as vraiment ça dans le sang !

Saphir baissa les yeux au sol à ces mots, mais le Professeur continua :

– Et donc, pour te remercier, j’ai décidé que je t’offrirais ton tout premier Pokémon !

A nouveau, elle releva son regard vers lui, les yeux écarquillés :

– Quoi ? Vraiment ? s’exclama-t-elle, ayant un peu de mal à le croire. Vous feriez ça ?
– Bien sûr ! Après ce que j’ai vu plus tôt, je ne peux qu’affirmer que tu feras une très bonne Dresseuse de Pokémon ! En fait, quand Norman m’a dit que toi et ta famille emménageriez à Bourg-en-Vol dans le mois, et que j’ai su que tu avais l’âge de faire ton tout premier voyage Pokémon, j’avais déjà décidé de te réserver un Pokémon. Mais maintenant, je suis plus que décidé à te le donner !

Sur ce, il s’avança vers une sorte de grande couveuse dans laquelle se trouvait une seule PokéBall et l’en sortit. Il activa ensuite le bouton se trouvant au milieu de l’objet sphérique et, dans un éclat de lumière écarlate, un Pokémon en sortit.
Il ressemblait à un amphibien, avec une peau principalement bleue et des joues orange. Debout sur ses quatre pattes, il contempla Saphir avec ses petits yeux foncés inexpressifs. La jeune fille le trouva tout de suite très laid.

– Voici Gobou ! annonça le Prof. Seko avec fierté. Un Pokémon de type Eau, parfait pour les Dresseurs débutants ! Celui-là n’est pas très expressif, mais il fera un très bon compagnon de route à n’en pas douter.
– Il est... charmant... se força à dire Saphir, absolument pas convaincue par ses paroles, avant de se redresser pour fixer le Professeur droit dans les yeux. Mais je n’en veux pas.

Bien entendu, la déclaration soudaine le surpris.

– A-ah ? il bredouilla. Comment ça ?
– Je ne doute pas que... Gobou... soit un très bon Pokémon, se justifia Saphir, mais il y en a un autre que je souhaite avoir. Et c’est Arcko.

Il y eut un bruit, comme si on recrachait de la nourriture après une révélation choc. Saphir se retourna pour voir l’Arcko la regarder avec ses grands yeux jaunes, si bien ouverts qu’ils ressemblaient à deux gros disques sur son visage. Le Professeur aussi la dévisageait bizarrement, et il en allait de même pour l’assistant Armin, assis à son ordinateur mais dont elle distinguait le regard surpris juste au-dessus de son énorme écran. Le silence qui s’était installé commença à la mettre mal à l’aise. Avait-elle dit quelque chose de mal ?
Finalement, le Professeur poussa un long soupir.

– Arcko, hein ? il murmura doucement. Je suis désolé... je ne peux pas.

Avant que Saphir ne puisse demander pourquoi, il reprit rapidement la parole :

– Crois-moi, j’aurais aimé pouvoir te le donner. Arcko est un Pokémon formidable, loyal et très bien élevé, qui aurait fait un merveilleux starter s’il n’était pas...

Il jeta un coup d’œil vers le Pokémon qui, lui, détourna les yeux avec honte.

– ... « défectueux » ... acheva le Prof. Seko avec la gorge serré, le mot ne lui plaisant aucunement mais illustrant au mieux le problème avec Arcko.
– Je... Je ne comprends pas... murmura Saphir, regardant elle aussi le gecko en se demandant bien où était le problème.

Armin, depuis son ordinateur, toussota.

– Regarde son pied gauche, dit-il simplement, avant de retourner sur son écran.

Saphir obéit et s’approcha du Pokémon toujours assis sur la table. Il la laissa l’observer sans même relever les yeux, visiblement mal à l’aise. C’est quand ses yeux bleus se posèrent sur son pied qu’elle comprit.
Elle ne l’avait pas remarqué jusqu’ici, trop concentrée sur le combat contre le Medhyèna un peu plus tôt puis sur sa conversation avec le Prof. Seko une fois qu’ils arrivèrent au laboratoire. Mais elle ne voyait désormais plus que ce pied auquel il manquait tout l’avant, du milieu jusque là où auraient dû se trouver les orteils. Une cicatrice longeait le bout du moignon, un signe que l’Arcko avait bel et bien subi une amputation.




C’était très impressionnant à regarder... aussi Saphir détourna assez vite son regard pour le fixer sur le Professeur Pokémon.

– Qu’est-ce qu’il lui est arrivé ? demanda-t-elle, se sentant désolée pour la créature qui leur tournait toujours le dos.
– La bêtise humaine, répondit sombrement le Prof. Seko. Tu dois t’en douter, les Pokémon servant de starter aux Dresseurs débutants sont des Pokémon rares qui sont d’abord élevés dans des élevages spécialisés. Comme on ne peut plus trouver de ces Pokémon dans la nature, il n’y a qu’à ces endroits qu’on peut en obtenir, mais ils sont uniquement réservés aux Dresseurs qui obtiennent leur carte de Dresseur via un Professeur Pokémon comme moi. Malheureusement, certaines personnes n’aiment pas se plier à la loi...

Il marqua un temps d’arrêt le temps que Saphir assimile ces quelques informations avant de continuer :

– Arcko était encore tout jeune quand des braconniers ont réussi à pénétrer dans son élevage. Même si les lieux sont hautement sécurisés, des failles peuvent arriver. Ils ont posé plusieurs pièges et Arcko est tombé dans l’un d’entre eux. Heureusement, les éleveurs n’étaient pas loin et ils ont réussi à le libérer avant que les braconniers ne puissent l’enlever... Mais ce piège a fait... pas mal de dégâts. Ce ne sont pas des types qui portent la bonté dans leurs cœurs ; parvenir à leur fin est tout ce qui compte à leurs yeux.

Saphir ne pu qu’écouter cette histoire, son cœur se tordant doucement dans sa poitrine en imaginant cette effroyable mésaventure. Pauvre Arcko ! Aucun Pokémon ne méritait de subir une telle abomination.

– Les médecins n’ont donc pas eut le choix, soupira le Prof. Seko, la blessure était déjà infectée. L’élevage m’a ensuite téléphoné pour m’annoncer qu’ils ne m’enverraient pas cet Arcko, qui était supposé m’être expédié dans les mois à venir, et qu’ils le garderaient pour la reproduction. Mais j’ai insisté pour l’avoir même si je ne pouvais plus le donner à un Dresseur. Si les élevages sont loin d’être des lieux horribles, dans mon opinion, ce n’est pas non plus ce à quoi la vie d’un Pokémon doit se résumer, aussi handicapé soit-il. Il m’a fallu insister un bon moment, mais ils ont fini par accepter. Ça fait maintenant deux ans qu’Arcko m’accompagne dans mes expéditions ; c’est un très bon assistant sur le terrain, je dois l’admettre ! Mais voilà ; je ne peux pas te le donner. Si tu veux vraiment un Arcko, il faudra attendre la saison prochaine, quand le suivant sera assez âgé pour être donné à un Dresseur.

Saphir resta un moment silencieuse, plusieurs pensées tournant en boucle dans sa tête. Dans le même temps, elle jeta un coup d’œil en direction du Arcko, toujours dos tourné à eux. Le Prof. Seko en prenait bien soin, il n’y avait aucun doute là-dessus ; à part pour ce pied amputé, le Pokémon était en parfaite santé. Mais était-il réellement heureux dans ce laboratoire ? Après tout, il avait été élevé pour accompagner un jeune Dresseur dans ses aventures. Peut-être qu’il désirait lui aussi explorer le monde, un rêve qui lui était désormais impossible à cause de ces horribles braconniers. Combien de Pokémon avait-il vu partir de Bourg-en-Vol sans pouvoir en faire de même ?
Non, elle ne le laisserait pas comme ça. Elle avait pris sa décision, c’était désormais au Prof. Seko de s’y plier. Elle prit la parole, choisissant prudemment ses mots :

– Son histoire est terrible, je l’admets. Mais je reste sur ma décision, Professeur.
– Saphir...
– Écoutez, l’interrompit-elle assez brusquement, et remarquant son impolitesse, elle reprit plus doucement : vous vous inquiétez pour lui, je comprends. Avec son pied amputé, il y a plus de risque pour lui sur le terrain.
– Ce n’est pas seulement sa sécurité, mais aussi la tienne, lui dit alors le Professeur. Son handicap réduit l’efficacité de ses attaques physiques, ainsi que son agilité et sa vitesse. Si tu devais tomber sur un Pokémon sauvage enragé ou sur une personne sans bonnes intentions...
– Mais il nous a bien protégé tout à l’heure contre ce Medhyèna, non ? l’interrompit-elle encore une fois. Il lui a suffit d’une attaque pour le faire fuir en courant ! Je sais qu’il a encore un énorme potentiel en lui, il a juste besoin qu’on l’aide à le manifester !

Comme l’homme face à elle ne disait plus rien, elle poursuivit :

– Vous disiez un peu plus tôt que j’avais le Dressage de Pokémon dans le sang, n’est-ce pas ? Laissez-moi vous prouver que c’est vrai. Confiez-moi ce Arcko et je vous jure que j’en ferais un puissant Pokémon !

Le Professeur garda son silence. Mais un sourire se dessina petit à petit sur ses lèvres, jusqu’à ce qu’il relâche un petit rire, visiblement amusé par la situation.

– Eh bien, j’imagine que je ne peux pas te faire changer d’avis, soupira-t-il. Alors très bien ; si tu y tiens tant, je te le confie. MAIS ! continua-t-il avant que la jeune fille ne puisse crier victoire trop vite. Seulement si tu parviens à relever mon défi !
– Un défi ?
– C’est bien ça ! Il se trouve que j’ai un fils, Rubis, qui a ton âge. Je lui ai donné son starter hier seulement, donc c’est un débutant comme toi. Tu feras ton tout premier combat Pokémon contre lui avec Arcko ; si tu parviens à le battre et que tu me prouve que tu peux gérer le handicap de ton Pokémon au combat, alors je te le donnerais pour de bon.

Une vague de détermination s’empara de la jeune fille. C’était la bonne opportunité non seulement pour se prouver, mais aussi pour donner à Arcko la chance de participer à son aventure. Hors de question qu’elle échoue !

– Très bien ! J’accepte le défi !
– C’est ce que je voulais entendre ! s’exclama le Prof. Seko avec un grand sourire. Tu trouveras Rubis sur la Route 103, je l’y ai envoyé pour qu’il fasse quelques recherches pour moi. Il te suffit de traverser la Route 101 et de passer par une petite bourgade qui s’appelle Rosyères.

Elle hocha la tête et se tourna vers le Arcko. Elle croisa alors ses grands yeux jaunes qui la fixaient avec surprise mais aussi gratitude. La façon dont ils étincelaient lui indiqua qu’il avait tout entendu de la conversation et que rien ne pouvait le rendre plus heureux que de pouvoir accomplir la tâche qui lui avait été affiliée à l’origine ; être le starter d’un tout nouveau Dresseur. Cela donna à Saphir encore plus de raisons de réussir son défi.
Elle lui sourit et le prit dans ses bras.

– Allons-y ! lui dit-elle tandis qu’il se positionnait, un peu maladroitement, sur son épaule gauche. On trouve Rubis, on le bat et on part à l’aventure ensemble !

Le Pokémon lui répondit d’un air enjoué. Il semblait lui aussi très déterminé !

– Bonne chance, vous deux ! leur lança le Prof. Seko alors qu’ils sortaient du laboratoire.

Direction la Route 103 !