|
| [Platine] Envers et contre tous | |
| YunUroko
Écrivain
Nature : Calme
Niveau : 31
Exp : 166
| Sujet: [Platine] Envers et contre tous Jeu 3 Avr 2014 - 23:31 | |
| Bonjour à tous ! Je me suis donc lancée dans ma propre aventure sur Pokémon Platine, avec les règles suivantes : - Règles:
1. Tout Pokémon tombé KO est considéré comme mort. 2. On ne peut capturer que le premier Pokémon apparaissant sur chaque route. Cependant, un shiny reste un shiny, et si une petite bestiole dorée vient à se montrer, on ne crachera pas dessus comme un malpropre. 3. Renommer tous ses Pokémon (contrainte : ne prendre que des noms tahitiens) 4. Les Pokémon fixes/légendaires ne peuvent être capturés. 5. Seuls trois objets de soin peuvent être achetés à chaque ville. De même, seul un Lait Meumeu par ville est autorisé à l’achat, soit un total de 14. Pas de restriction concernant les pokéballs.
Bien, à présent que ceci est clair, il est temps de commencer la partie ! ... Sauuuuf que celle-ci sera présentée sous forme de fic. Du coup, quelques *tousse* écarts *tousse* par rapport au scénario de base seront de mise. Mais, je vous laisse juger par vous-même, en espérant que mon aventure vous plaise o/ Bonne lecture ! - Prologue:
La pièce circulaire était plongée dans une âpre pénombre, du fait des rideaux tirés, reflétant bien l’état d’esprit de la propriétaire des lieux. Assise à son bureau impeccablement rangé, le Maître de Sinnoh n’était effectivement pas tranquille. Son visage, appuyé contre ses poings serrés, trahissait l’inquiétude qui envahissait la moindre cellule de son être. Elle tentait tant bien que mal de conserver son sang-froid en prenant de longues inspirations, qui soulevaient régulièrement sa poitrine et son ventre. C’était tout ce qu’elle pouvait faire pour le moment. Attendre. Dans toute cette obscurité, c’était à peine si on pouvait distinguer sa silhouette svelte, ou celle de son fidèle Akwakwak, adossé au mur, les bras croisés. Il veillait sur sa partenaire humaine, tout en conservant son esprit imperméable aux vibrations provenant de l’extérieur et au tumulte qui y régnait. Lui non plus ne voulait pas savoir ce qu’il se passait au-dehors. De toute manière, ils l’apprendraient bien assez tôt… En effet, quelques instants plus tard, on frappa à la porte massive. La jeune femme ouvrit subitement les yeux tandis que son cœur se serrait dans sa cage de chair et d’os, et se redressa sur son fauteuil confortable, se levant à moitié. Elle était d’une pâleur de mort. « Entrez », prononça-t-elle d’une voix ferme. Alors que le battant s’ouvrait, laissant un filet de lumière grandissant éclairer la pièce, elle eut l’impression que le Temps faisait exprès de se jouer d’elle en ralentissant. Comme s’il souhaitait prolonger son supplice. Enfin, l’encadrement de la porte laissa voir un homme aux cheveux bruns d’une trentaine d’années, légèrement plus jeune que la propriétaire des lieux. Il n’eut même pas besoin de dire quoi que ce soit. Son expression grave sur son visage carré et son regard bleu fuyant étaient plus éloquents encore que les mots. Son cœur s’emballa subitement, au point qu’il manqua un battement, à l’annonce silencieuse de cette issue tant redoutée. La jeune femme s’affaissa dans son siège et enfouit son visage dans ses mains. L’oiseau bleu barbeau, lui, frappa le mur de rage, y laissant même l’empreinte de son poing. Le messager s’avança jusqu’au Maître et l’entoura de ses bras pour tenter de la réconforter. Il hésita un moment. « Elle ne lui a laissé aucune chance. C’était… C’était encore pire que pour les trois autres. - Tu peux nous épargner les détails, oui ?! rugit l’Akwakwak. Tu penses vraiment que c’est le moment de dire des trucs pareils ?! - Vai, arrête, répliqua sèchement sa dresseuse. Ne rends pas les choses plus difficiles qu’elles ne le sont déjà. » Cette dernière se dégagea de l’étreinte de l’homme pour se lever. Elle se dirigea vers l’armoire contenant les symboles de son règne sur Sinnoh, transmis de Maître en Maître. Elle les considéra un instant… Puis revêtit la cape antique, élimée en de nombreux endroits, dont on disait qu’elle était en peau de Luxray primordial, représentant le Courage qu’il lui avait fallu pour obtenir ce titre après de nombreux sacrifices et celui qu’elle devait avoir pour protéger son peuple. Elle entoura son cou de la chaîne soutenant le médaillon doré serti d’une escarboucle, semblable en tout point à un œil rouge ouvert sur le monde, incarnant tout le Savoir qu’elle avait dû acquérir durant sa quête et qu’elle mettait ensuite à la disposition de la population. Enfin, les deux lourds bracelets en argent blanc symbolisaient la Vérité, à savoir l’atteinte de son but par le passé et l’idéal qu’elle destinait à Sinnoh. Ils avaient cependant une autre signification, bien plus redoutable en temps que chef de la nation. Le poids de ces deux reliques mettaient en effet en garde leur détenteur concernant ses choix : ses décisions pouvaient être un fardeau terrible. Et, en ce moment-même, le Maître ressentait très bien ce carcan qui étreignait sans ménagement sa conscience. Mais elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même. La jeune femme se considéra un instant dans la glace de l’armoire. Mis à part la longueur de ses cheveux gris anthracite, ses traits raffermis par le Temps et son regard bien plus dur qu’auparavant, son image était presque identique à celle qu’elle avait été le jour de son investiture. Le Maître prit une grande inspiration. Elle ne pouvait plus reculer. Elle ne le pouvait plus depuis longtemps, de toute façon. Une seule solution se présentait désormais à elle : faire face à ses erreurs et assumer son rôle comme il se devait. Vai la rejoignit, comme elle se dirigeait vers la porte. C’est alors qu’elle marqua une pause, et se tourna une dernière fois vers le messager, la main sur la poignée. Il n’avait pas bougé de derrière le bureau, la regardait avec une triste tendresse. Lui aussi savait parfaitement ce qui allait se jouer dans les minutes qui suivraient. « Chéri, tu te souviens de ce que je t’ai dit si jamais je… - Ne t’en fais pas pour ça. Même si je suis certain que tu vas remporter ce combat, j’ai tout préparé. Au cas où. » La jeune femme répondit d’un silence. Inconsciemment, elle se mit à serrer davantage la poignée, à tel point que la sensation du métal froid commença à lui remonter le long des doigts. « Je ne suis plus sûre de rien, désormais… » Elle quitta alors la pièce, son fidèle partenaire d’azur à ses côtés. *** Ils empruntèrent le long couloir qui menait jusqu’au terrain. Le bruit de leurs pas était absorbé par le tapis rouge moelleux qui les accompagnait tout du long, comme un chemin de rose. Ou de sang, songea la jeune femme, que les circonstances avaient dépouillée de son habituel entrain. Les torches au mur étaient les seules sources de lumières, projetant leurs ombres déformées sur les fresques mythologiques, et donnaient une ambiance grave et oppressante à tout le trajet. Jamais cette atmosphère n’avait si bien convenu. « Vai… Tu penses toi aussi qu’on va gagner ? » Habituellement, le guerrier de l’onde se serait emporté devant ses doutes. Cependant, il savait parfaitement que ce n’était pas le moment. « On s’est entraînés d’arrache-pied, ces derniers temps. Alors, aussi douée qu’elle soit, je vois vraiment mal comment elle pourrait tous nous vaincre. » A nouveau, le Maître garda le silence. « C’est vrai, mais… C’était aussi le cas pour les autres. Et pourtant, ça ne l’a pas empêchée d’arriver jusqu’à nous. » La jeune femme serra les dents, avant de reprendre, dans un souffle. « Je suis désolée de vous faire risquer ça. Si seulement j’avais réagi avant… - Combien de fois il va falloir que je te répète d’arrêter de te lamenter là-dessus ? Ce n’est pas comme ça qu’on va réussir ! Nous sommes tous conscients du danger. Mais nous allons y faire face, comme à chaque fois qu’on a besoin de nous. Nous sommes le dernier rempart pour contrer cette folle. Alors, tout ce que je te demande, c’est ce que tu as toujours fait jusqu’à présent. » L’Akwakwak posa sa patte palmée aux griffes acérées sur l’épaule de sa partenaire humaine, comme il le faisait toujours pour la rassurer lorsqu’elle commençait à douter d’elle. Ils étaient arrivés à l’imposante porte en acajou sculpté, haute de plusieurs mètres, qui donnait sur le stade. « Crois en nous et dirige les opérations. Tu vas voir, on ne va pas la laisser nous imposer son rythme. » La jeune femme sourit à son compagnon d’azur avant d’acquiescer. « Très bien. Ce sera le tout pour le tout. » Les deux pans de bois s’ouvrirent alors, déferlant sur eux les aveuglantes lumières artificielles ainsi que le vacarme des tribunes. « Allons-y ! »
- Liste des chapitres a écrit:
- Prologue
Chapitre 1. Pieds et poings liés Chapitre 2. Briser la glace Chapitre 3. Douche Froide Chapitre 4. Du plomb dans l'aile Chapitre 5. Le début de la fin Chapitre 6. Sur le pied de guerre Chapitre 7. Avaler des poires d'angoisse - Univers du récit a écrit:
- Carte et informations des régions de Sinnoh
Pokéballs et contrats Chonologie |
| | | Snivylicious
Banni
Nature : Gentil
Niveau : 30
Exp : 27
Pas de badges gagnés
| | | | YunUroko
Écrivain
Nature : Calme
Niveau : 31
Exp : 166
| | | | Koukin
Écrivain
Nature : Prudent
Exp : 186
| Sujet: Re: [Platine] Envers et contre tous Dim 6 Avr 2014 - 14:17 | |
| Okééééé donc je suis captivé dès le premier paragraphe et j'ai été à la limite de trembler en lisant le reste. C'est vachement bien écrit. J'adore, j'adhère. |
| | | YunUroko
Écrivain
Nature : Calme
Niveau : 31
Exp : 166
| | | | Hensoku
Dresseur
Nature : Mauvais
Niveau : 27
Exp : 353
| | | | YunUroko
Écrivain
Nature : Calme
Niveau : 31
Exp : 166
| Sujet: Re: [Platine] Envers et contre tous Jeu 10 Avr 2014 - 13:41 | |
| Wouhou, j'ai retrouvé mon ordi plus tôt que prévu !! Du coup, je peux enfin vous mettre le premier chapitre ! - Chapitre 1. Pieds et poings liés:
La vague de froid était arrivée sans crier gare, alors que personne ne l’attendait. En moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, un épais brouillard glacé avait envahi l’air, assiégeant tous les habitants du Sud-Ouest de Sinnoh. Les flocons affûtés s’étaient rapidement déployés, noyant sous leur nombre la terre encore sèche quelques semaines auparavant, et avaient commencé leur carnage. Les pokémon n’avaient pas eu le temps de compléter les réserves entamées lors de la saison passée, et la faim ne tarderait pas à les torturer. Tous les fruits avaient été sans cesse harassés par les assauts impitoyables des bourrasques, pour finir par s’effondrer, criblés d’impacts et desséchés. Les arbres, qui avaient commencé à recouvrir leur parure d’automne, s’étaient retrouvés figés par le mauvais temps. Des feuilles ternes et recroquevillées, victimes du froid, pendaient pitoyablement sur les branches, quand elles n’étaient pas ensevelies sous la neige au pied des êtres sylvestres. Les dernières encore intactes condamnaient sans le savoir leur hôte, en puisant dans ses précieuses provisions. Même la roche n’avait pas été épargnée par ce fléau. Les températures avaient diminué d’une manière si brutale que certaines pierres s’étaient fendues, les falaises s’étaient fragilisées, provoquant des éboulements meurtriers. Les chutes de neige s’étaient enchaînées, plus ou moins distancées, mais ne laissant jamais de répit aux habitants du lieu. Il suffisait de lever les yeux vers le ciel chargé de nuages gris pour comprendre qu’une averse glacée pouvait à tout moment se déclencher. Par ce froid polaire, aucun habitant n’osait plus sortir, sous peine de subir la morsure du gel sur leur corps qui n’avait pas eu le temps de s’habituer à un bouleversement aussi soudain. La vallée menant au Lac Vérité était devenue un piège blanc, qui n’hésiterait pas à se refermer sur la première victime venue. Toutes les créatures du lieu avaient bien conscience de ce danger. Toutes. Sauf une. Au travers de cette dense fumée blanche, une faible lueur vacillait. On aurait pu croire à un esprit malin venu jouer les charognards sur ce champ de bataille imposé par l’hiver. Mais c’était quelque chose de bien vivant qui était la source de ce frêle éclat. Un petit singe roux avançait tant bien que mal, en titubant dans la poudreuse hostile. Le souffle court, il traînait ses pattes l’une devant l’autre, en mobilisant le peu d’énergie qu’il lui restait. Il ne sentait même plus la douleur provoquée par le contact de la neige hostile sur sa peau fragile. Il était obligé de s’agripper à des rochers ou des branches basses avec ses mains pour rester debout et poursuivre sa route. A chaque pas, ses muscles le tiraient, ses courbatures pourtant déjà sévères s’accentuaient encore. Tout mouvement supplémentaire devait supporter le poids des précédents, ajoutant à son supplice. Même s’il venait des montagnes, il n’avait jamais connu un froid aussi mordant. Quelle folie avait donc saisi cet être si fragile ? S’il avait pris le temps de réfléchir, il ne se serait jamais lancé ainsi dans un tel périple. Mais son jeune âge et son désespoir avaient enrayé tout raisonnement de son esprit étourdi par la fatigue. Il n’avait plus qu’une idée en tête, la seule raison qui l’empêchait de faire demi-tour ou de tenter de se réfugier en un endroit plus clément. Et, si ce qu’on lui avait dit était vrai, alors il n’était plus très loin de son objectif… Une bourrasque glacée souffla plus fort, s’immisçant au travers du poil ras du Ouisticram pour faire se hérisser son épiderme. Un frisson parcourut son corps affaibli par les journées de marche. Il ramena ses bras contre lui et les frotta aussi vigoureusement qu’il le pouvait avec ses mains, espérant ainsi se réchauffer un peu. Son pied buta alors contre une pierre, lui faisant perdre son équilibre précaire, et il s’effondra dans la neige. Le petit singe tenta bien de se relever. Mais, même en y mettant toute sa volonté, il ne parvenait pas à surmonter la souffrance de son corps et l’engourdissement qui était en train de s’emparer de lui. Il ne pouvait même pas se retourner sur le dos. Ses forces l’avaient définitivement quitté, et il finit par se résoudre à abandonner l’affaire. Une grande lassitude envahit son être, se répandant en lui comme la peste. Peu à peu, sa volonté de continuer à avancer se dissipa au profit d’une irrésistible envie de repos. Sa raison ne fut qu’une maigre résistance à l’avancée de cet épuisement. Ses paupières se fermèrent, sans même qu’il ne s’en rende compte. Le Ouisticram sombra doucement dans le royaume des songes. Il ne sentait déjà plus l’environnement polaire qui l’enveloppait. Le vent glacé qui, déjà, avait surpris le petit singe, se remit à souffler à hauteur de la voûte. Obéissant à ses ordres implicites, les nuages gris sonnèrent la charge des milliers de flocons qu’ils avaient jusque là retenus. L’hiver attaquait de nouveau. Une fine couche de neige, qui allait en s’épaississant, recouvrit bientôt toute cette partie de Sinnoh, que ce fût les routes, les arbres, les rochers… Ou même la créature endormie. Ses assauts inlassables et répétés eurent tôt fait d’avoir raison de la faible protection que constituait la peau du petit singe. Et lui aussi commença à être submergé par ces guerriers immaculés, qui absorbaient les sons. Seule sa flamme résistait encore. Mais la lueur produite diminuait doucement en intensité, tout comme sa respiration devenait plus espacée. Son corps, à l’instar de la région entière, se refroidissait. *** Le silence imposé par le temps fut soudain brisé. Un crissement imperceptible se produisit, bravant l’interdit de mutisme morbide. D’autres suivirent, à un rythme régulier, comme pour lui prêter main forte. Une silhouette, dissimulée dans un ample manteau noisette à capuche agité par les rafales glacées, avançait seule au milieu de ce fléau blanc. L’être évoluait à travers les arbres meurtris, semblant suivre une route invisible, dont le tracé était connu de lui seul. Il marchait en effectuant des pas calculés, en agrippant les pans de son habit pour les maintenir fermés, et empêcher ainsi le froid malin de s’immiscer à l’intérieur. Quand, du coin de l’œil, il remarqua quelque chose d’inhabituel. L’individu se retourna en fronçant les sourcils. Etait-ce seulement une illusion créée par la chute de neige et le froid, ou avait-il bien vu une lueur au milieu de tout ce paysage à la blancheur écœurante ? Voulant en avoir le cœur net, l’être à l’ample manteau s’approcha. Effectivement, il n’avait pas rêvé, c’était bien un feu qui s’offrait à ses prunelles grises. Cependant, il n’y avait aucune trace de foyer … L’individu s’avança encore pour s’accroupir, approcha sa main de la langue enflammée. Etrange… S’il ressentait parfaitement la chaleur sur sa peau, celle-ci restait doucereuse, beaucoup trop faible pour une flamme de cette taille-là. Encore plus intriguée, la silhouette observa alors ce sur quoi reposaient les flammes. Aucune bûche n’était visible. En revanche, il y avait une sorte de matière à la couleur chatoyante qui semblait servir de support à… Non… L’être écarta la couche de neige, espérant se tromper. Mais il avait bien vu juste. Ses yeux s’écarquillèrent en découvrant le pitoyable spectacle du petit singe évanoui. Et d’après la chaleur produite par sa flamme vitale, il allait bientôt dormir indéfiniment si personne ne lui venait en aide. Il fallait agir, et vite. La silhouette s’apprêtait à le prendre dans ses bras quand une pensée l’arrêta. Et si… Et s’il s’agissait d’un piège ? Après tout, ils en étaient bien capables. Elle en était bien capable. L’individu hésita quelques secondes… Avant de poursuivre son geste. C’était un risque à prendre. Mais il était hors de question de ne pas assister une créature aussi mal en point. Ce serait déroger à ses principes. Un éternuement ébranla le corps du petit singe. Arraché brutalement à son sommeil stérile, une véritable crise s’empara de lui, lui faisant expulser des nuages gris de fumée à chaque fois. Lorsqu’il se calma enfin, il cligna des yeux avant de balayer son environnement du regard, perdu. Il ne comprenait pas. Il ne comprenait pas comment il avait pu se retrouver dans cette grotte obscure, allongé sur une vieille natte effilée dont les grains de poussière avaient été responsables de son brusque réveil. Il ne comprenait pas comment l’étendue gelée, la dernière chose dont il se souvenait, s’était transformée en ce lieu clos et sinistre, où un feu mourant tenait lieu d’unique source de lumière, à peine suffisante pour repousser un tant soit peu les ténèbres et discerner quoi que ce soit. Déconcerté, le jeune Ouisticram entreprit de se redresser. Il serait mieux pour réfléchir à tout ça, une fois assis. C’est alors qu’il se rendit compte que des liens solides enserraient ses poignets, ramenés au niveau de ses omoplates. Au prix de quelques efforts et contorsions, la créature simiesque parvint finalement à s’asseoir. Il tira sur ses poignets, pour voir s’il parvenait à défaire la corde dans cette position, mais celle-ci n’en était pas moins relâchée. Tout ce qu’il obtint, ce furent des éraflures dues au frottement contre sa peau plus fragile et des douleurs à l’épaule et aux bras. Un instant, il songea à brûler les liens à l’aide de sa flamme caudale, mais il abandonna bien vite l’idée. La corde était hors d’atteinte, et il commençait tout juste à se réchauffer. Il lui fallait trouver autre chose. Le petit singe roux reporta son attention sur son environnement. Peut-être y avait-il quelque chose, dans cette caverne, qui lui permettrait de retrouver sa liberté ? Il devinait ce qui s’apparentait à un mobilier rudimentaire, ce qui signifiait que quelqu’un vivait ici, probablement un humain. C’était peut-être sa chance, songea-t-il, car même s’il ne les avait jamais côtoyés, mais il avait entendu dire qu’ils remplaçaient leurs griffes et crocs manquants par des outils. Il devait bien y en avoir un, par là… Pleine d’espoir, la créature simiesque s’approcha en bondissant du semblant d’étagère qui se trouvait proche de lui. Effectivement, des objets étaient posés sur l’édifice branlant, d’après ce que le jeune Ouisitcram parvenait à distinguer en plissant les yeux. Quelques bols et une cuillère en bois, une outre rapiécée, deux-trois pots, … Rien qui ne semblait digne d’intérêt pour l’instant. Supplantant toutes les autres, une odeur étrange et âcre s’imposa alors dans ses narines. Humant l’air en fronçant le nez, il s’approcha de l’objet qui laissait émaner une telle senteur, certain d’avoir déjà perçu ce relent auparavant. Soudain, il y eut un craquement. La dernière bûche du feu à l’agonie venait de se briser dans une flopée de braises qui illuminèrent brièvement l’espace. Un éclat métallique s’offrit au regard du prisonnier, dévoilant un gros couteau à la lame affûtée et ensanglantée. Effrayé, le petit singe roux recula d’un bond pour échapper à cet instrument cauchemardesque et fétide. Mais il perdit l’équilibre, à cause de ses bras entravés, et se retrouva par terre. Il réussit à se remettre assis, secoua la tête pour recouvrir ses esprits. Soudain, son regard s’arrêta sur une tâche sombre au sol, entourée de plumes et d’écailles, qu’il n’avait pas vue jusqu’à présent. Le Ouisticram blêmit. Il n’y avait aucun doute sur ce dont il s’agissait. Du sang, réalisa-t-il. L’effroi lui hérissa le poil, alors qu’il comprenait désormais la raison de sa présence en ce lieu. Paniqué, le petit singe roux se releva d’un bond, son regard affolé passant d’un objet à l’autre, réfléchissant aussi vite qu’il le pouvait. Il n’était plus animé que par une seule pensée. Fuir. Il eut alors une idée. Les murs de la caverne. Ils étaient en roche inégale. Avec un peu de chance… C’est avec soulagement qu’il trouva ce qu’il cherchait : une aspérité à sa hauteur. Aussitôt, il se mit dos au mur et frotta ses liens dessus. C’était long, fastidieux. Il avait davantage l’impression que la pierre inégale lui blessait la peau qu’elle n’était efficace sur son entrave. Au bout de quelques minutes, le jeune Ouisticram interrompit son labeur, le souffle court et les muscles endoloris. Il tourna la tête, pour voir où il en était, mais ses mains égratignées lui obstruaient la vue. Combien de temps allait-il devoir faire ça ? D’ailleurs, combien de temps lui restait-il avant que… Soudain, il se figea. Un bruit. Il était certain d’avoir entendu quelque chose. Le petit singe roux tourna la tête vers ce qui semblait être un couloir rocheux. Ça venait de là. Le bruit se reproduisit. Des pas. Quelqu’un approchait. Mais, le boyau minéral effectuant une courbe, il ne pouvait voir l’être qui s’avançait ainsi. Un frisson glacé parcourut l’échine du prisonnier. Ce devait être le propriétaire des lieux qui rentrait ! Et il était complètement bloqué : il n’avait nulle part où se cacher, dans cet antre circulaire, aucun endroit où fuir. Il ne pourrait même pas se défendre, il lui suffirait que l’humain le prenne par le cou pour le neutraliser complètement. Il était perdu. Alors que les bruits de pas se rapprochaient, le petit singe recula jusqu’à se retrouver dos à la paroi minérale. Il demeura ainsi, pétrifié, incapable d’effectuer le moindre mouvement…
N'hésitez pas à laisser des commentaires o/ |
| | | YunUroko
Écrivain
Nature : Calme
Niveau : 31
Exp : 166
| Sujet: Re: [Platine] Envers et contre tous Mer 16 Avr 2014 - 12:35 | |
| Vous l'attendiez tous (ou pas), voici... Le deuxième chapitre d' Envers et contre tous ! - Chapitre 2. Briser la glace:
Alors que le Ouisticram aurait juré qu’il s’était écoulé une éternité, tant sa peur faussait sa perception, l’individu apparut au détour du boyau rocheux. Un ample manteau fait d’une toile grossière dissimulait tout son corps, une capuche se chargeant de protéger la tête du climat parfois rude… Mais également des regards. C’est bien un humain, se dit le petit singe. Il remarqua la forme étrange que prenait l’habit, sur le côté gauche. Il se crispa, les yeux écarquillés. L’humain portait quelque chose d’assez volumineux de toute évidence, qu’il souhaitait soustraire à la vue des autres pour une raison ou pour une autre. Le propriétaire des lieux marqua un temps d’arrêt en voyant la natte vide. La tête encapuchonnée se redressa, pour se tourner vers la silhouette de la créature simiesque, toujours tétanisée. « Tiens, tu t’es enfin réveillé, » dit l’humain. Il avait parlé d’une voix neutre et légèrement aiguë. Il s’agissait d’une simple constatation, comme s’il s’était parlé à lui-même. L’individu ôta alors son capuchon. Le tissu révéla une femme qui commençait à être relativement âgée, au vu des rides visibles en certains endroits de son visage sévère. Sa longue chevelure grise, éclaircie par les années, était réunie en une haute queue de cheval et révélait de discrètes boucles d’oreille. De nombreuses mèches échappaient cependant au piège et lui retombaient sur la nuque. Et, tout comme cela avait été le cas avec sa voix, ses yeux gris perle ne recelaient aucune expression particulière. On dirait qu’elle est complètement indifférente à la réalité fut la première impression que le petit singe eut d’elle. « Ah, euh… Oui… » fut tout ce qu’il parvint à bafouiller. Il tremblait. La femme d’âge mûr n’y fit même pas attention. Elle s’avança jusqu’à un petit tas de bois, à côté de la table basse, et y déposa les branches qu’elle était allée chercher. Elle s’empara ensuite de deux rameaux parmi ceux déjà présents, qu’elle plaça dans le feu mourant. Aussitôt les flammes se jetèrent sur le bois sec qu’on leur offrait, avant d’attaquer une grosse bûche qui venait de s’ajouter. Ainsi ravivé, l’âtre offrit davantage de lumière, projetant des ombres déformées et ondulantes sur les murs. Mais la propriétaire des lieux s’était déjà détournée du foyer. Après s’être défaite de son manteau noisette, dévoilant un col roulé bleu marine, elle s’approcha de l’étagère. Elle prit un bol rudimentaire en bois et quelques baies –non sans faire trembler toute la structure du meuble-, puis s’empara également du gros couteau, dont la lame souillée luisait sinistrement à la lumière du feu. Le petit singe déglutit, se pressant davantage contre le mur, mais elle ne s’approcha pas de lui. S’installant à la table basse, elle commença à s’affairer, et la créature simiesque entendit de petits tapotements. Cependant, le dos de son hôtesse lui faisait obstacle, et il craignait trop de faire un geste malheureux en s’avançant vers elle. Une minute passa, durant laquelle seuls les craquements du feu et les raclements du couteau contre du bois furent audibles. Un instant, le jeune Ouisticram songea même qu’elle avait complètement oublié sa présence. Serrant ses poings entravés, il ouvrit et ferma la bouche. Il hésitait à briser le calme ambiant. « Euh… commença-t-il, peu sûr de lui. C’est vous qui m’avez sauvé ? - Oui. » Le silence retomba à nouveau. Apparemment, sa tentative pour engager la conversation n’avait pas été fructueuse… « Mais… Pourquoi vous m’avez attaché comme ça ? - Simple précaution. » Le petit singe avait à peine achevé sa phrase qu’elle lui avait répondu, avec toujours la même neutralité. « Une précaution ? Qu’est-ce que vous voulez dire ? - Au cas où il te serait venu à l’idée de me fausser compagnie pendant que je dormais ou que j’allais chercher ce dont j’avais besoin. - Mais… Mais c’est n’importe quoi ! Pourquoi je me serais enfui, d’abord ? - Ben voyons, répliqua-t-elle en laissant échapper un ricanement. Ne t’imagine pas que je vais te croire sur parole, gamin. - Mais, balbutia-t-il, je sais même pas où on est ! - Pour le moment, tu n’as pas besoin de le savoir. - … » Le jeune Ouisticram se renfrogna. L’humaine faisait tout pour couper court à la conversation. « Est-ce que je pourrais au moins connaître votre nom ? - Ca non plus, tu n’as pas besoin de le savoir. » La femme âgée posa le couteau à la lame effilée qui fit frissonner le petit singe. Se tournant enfin vers lui, elle posa alors un bol contenant une bouillie de baies sur la natte où il avait dormi. « Ca fait presque quatre jours que tu dors, alors dépêche-toi de manger. Et profites-en bien, ajouta-t-elle. Avec ce temps, y’a plus grand-chose qui pousse, et je dois déjà prendre sur mes réserves pour l’hiver. » Le Ouisticram se rassit sur la paille tressée, avant de lever la tête vers l’humaine. Elle le regardait avec un détachement stupéfiant. « Vous pourriez pas me détacher ? - Maintenant que t’es debout ? Et puis quoi, encore. - Mais, comment je fais pour manger, moi ? - Ce serait bien la première fois que j’entendrais parler d’un Ouisticram qui n’arrive pas à utiliser ses pieds comme des mains », rétorqua-t-elle. Comprenant qu’il n’arriverait pas à la faire changer d’avis, il obtempéra. Effectivement, ses pattes libres étaient bien assez habiles. Et lorsque la première bouchée atteignit ses lèvres, il se rendit compte qu’il mourrait littéralement de faim. « Comment tu t’appelles, gamin ? », demanda l’humaine une fois qu’il eût achevé son repas. Avant de répondre, le petit singe roux tenta d’enlever le jus de baie qui lui coulait le long du menton et des commissures des lèvres d’un coup de langue. Mais malgré ses efforts, il en restait. « Uranui, m’dame. - J’aimerais que tu m’expliques ce qu’un Ouisticram comme toi fait dans cette partie de Sinnoh. D’habitude, les membres de ton espèce ne quittent pratiquement jamais les montagnes. - Je… Je suis à la recherche de quelqu’un. » La femme haussa un sourcil. Néanmoins, Uranui n’aurait su dire si c’était de l’étonnement. « Vraiment ? Et c’est si important pour que tu partes de chez toi ? - Oui m’dame. J’ai pas arrêté de marcher et de chercher pendant des semaines pour ça. - Hum. » Pensive, l’humaine reprit le bol et entreprit de le nettoyer, tournant une nouvelle fois le dos à son invité. « Et qui est cette personne que tu veux absolument trouver ? Peut-être que je la connais. - Eh bien… Elle s’appelle Poerani Pureta. » La propriétaire des lieux se figea l’espace d’une seconde. Ses yeux s’écarquillèrent légèrement. Heureusement, le Ouisticram ne pouvait pas le voir. « Tu veux parler de l’ancien Maître de Sinnoh ? demanda-t-elle de son ton calme, en reprenant sa besogne comme si de rien n’était. - Oui, acquiesça le petit singe. - Ne dit-on pas qu’elle a disparu après sa défaite, et qu’elle est introuvable depuis dix-sept ans ? - Si, mais… - Mais toi, tu penses pouvoir mettre la main dessus. Alors que des centaines de personnes sont à sa recherche. - Ben… J’ai entendu des rumeurs disant qu’elle serait dans la région, alors… - Et pourquoi la cherches-tu, au fait ? » le coupa-t-elle. Ses mouvements s’accéléraient. Le bol était déjà impeccablement propre, mais elle ne s’en rendait pas compte. De plus, cela lui permettait de se contrôler. « Pour pouvoir toucher la prime pour sa capture ? - Mais non ! s’indigna Uranui. C’est pas pour la dénoncer aux autorités que je la cherche ! Au contraire ! » Il s’était redressé d’un bond, mais avait manqué de tomber à la renverse. Il n’avait toujours pas l’habitude de ses bras attachés. « Je veux la trouver pour vaincre Cynthia ! » *** Le vent s’était de nouveau levé, amenant avec lui son lot de nuages. L’accalmie avait été brève, et les rayons du soleil n’avaient pas eu assez de temps pour faire fondre la majorité de la neige. Pour preuve, une fine couche de glace restait en place à la surface du Lac Vérité. Fort heureusement, la grotte où se trouvaient Uranui et l’humaine, en plus d’être presque invisible depuis l’extérieur, était à l’abri des caprices du climat. Alors qu’une nouvelle chute de neige menaçait de tomber, deux silhouettes de grande taille bravaient les éléments. Si l’une d’elle se contentait de son plumage bleu nuit pour faire obstacle au froid, la seconde, elle, était emmitouflée dans une parka épaisse, une écharpe remontée jusqu’au nez, les mains à l’abri dans des gants et les yeux protégés par des lunettes de ski. Ce qui n’empêchait pas ses cheveux mi-longs, d’un brun très foncé, de se balancer au gré de cette brise glaciale. Le duo avançait précautionneusement, en faisant attention au moindre détail. « On dirait bien qu’on l’a perdu », prononça l’imposant oiseau au bout de plusieurs minutes. « De toute façon, avec la neige qui est tombée ces derniers temps, il est inutile d’imaginer pouvoir suivre sa piste… » L’humain garda le silence et continua sa marche prudente. Jouer les fatalistes ne les avancerait pas plus. Soudain, son regard alerte fut attiré par une tache de couleur qui se démarquait sur le tronc sombre d’un arbre. Il s’accroupit pour l’observer. Un mince sourire s’étira sur ses lèvres dissimulées par l’écharpe, tandis qu’il saisissait la touffe de poils roux. Au vu de la hauteur à laquelle ils s’étaient retrouvés, il n’avait que peu de doutes concernant la créature qui les avait perdus. « Non, nous sommes sur la bonne voie », dit-il en montrant sa trouvaille à son partenaire. Ils continuèrent leur route, jusqu’à atteindre la rive du Lac. En silence, les deux êtres parcoururent du regard l’étendue d’eau qui s’offrait à eux. L’autre berge était invisible, donnant l’impression qu’ils faisaient face à la mer. « Maintenant, nous n’avons plus qu’à attendre que notre charmant ami se manifeste à nouveau. »
Chapitre un peu plus court que le précédent... On entre doucement dans le vif du sujet ~♪ |
| | | Koukin
Écrivain
Nature : Prudent
Exp : 186
| Sujet: Re: [Platine] Envers et contre tous Mer 16 Avr 2014 - 19:07 | |
| Je crois deviner qui est la femme qui a recueilli Uranui. Je ne peux cependant pas deviner la suite, la brume de mystère autour du fonctionnement de la région n'est pas encore assez dissipé ~ |
| | | YunUroko
Écrivain
Nature : Calme
Niveau : 31
Exp : 166
| Sujet: Re: [Platine] Envers et contre tous Mer 16 Avr 2014 - 19:12 | |
| Oui, en même temps, c'est assez évident ^^" Pour le fonctionnement de Sinnoh, ce sera expliqué au fur et à mesure. Mais, ne t'en fais pas : je vais pas faire un gros bloc où je vais expliquer point par point quelle est la politique actuelle, etc... Même s'il y aura un passage assez économique, à un moment donné. |
| | | Koukin
Écrivain
Nature : Prudent
Exp : 186
| Sujet: Re: [Platine] Envers et contre tous Mer 16 Avr 2014 - 19:21 | |
| Oh, intéressant ~ J'aime les gens qui prennent le temps de décrire la situation socio-économique de leur univers. Que ce soit en bloc ou en tranches, ce genre de descriptions, j'en mange 20 au p'tit déj' ! |
| | | YunUroko
Écrivain
Nature : Calme
Niveau : 31
Exp : 166
| Sujet: Re: [Platine] Envers et contre tous Mer 16 Avr 2014 - 19:30 | |
| Je trouve que c'est toujours intéressant, pour bien comprendre l'univers d'une histoire. C'est notamment pour cela que Hiromu Arakawa est l'une de mes auteurs préférés. Que ce soit dans FMA ou Silver Spoon, elle prend le temps d'expliquer la situation. Je m'en suis notamment rendu compte lors de l'explication de la Guerre d'Ishbal, par Hawkeye et Roy Mustang (♥) |
| | | YunUroko
Écrivain
Nature : Calme
Niveau : 31
Exp : 166
| Sujet: Re: [Platine] Envers et contre tous Mar 22 Avr 2014 - 22:56 | |
| En exclusivité mondiale, voici le troisième chapitre d' Envers et contre tous ! - Chapitre 3. Douche Froide:
La réponse déterminée du jeune Ouisticram avait été suivie d’un étrange silence, que seul le crépitement du feu vint troubler. La femme âgée délaissa enfin le bol, et se tourna lentement vers le petit singe. L’incrédulité se lisait sur son visage jusqu’ici inexpressif, comme si le sens des mots d’Uranui lui échappait encore. « Vaincre Cynthia ? » répéta-t-elle, effarée. Ses lèvres s’étirèrent, se tordirent malgré elle, mais sa volonté vola rapidement en éclats de rire. Un rire sonore, qui lui venait du fond des tripes. Pourtant, le petit singe eut la sensation qu’il n’était pas entièrement sincère. « Arrêtez de rigoler ! protesta-t-il. Je suis très sérieux ! - Mais oui, c’est… Par Arceus ! » La femme d’âge mûr repartit dans son fou rire. Devant un tel comportement, Uranui ne savait plus quoi penser. « Hum, donc », dit-elle alors que sa crise se calmait. Tout en reprenant son souffle, elle essuya la larme qui perlait au coin de son œil. « Tu disais ? reprit-elle plus sérieusement. - Je veux battre Cynthia. - Mais oui, bien sûr, répondit-elle d’un ton cynique, en laissant échapper un petit ricanement. C’est beau de rêver… Et qu’est-ce qui te fait croire que cette Poerani pourrait t’aider à ça ? Mais qu’est-ce que je raconte : il faudrait déjà que tu la trouves ! On ne sait même pas si elle est toujours en vie ! - Ca se saurait si elle était morte ! Ils ne laisseraient pas passer une occasion pareille ! - Pas faux… grommela la femme en se retournant vers son bol. Bon, écoute, gamin. Si tu veux un conseil, rentre chez toi. - Quoi ?! » s’offusqua le petit singe. Il était abasourdi par la réaction de cette femme. D’abord elle jouait les indifférentes, puis se moquait de lui, et maintenant, elle le rembarrait ? « Pourquoi vous dites ça ? s’indigna-t-il. Je vous ai dit que je… - Je t’ai entendu et crois-moi, il vaudrait mieux pour toi que tu retournes d’où tu viens, l’interrompit-elle d’une voix sèche. En fait, il en vaudrait mieux pour tout le monde. - Comment pouvez-vous dire ça ? Je… Non, ça n’ira pas mieux ! Vous avez vu comment est le monde, dehors ? - Je sais très bien dans quel état il se trouve, et aussi à cause de qui il est comme ça, merci. - Alors… - As-tu réfléchi un peu avant de te lancer dans ta quête ridicule ? - Bien sûr que ou… » Il suspendit sa phrase. En vérité… Il s’était surtout engagé là-dedans par pur désespoir. Sans prendre le temps de songer à ses actes. Penaud, il baissa la tête. « C’est bien ce que je pensais, lâcha-t-elle. Il y a pourtant de nombreuses raisons évidentes qui font que ton objectif est hors de portée. - Qu’est-ce que vous racontez ? s’offusqua le petit singe. Je peux y arriver ! En plus, je suis sur une piste : je sais qu’elle est dans cette partie de Sinnoh ! - La belle affaire, tu ne fais que t’appuyer sur des on-dit ! Enfin bref, laisse-moi t’expliquer pourquoi ça ne peut pas marcher. Dix-sept ans se sont écoulés depuis que Cynthia est au pouvoir. Jusque là, tu me suis, n’est-ce pas gamin ? » Sans comprendre où elle voulait en venir, Uranui acquiesça. « Dans ce cas, poursuivit-elle, si ta Poerani était toujours en vie, pourquoi ne s’est-elle pas montrée ? - Parce qu’elle risquerait de se faire capturer. - C’est vrai qu’il peut y avoir ça, mais ce n’est pas là où je veux en venir. Pourquoi n’a-t-on plus entendu parler d’elle, même menant des actions contre les Infernaux ou prenant part à je ne sais quel acte de rébellion ? » Le jeune Ouisticram s’apprêta à répondre, mais sa voix tremblante n’avait plus la même détermination qu’il avait affichée quelques instants plus tôt. Le doute commençait lentement à s’immiscer en lui. « Peut-être… Peut-être qu’elle l’a fait, mais qu’ils ne l’ont pas dit ? - Ben voyons… Moi, je crois plutôt que c’est parce que cette vieille bique est incapable de faire face à ses échecs. Elle se terre dans son coin comme une lâche, et elle attend de payer pour ses erreurs. - C’est… C’est n’importe quoi ! s’écria le petit singe, choqué par la dureté de ses paroles. - Crois ce que tu veux. Maintenant, autre chose : est-ce que tu as fait attention lorsque tu cherchais des informations sur elle ? » Aussitôt, Uranui se ressaisit, pour affirmer avec force, chassant l’incertitude qui s’était emparée de lui : - Bien sûr que oui ! - C’est-à-dire ? - J’ai pris des précautions ! Par exemple, je posais pas des questions à n’importe qui. J’interrogeais surtout à des Pokémon nomades, vu que ce sont eux en général qui sont le plus au courant de ce qui se passe dans la région. - Tss… Enorme erreur, gamin. » Elle commençait à l’énerver avec ses gamins. En plus, il lui avait dit son nom. « Tu penses peut-être que t’es le seul à t’informer auprès de ces Pokémon-là ? lança-t-elle sèchement. La moitié d’entre eux sont des indics pour le compte des Infernaux. Même si tu as pris ce que tu appelles des précautions, tu peux être certain d’avoir été repéré par l’un d’eux. On t’a surveillé dès la minute qui a suivi ta première question concernant Poerani, j’en mettrai ma main au feu ! » Stupéfait, Uranui demeura muet. Il était pourtant certain d’avoir fait attention, et il n’avait pas eu l’impression d’être épié pendant tout son périple. En balbutiant, il demanda : « Et… Et alors ? - Et alors ? Tu cherches l’ennemi public numéro un, tu mets la moitié de la région au courant, et tu penses quand même pouvoir la trouver ? Sois un peu logique, gamin, tout ce qu’elle va faire c’est être encore plus discrète, et surtout ne pas entrer en contact avec celui qui la cherche. Parce qu’autrement, autant se jeter directement dans la gueule du Grahyena. » Les poils du petit singe se hérissèrent, tant il avait la sensation qu’on versait une pleine barrique d’eau froide sur son corps. Cette femme… Elle détruisait son dernier espoir sans la moindre pitié, tout comme des vents puissants se déchaînaient sur un frêle et malheureux esquif. Il était complètement désarçonné, mais son hôte poursuivit sur sa lancée : « Et maintenant, dernière question : qu’est-ce qui te fait croire qu’elle va accepter de t’aider ? - Je veux battre Cynthia, bredouilla-t-il, plus penaud que jamais. - Ca fait trois fois que tu me dis ça, gamin. Si tu veux espérer convaincre quelqu’un, tu ferais mieux de trouver quelque chose de plus solide. Surtout qu’avec un but pareil, tu peux être certain que même un fou ne te suivrait pas. - Mais… Mais Poerani Pureta est l’ancien Maître ! Si on battait Cynthia, ça lui ferait regagner son titre et oublier son échec ! » Le silence retomba, alors qu’Uranui, le souffle court, fixait son regard d’encre dans les prunelles immuables de la femme âgée. « Tu es pathétique », laissa-t-elle tomber, sans ciller. Le petit singe roux sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. La moindre parole de cette humaine le blessait aussi durement que si elle l’avait attaqué avec son couteau. Combien aurait-il donné pour avoir les mains déliées, pour se boucher les oreilles et ne pas avoir à entendre la nouvelle salve de mots qui s’annonçait ! « Regarde, gamin, tu viens toi-même de la donner. C’est l’ancien Maître. « Ca… Ca veut dire qu’elle s’y connaît en combats de Pokémon ! Elle pourrait m’apprendre de bons trucs ! - Oh, arrête ton char, ça veut dire ce que ça veut dire ! Elle a perdu face à Cynthia. Perdu. Point. - Mais rien ne l’empêche de gagner avec d’autres Pokémon ! » Alors même qu’il n’avait pas fini sa phrase, il regretta ses paroles. D’un coup, la propriétaire des lieux se leva et s’avança vers lui. Elle dominait le petit singe de toute sa hauteur désormais, pourtant moyenne pour un humain. Il était obligé de lever la tête pour rencontrer ses yeux gris perle. S’ils avaient été une arme, le jeune Ouisticram serait déjà mort. Il déglutit. « Gagner avec d’autres pokémon ? » Sa voix tremblait de fureur. Elle avait détaché chaque syllabe et gardait les poings serrés comme pour se retenir. « Tu veux dire, remonter toute une équipe en deux temps, trois mouvements, constituée de rookies comme toi qu’il faudrait former de A à Z et qui seraient CAPABLES DE REUSSIR LA OU SIX GUERRIERS D’ELITE ONT ECHOUE ?! » Elle le saisit brusquement par le cou et le plaqua contre la paroi. Sous le choc, il lâcha un cri. « Et encore, là, je ne parle que de ses Pokémon à elle. Mais Cynthia a tenu tête à TOUTE une région ! Elle a enchaîné le défi du Conseil des Quatre sans broncher, sans être une seule fois en difficulté malgré l’entraînement spartiate qu’on a entrepris durant les semaines avant qu’elle ne se présente à nous ! Et toi, tu viens me dire que TU PEUX LA VAINCRE AVEC MES CONSEILS ?! ESPECE DE… !! » Elle s’interrompit et lâcha brusquement le petit singe, qui retomba au sol en toussant. Alors que la femme se reculait en se passant une main sur le visage, ses mots se frayèrent un chemin jusqu’à l’esprit d’Uranui. Et il comprit. Il leva des yeux incrédules jusqu’à elle. « Ce… C’est vous… » La propriétaire des lieux lui tournait une nouvelle fois le dos, une main posée sur la roche des murs. « C’est… Vous êtes Poerani Pureta… - Rentre chez toi, gamin. - Je… Non ! » Il se releva. Sa détermination était revenue, en dépit de tout ce qu’il venait d’entendre. « Non ! Vous devez m’aider à battre Cynthia ! - Gamin, rentre chez toi, répéta-t-elle d’une voix plus dure et pressante. Je t’ai déjà expliqué pourquoi ça ne pouvait pas marcher. - Mais enfin ! Vous ne voulez pas changer tout ça ? Si vous restez là, rien ne va arriver, et… - Je vais finir par croire que tu es sourd. Tu as, quoi, trois ans, peut-être quatre ? - Presque quatre… - Voilà. Une raison supplémentaire. Tu es beaucoup trop jeune, à cet âge tu viens à peine de quitter les bras de ta mère. Alors, comment pourrais-tu supporter un entraînement intensif. Il m’a fallu quatre ans en tout pour rassembler mon équipe. Deux autres furent nécessaires pour vaincre le précédent Maître et remporter le titre. Nous avons été invaincus pendant douze ans, jusqu’à ce que quelqu’un de plus fort que nous arrive. J’ai joué et perdu. Cynthia, malgré ses méthodes et même s’il m’en coûte de le dire, mérite d’une certaine manière son titre. C’est la loi du plus fort. » Le Ouisticram était atterré. Il voulut dire quelque chose… Mais quoi ? Il avait l’impression que cette femme, Poerani puisque c’était elle, mobilisait toute sa volonté pour refuser, peu importe ce qu’il disait. « Donc, si j’ai bien compris, vous ne voulez pas m’aider. - C’est ça. - Alors, pourquoi vous m’avez sauvé ? - Je t’ai juste trouvé dans la neige. Je t’ai mis à l’abri le temps que tu te réveilles et que tu retrouves des forces. Les cordes, c’était au cas où tu étais un leurre des Infernaux. - … C’est vraiment ce que vous voulez, rester dans cette grotte sans rien faire ? » Elle se retourna, s’empara du gros couteau dans la foulée, puis se dirigea vers lui. Il recula, terrifié, mais la paroi rocheuse lui bloquait le passage. Il avait trop insisté, il allait le payer de sa vie ! Il ferma les yeux en serrant les dents, s’attendant à sentir la lame s’enfoncer dans son corps. Pourtant, il n’eut rien. D’un geste vif, la femme âgée lui attrapa les bras et les libéra de leurs liens. Le petit singe frotta instinctivement ses poignets meurtris, soulagé de voir qu’il était toujours en vie. « C’est exactement ça. En plus, franchement, tu t’es donné du mal pour rien. Si c’est défier Cynthia qui t’intéresse, il y a des dizaines de dresseurs qui sont déjà en route pour. - Mais vous êtes la seule à l’avoir déjà affrontée… bredouilla-t-il. - C’est pas mon affaire. Maintenant, gamin, pour la dernière fois : rentre chez toi. Ton clan doit s’inquiéter, sans parler de ta mère. » Uranui avait déjà effectué quelques pas lorsqu’elle prononça ces mots. Il s’arrêta et tourna la tête vers Poerani. Des larmes se formaient dans ses yeux, et malgré ses efforts pour les contenir, l’une d’elle roula sur sa joue. « Je… Je n’ai plus de maman. Ni de clan. Ils ont tous été tués ou capturés par les Infernaux. » La propriétaire des lieux haussa un sourcil. Son expression était redevenue indéchiffrable. « Et ? Tu n’es ni le premier, ni le dernier à qui ça arrive. » Les yeux d’Uranui s’agrandirent, tandis qu’il eut l’impression que cette dernière salve de mots lui avait transpercé le cœur. C’était bien plus douloureux et déchirant que si elle avait utilisé son couteau pour ça. Suffoquant sous l’émotion, les larmes s’échappant par flots, il se précipita en dehors de la grotte. La femme âgée poussa un soupir, soulagée d’en être enfin débarrassée. « Franchement… » Elle s’empara d’un morceau de poisson fumé sur l’étagère –qui trembla encore- et le mordit avec hargne. « Comme s’il allait régler le problème à lui tout seul. C’est bien les gamins, ça. » Alors qu’elle portait la main à sa bouche pour manger une autre bouchée, son regard se posa sur le lourd bracelet qui enserrait fortement son bras. Elle suspendit son geste. Ses traits durs et insensibles s’affaissèrent dans une expression de triste nostalgie, tandis qu’elle fixait le métal blanc. Elle soupira à nouveau. « De toute façon, même avec mon aide ça n’aurait rien changé. » *** Uranui dégringola le chemin escarpé qui menait à la grotte où se terrait l’ancien Maître. Il trébucha plusieurs fois à cause de sa vision troublée par les larmes. Mais il se relevait toujours. Il n’avait plus qu’une seule envie : s’éloigner le plus possible de cette horrible femme ! Ce n’est qu’une fois parvenu à la rive du Lac, distante de plusieurs centaines de mètres, que ses muscles encore affaiblis lui enjoignirent de s’arrêter. Le souffle court, il porta un regard sur l’étendue d’eau face à lui. Cependant, il voyait toujours flou. Complètement désespéré, il se laissa tomber sur une pierre, enfouit son visage dans ses mains. « Qu’est-ce que je vais faire, maintenant… » Murmura-t-il, encore secoué de sanglots. Alors qu’il se lamentait sur son sort, il n’entendit pas les craquements de la neige derrière lui. Pas plus qu’il ne vit les deux silhouettes qui s’approchaient doucement. De plus, le vent glacé lui venant de face, il ne pouvait percevoir leur odeur. Soudain, tandis qu’il reniflait bruyamment en essayant de ralentir sans grand succès l’avancée de son chagrin, la brise changea de direction. Deux senteurs inconnues lui agressèrent aussitôt les narines. Il se retourna d’un bond, pour faire face aux nouveaux venus. Tout son instinct lui hurlait que ces deux-là n’apportaient rien de bon.
Comme d'habitude, n'hésitez pas à me donner vos retours |
| | | Mimoze
Designer
Nature : Modeste
Niveau : 30
Exp : 1860
| Sujet: Re: [Platine] Envers et contre tous Mer 23 Avr 2014 - 18:36 | |
| Vous avez tous updaté pendant mes examens, c'est une conspiration Plus sérieusement, il était temps que je me signale comme lectrice. Ca me plait déjà, étant une grande fan des Nuzlocke qui explorent davantage l'univers Pokémon ! Et Sinnoh n'étant pas une région que j'affectionne, j'ai hâte de voir tous les nouveaux éléments que tu y as inséré (les Infernaux par exemple). Les explications sur l'environnement sont bien fluides et insérées dans le récit, je m'y perds parfois, mais ce doit être le malus de ne pas trop connaître cette région. Pour l'histoire, je ne peux pas dire grand-chose, du fait que tu dois instaurer les bases de ton univers, le début est lent (c'est pas une critique ), du coup c'est difficile de dire quoi que ce soit dessus, mais tu as l'air de savoir où tu vas, donc compte-moi dans tes lecteurs ! Bonne continuation ! |
| | | YunUroko
Écrivain
Nature : Calme
Niveau : 31
Exp : 166
| Sujet: Re: [Platine] Envers et contre tous Mer 23 Avr 2014 - 23:30 | |
| Oui, la mise en place est lente ^^" Pour te dire, l'aventure ne débutera véritablement qu'à la fin du chapitre 5. Et d'après mes calculs, je ne devrais pas parler du combat de la première arène avant le dixième ou onzième chapitre... Mais c'est comme ça, j'aime créer mes univers et les partager, donc forcément, ça ne se fait pas de suite.
En tout cas, contente que ça te plaise o/ |
| | | white shewolf
Écrivain
Nature : Calme
Exp : 1773
| Sujet: Re: [Platine] Envers et contre tous Mer 30 Avr 2014 - 11:44 | |
| Hum ! J'avais commencé ma lecture car l'apparence générale me plaisait(c'est un roman, pas une pièce de théâtre, ça suffit à me donner envie de lire généralement), mais je ne me doutais pas que je lirais un début d'aventure aussi complet et aussi bien écrit !
Ce début promet une histoire palpitante, réaliste (dans la mesure où on parle de pokémon, bien évidemment !) et empreinte de mystères, alors je pense que je vais continuer à la suivre !
bon courage pour la suite ! |
| | | YunUroko
Écrivain
Nature : Calme
Niveau : 31
Exp : 166
| Sujet: Re: [Platine] Envers et contre tous Mer 30 Avr 2014 - 14:45 | |
| Merci beaucoup ! Et voici le quatrième chapitre, rien que pour vous ! - Chapitre 4. Du plomb dans l'aile:
Alors que la brise continuait de souffler, les deux individus s’arrêtèrent dans la neige à quelques mètres du petit singe au pelage hérissé, et le toisèrent avec dédain. C’était du moins ainsi que le considérait l’imposant Pingoléon, avec son regard d’aigle. Les yeux de l’humain, eux, étaient dissimulés derrière les verres épais de ses lunettes de ski, rendant difficile de savoir ce à quoi il pensait. Le jeune Ouisticram, les yeux écarquillés par la peur, n’osait plus bouger. « Il paraît que tu cherches quelqu’un, petit » énonça l’empereur des glaces. Sa voix comportait un sifflement de mépris des plus désagréables. « Qu… Qui vous a dit ça… ? » demanda Uranui en bafouillant. Les dernières larmes avaient disparu dans son pelage, mais ce n’était pas pour autant qu’il se portât mieux. Tous ses poils roux étaient hérissés, ses yeux étaient écarquillés au maximum, il sentait l’adrénaline l’envahir. Il recula d’un pas hésitant. Cependant, le regard réprobateur que lui adressa furieusement le royal manchot le dissuada d’aller plus loin. « Allons, Heimoana. Tu mets notre ami mal à l’aise. » C’était l’humain qui avait prononcé ça, d’un ton calme et faussement amical. Il s’avança jusqu’au petit singe, et s’accroupit pour être à sa hauteur. Derrière lui, le Pingoléon détourna légèrement la tête, reconnaissant apparemment sa faute. « Navré, Mareto. L’habitude. » Le dénommé Mareto lui fit un signe de la main lui indiquant qu’il ne lui en tenait pas rigueur. Puis, il défit un peu l’écharpe qui lui enveloppait le cou, dégageant ainsi le bas de son visage entouré d’un mince collier de barbe. Enfin, il ôta ses lunettes de protection, et plongea son regard bleu-gris dans les pupilles d’encre de son interlocuteur. Il était jeune, peut-être la vingtaine. « Vois-tu, petit, il semblerait que nous cherchons la même personne. Alors, pourquoi ne pas mettre nos efforts en commun ? Nous serions plus efficace ensemble. » Le jeune homme lui tendit l’une de ses mains gantées, l’invitant à la serrer. « Qu’est-ce que tu en dis ? » Uranui ne répondit rien. Il savait, il sentait qu’il ne pouvait pas faire confiance à ces individus. Il considéra un moment la main tendue. « … Vous dites que vous la cherchez, mais… Pourquoi ? » Ce fut au tour de l’humain de demeurer silencieux. Finalement, un mince sourire apparut sur ses lèvres, et il se releva. « Voyons, cela me paraît évident. Il s’agit de la personne la plus recherchée de tout le pays. Si nous débarrassions Sinnoh de cette plaie, tout serait beaucoup plus simple. » Il reposa ses yeux sur le petit singe. Son sourire s’était empreint d’une touche de cruelle satisfaction sur le résultat à venir, si une telle chose venait à se produire. « Et il ne va pas sans dire que pour ta participation, tu seras grandement récompensé. - Je… Je ne sais rien. Je n’ai pas réussi à la trouver. » Mensonge évident, qui n’échappa ni au Pingoléon, ni au jeune homme. Surtout que, par réflexe, Uranui regarda furtivement la route par laquelle il avait quitté la grotte de l’ancien Maître. Ce que ne manqua pas de remarquer le duo face à lui. Heimoana prit alors la parole, d’une voix courroucée. « Tu risques gros en nous mentant, petit. Je te conseille de nous dire tout ce que tu sais. - Mais puisque je vous dis que je ne sais rien ! » Il avait été plus assuré en répétant ces mots, mais c’était trop tard. Personne n’était dupe. L’empereur des glaces s’avança vers lui, l’une de ses ailes recouvrant une gaine de métal, prêt à corriger ce petit impertinent. « Il faudrait vraiment que tu apprennes à ne pas brusquer les gens comme ça, Heimoana, dit le jeune homme en levant les yeux au ciel, mais avec une voix signifiant bien qu’il se moquait éperdument du comportement de son partenaire. Très bien petit, c’est ton droit de refuser. Et, puisque tu ne sais rien, je suppose que ça ne te dérangera pas si nous allons par là. » D’un mouvement de tête, il désigna l’endroit qu’Uranui avait inconsciemment regardé, quelques instants auparavant. Ses traces de pas étaient toujours visibles dans la neige, un véritable chemin balisé menant à la caverne où s’était établie Poerani. « Il n’y a rien là-bas, j’ai déjà regardé ! répondit précipitamment le petit singe. - Dans ce cas, tu ne verras pas d’inconvénient à ce que nous nous y rendions, n’est-ce pas ? » Là-dessus, l’humain lui adressa un petit signe de la main et commença à avancer, après avoir replacé ses lunettes sur ses yeux. Son partenaire impérial lui emboîta le pas, non sans avoir toisé une dernière fois le Ouisticram. *** A plusieurs centaines de mètres de là, Poerani assistait à la scène, les bras croisés. Elle s’était postée dans un coin de l’entrée de la grotte, de telle sorte qu’il était presque impossible de la voir depuis l’extérieur. « Tss… Et voilà, qu’est-ce que je lui avais dit… » Elle en avait assez vu. Elle tourna les talons et s’enfonça dans le boyau rocheux. Maintenant, il ne lui restait plus qu’à rassembler le peu qu’elle avait et quitter discrètement son abri. Heureusement, le chemin devenait plus escarpé sur les trois cent derniers mètres, ce qui lui donnerait un répit supplémentaire. Car, même si Poerani se doutait que ces deux personnes-là étaient bien (et même extrêmement bien) entraînées, jamais le Pingoléon, certainement le plus dangereux des deux, ne parviendrait à se déplacer avec aisance dans un tel environnement. Bien entendu, elle ne serait pas à l’abri d’une attaque, mais elle avait tout de même des chances de s’échapper sans trop de peine. Quant à l’humain… Elle ne savait pas. Il était tout à fait possible qu’il possédât une autre créature, plus adaptée à ce genre de terrain, et qu’il la lançât sur elle pendant qu’elle cherchait à s’enfuir. Cependant cela ne servait à rien de penser à de telles choses maintenant. Le duo serait là dans quelques minutes. Elle n’avait pas le temps de se lamenter sur les pièges possibles que lui réservait le destin. La femme âgée venait à peine de mettre son grand couteau dans un sac fait d’une toile grossière et de s’emparer d’un autre objet qu’un cri lui parvint du dehors. Elle tourna aussitôt la tête vers l’extérieur, en fronçant les sourcils. Qu’est-ce que c’était que… ? Un nouvel éclat de voix lui parvint, à une dizaine de secondes d’intervalle du premier. Suivi d’un autre, beaucoup plus rapproché. Poerani n’hésita pas : elle s’élança vers l’entrée de la grotte, sa main toujours refermée sur l’objet qu’elle s’apprêtait à ranger. L’ancien Maître s’immobilisa juste avant de dépasser l’arc de pierre qui ouvrait la falaise où elle s’était réfugiée. Elle n’en revenait pas. « Nom de… ! » dit-elle dans un souffle. *** Uranui s’était jeté sur le royal manchot, toutes griffes dehors, cherchant à lui lacérer le dos. Cependant, il ne parvint qu’à lui arracher quelques plumes, qui atterrirent sur la terre gelée. Sa tentative de rébellion n’avait pas échappé à sa cible. Alors que le petit singe était toujours suspendu dans les airs, le Pingoléon se retourna et frappa violemment son assaillant de son aile métallique. Le coup projeta la jeune créature contre un arbre, lui arrachant un cri de douleur lorsqu’il le percuta. Il chercha à se relever, juste à temps pour voir l’empereur des glaces exécuter une danse agressive avant de se précipiter sur lui. L’une de ses ailes à la gaine de métal fondit sur lui. Il parvint à l’éviter de justesse en effectuant un bond sur le côté, mais fut aussitôt cueilli par la deuxième arme, qu’il n’avait pas remarquée. Tandis qu’il s’écrasait une nouvelle fois dans la neige, de nombreuses entailles sur le corps, le partenaire humain de Heimoana secoua la tête. « Ah là là. Voilà qui t’apprendra à jouer contre plus fort que toi, petit, » dit-il d’un ton faussement déçu. D’un coup d’œil, il intima au royal manchot de baisser les armes. Ce dernier obtempéra d’un hochement de tête, laissant ses plumes revenir à leur état initial. Mareto s’avança alors jusqu’au petit singe roux, le fixa du regard. « Je te laisse une chance de reconnaître ton erreur. Sois reconnaissant, ce n’est pas dans nos habitudes de faire de telles fleurs aux gens. » Il s’interrompit, le temps que le jeune Ouisticram se redresse. « Eh bien ? » *** Il est fou. C’est ce que se dit l’ancien Maître en assistant à la scène en contrebas. Bon sang, il devait avoir compris qu’il s’agissait d’Infernaux ! Pourquoi avait-il choisi de faire quelque chose d’aussi stupide et vain, alors qu’il avait l’opportunité de poursuivre sa route comme si rien ne s’était passé ?! Cependant, cela ne servait à rien de fustiger de la sorte. C’était sa chance de distancer ses poursuivants. Elle ne pouvait rien faire d’autre à part profiter de cette diversion, elle n’avait rien pour se défendre. C’était sa vie contre celle du Ouisticram. Poerani poussa un soupir, et se retourna pour rentrer emballer ses dernières affaires. Mais, à peine fit-elle un pas qu’un bruissement lui parvint. Elle leva la tête, sur la défensive au cas où il s’agirait d’un piège. Son visage dur se détendit légèrement en constatant que la créature ne faisait aucun cas d’elle. Une idée germa alors dans son esprit. Elle porta ses yeux gris perle sur l’objet qu’elle tenait toujours en main, avant de reporter son regard sur l’être qui s’affairait au-dessus d’elle puis le combat à sens unique. Mais elle secoua la tête. Elle ne pouvait pas faire ça. Pourquoi devrait-elle le faire ? C’était lui qui s’était mis dans ce pétrin, qui était en train de lui apporter des ennuis, elle n’allait pas en plus s’en rajouter ! L’ancien Maître serra les dents, ses doigts pressant l’objet qu’ils gardaient prisonnier. Elle ne pouvait pas. Elle ne voulait pas. Un autre cri retentit, plus fort encore que les précédents. « Et merde ! » Lâcha-t-elle. Cela avait fini de la décider. *** Le petit singe roux s’était relevé, continuant de fixer l’homme devant lui. Il avait conscience qu’il ne faisait pas le poids, face à l’empereur des glaces. Il ne savait même pas ce qui lui avait pris. Peut-être la volonté de protéger quelque chose, afin de combler le fait d’avoir été inutile lorsque sa famille avait été en danger ? Il l’ignorait. Tout ce qu’il savait, c’était que si ces gens parvenaient à trouver Poerani, tout serait fini avant même d’avoir débuté. Il ne pouvait pas laisser cela arriver ! Uranui inspira à fond. S’il était complètement démuni face au Pingoléon, l’humain, lui, était bien plus vulnérable. Et il allait lui montrer ! Il recracha tout l’air de ses poumons sur Mareto. Mais aucune flamme n’en sortit, seul un nuage de fumée aussitôt emporté par le vent quitta sa gorge. Le petit singe écarquilla les yeux de terreur. Son corps n’était pas assez réchauffé. Il ne pouvait même plus compter sur son brasier intérieur. Il n’avait plus rien. Le jeune homme, d’abord surpris par l’initiative de la jeune créature, esquissa un geste de recul. Mais, en voyant l’offensive mourir dans l’œuf, il éclata de rire en se tenant les côtes. En revanche, son partenaire ne prit pas l’action avec autant de légèreté. Un filet d’eau quitta son bec entrouvert, pour recouvrir son corps renforcé en ondulant à la manière d’un serpent. Fier de cette armure aqueuse, le royal manchot se propulsa jusqu’au Ousticram dissident, et le percuta de plein fouet de ses plumes métalliques. Uranui fut une nouvelle fois projeté au loin, roulant jusqu’à la berge du Lac. Il releva la tête avec difficultés, le souffle court. Ses bourreaux s’avançaient. Il ne pouvait plus fuir. « Tu m’as bien eu, petit ! dit le jeune homme. Franchement, j’y ai cru ! Dommage pour toi, tu m’as bien fait rire. Mais que veux-tu : les ordres sont les ordres et quiconque s’oppose aux Infernaux doit le payer. Même un jeunot comme toi. » Mareto adressa un hochement de tête à son coéquipier. Le Pingoléon acquiesça et s’approcha de la créature simiesque. Il ne s’arrêta qu’une fois à quelques centimètres de lui, le fixa de son regard courroucé et hautain. Ses plumes adoptèrent un éclat sinistre et dur, à l’instar de la gaine métallique qui les avait enveloppées. L’empereur des glaces leva son aile, la suspendit dans les airs. Uranui ferma les yeux, baissa la tête. Une larme perla au coin de son œil. C’était fini.
|
| | | YunUroko
Écrivain
Nature : Calme
Niveau : 31
Exp : 166
| Sujet: Re: [Platine] Envers et contre tous Lun 12 Mai 2014 - 13:13 | |
| Et voici, avec un peu de retard, le cinquième chapitre ! - Chapitre 5. Le début de la fin:
Au moment où l’aile métallique s’apprêtait à s’abattre, une flèche d’ébène jaillit du ciel nuageux, droit sur le petit singe. Deux serres agrippèrent son corps affaibli par le combat et le voyage, pour aussitôt s’élever en direction de la voûte grise dans un bruissement de plumes. Heimoana n’eut pas le temps de corriger son geste. Sa lame s’enfonça dans le sol gelé, effleurant les plumes caudales de l’intrus. Il releva aussitôt la tête, surpris d’avoir manqué une cible aussi aisée à atteindre. L’oiseau de jais, qui emportait son pathétique adversaire, était déjà éloigné de plusieurs dizaines de mètres, au-dessus du Lac. Furieux de s’être fait avoir de la sorte, le royal manchot se redressa, inspira un grand coup. Ainsi, il pensait être en sécurité parce qu’éloigné de lui ? Grossière erreur ! Mais, alors qu’il était sur le point de cracher son attaque, un éclat de voix jaillit derrière lui. « Heimoana, attends ! » Trop tard. Un geyser fulgurant s’échappa du bec de l’empereur des glaces, filant droit sur l’oiseau qui s’enfuyait en emportant son précieux fardeau. La pression était telle qu’il avait dû reculer pour accuser le coup, ses pattes s’enfonçant dans le sol et ployant sous le poids qui venait brusquement de s’ajouter. Heureusement, l’imposant Pingoléon réussit à détourner la tête, déviant ainsi la trajectoire de la colonne d’eau. Au lieu de toucher sa cible, le liquide propulsé termina sa course contre le carcan glacé qui paralysait le Lac. Sous le choc, la surface pétrifiée se disloqua en plaques, libérant pour un temps l’étendue d’eau de sa prison d’hiver. Quelque peu essoufflé par la puissante attaque qu’il venait d’employer, le royal manchot se retourna vers son partenaire humain, abasourdi par ce qu’il venait de lui demander. « Pourquoi m’as-tu arrêté ?! Ils sont en train de s’enfuir, Mareto, alors que j’aurais pu les toucher en plein vol ! Je croyais qu’on devait suivre les ordres ! - Sauf que les ordres ont changé. - Mais qu’est-ce que tu racontes, enfin ! » s’écria le Pingoléon en fronçant les sourcils sur ses yeux courroucés. Un sourire amusé aux lèvres, le jeune homme bien emmitouflé s’avança jusqu’à être à la hauteur de son acolyte, en bordure de la berge. « Dis-moi, depuis qu’on est dans cette partie de Sinnoh, combien de Pokémon a-t-on croisé ? - Quelle question ! Avec un froid pareil, on pourrait les compter sur les doigts d’une seule de tes mains ! Mais ça n’a aucun rapport avec notre affaire ! - Bien au contraire, Heimoana, bien au contraire, chantonna l’humain d’un air enjoué. Compte tenu de cela, quelle est, à ton avis, la probabilité pour qu’un Pokémon, qui plus est inconnu pour notre petit ami, lui soit venu en aide ? - Eh bien… » Le royal manchot s’interrompit. Il regarda son partenaire humain, puis l’oiseau au sombre plumage, qui n’était plus qu’un point à peine perceptible au loin. Il venait de comprendre le raisonnement de Mareto. « Oh… - Et oui. Il a dû être envoyé par quelqu’un… Et vu l’état dans lequel s’est mis ce Ouisticram quand on a commencé à lui poser quelques questions, il n’y a aucun doute sur l’identité de cette personne. » L’imposant Pingoléon hocha la tête, appuyant son hypothèse. Satisfait, les lèvres toujours étirées en un grand sourire, le jeune homme brun tourna les talons et commença à rebrousser chemin. « Hey ! l’interrompit son partenaire. Où est-ce que tu vas ? Si c’est bien Poerani Pureta, alors on peut la capturer maintenant ! - Allons, mon cher Heimoana, pourquoi se presser ? demanda Mareto en écartant les bras. Elle a dû bouger en nous voyant, ça ne servirait à rien qu’on gaspille notre temps à la chercher. Et puis, je mettrais ma main à couper qu’elle a contracté avec ce Pokémon oiseau. Le Magicarpe est ferré, on ne va pas tarder à entendre parler d’elle, crois-moi. Laissons-la donc venir à nous. Et, ce jour-là… » Il se tourna vers son acolyte. Son visage s’était assombri d’un seul coup, et s’il avait toujours son sourire aux lèvres, celui-ci était empreint d’une impitoyable cruauté, qui fit frémir le royal manchot. « Tu peux être certain que je veillerai personnellement à ce qu’elle soit détruite. Sur mon honneur de Fiélon, j’en fais le serment. » Quand les deux serres se fermèrent sur son corps affaibli, Uranui fut persuadé qu’ Yveltal le Spoliateur était en train de s’emparer de son existence. Il n’avait pourtant pas senti le métal froid de l’aile de son bourreau sur sa chair, mais peut-être était-ce parce qu’en emportant son âme, le Rapace Mortel avait annihilé les dernières souffrances de sa courte vie. Il ne savait pas, et honnêtement le petit singe roux s’en fichait. Tout ça n’avait plus d’importance. Il n’avait pas réussi à convaincre Poerani de l’entraîner, et n’avait même pas été capable de se défendre seul. La femme âgée avait raison, s’occuper de lui n’aurait été qu’une perte de temps. C’était d’autant mieux qu’il parte… Le jeune Ouisticram ouvrit enfin les yeux, persuadé qu’un paysage onirique s’offrirait à lui, le temps que le Dieu de Mort le ramène auprès d’Arceus… Mais c’est avec étonnement qu’il vit une surface gelée défiler en-dessous de lui. Celle du Lac Vérité, emprisonné par l’hiver. Il… Il était toujours en vie ? Mais comment était-ce possible ? Et si ces serres n’appartenaient pas à Yveltal, alors qui ? Abasourdie, la créature simiesque releva la tête. C’était bien un oiseau, mais qui était ridiculement petit par rapport au Dieu Funeste. Ses plumes cendrées étaient agitées par le vent, ses ailes aux extrémités d’encre battaient régulièrement l’air, afin de se maintenir en altitude et d’avancer à bonne vitesse. Sentant que son passager bougeait, l’oiseau baissa rapidement sa tête étoilée de blanc et surmontée d’une huppe d’ébène, lui accordant un bref regard. « Accroche-toi, dit-il, il n’y en a plus pour longtemps. Je fais juste un détour pour brouiller les pistes. » Uranui ne comprit pas. Brouiller les pistes ? Que voulait-il dire ? Et qui était-il, pourquoi l’avait-il sauvé ? Mais, alors qu’il s’apprêtait à lui poser toutes ces questions qui lui venaient à l’esprit, l’Etourvol le devança, de sa voix acérée : « Je ne fais pas ça de gaieté de cœur, alors ne rends pas ça plus pénible avec des questions. C’est clair ? - Ah euh… Oui… » bredouilla le petit singe, troublé. Les propos de l’oiseau cendré ne firent qu’ajouter à sa confusion. Pourquoi l’avoir sauvé d’une mort certaine, s’il n’en avait pas eu l’envie ? Alors qu’ils avaient presque atteint la rive opposée du Lac, les questions ne faisaient que se multiplier dans l’esprit perdu d’Uranui. *** Après avoir volé au plus près de la cime des arbres meurtris par le froid et effectué une boucle les ayant ramenés vers la grotte de l’ancien Maître, l’Etourvol avait enfin déposé son précieux fardeau, qui s’affala dans la neige, avant d’atterrir lui-même sur une branche proche. Les jambes chancelantes après ce baptême de l’air et la Mort qu’il avait frôlée, le petit singe s’assit, en se massant la peau blessée par les serres. Il était sur le point de demander des explications à l’être aérien quand une silhouette humaine apparut d’entre les arbres. Inquiet, le visage du jeune Ouisticram se détendit légèrement en constatant qu’il s’agissait non pas du jeune homme brun, mais bien de Poerani Pureta. Celle-ci parut un bref instant soulagée de le voir vivant… Mais bien vite, une expression sombre et fatidique envahit son visage. Se pinçant l’arête du nez, comme si elle n’arrivait toujours pas à croire ce qu’elle avait fait, l’humaine s’approcha de l’arbre sur lequel l’oiseau aux plumes de cendre s’était posé. « Je suis vraiment navrée de t’avoir obligé à faire ça, Etourvol. J’aurais préféré que ça se passe autrement… - Mais non voyons, on va pas en faire un drame, fit-il d’un ton cynique. Après tout, ce n’est pas du tout comme si on m’avait enchaîné à vie sans me demander mon avis pour sauver celle d’un petit avorton. - At… Attendez ! Vous dites que vous auriez préféré me laisser mourir ?! s’écria Uranui, effaré. Mais comment vous… - Décidément, gamin, tu comprends tout de travers, rétorqua l’ancien Maître, accompagnant sa réponse d’un regard inquisiteur. Je ne regrette pas de t’avoir sauvé la vie, encore que tu n’as pas l’air très reconnaissant. Ce que je regrette, c’est ce que j’ai dû faire pour que tu ne meures pas. » Là-dessus, la femme âgée tendit sa main revêtue d’un vieux gant noir aux coutures dorées en direction de l’Etourvol. Un instant plus tard, l’oiseau fut auréolé de vermeil, avant de se dématérialiser en direction de la paume de l’humaine. Les doigts de Poerani se refermèrent sur la capsule de la grosseur d’une balle qui venait de se former, et la montra au petit singe roux. Une étoile blanche renversée surmontée d’une huppe d’ébène, identique à celle arborée par l’oiseau de cendre, se détachait très nettement du métal rouge au-dessus du bouton d’ouverture. « Pour que je te sauve, il a fallu que je passe un contrat que je ne peux pas annuler avec cet Etourvol. Tu peux t’estimer chanceux qu’il ait fait son nid non loin de ma caverne, sinon tu ne serais plus là pour te plaindre. » Alors qu’elle lança la sphère dans les airs, qui redevint l’oiseau courroucé, le jeune Ouisticram pencha la tête sur le côté. « Et… Et alors ? - Alors, répéta-t-elle en soupirant, comme pour s’empêcher de se mettre en colère. Ca veut dire que je suis désormais une Dresseuse en sursis. J’ai une semaine pour me déclarer au Bureau d’Inscription le plus proche. Sinon, je serai traquée en tant qu’Illégale. - Sans compter que je suis maintenant obligé de vous suivre dans votre truc à deux pokédollars, ajouta l’Etourvol en grinçant. - Je peux peut-être trouver un hacker qui pourra défaire ton contrat à Féli-Cité, suggéra Poerani. - Mouais, je suis pas plus convaincu que toi, l’humaine. Et si je dois te coltiner pendant tout ce temps, autant que tu m’appelles par mon nom, Tuira. Parce que bon, les Etourvol, ça va bien cinq minutes, mais je tiens à mon individualité ! » Le petit singe allait de l’un à l’autre, au fil de leur conversation. Il n’en revenait pas… Est-ce que cela voulait bien dire que… ? « Mais du coup, qu’est-ce que je fais ? - Il va falloir que tu deviennes plus loquace, gamin, là c’est pas possible, s’écria l’ancien Maître, qui semblait être en train de perdre la patience qu'il lui restait. Tu voulais te battre contre Cynthia avec mon aide, non ? Dans ce cas, vu que c’est de ta faute si je suis embarquée dans cette galère, je ne vais pas te lâcher aussi facilement ! » Elle sortit une autre sphère, non marquée, de sa poche, et la jeta aux pieds de la créature simiesque. « Tu vas passer un contrat avec moi. Et à partir de ce moment-là, tu devras faire tout ce que je t’ordonne. C’est ce que tu voulais, non ? » Uranui considéra la capsule vierge dans la neige, incrédule. Elle avait si rapidement changé d’avis, c’en était déroutant... Mais il chassa bien vite cette pensée de son esprit. Elle avait enfin accepté de l’aider, maintenant c’était à lui de lui montrer qu’il était prêt à tout pour ça ! Et la première chose à faire, c’était de renoncer à sa liberté. Déterminé, il posa sa main sur le globe bicolore. « Oui, » dit-il d’une voix assurée. Il pressa le bouton. La sphère se scinda en deux, libérant une lumière aveuglante qui l’enveloppa dans un carcan étincelant. L’instant d’après, il disparut à l’intérieur de la capsule, au sommet de laquelle une flamme à base de spirale se dessina. *** L’aube glacée avait à peine commencé à lever le voile de la nuit, le lendemain, que deux silhouettes quittèrent précautionneusement la caverne où s’était terrée Poerani pour atteindre la berge. « On était vraiment obligés de partir si tôt… fit Uranui en se frottant les yeux. - Gamin, j’ai déjà accepté de t’entraîner, alors tu vas pas déjà commencer à te plaindre, » répliqua l’ancien Maître d’une voix sèche. Elle était tendue, les sens en alerte, prête à réagir à la moindre menace. Le duo de la veille pouvait très bien être encore dans les parages, prêt à les cueillir. Ils devaient redoubler de vigilance. Un point sombre, presque invisible dans la voûte encore perlée, s’approcha alors à grande vitesse par la voie des airs. La femme âgée se détendit à moitié lorsque l’Etourvol se posa sur une pierre à côté d’elle, en se lissant les plumes. « Alors, Tuira ? - J’ai fait deux fois le tour, pas le moindre signe d’un campement ou des deux d’hier. Ils ont dû filer. » Poerani poussa un soupir de soulagement. C’était toujours ça de pris, même si elle se doutait qu’ils ne lâcheraient pas l’affaire aussi facilement. « Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? demanda le petit singe roux. - Maintenant, on marche, » annonça l’humaine en sortant une vieille carte de sa poche intérieure. Une fois dépliée, elle montra deux points successivement. « Pour le moment, nous sommes ici, au Lac Vérité. Si mes souvenirs sont bons, le plus proche Bureau d’Inscription se trouve à Féli-Cité. Le problème, c’est que la ville est à plus de huit jours de marche, alors que nous n’en avons que six pour l’atteindre. - Génial, c’est déjà foutu… Marmonna l’oiseau de cendre. - Mais, il n’y a pas ces transports, que vous avez chez les humains ? suggéra Uranui. - Non, c’est trop risqué. Il y a souvent des contrôles, et pour un peu que quelqu’un me reconnaisse, on n’ira pas bien loin. En revanche, on a une autre solution. » La femme âgée pointa un endroit sur la carte, à mi-parcours de leur destination. « On pourra obtenir un certificat provisoire à Littorella, qui est à trois jours de marche. Ca nous accordera un sursis supplémentaire, largement suffisant pour ensuite gagner Féli-Cité. - Ah… Mais, euh… Pourquoi on irait pas là ? fit le jeune Ouisticram en mettant son doigt sur Bonaugure. - Parce qu’il n’y a presque plus personne là-bas depuis un bail, le morveux, grinça Tuira. Juste quelques vieux qui attendent leur tour. - Oui, et ce serait trop risqué de nous y rendre pour d’autres raisons, » ajouta l’ancien Maître en rangeant sa carte. Elle se releva en étirant son dos qui commençait à souffrir de l’âge, pour ensuite ajuster son sac de toile où elle avait mis le strict nécessaire. Elle ferma les yeux un bref instant. Si on lui avait dit qu’à cinquante-et-un ans, elle se réembarquerait dans un tel voyage, elle aurait ri au nez de la personne qui aurait sorti une sottise pareille. Sauf que maintenant, ça n’avait plus rien d’une blague. Réajustant sa vieille écharpe élimée autour de son cou et refermant son manteau, elle donna enfin le signal du départ. « Allons-y. »
- Remarques:
Alors, je sais ce que vous allez me dire concernant Tuira. Je vous rassure : je ne l'ai pas capturé direct en tant qu'Etourvol ingame. Cependant, il ne s'était rien passé de bien important jusqu'à son évolution sur la route de Charbourg, et au vu de la manière que j'ai choisie pour raconter les événements, il était plus intéressant qu'il soit déjà à son premier stade d'évo. Et puis, de toute façon, c'est moi qui écris et pis c'est tout :p Puis bon, sinon, Mareto aurait un simple Tiplouf, pas un Pingoléon... Et pourquoi je continue encore de me justifier, moi ?
- Captures:
Route 201 : Ouisticram ♂ lvl 5 (Uranui) Brave, a horreur de perdre Rive Vérité : Etourmi ♂ lvl 2 (Tuira) Mauvais, souvent dans la lune
|
| | | Koukin
Écrivain
Nature : Prudent
Exp : 186
| | | | white shewolf
Écrivain
Nature : Calme
Exp : 1773
| Sujet: Re: [Platine] Envers et contre tous Lun 12 Mai 2014 - 19:53 | |
| wah, c'est tellement loin d'un roman pokénuz standard ! c'est vraiment super intéressant, tout ce petit monde qui se dessine peu à peu... Encore ! |
| | |
| | | | | [Platine] Envers et contre tous | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|